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Amel Bouderra (Charleville) : « Ce n’est pas parce qu’on est petite qu’on ne peut pas réussir »

Amel Bouderra a fait une première fois le buzz, en octobre 2011, en faisant ficelle de vingt-cinq mètres. Plus extraordinaire encore, elle a été rappelée à la toute dernière minute par Valérie Garnier, la coach des Bleues, pour participer aux JO de Rio suite à la blessure de Céline Dumerc. Entre-tem

Amel Bouderra a fait une première fois le buzz, en octobre 2011, en faisant ficelle de vingt-cinq mètres.

Plus extraordinaire encore, elle a été rappelée à la toute dernière minute par Valérie Garnier, la coach des Bleues, pour participer aux JO de Rio suite à la blessure de Céline Dumerc.

Entre-temps, la meneuse de Charleville a été plébiscitée MVP française de la saison 2015-16 et ses performances depuis font qu’elle peut prétendre à un deuxième trophée consécutif.

Amel est aussi une jeune femme qui répond aux questions de BasketEurope.com avec beaucoup de fraîcheur.

Deuxième partie de l’interview. La première est ici.

Vous avez dû attendre 27 ans pour apparaître en A. Vous n’avez jamais été sélectionnée en cadettes, juniors ?

Je n’ai été sélectionnée qu’une seule fois, en moins de vingt ans et j’ai fait le championnat d’Europe. Avant j’avais fait des petits stages par ci, par là, mais je n’avais jamais été prise.

Votre parcours est atypique surtout si on le compare à ceux de Céline Dumerc ou Olivia Epoupa qui étaient déjà les meilleures meneuses en Europe en jeune ?

C’est pour ça que je dis qu’en Ligue je prends de l’expérience mais qu’en équipe de France, je suis vraiment une rookie. Elles connaissent ça depuis qu’elles sont cadettes, minimes. J’ai fait le championnat d’Europe U20 (NDLR : Armel a gagné la médaille d’or en ayant un rôle mineur). En U20, c’est la catégorie où les filles sont en dernière année de l’INSEP voire le banc des pros alors que moi j’étais certes en Ligue 2 mais j’étais meneuse titulaire et ça engendre une certaine expérience.

Vous êtes originaire de Mulhouse et issue d’une famille de basketteuses ?

Oui mes sœurs ont fait du basket. Ma grande sœur a fait de la N2 et elle n’avait pas envie de faire plus. Une autre a fait de l’Excellence Région, N3. J’ai une petite sœur qui joue en Ligue 2 à Strasbourg. Et une autre sœur, Faeza, a fait le cursus américain, quatre ans à Florida International, et elle a joué ensuite en Liga en Italie, en Espagne, à Nantes et elle a fini sa carrière à Voiron. C’est une de mes cousines qui a commencé le basket et ensuite mes sœurs ont suivi et la dernière et moi, on est vraiment nées dans ce monde là.

Pourtant, avec votre taille, vous n’étiez pas prédestinée à faire du basket ? Je suppose que vos sœurs sont dans le même cas ?

On n’est pas grandes, c’est sûr. Mes sœurs ont essayé la gym mais elles n’avaient aucune souplesse naturelle (sourire).

Avez-vous dû toujours prouver que votre manque de taille n’était pas un handicap ?

Je me souviens, il y a quelques années, il y avait le pôle fédéral à Toulouse. On y passait deux ans avant d’aller à Toulouse. Il y avait encore ma génération et j’étais allée faire la détection. Ça avait fait un peu rigoler ma maman car il y avait deux grands coaches qui étaient là et qui avaient dit : « elle est mignonne cette petite mais on est juste venu pour détecter la grande. » La grande, c’était Ana Cata-Chitiga. Il fallait bien des partenaires pour voir ce qu’elle valait. Ce n’est pas parce qu’on est petite qu’on ne peut pas réussir !

Vous êtes vous-même devenue un exemple pour toutes les jeunes filles de taille normale ? La votre, c’est 1,63m ?

63 sur le papier, il ne faut pas le dire (sourire). C’est pour impressionner. Je fais 1,61m. Ca dépend de l’humeur de mon médecin. Si je lui fais un beau sourire avant, je peux faire 1,61m sans les chaussures.

« J’ai organisé un match de gala à Charleville qui nous a ramené presque 10 000 euros »

Votre carrière est simple : trois saisons à Strasbourg et depuis 2007 Charleville. A l’époque, le club était en N1. Vous n’aviez pas reçu de propositions de clubs de Ligue féminine ?

