Aller au contenu

La génération Ntilikina vue par son coach

Après nous avoir raconté l’Euro U18 de l’intérieur, le coach Tahar Assed-Liegeon nous parle des Bleuets et de leurs deux leaders, Frank Ntilikina, le MVP de la compétition, et Sekou Doumbouya élu dans le cinq all-stars à 16 ans.

Après nous avoir raconté l’Euro U18 de l’intérieur, le coach Tahar Assed-Liegeon nous parle des Bleuets et de leurs deux leaders, Frank Ntilikina, le MVP de la compétition, et Sekou Doumbouya élu dans le cinq all-stars à 16 ans.

Les joueurs se sentent-ils observés, sont-ils sensibles au fait que leur prestation peut entraîneur des variations importantes dans leur carrière ?

C’est peut-être ça que l’on ne perçoit pas suffisamment… L’important c’est de dédramatiser l’événement qui est quand même une manière d’être présent sur une compétition majeure de leur âge alors qu’il y a une présence de gens qui peuvent être là pour leur avenir. Il y a malgré tout une forme de pression qui s’installe en eux. Parfois, eux, ils le dénient mais je sais très bien que lorsqu’on est athlète de haut niveau, à un moment donné la performance collective passe par sa propre performance et elle va être attestée parce que tel ou tel scout ou agent va à un moment donné prendre contact. Il y a plein de choses pour ces garçons qui d’une manière invisible sont présentes.

« Parfois, il y a un ou deux scouts NBA qui se renseignent sur tel ou tel joueur. C’est souvent en aparté, suite à un match, dans un couloir »

Ont-ils des contacts directs avec des scouts ?

Pas quand ils sont avec nous, pas durant le tournoi, mais par la suite, oui. Et puis les générations se parlent entre eux. Un joueur qui fait un tournoi U18 a rencontré un copain qui a fait un tournoi U18 il y a deux ans et les choses se transmettent.

Avez-vous personnellement des contacts avec ces scouts ?

Parfois, il y a un ou deux scouts NBA qui se renseignent sur tel ou tel joueur. C’est souvent en aparté, suite à un match, dans un couloir. Ça prend cinq ou six minutes. Il n’y a pas de contacts formels organisés.

Avez vous ressenti une hype autour de Frank Ntilikina et Sekou Doumbouya ?

Bien sûr, tout le monde en parlait, que ce soit les coaches adverses ou même les joueurs entre eux. On a deux garçons qui ont crevé l’écran. On les connaît, on sait comment ils peuvent élever leur niveau de jeu à un moment donné. On savait que Frank est un des meilleurs joueurs européens de sa génération et que Sekou est en train d’apparaître depuis qu’il a la nationalité française. Ce sont des garçons qui sont énormément observés.

Avez-vous été surpris par la maîtrise technique et émotionnelle de Frank Ntilikina ?

Il n’était pas comme ça au début puisqu’il est arrivé malade, grippé. Il suffit de regarder les matches, les uns après les autres. Il a été plus fort à la fin qu’il ne l’a été au début, une fois qu’il a évacué la pression de l’enjeu. C’est quelque chose d’important.

« Sekou n’a pas pris ce championnat d’Europe avec distance mais une forme d’insouciance liée à son âge »

Avez-vous déjà observé un joueur aussi avancé que Sekou Doumbouya au même âge ?

A ce niveau là, de taille, de physique, de talent basket, même s’il lui manque un peu de constance notamment à trois-points, à cet âge là, non. Et puis il a avec lui cette forme d’insouciance liée à son âge. C’est lui qui subissait le moins de pression. Il fait plus jeune que les autres dans son état d’esprit, dans sa fraîcheur. Sekou n’a pas pris ce championnat d’Europe avec distance mais une forme d’insouciance liée à son âge. Il était là pour jouer au basket car il aime ça. Il était naturel, il s’est exprimé à fond que ce soit pour un match du championnat d’Europe comme pour un match au Centre Fédéral.

Quels sont les secteurs où il peut le plus progresser ?

Il peut shooter à trois-points, il a des qualités pour ça mais il faut qu’il soit plus constant. Ça voudrait dire qu’il est capable de porter le danger très loin aussi bien que très près, par exemple par du post up, de monter la balle. A un moment donné pour gagner les matches, il a fallu que je le fasse jouer 4. Avec Digue Diawara, on avait mis en place un principe de poste 4-3 en fonction de l’adversaire. Ces deux garçons, en particulier Sekou, comprenaient très bien la manière dont on voulait jouer. Bien sûr, il a tout à parfaire à valider, c’est un garçon de seize ans. Il ne faut pas dire qu’il a tout aujourd’hui, il y a des choses à corriger, mais il a tout potentiellement, une forme d’adresse naturelle qui reste à exploiter dans la constance. Il ne faut plus qu’il passe d’un 4/7 à trois-points à 0/6. Et bien sûr il faut qu’il travaille sa technique comme n’importe quel pianiste doit travailler ses gammes, dans la conduite de balle, même défensivement, mais il n’a que seize ans et un peu de temps devant lui.

