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Rapports avec l’Euroleague, bilan de la première saison, l’avenir… Interview du patron de la BCL

Le Grec Patrick Comninos, 47 ans, est depuis sa création le Directeur Général de la Basketball Champions League après avoir transité dans le football, à l’UEFA, comme responsable des opérations avec les clubs et les équipes nationales. A Mies, près de Genève, au siège de la fédération internationale

Le Grec Patrick Comninos, 47 ans, est depuis sa création le Directeur Général de la Basketball Champions League après avoir transité dans le football, à l’UEFA, comme responsable des opérations avec les clubs et les équipes nationales.

A Mies, près de Genève, au siège de la fédération internationale qui accueille aussi celui de la Basketball Champions League, il a répondu en exclusivité aux questions de Basketeurope.com pour faire un bilan de la première saison de la BCL et exposer la philosophie générale de la FIBA comparée à celle de l’Euroleague.

Comment s’est passé cette première saison de BCL, de votre point de vue et aussi en fonction du retour des clubs ?

C’est une bonne période pour avoir cette discussion,  ayant fini la partie principale de la saison avec les 320 matches et en attendant les quatre derniers du Final Four (NDLR: l’interview a été réalisé juste avant le Final Four à Tenerife). On peut prendre un vrai recul en gardant à l’esprit qu’il s’agit de notre première saison. La BCL a été créée en mars 2016 et il y a six mois, il n’y avait rien. Enormément de choses se sont passées cette année. En tenant compte de ceci, j’estime que le bilan est très positif et c’est le retour des clubs qui me fait dire cela. On est en train de leur envoyer un questionnaire assez détaillé pour avoir des réponses sur des points particuliers et voir comment on pourra procéder à des améliorations la saison prochaine. Tous les clubs ont participé à cette BCL sans savoir grand-chose sur cette compétition qui était complètement nouvelle.. Des clubs avaient une appréhension, une méfiance, vis-à-vis de ce qu’ils allaient trouver. Ils pensaient que l’environnement FIBA n’était pas facile d’accès et que même si la BCL n’est pas à 100% FIBA, ils estimaient que c’était une compétition FIBA. Ces clubs nous ont tous dit qu’ils étaient très positivement surpris, ils ne s’attendaient pas à autant de points positifs. C’est la base pour nous améliorer l’année prochaine.

Vous êtes donc davantage à l’écoute des clubs que par le passé ?

L’un des points stratégiques principaux pour nous, c’est qu’il s’agit d’une compétition pour les clubs.  On veut leur donner un format, un environnement dans lesquels ils peuvent évoluer et s’améliorer. On est à leur écoute. Il n’y a pas un email qui n’est pas répondu dans la journée. Notre staff est à disposition, autant dans les bureaux que sur place, pour aider les clubs. On leur donne les outils et de plus en plus d’informations pour aussi leur permettre de se développer.

Certains étaient habitués aux relations avec l’Euroleague et l’Eurocup et il fallait répondre à leurs aspirations ?

Effectivement, ils avaient un point de référence assez récent et assez élevé avec l’Euroleague,  qui est une compétition de haut niveau sous tous les aspects. On a donc eu des échos très positifs sur leur ressenti vis-à-vis  des services administratifs de la BCL.

Concrètement, la BCL envoie-t-elle des salariés sur chaque match pour vérifier que tout se passe bien au niveau de la logistique ?

Oui, c’est très important pour nous pour plusieurs raisons. Premièrement, pour sauvegarder l’uniformité de tous les matches. On joue vingt matches par semaine et il faut avoir le même produit, la même image visuelle pour chacun. Deuxièmement, beaucoup de droits ont été centralisés et c’est notre responsabilité d’être sûrs que tout est parfaitement géré. Je parle principalement des droits de télévision qui sont gérés de manière centrale par la BCL. La production des matches qui n’a jamais été d’un tel standard pour une compétition de ce niveau, le plan des caméras, tout le côté visuel, mais aussi le branding, tout cela est centralisé et nous envoyons des personnes sur site à chaque match. C’est nous qui installons tout afin d’assurer la même qualité dans chaque salle. Ce ne sont pas des salariés à plein temps mais des freelancers.