J’en avais eu mais je ne me souviens plus de qui. J’étais encore mineure aussi beaucoup d’équipes avaient eu des contacts avec mes parents. Quand Charleville s’est proposé, c’était une super opportunité. J’avais envie de jouer, pas d’être sur le banc. Je ne voulais pas brûler les étapes, aller en Ligue sur le banc et me retrouver ensuite en Ligue 2.

Etiez-vous professionnelle à l’époque ?

A Strasbourg, j’allais au lycée. Les compensations, c’était la cantine, l’internat. Ça a aidé mes parents. La première année à Charleville j’ai fait un DUT technico-commercial. Seulement, il n’y avait pas d’aménagements au niveau des horaires –la ville n’est pas réputée pour ça- et à cause de mon absentéisme, il n’a pas été possible de me donner mon année. Ça a été compliqué de continuer quelque chose, alors aujourd’hui je suis dans l’humanitaire, je bosse avec des associations.

Dont le Ballon du Bonheur…

C’est l’association de Joyce Cousseins-Smith (NDLR : meneuse du Hainaut) et de sa maman. On fait des actions durant l’année chacune de son côté et on organise un camp de basket pour les jeunes au Cap d’Agde. On organise aussi un match de gala où on essaye de rassembler des joueuses et des joueurs dans une ville avec une soirée, un repas. J’en ai organisé un à Charleville qui nous a ramené presque 10 000 euros. J’avais travaillé dur pour ça ! Les fonds rassemblés vont à des pays défavorisés. On est déjà allé au Sénégal et à Madagascar et cet été normalement on va en Equateur. Sur place, on organise gratuitement des camps de basket pour des clubs et des enfants du village. On ramène de France des fournitures scolaires, des cahiers, des stylos, des craies. Le matin, on passe une heure et demi dans les écoles et ensuite on fait le stage. On leur apporte des ballons, des chasubles, ce genre de choses. Sur Charleville, je suis investie dans d’autres associations. Je suis marraine de l’association du cancer du sein. Je vais avec eux à quelques cours de sport, je récolte un peu d’argent. Il existe une course assez célèbre en bateau qui s’appelle la Vogalonga à côté de Venise. Il y a des canoës, des gondoles. Tout le monde peut y participer mais c’est en honneur des femmes qui ont vaincu le cancer et elles sont dans le dragon boat. C’est un grand bateau avec une tête de dragon en figure de proue et qui peut accueillir près de vingt personnes. Donc on essaye de récolter des fonds pour que les femmes puissent y participer au moins tous les deux ans.

Je suppose que vous vous entendez très bien avec votre coach Romuald Yermaux pour l’avoir depuis si longtemps ?

Pourtant il g… tous les jours ! Je suis son bouc émissaire. Il ne faut pas le dire, il va m’appeler Caliméro (sourire). Non, on s’entend bien. J’ai la chance d’avoir quelqu’un qui croit en moi et qui ne m’a pas demandé de changer, d’être tel style de meneuse. Il a essayé d’adapter plus ou moins son jeu à mes qualités tout en me faisant toujours progresser en gagnant de la maturité. Ce n’est pas donné à tout le monde quelqu’un comme ça.

Votre jeu était au départ un peu fou-fou ?

Voilà. Mais lui est quelqu’un de très innovant, qui ne s’arrête pas à l’ancien basket. Il est tout le temps en train de regarder des vidéos, à s’intéresser à ce qui se passe partout dans le monde, ce qui fait que son jeu, sa façon de penser s’est toujours adapté à ce que j’apportais.

« Je m’en rappelle d’un où on avait fait deux heures le matin et deux heures l’après-midi. On était KO, il a presque réussi à me faire pleurer »

A une époque, vous aviez des entraînements à 7h15 ?

Oui, oui, c’est vrai. Avec Djéné Diawara. La salle n’était libre qu’à ce moment là. C’est surtout qu’il n’y avait pas de chauffage et il faisait très froid. C’était dur mais c’était des entraînements super enrichissants. C’était beaucoup d’entraînements individuels. Il arrive à vous pousser dans des extrêmes pas possible. Il aime bien aussi en fin de saison réunir les joueuses qui re-signent pour des petits camps de basket, sur Charleville, pendant deux ou trois jours. Je m’en rappelle d’un où on avait fait deux heures le matin et deux heures l’après-midi. On était KO, il a presque réussi à me faire pleurer. Ça lui arrive encore quelque fois… Il voulait modifier un truc dans mon shoot et il n’y arrivait pas. J’ai passé quarante-cinq minutes à shooter dans le vide. Quand vous jouez en ligue, meneuse titulaire, ça fait bizarre, vous avez le sentiment d’être ridicule mais ça forge aussi un mental.

