Par Victor Fièvre à Istanbul
Vincent Poirier, le seul des trois Français du Real aligné, pense avoir le fait le plus dur en fin d’overtime. Il vient d’inscrire deux paniers dans la raquette, l’un sur un alley-oop (94-98), l’autre après un air-ball de Campazzo, pourtant très en forme, le tout devant un public très hostile. Il reste 25 secondes à jouer et certains supporters de Fenerbahçe quittent la salle. Les joueurs stambouliotes, eux, y croient encore. « Cette victoire-là, on ne peut pas l’expliquer qu’avec des statistiques, mais aussi parce que les joueurs y ont toujours cru », souligne Dimitris Itoudis, le coach de Fenerbahçe, à la fin du match. Guduric et Wilbekin en tête (21 et 19 points), tous les deux auteurs d’une fin de match exemplaire pour emmener leur équipe à la victoire.
Il en fallait des valeurs mentales pour garder la tête solide face à cette équipe madrilène, invaincue jusqu’alors dans la compétition. A plusieurs reprises, le break semblait fait pour les Espagnols. Dès l’entame du match, l’affaire était mal embarquée pour les jaunes et bleus. La salle, pleine à craquer et littéralement chauffée à bloc par des effets pyrotechnies, avait baissé en température devant le numéro de Faccundo Campazzo. Le meneur madrilène, 33 points, réussissait presque tout ce qu’il a tenté, à longue distance ou dans la peinture, avec une réussite déconcertante.
L’Argentin a porté son équipe sur ses épaules, inscrivant 11 des 15 premiers points du Real, et 19 points à la mi-temps. Le scénario paraissait alors tout écrit, l’équipe turque incapable de rivaliser face aux puissantes individualités espagnoles.
Malgré un bon Vincent Poirier, très actif
Mais poussé par ses supporters surchauffés, les joueurs de Dimitris Itoudis se sont accrochés, avec notamment un bon passage de Johnathan Motley (9 points, 6 rebonds), très actif avant la mi-temps. Il s’est même offert le luxe de posteriser Vincent Poirrier, entré en jeu dans le deuxième quart-temps. Le Français a été très présent (11 points, 8 rebonds), souvent recherché sur pick and roll par ses coéquipiers, actif en défense, capable d’aller au large pour imposer sa taille sur des petits extérieurs. Il s’est battu sous le panier, même davantage que Walter Tavarès, dont il est le back-up mais qui a fini pas rester sur le banc après cinq fautes.
A la pause, Fenerbahçe est encore au contact (37-44), et ce malgré une faible réussite au shoot. Au retour des vestiaires, les shoots tombent enfin dedans pour les Turcs, notamment par l’intermédiaire de Marko Guduric (21 points), auteur d’une énorme prestation dans les moments clés. Le public stambouliote se réchauffe un peu plus, et l’énergie du kop contamine toute l’immense salle.
Un scénario improbable
Les supporters vivent les montagnes russes, car à 6 minutes de la fin du temps réglementaire l’affaire semble pliée (64-76). « On a dû mettre en place différents plans, et sans cesse les changer », détaille le coach de Fenerbahçe. L’espoir renait la faveur de shoots pleins de sang-froid, successivement de Scottie Wilbekin, Nick Calathes puis encore Guduric, qui arrive à se défaire du pressing intense imposé par Rudy Fernandez.
La salle entière se lève et siffle à chaque possession madrilène dans un vacarme assourdissant qui ferait presque croire à la présence de cigale provençale en bordure du Bosphore. Wilbekin arrache finalement la prolongation d’un trois points face au panier (87-87). Un trois points improbable de Sergio Llul dès le début de l’overtime rappelle que l’expérience et la grinta se trouve bien du côté madrilène.
Pour autant, Wilbekin (19 points) poursuit son chantier, valeureux à l’image de son équipe. Au basket, rien n’est jamais fini, surtout lorsque la salle entière provoque des acouphènes aux adversaires. Dans son antre, Guduric a inscrit ses deux lancers, avant d’intercepter la remise en jeu madrilène et de glisser le ballon à Yam Madar pour inscrire le lay-up victorieux. « On a gagné contre une meilleure équipe que nous, contre des meilleurs joueurs », analysait Dimitris Itoudis. Les siens ont pourtant procuré de fortes émotions aux fans de Fenerbahçe, qui ont exulté à la fin, dans un bonheur unanime. Les stambouliotes ont infligé au Real Madrid sa première défaite en Euroleague de la saison, grâce à leurs fans, et à leur mental. Le scénario du match était imprévisible, mais, sur d’eux, les joueurs de Fenerbahçe semblaient déjà le connaître.