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Comment la Guadeloupe est devenue une machine à produire des joueurs de haut niveau

Georges Bengaber est la cheville ouvrière du club de l’ASC Ban-é-Lot, célèbre pour avoir sorti Jim Bilba et Jérôme Moiso. C’est aussi le responsable technique du Pôle de la Guadeloupe, une île de seulement 400 000 habitants mais qui est peuplée de futurs basketteurs de haut niveau. Rappelons que cin

mike pietrus

Georges Bengaber est la cheville ouvrière du club de l’ASC Ban-é-Lot, célèbre pour avoir sorti Jim Bilba et Jérôme Moiso. C’est aussi le responsable technique du Pôle de la Guadeloupe, une île de seulement 400 000 habitants mais qui est peuplée de futurs basketteurs de haut niveau. Rappelons que cinq Guadeloupéens ont joué en NBA : Rodrigue Beaubois, Mickaël Gelabale, Jérôme Moiso, Johan Petro et Mickaël Pietrus. Un record national pour un département. Sans parler de Rudy Gobert dont le père Rudy Bourgarel est originaire de l’île.

Georges Bengaber est un personnage central de la formation française et mérite que BasketEurope lui tende un micro.

L’interview est en deux parties.

Quel est votre parcours ?

Je suis parti en métropole pour des études en 1971 et j’ai rencontré Robert Monclar (Ndrl : ancien international, père de Jacques) sur l’un des terrains de Romainville et il m’a invité à venir au Racing Club de France là où il était dirigeant. J’ai été pris tout de suite dans l’équipe et j’y ai joué pendant six ans avant une grave blessure au genou. J’ai été sollicité par le ministère de l’intérieur qui voulait que je joue avec eux, je me suis dit que je préférai passer mes diplômes, préparer mon avenir, et continuer en Nationale 3 avec la Préfecture de Paris.

Vous n’étiez pas beaucoup de Guadeloupéens à l’époque dans les championnats de la métropole ?

Non, mais il y avait Jacques Cachemire qui était notre tête de pont, à Antibes et en équipe de France. Il a voulu un moment que je le rejoigne à Antibes mais le président du Racing ne voulait pas trop et comme j’ai connu cette blessure j’ai préféré assurer mes arrières et continuer mes études en informatique. J’avais encore quelques séquelles au genou.

Quand êtes vous retourné en Guadeloupe ?

En février 1979. Le club de Ban-é-Lot existait depuis dix ans créé par Jacques Cicofran. J’ai joué un an et demi avec eux. Il était naturel que je revienne chez moi pour rendre un peu ce qu’ils m’avaient donné. J’ai été joueur jusqu’en 1986 et après j’ai été entraîneur jusqu’à maintenant. Je me suis juste arrêté un an ou deux avec l’équipe senior car j’étais un peu fatigué, saturé. Je suis revenu et nous avons fait de belles choses encore. Il y a deux ans j’assistais un coach pour l’équipe première. Et puis j’ai occupé la fonction de trésorier. Une mutation était en train de se faire car les collectivités ne donnaient plus d’argent et tout le monde avait comme objectif de développer le mécénat. Sans moyens notre club qui est formateur n’avait pas la possibilité de jouer les premiers rôles comme au début quand il y avait les aides de la municipalité, du département et de la région. C’était des équipes de communes faites pour valoriser celles-ci. A Pointe-à-Pitre nous sommes cinq clubs et la municipalité n’avait pas la possibilité de donner les mêmes moyens à chacun comme peut le faire une municipalité avec un seul club.

Par qui avez vous été formé comme entraîneur ?

J’ai été formé par les frères Buffière (Ndlr : André et Maurice). Je continue à aller voir ce qui se passe à l’extérieur. Je me suis beaucoup inspiré de la Yougoslavie, je suis allé au dernier championnat d’Europe là-bas (Ndlr : à Belgrade en 2005), d’ailleurs je les ai tous fait. Au mois de septembre, je suis allé quinze jours à Atlanta pour faire travailler mon fils (Ndlr : Grégory, qui est espoir au Mans) et pour apprendre. Et au retour je raconte à mes coaches tout ce que j’ai vu de bon, je mets des programmes au point au Pôle ce qui nous permet d’être à la page. Il n’y a rien de nouveau dont je n’ai pas connaissance et j’en fait profiter les petits au Pôle.  Je suis responsable de la formation des jeunes au Pôle et Patrick Cham qui est CTS me donne carte blanche.

Quelles sont les structures d’accueil de votre club ?

Nous nous entraînons une fois la semaine au hall des sports de Pointe-à-Pitre qui est resté fermé pendant cinq ans pour une reconstruction. Le reste du temps, on va trois fois au CREPS Antilles-Guyane. C’était déjà le cas à la création du club quand c’était le seul terrain couvert qui existait. Et pour la préparation physique on va sur le terrain municipal des Abymes (…)

« Le basket est le troisième sport. Le premier c’est le cyclisme et le deuxième le football. »

Le basket est-il populaire auprès des jeunes Guadeloupéens ?

