Après un long cursus en NCAA (deux ans à Arizona, deux ans à Santa Clara), était-ce une évidence de passer pro en France ?
« Non, ce n’était pas une évidence. L’année d’avant (en 2024), je m’étais inscrit à la draft NBA avant de retirer mon nom. J’étais plutôt “bien positionné” mais j’ai préféré refaire une année universitaire. Finalement, j’ai eu trois blessures à chaque fin d’année, j’ai été blessé lors du processus de draft. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à regarder pour passer professionnel ailleurs. Je suis Français, JFL… la France a toujours été une option. C’est naturellement que je me suis orienté sur ce marché avec mon agent.
Face à la puissance économique que représente la NCAA, le discours au sein de la Ligue Nationale de Basket consiste à dire “OK, on laisse partir les jeunes mais l’objectif, c’est qu’ils reviennent en France après”. Vous en êtes l’un des exemples…
Entre la G-League et le championnat de France ou l’Europe, il me paraissait plus intéressant de privilégier le niveau professionnel en Europe pour me lancer en pro. C’est un niveau plus exigeant, avec une mentalité plus développée. La G-League, ce n’est pas une ligue très compétitive dans un sens où chaque joueur veut montrer ce qu’il est capable de faire mais il n’y a pas ce sentiment de victoire-défaite, montée-descente.
Moi je voulais vraiment évoluer dans un environnement compétitif. J’ai 21 ans, je suis encore jeune mais je ne veux pas gâcher des occasions de pouvoir jouer à un haut niveau. Quand on est JFL, qu’on est Français et qu’on a grandi en regardant la Pro A, on sait que le championnat de France est une ligue compétitive donc c’est naturel de penser à la France.

Vous avez été formé au Mans (JALT, SCM) puis au Pôle France. Pourquoi avoir choisi Strasbourg ?
C’est l’équipe qui m’a le plus sollicité et montré le plus grand intérêt. On a l’équipe la plus jeune de la ligue, avec beaucoup de jeunes joueurs de talent que j’ai déjà côtoyés en NCAA. La direction sportive a décidé de parier sur nous parce qu’elle a vu ce qu’on était capables de produire et elle pense qu’on est capable de le transcrire dans le championnat français. Dans la continuité de la NCAA, c’est vraiment ce projet qui m’a séduit.
« Il y a plus de positif que ce que les gens pensent en NCAA »
Depuis quelques années, la NCAA a ouvert la voie à la rémunération de sportifs universitaires. N’y a-t-il pas un mythe sur l’argent réel qui arrive sur votre compte en banque ? Comment s’en prémunir ?
Déjà, ça dépend d’énormément de choses, notamment de l'État dans lequel on se trouve et aussi de la façon dont l’université décide de te payer. Par exemple, certains joueurs ont besoin de créer leur entreprise, etc. Moi je n’ai pas eu à passer par là.
Il faut faire attention aux gens autour de soi à ce moment-là. Dès qu’on parle d’importantes sommes d’argent, c’est important d’avoir un agent ou des personnes qui s’y connaissent bien sur le plan juridique parce qu’il y a des universités qui avancent des chiffres mais ce n’est pas ce qui va être réellement donné. Un autre exemple, quand un joueur veut être transféré, il peut ne pas être payé la totalité de ce qu’il devait toucher.
Et puis forcément, il y a des taxes sur énormément de choses aux Etats-Unis. Parfois, on entend dire qu'untel ou untel va toucher 1 ou 2 millions de dollars. Mais la réalité, ce n’est pas totalement ça. Oui, il y a une forme d’illusion parfois.
Quel conseil donneriez-vous à un joueur qui déciderait de tenter sa chance en NCAA ?
La première chose, c’est d’être bien accompagné et bien renseigné pour éviter les mauvaises surprises. Et surtout de ne pas écouter que la voix qui enjolive le plus les choses. En général, c’est là que les problèmes arrivent. Il faut vraiment rester objectif et prendre du recul quand on prend une décision car il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte.