Combien de personnes êtes-vous dans le staff de la BCL ici à Genève ?

La BCL emploie sept personnes à plein temps. Mais il y a beaucoup plus de personnes qui travaillent sur ce projet. Il y a de nombreux partenaires qui nous aident durant les matchs. Enfin, on a l’avantage de bénéficier du savoir-faire du staff de FIBA Europe et de la FIBA. Ils ne sont pas impliqués directement mais ils soutiennent cette nouvelle compétition.

« Si on fait le total, droits de licences, coûts de production, c’est clair que Canal+ est l’un de nos partenaires les plus importants »

En ce qui concerne la télévision, le deal que vous avez avec Canal+ est-il l’un des meilleurs que vous avez eu pour la BCL ?

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C’est un bon accord mais il ne faut pas regarder uniquement l’aspect financier. Il faut aussi considérer la promotion que Canal+ fait pour la BCL, les émissions qu’ils font avant et après les matches. Il faut rappeler que c’est une nouvelle compétition et que sa promotion est très importante. Pour la télévision, on a mis trois conditions au départ. Premièrement, et c’est très important, tous les matches devaient être diffusés. La grande majorité l’est en direct. Quelques-uns sont en différé quand il y a deux matches en même temps. Je ne parle pas que de Canal+, c’est un principe général. Deuxièmement, on voulait pour tous les pays un haut niveau de production avec huit caméras. Certains n’ont pas les infrastructures nécessaires alors c’est à nous d’amener des camions ou d’embaucher une compagnie externe qui va sur site pour garantir ce haut niveau de production. Troisièmement, la possibilité de générer des revenus. Parfois c’est nous qui prenons en charge la production et le broadcaster local fait seulement la diffusion du match. Canal+ remplit toutes ses obligations : ils diffusent tous les matches, font une très bonne production et rapportent des revenus pour la BCL. Si on fait le total entre droits de licences et coûts de production, c’est clair que c’est l’un de nos partenaires les plus importants.

Avez-vous des chiffres en terme d’audience ?

Ce n’est pas toujours facile d’avoir des chiffres sur le plan des audiences TV. On essaye de les récupérer pour juin quand on clôturera la saison. Pour une chaîne comme Canal+ où il faut être abonné, c’est parfois impossible de savoir combien de ces abonnés regardent la chaîne à tel moment. On dispose de beaucoup plus de données chiffrées sur le plan digital, des réseaux sociaux, etc.

Les clubs se plaignaient de devoir payer les coûts de production en Eurocup. Ce n’est pas le cas en BCL. Y existe-t-il d’autres frais que vous avez pris en charge ?

On fait un investissement envers les clubs à trois niveaux différents. Premièrement,  les coûts de production. C’est une différence très nette vis-à-vis de ce qui existait auparavant. Et le niveau de production est également très élevé. Les clubs sont très satisfaits quand ils voient les highlights, les top 5, tous les clips vidéo produits de notre côté. On prend aussi en charge tout ce qui est signalétique avec ICON, l’une des plus grandes agences au monde dans ce domaine. Le troisième point, c’est que l’on accorde des primes financières aux clubs. Cette saison, cela représente un total de 5,2M€ avec un minimum de 100 000 pour ceux qui ont fait la saison régulière et un total de 500 000 pour le vainqueur de la BCL. L’année prochaine, la redistribution sera un peu différente avec comme point de départ que le vainqueur gagnera un million. Une grande partie de ce qui va actuellement aux équipes de la saison régulière ira à ceux qui vont loin dans la compétition, tout en garantissant un minimum de 50 000 pour chaque équipe participante. Enfin, et c’est une nouveauté, on couvrira tous les frais d’arbitrage, voyages, hébergements, bref, tous les coûts liés directement à l’arbitrage. Tout dépend d’où viennent les arbitres mais cela représente en moyenne 4 000 euros par match.