Certains joueurs ont donc fait beaucoup de progrès du fait de s’entraîner et parfois de jouer avec les pros ?

Cela a été un de mes premiers constats. Ils ont gagné sur le plan de la structure de jeu, de sa maîtrise. Le fait pour une grande partie d’entre eux qu’ils se soient entraînés avec des pros quasiment à temps complet depuis septembre leur a permis de mieux aborder le jeu car ils vivent ça au quotidien. Quand vous faites un entraînement et que vous mettez en place une situation, ils l’ont déjà vécu avec les pros, donc c’est vite assimilé. Leur GPS basket a nettement évolué au contact des pros et d’entraîneurs pros. C’est un acquis non négligeable qui nous a permis de compenser un peu ce manque de préparation. Deuxièmement, ça leur a donné davantage de confiance en eux. Quand après s’être entraîné tous les jours avec des séniors, on retourne dans sa catégorie d’âge, ça donne une forme d’assurance. L’apport des clubs pros a été très, très bénéfique.

« Ils vont devenir plus denses, plus costauds, ils vont aller encore plus vite »

On aime bien comparer les générations. Vous avez eu celle de Nicolas Batum. Peut-on les comparer ?

Je les ai vus dans la détection et on a été jusqu’au titre de champion d’Europe cadets avec eux. J’étais l’assistant de Lucien Legrand à l’époque. Je ne les ai pas suivis quand ils sont passés juniors mais par rapport à cadets, c’est la maturité. Quand on est cadets, on sort d’un championnat de France de la catégorie. Je me souviens que l’on avait intégré très tardivement Batum et Moerman. Il ne faut pas oublier que la génération des 89 avec Antoine Diot était aussi vraiment sympa, elle avait fait une finale cadets après avoir sorti l’Espagne avec un certain Rubio chez elle en poule. Là, ce sont donc des garçons qui s’entraînent avec des pros, c’est difficilement comparable. Par contre dans l’état d’esprit, dans l’engagement, dans l’écoute, je retrouve les mêmes choses.

Ils paraissent physiquement solides…

Ils sont bien avancés physiquement. En terme de préparation physique, il y a un travail qui est fait un peu partout et on en tire forcément les bénéfices sur cette catégorie d’âge. Mais je pense qu’il y a encore beaucoup de travail à faire et je ne pense pas qu’ils vont s’arrêter en chemin. Sekou, Frank, surtout Digue Diawara, je pense que ce sont des garçons qui vont encore évoluer physiquement au regard des qualités qu’ils ont déjà actuellement. Ils vont devenir plus denses, plus costauds, ils vont aller encore plus vite. Je crois beaucoup qu’à partir des progrès qu’ils vont faire physiquement, ils vont encore mieux exploiter leurs qualités techniques et avoir un meilleur rendement. C’est pour ça que dans le discours adressé aux tout meilleurs, j’ai dit « travailler… Les JO de 2020 ne sont pas loin, qui sait avoir un strapontin… Et en 2024, ça sera vous. C’est dès maintenant qu’il faut se préparer. »

En attendant, il y aura le Mondial l’été prochain au Caire. Vous n’êtes pas sûr d’avoir tout le monde. Certains comme Frank Ntilikina pourraient déjà entrer à la draft ?

Oui. On va étudier ça au cas par cas. Le DTN a décidé de nous réunir en janvier sur toutes les équipes de France. On a d’ailleurs très régulièrement des réunions entre tous les staffs pour parler de chacun des joueurs. On a un projet qui est quasiment individualisé, on se renseigne sur chacun des jeunes, leur potentiel. Certains U18 peuvent être avec les U19, il y a plein de questions que l’on se pose et on le fait dans la continuité de notre fonctionnement pour essayé d’avoir quelque chose de cohérent dans le temps.

De fait, il ne faut pas oublier qu’il y a un championnat d’Europe U18 l’année où il y a un Mondial U19…

Et aussi un championnat d’Europe U20. Il ne faut pas solliciter les jeunes plus que trop. Il faut trouver le bon engagement de chacun. Certains jeunes peuvent faire deux compétitions le même été et bien sûr pas les deux préparations. Les deux équipes vont travailler en cohérence pour que le garçon intègre tout de suite l’Euro comme Frank l’a fait là. On n’est pas des adeptes forcenés du doublement des compétitions. C’est déjà assez lourd pour eux.

Et eux ont envie de se retrouver au Mondial U19 ?

Je pense qu’ils ont envie de le faire tous ensemble. C’est un super challenge, une très belle compétition. Mais vous avez les engagements des uns et des autres, essentiellement par rapport à la draft, peut-être à autre chose. Je ne maîtrise pas leur emploi du temps et leur fonctionnement avec leur agent. De toute façon, ça sera en concertation avec tout le monde.

Commentaires

Fil d'actualité