L’année prochaine, il y a aura une vingtaine de jeunes joueurs français en plus en NCAA par rapport à la saison dernière. Ressentez-vous cette vague ? Etes-vous très sollicité pour vos retours sur expérience ?
Oui, maintenant, tous les jeunes sont intéressés par la NCAA aujourd’hui, c’est une certitude. C’est une opportunité, forcément. Rien que des jeunes joueurs qui m’ont contacté, j’en ai au moins 5-6 en tête qui m’ont demandé comment ça se passait.
Que leur avez-vous partagé ?
Qu’il y a du très bon et du moins bon. Ça ne doit pas être une nécessité pour chacun de passer par la NCAA. Chaque parcours est différent. Certains ont des gros coups à jouer en Europe et ça peut être avantageux pour eux de rester, pour d’autres moins. Je ne suis pas forcément celui qui va dire “vas-y, fonce, c’est la meilleure chose qui peut arriver”, ça dépend de chaque situation, chaque contexte.
Ça dépend de l’âge aussi parce qu’avec la réglementation qui évolue, certains joueurs déjà expérimentés chez les pros ou relativement “vieux” vont à l’université quand moi j’en sors (à 21 ans). Dans ce contexte-là, quand tu rentres à l’université pour maximum 1-2 ans et que tu touches ce que tu aurais pu gagner en 4-5 ans en temps normal en plus de l’expérience et des autres avantages, c’est normal d’y penser.
Ce n’est pas en un ou deux ans à jouer à l’université que la progression ralentit, ces joueurs vont quand même évoluer à haut niveau, avoir de grandes responsabilités, une autre expérience du basket, peut-être de meilleurs liens avec la NBA pour certains… Pour un jeune joueur en développement, je pense que ça ne peut être qu’une expérience bénéfique. C’est vrai qu’il y a un peu de risque, un peu de négatif parfois, mais il y a aussi beaucoup plus de positif que ce que les gens pensent.
Qu’avez-vous vu comme avantages et inconvénients à jouer en NCAA ?
Surtout des avantages. Le premier, c’est de jouer dans de telles atmosphères. L’engouement, les infrastructures, je pense que c’est vraiment le top niveau. Sérieusement, certaines franchises NBA n’ont pas le même équipement que certaines universités en NCAA, c’est dire toute l’attention qui est portée au sport là-bas.
Et puis, je trouve qu’il y a une grosse compétitivité. A chaque match, on joue contre des prochains tours de draft. Je ne peux pas compter le nombre de joueurs contre lesquels j’ai joué qui se sont fait drafter ces quatre dernières années… En tout cas, on ne joue pas contre n’importe quels jeunes, on est avec l’élite des joueurs de notre âge.
« Ce n’est pas un choc (de gagner moins d’argent), je m’y suis préparé »
Comment vivez-vous le fait d’avoir touché des sommes très importantes en NCAA à un jeune âge et de vous insérer aujourd’hui, à 21 ans, dans un monde professionnel où, dans un premier temps, vous allez gagner moins d’argent ?
Pour moi, ce n’est pas un choc puisque je m’y suis préparé. En fait, c’est quelque chose auquel j’ai toujours été préparé à partir du moment où je suis parti. J’ai la chance d’être très bien entouré, notamment une famille qui a la tête sur les épaules. Je savais que c’était beaucoup d’argent mais j’ai toujours fait attention. Quand on y va, on sait dès le départ que ce qu’on va gagner au maximum pendant 4-5 ans, sur une petite partie de notre carrière, ce n’est pas de l’argent qui va durer. Il y a même des rookies en NBA, notamment les two-way contracts, qui touchent moins que certains gars dans des grosses universités en NCAA. C’est une réalité. J’espère que tout le monde aura ce recul-là sur ce sujet. C’est important. »
Propos recueillis à Roland-Garros (Paris).