A quels moments les clubs reçoivent-ils cet argent ?

On a passé un accord avec eux. 50% ont été donnés avant le début de la saison, en octobre, 30% avant la fin de l’année et le reste immédiatement à la fin de la saison régulière en février. On a donc déjà versé 4 millions pendant la saison et on a rajouté 1,2 à la fin de la saison.

D’où vient l’argent ? D’un ou de plusieurs sponsors ?

De nos revenus mais ce sont aussi des investissements que nos actionnaires, la FIBA et les ligues, font envers ce nouveau projet. On traite la BCL comme une start-up, et comme pour toutes les start-up, il y a un investissement qui doit être fait au début et qui sera récupéré une fois que la BCL aura grandi et aura généré plus de revenus.

« On n’a pas un sponsor principal qui finance tout ça et donc pas de risque que tout soit remis en question s’il fait faillite. »

Avez-vous un horizon pour le retour sur investissement ?

Il y a des paramètres qui sont liés à la situation des clubs européens… Déjà l’année prochaine, on retourne à 32 clubs et pas 40. Donc cela dépend comment l’environnement des clubs va se développer dans le futur.

Lorsque la FIBA avait créé la Suproleague en 2000, le principal sponsor avait fait faillite en cours de saison et la FIBA avait dû mettre la main à la poche. Ce type de risque est-il envisageable ?

Pas tellement car on n’a pas qu’un seul sponsor principal qui finance la BCL et donc pas de risque que tout soit remis en question s’il fait faillite. On voit qu’aujourd’hui les grandes organisations ne se basent pas sur un sponsor mais sur plusieurs afin de minimiser ces risques et aussi générer plus de revenus. De plus, notre actionnaire principal, la FIBA, a énormément évoluée et elle bénéficie aujourd’hui d’une assise financière beaucoup plus importante qu’à l’époque.

Où en sont vos rapports avec l’Euroleague ?

Dans le contexte des relations avec l’Euroleague, il y a plusieurs niveaux. Il y a les procédures devant les cours de justice. Les deux parties ont déposé des plaintes à la Commission Européenne. On attend de voir ce qui va en sortir mais cela n’influe pas sur notre vie quotidienne car c’est géré par les avocats. De notre côté, on essaye de toujours maintenir de très bonnes relations avec l’Euroleague, d’avoir des discussions quand c’est possible. C’est de l’intérêt des deux parties que l’environnement du basket soit régulé, qu’il y ait des principes très clairs. Le grand problème actuellement dans le basket c’est qu’il y a des dizaines de clubs qui jouent leur championnat national mais sans savoir du tout ce qui va se passer l’année suivante dans le contexte européen.  Cette incapacité à faire des plannings, à commercialiser leurs droits, à promouvoir leur équipe est très négatif. Je vais vous donner deux chiffres. Je viens de l’UEFA et les cinq dernières années j’étais en charge des compétitions de clubs, la Champions League et l’Europa League. A travers ces deux compétitions, avec les sponsors et les droits de télévision, l’UEFA génère plus de trois milliards d’euros par an. Au basket, il y a quatre compétitions, l’Euroleague, la BCL, l’Eurocup et la FIBA Europe Cup qui génèrent ensemble… 50 millions ! On ne devrait pas en être là. Cela démontre deux choses. Premièrement, que le contexte, l’environnement n’est pas très bien régulé et, deuxièmement qu’il existe un énorme potentiel. Je ne sais pas si on arrivera à un milliard mais déjà à 100 millions, cela doublerait ce qui existe maintenant. Mais pour ça, il faut une Euroleague qui soit forte, bien gérée, qui respecte aussi les règles de la pyramide du sport qu’elle ne respecte pas exactement actuellement, ce qui affecte les calendriers des championnats domestiques. Il faut que l’on aide les clubs, les sponsors, les télédiffuseurs à avoir des certitudes sur lesquelles ils peuvent se baser pour l’année prochaine. Il y a aujourd’hui plus de 100 clubs qui disputent des compétitions européennes et il n’y en a que 11, ceux qui sont licenciés en Euroleague, qui sont certains de ce qui va se passer l’année prochaine. C’est là où le monde du foot a une approche complètement différente. Nice, par exemple, qui fait une bonne saison, sait que s’il termine dans le top 4, il ira en Champions League et il peut faire un budget adéquat pour l’année prochaine. Au basket, c’est n’est pas le cas et ce n’est positif pour personne. Il devrait y avoir davantage de transparence, des certitudes. Tout le monde en début de saison devrait savoir ce qui l’attend. C’est ce que l’on tente de mettre en place avec la Basketball Champions League où l’on privilégie les critères sportifs. On sait que si Monaco est champion de France, ils ont une place en BCL. Ce n’est pas lié au fait de savoir si c’est un club qui possède une histoire, s’ils ont un actionnaire qui met de l’argent ou une belle salle pleine à chaque match. Ce qui nous intéresse c’est la performance sportive. On est conscient de ce qui se fait en Euroleague, de leur approche commerciale qui est plus facile pour générer des revenus, mais de notre point de vue, on veut respecter le contexte sportif en Europe. L’exemple que je donne très souvent, c’est celui de Leicester, qui a gagné l’an dernier le championnat anglais de première division. Dans un format de l’Euroleague, il n’allait jamais jouer contre le Barça, le Real, la Juve et le PSG. Un autre club avec une renommée plus important allait prendre sa place. Pour nous, c’est très important de respecter le mérite sportif.

