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Interview : en direct avec Angelo Tsagarakis (Trikala, Grèce)

Parti pour la Grèce à l’intersaison après avoir passé 9 saisons en LNB (8 en Pro B et une en Pro A), Angelo Tsagarakis était l’un des joueurs emblématiques de Pro B ces dernières années. L’ancien pensionnaire d’Oregon State en NCAA a agréablement accepté de se prêter au jeu du « En direct avec… »

Parti pour la Grèce à l’intersaison après avoir passé 9 saisons en LNB (8 en Pro B et une en Pro A), Angelo Tsagarakis était l’un des joueurs emblématiques de Pro B ces dernières années. L’ancien pensionnaire d’Oregon State en NCAA a agréablement accepté de se prêter au jeu du « En direct avec… »

Vous souvenez-vous du premier match que vous avez joué en pro ? Vous en gardez un bon souvenir ?

Mon premier match en Pro… comment ne pas m’en souvenir! (rires) À Beaublanc contre Limoges, pour le dernier match de la saison régulière 2007-2008. Pas mal pour se mettre dans le bain, n’est-ce pas ? J’avais signé en faveur de la JL Bourg juste avant le début des Playoffs. Deux minutes après ma rentrée en jeu, je percute Mickaël Toti et ma paumette explose….retour aux vestiaires dans la foulée, points de suture… Je reviens sur le terrain avec un bandage de rugbyman autour de la tête, je vois double toute la deuxième mi-temps mais je continue à prendre mes shoots…1/6 au final. Mes parents dans les gradins… on prend 20 points. Mémorable (rires)

Qui est le joueur qui vous a rendu meilleur ?

Je citerai trois joueurs, et ce pour des raisons différentes.

Le premier qui m’a rendu meilleur c’est Josh Akognon, mon coéquipier à Casa Grande High School. Josh est alors un jeune talent plein de potentiel mais encore un peu tendre et moi j’arrive aux Etats-Unis avec l’ambition de décrocher une bourse complète pour jouer dans une des meilleures conférences du pays…On est devenu proches très rapidement, dès mon arrivée. Et on a travaillé ensemble tout l’été et tout au long de la saison…des séances individuelles de deux heures, des uns contre uns interminables pendant les jours off…On s’est poussé mutuellement pour réussir et faire des grandes choses. Notre bilan à Casa Grande reste le meilleur dans l’histoire de l’école 15 ans plus tard, nous avons tous les deux décroché une bourse dans une fac de la Pac 10 (devenue Pac 12) et nous sommes devenus tous les deux professionnels et lui a même goûté à la NBA.

Le deuxième c’est Joachim Ekanga… Nos batailles à l’entraînement durant mon année au Paris Levallois m’ont gardé motivé et aiguisé toute l’année. On s’est rendu meilleurs mutuellement. De toute manière notre duel était à l’image de l’équipe de tueurs qu’on avait. Soudés, compétiteurs, travailleurs. J’ai passé une année mentalement particulièrement éprouvante avec Jean-Marc Dupraz, mais grâce à Joachim j’ai pu continuer à travailler très dur et progresser. Et quand en fin de saison Jimmal (Ball) s’est blessé avant les playoffs et que Dupraz n’a eu le choix que de me faire jouer j’ai tourné à 8,5 points en 17 minutes. J’étais prêt, aiguisé. Avec les « katas » quotidiens de Jo, il ne pouvait pas en être autrement! (Sourire)

Le dernier c’est Rida El Amrani, un homme que j’apprécie et un joueur que je respecte beaucoup. Gros travailleur, dur au mal, vrai coéquipier, un mec comme on en veut plus souvent dans son équipe. Nos batailles quotidiennes à l’entraînement étaient particulièrement physiques mais toujours loyales et honnêtes. Les fautes étaient toujours appelées et il n’y avait JAMAIS rien de facile. On en était arrivé au point où on se faisait des fautes mais que l’un l’autre refusait de les accepter dans l’optique d’être plus dur pour les matchs. « Charbon » si tu lis cette interview, je ne t’oublie pas. (Sourire)

Quel est le meilleur joueur actuel de votre championnat ?

Si on parle en terme de production pure, Matt Lojeski (Olympiakos) est au-dessus dans le championnat depuis le début de saison. Mais en terme de talent pur, de CV, il faut simplement piocher dans les deux grosses cylindrées du championnat. Mike James est impressionnant athlétiquement, Chris Singleton est super fort, Giannis Bourousis est gigantesque… Vassilis Spanoulis on ne le présente plus… mais le joueur qui m’a le plus impressionné c’est Kostas Papanikolaou. Sobre, propre, efficace, altruiste, intense. Très fort.