A partir de quand avez-vous senti que c’était VOTRE club ?

Très tôt. La première année, j’ai eu des soucis extra-basket, ce fut très compliqué à vivre. A un moment donné, un club c’est un boulot et ils auraient très bien pu me virer. Au lieu de ça, toute la saison ils m’ont encouragé. Pas que le coach. Il y a des gens qui sont vraiment devenus ma famille, mes meilleurs amis, et qui m’ont soutenu dans n’importe quelle épreuve. Aussi dès le début j’en suis devenu amoureuse.

Je suppose que tout le monde vous reconnait dans la ville ?

On va dire qu’en règle générale les basketteuses sont connues. C’est quand même l’attraction de la ville. Alors comme pour moi ça fait dix ans, entre l’association, les JO, il y a beaucoup de monde qui me connaît.

Le basket est-il encore plus important Charleville depuis qu’il y a la nouvel aréna ?

On avait un peu peur en partant de Bayard qui était vraiment notre chaudron, mais là on fait des matches à 2 500 personnes.

Allez-vous voir des matches de l’équipe de Nationale 1 masculine quand le calendrier le permet ? C’est rare qu’il y ait deux clubs de basket de haut niveau dans la même ville.

Il ne faut pas se mentir : les deux clubs ne sont pas les meilleurs amis du monde (rires). Il y a la politique, les subventions, ça créé toujours des tensions. Il faut survivre ! Mais entre joueurs et joueuses, il n’y a aucun souci. On s’encourage mutuellement.

Est-ce une grosse responsabilité d’être la joueuse de base qui doit assurer match après match ?

Oui et non. On n’est pas une équipe avec de grands noms. Moi la première. Aussi, s’il y a un maillon de la chaîne qui faiblit, ça va se ressentir. Moi, par mon expérience, les années que j’ai passé ici, ma combativité, je sais que si je suis un jour un peu moins bien, ça peut toucher un peu les autres, oui. Mais je ne crois pas être indispensable !

Ce qui fait la différence entre vous, Bourges, Villeneuve et Montpellier, c’est qu’elles ont plus de banc ?

Il n’y a pas que le banc. Quand on voit leurs cinq majeurs, elles sont toutes en équipe nationale de leur pays. Nous, ni notre cinq, ni notre banc est très connu. On s’est créé un nom l’an dernier avec une très belle saison et là on est dans la continuité.

Déçue d’avoir été éliminées dès les 16e de finale de l’Eurocup par Kosice ?

On aurait dû passer ce tour là. Je ne sais pas si on s’est mis beaucoup de pression là-bas. On a perdu de dix-neuf points alors après c’est compliqué de revenir. La déception, c’est plus dans la manière que dans l’objectif. Au retour on les bat de seize points et on se dit que c’était vraiment faisable. C’est comme ça que l’on apprend. La semaine suivante, on a battu Montpellier en coupe de France. Nous, on a eu le temps de se préparer, on a eu plus de temps pour récupérer, alors qu’elles revenaient d’un match d’Euroleague. Cette élimination, c’est peut-être un mal pour un bien.

C’est peut-être l’année pour gagner un trophée avec la Coupe de France ? Vous jouez Lyon en demi-finale qui est une équipe de bas de tableau.

A la maison, ça aurait été le tirage parfait. Lyon à Lyon, c’est compliqué surtout qu’elles se sont renforcées avec une Australienne qui est vraiment très forte (NDLR : Alice Kunek). Quand on joue des matches de coupe de France, je dis aux filles que si on perd on rentre à la maison, il n’y a même pas à pleurer. Il faudra tout donner sur ce match là. Faire une finale, le club n’a jamais vécu ça. Ça serait vraiment un engouement exceptionnel.

Il est où votre trophée de MVP. Dans le salon, dans un coffre-fort ?

Il est dans le salon sur mon buffet. Je me suis fait cambrioler cet été et j’ai dit que si je voyais un voleur chez moi, je pourrais le tuer avec. Il est tellement lourd ! Ça fait une tonne. La fédé ne se fiche pas de notre g…

A découvrir le jeu d’Amel Bouderra sur WeBasket.TV

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