Et donc malgré ses 3 milliards de revenus, le football a continué de conserver ce qui est le modèle européen ?

Oui, car à la fin, le marché veut voir les meilleurs et nous sommes dans un monde où l’on met des labels dans tout : le meilleur étudiant, le meilleur show de télévision, le meilleur journaliste, on mesure tout. Et les meilleurs, ce ne sont pas forcément ceux qui ont un grand nom et une histoire, ce sont ceux qui performent le mieux à ce moment-ci. Le monde du foot a très bien préservé ça. Dans le monde du basket, ce n’est pas encore très clair. Si on prend rendez-vous avec une entreprise et qu’ils nous demandent « aurez-vous le champion dans votre compétition ?», dire « on ne sait pas » n’est pas bon. Si on prend la Grèce d’où je viens, elle a deux places en Euroleague avec l’Olympiakos et le Panathinaikos. Si le championnat est gagné par AEK, Aris ou PAOK, ils n’iront pas jouer contre les meilleurs en Euroleague. Et si dans cinq ans l’Olympiakos et le Panathinaikos ne sont plus les meilleurs car il n’y a plus quelqu’un pour mettre de l’argent, qu’ils sont cinquièmes, sixièmes, septièmes… Est-ce juste qu’ils aient pendant dix ans cette garantie d’évoluer en Euroleague? C’est un point où nous avons une approche très différente avec l’Euroleague. L’UEFA a pu générer cet argent car elle pouvait garantir d’avoir les meilleurs de chaque saison. Et si c’est Nice qui gagne le championnat, même si ce n’est pas le même standing que le Paris Saint-Germain, ils joueront la Champions League.

« Avec l’Euroleague, on n’en est pas encore à s’asseoir autour d’une table… »

Vous vous rencontrez avec les dirigeants de l’Euroleague ?