Le basket est le troisième sport. Le premier c’est le cyclisme et le deuxième le football. Nos jeunes ont du talent ! Et puis avant la formation était laissée à des anciens qui avaient des connaissances et qui offraient leurs services à l’association, alors qu’aujourd’hui il y a des jeunes, un certain travail se fait au niveau de la ligue de basket. J’ai été pendant quatre ans le responsable de sa commission technique et je faisais venir des cadres nationaux qui animaient des colloques, des séances de travail, des stages. Aussi la formation des joueurs est meilleure vis à vis d’il y a quelque temps.

Sont-ce les jeunes qui viennent à vous ou faites-vous de la détection ?

La détection se fait dans les écoles. A Ban-é-Lot, on a une cellule de détection qui fréquente les écoles de Pointe-à-Pitre. La semaine dernière, nous avons mis en place une détection dans les jardins de Guadeloupe 1ère, la radio locale. On a évalué une dizaine de jeunes qui vont alimenter nos équipes garçons et filles entre six et dix ans.

De quel milieu social viennent vos jeunes ?

C’est dans la moyenne. Ceux qui viennent d’un milieu social plus élevé n’ont pas plus de chances que les autres. Si l’enfant est en difficulté au niveau de l’école, on met en place des organisations pour les aider. On peut demander des primes au niveau Conseil Régional pour les parents, on peut les inscrire sur la liste haut niveau.

« Il y a de moins en moins de talents qui se perdent »

Comment expliquer que la Guadeloupe, qui est une petite île, ait sorti autant de très bons joueurs. Les gens sont faits pour le basket ?

Il y a une prédisposition. Les enfants sont naturellement sportifs, il y a la coordination. Cela fait huit ans que je suis responsable de la commission technique à la Ligue et je constate que la détection se fait à partir de onze ans. Pour constituer l’équipe U13 de Guadeloupe qui va partir au tournoi international de Pace, il y avait quarante-huit jeunes. Il y aura un deuxième rassemblement le 3 décembre. De ces quarante-huit il va en rester une vingtaine que l’on va faire travailler au CREPS avec les cadres de la commission technique du Pole Guadeloupe. Fin janvier, début février, on aura une sélection de quinze joueurs et ensuite dix partiront à Pacé (Ndlr : EuroPacé Basket, plus grand tournoi d’Europe pour les U13, les 1er er 2 avril, qui a accueilli Nicolas Batum, Thabo Sefolosha, Rodrigue Beaubois ou encore Alexis Ajinça).

Après ce tournoi, que se passe-t-il ?

Au retour on fera revenir les quinze pour continuer à travailler. Ils seront de nouveau évalués au tournoi Antilles-Guyane qui a lieu une fois en Martinique, une fois en Guadeloupe et une fois en Guyane. Parmi les douze meilleurs, six ou sept pourront postuler pour aller au Pole Guadeloupe. Ils y travailleront pendant deux ans sous la responsabilité de Patrick Cham et de là sortiront les meilleurs, ceux que vous voyez. Depuis huit ans que je suis là, chaque année on a un ou deux joueurs postulant au Pole France.

Si l’on compare avec votre époque, on peut constater d’énormes progrès dans la formation des basketteurs guadeloupéens et dans la perspective d’en faire ensuite une profession ?

Il y a de très gros progrès. Je n’ai pas connu cette filière là. Avec ce qui a été mis en place à la ligue, vous êtes suivi depuis l’âge de dix ans, un travail est fait, les sélections se font ensuite. Vous allez au Pôle Guadeloupe et là vous êtes repérés par les structures des équipes de France. Il y a de moins en moins de talents qui se perdent. On a vu un petit bonhomme de 2,02m qui n’était pas licencié, qui était cycliste, on s’est rendu compte qu’il avait des possibilités et il est rentré au Pôle cette année. Il fait de gros progrès et certainement il va être pris par un centre de haut niveau ou peut-être même par la Direction Technique Nationale.

Il y a plus de grands en Guadeloupe que dans les départements de la Métropole ?

Cette année on en n’a pas eu beaucoup mais il y a des promotions où l’on a beaucoup de jeunes de onze ou douze ans à 1,90m. Ce n’est pas régulier. J’ai vu que c’est pareil en Métropole, il n’y a pas de big men cette année.

La Guadeloupe reste le département qui proportionnellement a produit le plus de basketteurs de haut niveau ?

Exactement, par rapport à la Guyane et à la Martinique. Les gens se demandent comment on fait. Des envoyés de la Direction Technique sont venus nous voir travailler. M. Nordine Ghrib de Villeurbanne s’étonnait de ça, il est venu nous voir travailler aussi et maintenant il dit « j’ai compris ! ». En Guadeloupe, nous avons bien quatre ou cinq ans d’avance sur les autres départements.

La suite est ici.

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