Quel effet ça fait de se retrouver face à Vassilis Spanoulis ?

Rien de particulier, c’est un match up comme un autre. Je n’avais pas de motivation particulière au delà du fait de montrer que ce n’était pas un hasard que je me retrouve face à lui. Ça faisait un long moment que j’attendais d’avoir cette opportunité. Ça donne envie d’en faire plus, de continuer à travailler plus dur.

« Cette nouvelle expérience en Grèce me donne l’opportunité de redécouvrir mon métier un peu à travers une culture de jeu et une méthode de travail différentes. »

Quel est le meilleur coach actuel de votre championnat ?

Je pense que coach Sfeiropoulous de l’Olympiakos est vraiment une grosse pointure du coaching européen. Je l’avais rencontré en 2009 quand il coachait Kolossos. À l’époque c’était déjà un jeune coach doué et promis au très haut niveau et on voit où il a atterri maintenant.

Comment se passe votre aventure en Grèce ? Quelles sont les différences entre votre club grec et ce que vous avez pu voir en France ?

Mon aventure se passe très bien. C’est une bouffée d’air frais. Cette nouvelle expérience en Grèce me donne l’opportunité de redécouvrir mon métier un peu à travers une culture de jeu et une méthode de travail différentes.
Le basket grec insiste beaucoup sur l’intelligence de jeu et sur la préparation, le scouting. Au delà du retour vidéo du match précédent, on fait des séances vidéo courtes (entre 7 et 15 minutes) 3-4 fois par semaine et on dissèque l’adversaire point par point. Joueurs, tendances offensives, faiblesses défensives, stratégie défensive de notre côté, préparation aux ajustements défensifs potentiels que l’adversaire fera vis à vis de notre attaque. C’est très mental. On le retrouve parfois en France aussi mais cet aspect est plus grand ici.

Qu’en est-il du niveau de jeu comparé à ce que vous avez connu en France ?

Je ne vais pas m’épancher sur ce sujet longuement car j’anticipe déjà que certaines personnes diront que je manque d’objectivité. Je dirais seulement qu’au classement FIBA la Grèce est classée 5e et la France 6e. Derrière les deux locomotives estampillées Euroleague c’est très, très solide, avec l’AEK, Aris et PAOK, tous 3 qualifiés pour les playoffs en Champions League. On sait ce qui est arrivé à Strasbourg à Salonique…
Maintenant que vous êtes en Grèce, voyez-vous le championnat de France d’un autre œil ?

Pas vraiment. La donne reste la même à mes yeux. Je le suis de la même manière et pense la même chose depuis le début. Le championnat de France est probablement le championnat le plus athlétique en Europe. Il a des qualités à faire valoir sur la scène européenne. Il pourrait être encore meilleur s’il investissait plus sur ses joueurs français, avec moins de ricains dans la quantité mais des ricains plus forts. Je ne suis pas le seul à le dire … le respecté Vujosevic pense pareil. Aussi quand on met en avant l’argument de la discrimination et de la violation du marché du travail européen pour permettre aux clubs d’avoir plus de ricains, je souris seulement face à cette supercherie. Quand est-ce que les Américains ont commencé à faire partie du marché commun européen? (Rires) Qu’on décide de permettre aux joueurs européens d’accéder librement au marché français, s’il en est de même pour les français dans les autres pays européens je suis tout pour! Complètement. Mais d’utiliser cette loi du marché commun comme argument pour permettre d’avoir plus de ricains, c’est simplement ridicule. Mais personne ne moufte , c’est à l’image de ce qui se passe en politique. Après ils essayent de nuancer la chose en reformatant les quotas, enlevant un ricain officiellement -sachant que les passeports de complaisance européens et cotonous ne sont plus rares- mais diminuant le nombre de Français…

Que pensez-vous notamment de la place des joueurs français en LNB ?

Elle s’appauvrit chaque jour un peu plus … désormais la majorité des clubs ont seulement 3 joueurs français qui jouent un vrai rôle au sein de leurs équipes. Le 4e est généralement un jeune qui ne foule jamais le terrain…
Culturellement en France c’est le culte du ricain… le ricain est noble et le Français doit rentrer dans le rang. À Boulogne-sur-mer, une semaine après notre montée en ProA, le Général Manager m’avait déjà convoqué dans son bureau pour m’annoncer que l’année d’après il y aurait 5 ricains dans le 5 de départ et que nous les Français qui avions emmené l’équipe en Pro A (Akono, Var…) nous ne jouerions que 5 voir peut-être 10 minutes par match « parce que c’est ça la Pro A », « parce que nous n’avions pas le niveau » … trois mois avant même que le training camp ne commence ou que nous aillons pu démontrer quoique ce soit. C’est exactement de ça dont je parle.