Non, on communique par écrit. On n’en est pas encore à s’asseoir autour d’une table avec des points concrets. J’espère que l’on aura davantage de collaboration dans le futur. Je le répète : pour nous une Euroleague forte est importante pour agrandir le marché du basket. On ne peut pas s’attendre à ce que la BCL génère plus de revenus si l’Euroleague ne le fait pas. C’est le revenu du marché qui doit augmenter, les deux sont liés. C’est le gâteau qui doit grandir.  Je sais que pour les clubs de la BCL, l’accès à l’Euroleague est important. On veut avoir les mêmes droits que l’Eurocup, on veut que le vainqueur de la BCL aille en Euroleague comme c’est le cas pour le vainqueur de l’Eurocup et aussi les champions d’autres ligues comme l’Adriatic League, par exemple. Je ne pense pas que l’on soit moins bons que l’Eurocup, et sur de nombreux points, on est même meilleurs. Nous devrions dès lors pouvoir disposer d’au moins les mêmes droits. Et ça c’est un point de départ assez « contentieux ». L’année dernière, deux clubs russes avaient déjà signé avec la BCL mais lorsqu’une deuxième invitation fut offerte à la Russie, ces clubs ont laissé leurs places dans la BCL. Il faut des principes. Et on ne devrait pas pouvoir donner ainsi des invitations qui impactent notre compétition. Elle ne devrait pas être affaiblie car quelqu’un a pris une décision dans une autre compétition.

Quels sont les avantages aujourd’hui pour un club d’aller en Eurocup plutôt qu’en BCL ?

Pour quelques clubs, l’intérêt se limite à la possibilité de gagner la compétition pour ensuite aller jouer l’Euroleague. C’est un point de départ et c’est là où on se sent lésés puisqu’on n’a pas cette même opportunité. Cet aspect de club fermé dans le sport, c’est ce qu’il y a aux Etats-Unis avec, par exemple, la NBA mais ce n’est pas le contexte européen. Aux Etats-Unis, c’est un pays avec un système différent, ils font un championnat national et développent les joueurs via les universités et la NCAA. En Europe, nous avons plusieurs pays et nous en avons eu 31 qui ont participé à la BCL cette saison. C’est une vraie compétition paneuropéenne. La BCL doit être ouverte à tous les clubs d’Europe qui remportent leur championnat national.

« Ces grands clubs pourraient se retirer de leurs championnats nationaux pour l’Euroleague où il y a plus d’argent, de glamour »

Au final, qu’est-ce qui vous a incité à créer cette Basketball Champions League ?

