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Interview : Antoine Rigaudeau (lecture offerte)

Antoine Rigaudeau est à la retraite depuis plus de dix ans, mais « Le Roi » n’a jamais vraiment quitté le sport qui lui a permis d’intégrer le Hall of Fame de la FIBA. Rigaudeau, 46 ans, polyglotte – français, italien, anglais et espagnol – vit à Valence depuis plus de 20 ans et c’est un vrai consom

Antoine Rigaudeau est à la retraite depuis plus de dix ans, mais « Le Roi » n’a jamais vraiment quitté le sport qui lui a permis d’intégrer le Hall of Fame de la FIBA. Rigaudeau, 46 ans, polyglotte – français, italien, anglais et espagnol – vit à Valence depuis plus de 20 ans et c’est un vrai consommateur de sport. Tous les sports. Il a même pris goût à l’art. L’autre soir, Rigaudeau a réalisé un autre rêve. Il s’est échappé du match d’Euroleague entre Valence et le CSKA Moscou, et a emmené un ami voir le choc entre Valence et Barcelone. « Je connais le basket, j’ai vu assez de matchs dans ma vie. Mais je n’avais jamais vu Lionel Messi en live, et ça a été très plaisant de voir le Barça gagner 2-0 », a confié la légende française dans une interview exclusive pour Basket Europe.

Pendant quasiment une heure, Rigaudeau s’est exprimé sur ses moments passés en NBA avec les Dallas Mavericks, ce surnom « Le Roi », sa relation avec Fred Fauthoux, le développement de Louis Labeyrie et Vincent Poirier, mais aussi pourquoi Ettore Messina l’appelle Michael Schumacher, Joel Embiid et l’Equipe de France, et son passage raté au Paris-Levallois. Indice : il ne reviendra jamais dans le coaching.

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Vous vivez vraiment à Valence ?

Oui. J’ai pris ma retraite à Valence, et je vis ici dans la maison que j’ai achetée il y a longtemps. Je me sens bien en dehors de la France, ça fait plus de 20 ans. C’est une bonne expérience de vie pour moi et mes enfants parlent trois langues : français, anglais, espagnol.

Vos enfants et vous, avez-vous pris la nationalité espagnole ?

Non. Mes deux enfants sont nés en Italie, mais il ne possède qu’un passeport français. Nous pouvons prendre un passeport espagnol parce que nous vivions ici depuis dix ans, mais je ne pense pas que nous le ferons.

Quelles sont vos activités aujourd’hui ? Toujours, dans le basket ?

Je joue au basket une fois par semaine avec d’anciens joueurs de Valence et des jeunes joueurs du club. Mais j’aime tous les sports, particulièrement les sports extrêmes. Je suis beaucoup de matchs à la télé et via les médias. J’aime regarder des matchs et voyager. J’ai aussi pris goût à l’art. J’étais au basket 24h/24 pendant vingt-cinq ans, maintenant je comprends qu’il y a d’autres choses que le monde peut offrir dans une vie.

Sillonnez-vous l’Europe ? Revenez-vous souvent en France, à Cholet ?

Mes parents et mon grand frère (NDLR : Etienne) vivent toujours à Cholet donc j’y retourne deux ou trois fois par an pour les voir, mais il n’y a pas de pression sur moi pour revenir vivre en France.

Sur Internet, suivez-vous prioritairement les infos en France, en Espagne ou en Italie ?

Je suis français donc évidemment sur la France. Je parle d’autres langues donc si j’ai besoin de trouver un lien en espagnol ou italien je peux le faire, mais je vais sur internet la plupart du temps en français.

Comment est venu votre surnom « Le Roi » ?

Je ne suis pas sûr à 100% d’où ça vient, mais quand je jouais en Italie, notre entraîneur adorait la France. Il est mort il y a quelques années, mais il m’a dit qu’il aimait aller en France pour les vacances et il parlait beaucoup de la Révolution, des rois et de la culture française. Je pense qu’il m’a donné ce surnom et c’est resté. C’est plus facile de dire Le Roi que Rigaudeau, et je pense qu’être un meneur de jeu sur le terrain et un leader a beaucoup aidé.

Pouvez-vous nous partager quelques histoires de votre passage en NBA ?

J’ai joué avec Dirk Nowitzki, Steve Nash, Michael Finley et Nick Van Exel. Dirk est probablement le meilleur shooteur européen de l’histoire. Nash était un meneur incroyable, agressif, rapide et intelligent. C’était une étrange expérience parce que je suis arrivé en milieu de saison dans une bonne équipe, je crois que Dallas était premier du classement. En Europe j’étais meneur, mais quand je suis arrivé à Dallas ils ont vu que j’étais grand et ont fait de moi un ailier. Je ne jouais pas bien, je manquais beaucoup de tirs, donc j’ai passé beaucoup de temps sur le banc. Je pense qu’ils m’ont fait venir en NBA pour mettre la pression aux autres joueurs de l’équipe pour qu’ils soient meilleurs, mais je n’ai jamais parlé de ça à personne, donc ce n’est qu’une supposition. Don Nelson m’a demandé de défendre et de prendre des rebonds, mais je n’ai jamais été un très bon rebondeur dans ma carrière. Ils voulaient que je shoote et marque, mais je ne marquais pas. J’ai compris que je n’étais pas en très grande forme (NDLR: au final Antoine Rigaudeau a joué 11 matches avec les Mavs pour 1,5 point et 0,5 passe).

Quels autres souvenirs gardez-vous de la NBA ?