Quel est votre ressenti sur l’ambiance dans les salles grecques ?

Loin du cliché que toutes les salles sont hyper chaudes et remplies, c’est tout de même incomparable à la France… Rares sont les clubs français qui peuvent se targuer d’avoir un fanatisme comme ici. En France les gens sont plus spectateurs… En Grèce le premier mauvais coup de sifflet fait gronder la foule.

Et quelle est la salle où vous avez joué avec le plus d’ambiance dans votre carrière ?

La salle de l’Aris Salonique est magnifique, leurs supporters font partie des meilleurs en Europe…surtout lors des grosses affiches. L’ambiance à Athènes avec l’AEK était électrique mais OAKA est si grand que ça en estompe un peu l’effet car ils n’ont pas le nombre des fans du Panathinaikos. Je n’ai pas encore pu jouer au Pana ou à l’Olympiakos mais c’est pour le mois prochain! Mais je me souviendrai toujours de l’ambiance à Oregon State lors de notre victoire en 2004 contre Arizona alors classé dans le top 15 national. Près de 10000 personnes. Un grand souvenir.

Si vous pouviez prendre le move d’un joueur, lequel serait-ce ?

Ahaha… je dirais les cross de Kyrie Irving.

Quel joueur ou quelle équipe rêveriez-vous de voir jouer ?

À ce niveau là le temps des rêves s’est éteint le moment où Michael Jordan a pris sa retraite. Sinon tout ce qui concerne le haut niveau, je suis preneur.

Pourquoi portez-vous ce numéro ?

Le 9 c’est mon numéro préféré, mon numéro de toujours. C’est Jordan aux J.O de Barcelone… c’est le numéro 9 au foot… c’est un chiffre qui me plait esthétiquement … c’est un peu tout ça.

Si vous aviez une règle à changer dans le basket, laquelle serait-ce ?

À changer je ne sais pas… mais je pense qu’il serait peut-être temps de mettre en place une ligne à quatre points… qu’est ce que vous en pensez ? (sourire)

Qui est votre meilleur pote dans le basket ?

J’ai une short list de mecs avec lesquels je suis et je resterai très proche. Ils occupent tous une place particulière pour moi…donc je ne vais en mentionner un avant un autre. Je vais plus m’orienter vers mes deux mentors, les deux qui m’ont beaucoup influencé dans ma carrière: Dominique Bukasa et Vincent Lavandier.

« J’aimerai rester dans le sport d’une manière ou d’une autre soit en tant que consultant sportif à la télé ou en tant que général manager d’un club avec un projet ambitieux… »

Aimez-vous lire ou regarder des reportages sur vous ?

Des reportages ? Dans le sens highlights ? Je n’ai pas en tête de reportage à mon sujet que je mettrais en avant plus qu’un autre mais j’ai surtout plus l’habitude de faire des interviews … du moins je suis plus exposé à ça qu’autre chose. Au delà de ça je pense qu’en tant qu’athlète c’est toujours gratifiant de recevoir une couverture médiatique pour ses performances. Ça valide d’une certaine manière tout le travail fait en amont.

Quelle est votre principale occupation entre deux entraînements ?

Le repos et le travail individuel supplémentaire que ce soit musculation ou shoot. Sinon j’adore regarder des films et séries.

Quelle est la ville où vous avez joué que vous préférez ?

Facile. Paris. De jouer à la maison, il n’y a rien de tel.

Que feriez-vous si vous ne jouiez pas au basket ?

C’est une question intéressante… mais à laquelle il m’est difficile de répondre. Je pense pouvoir m’intéresser à tout et n’importe quoi… il faut juste une idée ou une opportunité.
Où vous voyez-vous après le basket ?

J’aimerai rester dans le sport d’une manière ou d’une autre soit en tant que consultant sportif à la télé ou en tant que général manager d’un club avec un projet ambitieux… président de club. Personal trainer … les options sont multiples comme tu peux le constater! (Rires)
Vous aviez lancé une marque de vêtements, où en est ce projet ?

Le projet avance, la marque grandit, elle se diversifie petit à petit. Ce n’est pas évident pour moi de faire avancer les choses étant loin géographiquement de tout ça mais mes associés font du bon travail.

Photo : RealistStudio / Trikala BC 

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