L’Euroleague et l’Eurocup sont gérées par une entité commerciale, ECA, qui ne gère son entreprise que pour le bénéfice de quelques clubs. Cette situation met en danger le basket européen. Les ligues ont ressenti le danger de ce modèle développé par ECA  Premièrement, si le champion d’un pays ne peut pas jouer avec les meilleurs, le championnat national est dévalorisé. En Grèce, peu importe le champion, on sait déjà qui va jouer en Euroleague. Si je suis président de la ligue grecque, cela m’angoisserait de savoir que mon championnat n’a plus de compétitivité puisque le champion ne se voit pas attribué les mêmes droits qu’auparavant. Plusieurs ligues ont eu beaucoup de soucis. Par ailleurs, plusieurs fédérations se sont demandé si l’Euroleague allait relâcher les joueurs pour les équipes nationales. Tout ça a engendré le besoin de créer une compétition qui protègent les championnats nationaux en privilégiant l’aspect sportif de ces derniers, respectent les équipes nationales, permettent à de jeunes joueurs européens de se développer, en résumé, qui aident le développement du basket en Europe. Tous nos matches ont lieu les mardis et mercredis, aussi éloignés que possible des jours de matchs des championnats nationaux. Le vendredi est maintenant pris par l’Euroleague et ça n’aide pas les championnats nationaux car beaucoup de matches doivent être joués le lundi. Le nouveau format de l’Euroleague a commencé à empiéter sur les ligues. Un risque potentiel futur est de voir l’une des équipes qui dispose d’une place garantie en Euroleague ne pas aligner sa meilleure équipe en championnat. Si je suis l’Olympiakos et que j’ai un très gros match à venir contre le Real Madrid, peut-être que pour le match du week-end je vais faire jouer ma deuxième équipe. Il y a maintenant trente matches en Euroleague et on voit les soucis de ces grands clubs dans le contexte d’un calendrier très chargé, les blessures, etc. Pire, ces clubs pourraient carrément se retirer des championnats nationaux et ne jouer que l’Euroleague où il y a plus d’argent. Et là, dans le cas de la Grèce notamment, le championnat national s’en verrait fort diminué. Le développement des joueurs grecs serait compromis. La possibilité de voir les autres clubs se développer serait limitée. Le télédiffuseur, le sponsor, il s’attend à un championnat où il y a les meilleurs. L’Euroleague n’a pas de limites de provenance de joueurs. Un club peut jouer qu’avec des joueurs américains. Pour nous, ce n’est pas une bonne manière de préserver le basket européen et le basket national. L’année prochaine, pour tous nos clubs, nous mettrons en place la même règle qui existe en France, les joueurs formés localement. Cela irait selon nous dans la bonne direction et permettrait à des joueurs nationaux, à des jeunes, de se développer. On ne peut pas avoir un basket européen uniquement avec des joueurs américains. De plus, quand on voit le nouvel accord entre la NBA et la D-League, avec tous ces joueurs qui ne trouvent pas de places en NBA, quel genre de joueurs américains va venir en Europe? Déjà en NBA, le 12e homme gagne beaucoup plus que ce qu’il pourrait toucher au Real ou au CSKA, et maintenant le 13e sera très proche de la NBA en étant en D-League. On risque de se retrouver avec des joueurs américains de quatrième qualité. Il ne faut pas oublier non plus que près de cinquante pays européens développent le basket avec des équipes nationales qui veulent se qualifier pour les grandes compétitions. Il y a le besoin de s’assurer que tout cela est sauvegardé. Je pense que c’est là où la BCL, en mettant des règles très claires, essaye de rassurer son environnement, que les fédérations et les ligues vont garder leurs droits et leurs pouvoirs.

La FIBA a menacé de sanctions les fédérations où des clubs ne respectaient pas ses directives. Peu ont été appliqués alors que des clubs espagnols, allemands, russes, etc, participent par exemple à l’Eurocup ?

C’est un point géré par les fédérations nationales et la FIBA Europe. Ces menaces étaient une réponse à une pratique illicite de ECA qui a promis à certaines ligues de leur donner une place en Euroleague, mais uniquement si les 2ème, 3e et 4e du championnat rejoignait l’Eurocup. La FIBA Europe ne pouvait pas accepter ce chantage qui met en péril le basket européen. La seule façon de réagir était de donner le pouvoir aux fédérations qui voulaient se protéger. Il y a eu la décision de FIBA Europe que toutes ces fédérations devaient faire de leur mieux pour le développement du basket dans leur pays. Cela passe par une ligue saine et compétitive, avec les meilleurs sur le terrain qui gagnent le droit d’évoluer en Coupe d’Europe. C’est ce modèle que protège la FIBA. Pour cette saison, avec l’existence de la Champions League, elle a pu démontrer ses qualités et les clubs sont libres de choisir. Nous pensons qu’il n’y a pas de sanctions à mettre en place via les fédérations. On se sent très confiants maintenant que les clubs ont vécu l’expérience de la BCL.

« Cette année, on a eu les quatre meilleurs clubs français de l’année passée, on espère avoir le même résultat l’année prochaine »

Tony Parker, président de l’ASVEL, a annoncé qu’il voulait jouer l’Eurocup la saison prochaine. Qu’en pensez-vous ?