C’était bizarre pour moi en NBA de conduire de chez vous à l’aéroport, de marcher jusqu’à notre Boeing 767 privé. On laisse nos sacs dans la voiture, mais quand on arrive à l’hôtel à l’extérieur, nos sacs nous attendent. C’est fou. Aussi, Steve Nash voulait toujours prendre un bain froid, c’était quelque chose à voir. Aujourd’hui, j’ai installé un bain froid dans ma maison à Valence.

Quelle est la raison profonde qui vous a fait arrêter votre carrière de coach après quelques mois à Levallois ?

Quand j’ai pris ma retraite je ne voulais pas coacher, mais quand j’ai eu cette opportunité j’ai pensé que c’était une bonne chose de rester dans le basket. Je l’ai fait, mais je n’étais pas convaincu à 100% de vouloir le faire. C’était intéressant bien sûr et j’ai aimé quelques facettes de ce travail comme travailler avec les jeunes joueurs et les entraînements individuels. Mais certains entraînements étaient horribles. Ce n’était pas pour moi. Je ne ressentais pas de plaisir et je ne m’amusais pas.

Pensez-vous tenter une nouvelle expérience de coach à l’avenir ?

Non. J’ai arrêté le coaching parce que je n’y trouve plus d’intérêt. Si je ne suis pas à 100% dans mon coaching, ce n’est pas bon pour moi, les joueurs et l’équipe.

Suivez-vous le parcours de Fred Fauthoux ? L’avez-vous parfois au téléphone ? Qu’en pensez-vous ?

Nous parlons parfois sur Whatsapp. Je suis allé le voir quand l’équipe est venue jouer en Espagne face à Andorre. Quand j’ai arrêté de coacher, il était mon assistant et je lui ai dit de prendre l’équipe, et il s’en sort bien.

Que pensez-vous des progrès de Louis Labeyrie et Vincent Poirier ?

Je les ai coachés tous les deux pendant quelques mois. C’est sympa parce qu’à l’époque les dirigeants souhaitaient prêter Vincent, mais j’ai refusé. C’était le seul joueur de notre équipe avec un avenir en Euroleague. Il n’avait pas les « skills », mais c’est un gros travailleur avec un gros mental, il est grand et fort. Il a beaucoup progressé et il joue bien avec Baskonia. Louis est différent. Il n’est pas très costaud, mais il est athlétique, il peut courir vite, prendre des rebonds et contrer. Ce n’est pas un très bon shooteur, mais il est très actif. Il est très intéressant s’il vient du banc, il peut renverser le match de par son intensité et son énergie. Il a besoin de se renforcer musculairement pour être à un haut niveau d’Euroleague.

Antoine Rigaudeau était à Moscou il y a quelques semaines en tant qu’invité spécial du CSKA Moscou en l’honneur du match des légendes organisé pour le 90e anniversaire d’Alexander Gomelsky. Rigaudeau a joué avec les stars européennes contre les stars russes. Il a joué quelques bonnes minutes et a marqué un trois points après une passe d’Oded Katash. Les deux portaient le numéro 14. Rigaudeau portait le 14 quand il a gagné l’Euroleague avec Bologne et Katash avait le 14 quand il a battu le Maccabi Tel Aviv en finale de l’Euroleague avec le Panathinaïkos.

Avez-vous souvent l’occasion de revoir les joueurs européens de votre génération comme c’est le cas ce week-end à Moscou ?

C’était sympa d’être avec mes anciens coéquipiers. Quand nous avons gagné l’Euroleague, j’étais avec Sasa Danilovic, Matjaz Smodis et Raso Nesterovic. Ce qui est drôle c’est que j’ai regardé autour de moi dans le vestiaire et j’ai réalisé que j’étais le plus vieux de tous. Je me suis dit « wow, je suis si vieux ».

La question qui agite actuellement le basket français, c’est de savoir s’il faut solliciter le Camerounais Joel Embiid pour l’équipe de France. Qu’en pensez-vous ?

J’en ai entendu parler, mais je ne pense pas qu’il devrait jouer pour la France. Le problème ce n’est pas qui joue pour la France, mais le plus gros problème c’est toutes les personnes concernées – joueurs, coachs, staff – si elles viennent ensemble pour le même objectif de gagner. Je pense que la France a assez de talent et de bons joueurs pour avoir des résultats. Bien sûr, l’Eurobasket

2017 n’a pas été bon, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée de prendre Joel Embiid. Je pense que la fédération devrait moins se concentrer sur Joel Embiid et plus investir dans le développement des jeunes. La France a beaucoup de joueurs talentueux, mais on devrait moins se concentrer sur l’aspect athlétique mais plutôt sur l’approche mentale pour remporter des matchs.

Depuis la victoire à l’Eurobasket avec Tony Parker en 2013, l’Equipe de France a été décevante dernièrement. Êtes-vous d’accord ?

J’ai appris que les joueurs décident de l’issue des matchs, pas les coachs. En 1997/98 quand je jouais en Italie, Ettore Messina m’a appelé pour me donner rendez-vous dans son bureau. Il m’a demandé « sais-tu qu’est-ce qu’une Ferrari ? ». J’ai évidemment répondu que oui, c’est voiture de course, une F1. Il m’a donc dit : « Je suis comme Jean Todt, mais tu es Michael Schumacher. Je fabrique la meilleure voiture, mais si la voiture va dans le mur, c’est de ta faute ». J’ai alors réalisé que les résultats des matchs sont dans les mains des joueurs.


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