Je vais être très clair : l’ASVEL est un très grand club, pas seulement en France mais aussi en Europe. Mais actuellement, au jour où l’on parle, il est huitième dans le championnat de France  et il faut attendre de voir à quelle position il va terminer la saison après les playoffs car on offre un accès à la BCL aux meilleurs clubs sur le terrain, pas aux grands « noms ». Si l’ASVEL se classe parmi les meilleures places du championnat français, il est évident que nous discuterons avec eux. Mais nous attendrons la fin de la saison pour connaître les équipes les mieux classées. C’est notre approche pour la France, comme pour tous les autres championnats européens. Comme vous le savez, il y a eu une réunion à la LNB où ce sujet-là a été discuté et une décision a été prise : la BCL sera la priorité pour les meilleurs clubs. On ne discute pas directement avec les clubs mais avec la ligue et nous sommes très contents de cette décision. Cette année, on a eu les quatre meilleurs clubs français de l’année précédente, on espère avoir le même résultat l’année prochaine. Si l’ASVEL fait partie de ces quatre clubs, il faudra voir sa décision par rapport à la celle de la LNB.

Au football, il n’y a pas de playoffs. Vous à la BCL, vous apportez une plus grande importance à la saison régulière ou aux résultats des playoffs ?

On se base sur le ranking que fait chaque ligue à la fin de la saison. La ligue française a pris la décision intéressante que le vainqueur des playoffs soir le premier, le finaliste le deuxième, et celui qui a gagné la saison régulière le troisième.  Il s’agit d’une décision propre à chaque ligue. Une autre peut avoir un format complètement différent. On ne s’interpose pas là-dedans. En football, c’est chaque ligue, chaque fédération, qui nomine les clubs. En Angleterre, le vainqueur de la Coupe dispose d’une place en Europa Cup, ce n’est pas le cas dans toutes les ligues. Ce n’est pas à l’UEFA de s’imposer. Mais en football, c’est plus facile car peu de championnats ont des playoffs et ce n’est pas le même concept qu’en basket avec le best of three, of five, of seven. La ligue grecque de basket a un format où à la fin de la saison régulière le 3e joue contre le 6e, le 4e contre le 5e et les vainqueurs jouent contre les deux premiers qui ne font donc pas la première phase des playoffs. Il faut respecter le pouvoir des ligues à gérer leurs propres championnats.

Croyez-vous que l’année prochaine ça sera un peu moins le bazar dans les coupes d’Europe ou qu’elles seront toujours aussi tumultueuses ?

Tout est clair du côté de la BCL pour l’année prochaine : 32 équipes, 4 groupes de huit, les 4 meilleurs de chaque groupe pour les 1/16ème, puis pour les Quarts de finale et enfin pour le Final Four. Le calendrier est fixé avec un début de la saison régulière les 9-10 octobre et un Final Four les 4-6 mai 2018. Nous avons aussi validé ce que j’appelle « l’access list », qui dit que selon les performances des clubs dans la BCL, chaque pays se voit attribuer un nombre de places pour ses équipes. Comme la France a eu deux équipes en 1/16ème (Le Mans et ASVEL) et une au Final Four (Monaco), c’est l’un des pays les mieux classés dans la liste et cela lui garantit quatre places, trois pour la saison régulière et une pour la phase qualificative. C’est une grande différence par rapport au passé où il n’y avait aucune certitude, « qui vient ? qui ne vient pas ? ». C’est quelque chose qui devrait être fait dans un contexte paneuropéen : les champions de ces pays vont en Euroleague, les mieux classés vont en BCL, les champions de ces autres pays vont en BCL, etc. Mais ce n’est pas le cas. C’est clair qu’il y a encore beaucoup à discuter dans ce contexte-là.

Quels sont vos rapports avec le directeur de l’Euroleague, Jordi Bertomeu ? L’humain est très important et c’est mieux que de discuter par l’entremise d’avocats ?

Je suis d’accord avec vous. On ne s’est pas encore rencontrés. J’ai envoyé plusieurs lettres en essayant d’arranger un rendez-vous. J’espère que cela pourra se faire. On n’en est pas encore à se téléphoner, mais c’est très important que les deux organisations se mettent autour d’une table pour discuter.

La FIBA a une image conservatrice mais quand on visite vos locaux, on constate qu’il y a beaucoup de jeunes, que ça bouge. Vous êtes également en pointe au niveau digital. Pensez-vous que vous pâtissez de vieux clichés, de vieilles histoires ?

Absolument. Il faut rappeler que, depuis quinze ans, la FIBA n’est présente que pour quelques semaines par année durant les mois d’été. Dorénavant, à travers la BCL, il y a une présence hebdomadaire. La BCL, ce n’est pas que la FIBA qui n’est actionnaire qu’à 50% mais c’est clair que la FIBA a une influence ou, à l’inverse, ce que fait la BCL se reflète sur toute la FIBA. C’est vrai que comme la BCL est une nouvelle compétition, on pouvait craindre cette mentalité un peu archaïque avec une FIBA qui n’est là que pour infliger des amendes. Je pense qu’à travers les clubs mais aussi le public en général, grâce aux médias sociaux, on démontre que ce n’est pas du tout le cas, que la BCL existe dans le contexte du 21e siècle. Mon opinion personnelle, c’est que cette image de la FIBA archaïque est fausse. Cela vient du fait que la FIBA n’a pas la possibilité d’être dans le quotidien des médias et qu’elle conserve dès lors cette image conservatrice. Moi qui ne suis là que depuis six mois, je ne l’ai pas vécu. Je vois une fédération qui est très dynamique, tout ce qu’elle fait est toujours à l’avant-garde, elle cherche à avancer. On cherche toujours à mettre le basket et le basketteur en avant.

Qu’en est-il de la FIBA Europe Cup qui, elle, est toujours gérée par la FIBA Europe ?

C’est une compétition très importante pour beaucoup de clubs qui veulent avoir une expérience européenne. C’est une compétition gérée depuis des années par la FIBA Europe et cela va rester comme ça avec quatre compétitions en parallèle. Ce qu’il faudrait, c’est que tous les organisateurs se réunissent autour d’une table et se demandent combien de clubs doivent participer aux compétitions européennes et comment ils peuvent être mieux gérés, avec deux, trois, quatre, cinq compétitions. On n’a jamais fait cet exercice. Combien de clubs le marché peut-il digérer ? Il y a de plus en plus de clubs et pour beaucoup, c’est un exercice qui coûte. Et certains qui se sont qualifiés ne veulent pas s’engager car ils ne peuvent pas se permettre ces coûts d’avion et d’hôtel.  Ça n’existe pas au foot où tout le monde veut aller jouer en Europe car il n’y a que des aspects positifs. Un club ne devrait pas faire une longue saison dans son championnat national, bien se classer, et puis après en regardant le budget prévisionnel en Coupe d’Europe, dire « non, non, merci… ». Il faut se questionner, pourquoi ça ? Il faut étudier la chose pour que tout le monde puisse s’offrir cette opportunité. Il faut générer plus de revenus. C’est quelque chose qui existe pour toutes les compétitions européennes. Jouer l’Euroleague, ça exige un budget énorme. J’ai discuté avec un président de club qui me disait :  « si je vais en Euroleague avec mon équipe actuelle, je ne suis pas compétitif et je vais prendre 30 points à chaque match. Mon public, mes sponsors ne vont pas comprendre cette situation ». Il a peut-être été soulagé du fait que le coût pour être compétitif allait être énorme. Dans le football, il n’y a pas une telle disparité. Les compétitions européennes devraient être un privilège qui doit être gagné, pas donné. Deuxièmement, ça doit être une belle aventure pour les clubs, les fans et les joueurs. C’est ce que l’on essaye de faire avec la BCL. Pas un club ne perd un euro et les 50 000 qu’ils vont toucher l’année prochaine leur permettra toujours de prendre en charge leurs déplacements et l’organisation. C’est une compétition de haut niveau qui leur permet de jouer avec des clubs de toute l’Europe et, au fur et à mesure qu’ils avancent, ils peuvent gagner encore plus d’argent. Alors je ne pense pas qu’un club qui a la possibilité de participer à la BCL va dire non.

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