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ITW Philippe Ausseur, président LNB : « Cette case du dimanche à 19 heures nous sert tous »

Le retour de la Betclic Elite sur La Chaîne L'Équipe en complément de DAZN, sa position sur la NBA Europe ou encore la fuite des talents vers la NCAA… Le président de la Ligue Nationale de Basket (LNB), Philippe Ausseur, passe en revue les grands thèmes de la rentrée des classes. Entretien.

Philippe Ausseur © Marie ETCHEGOYEN / CAPA PICTURES / LNB

Grand fan de Novak Djokovic et ravi d’être ici à Roland-Garros, le Monégasque Nikola Mirotic s’attend à ce que cette Supercoupe française atteigne « quelque chose de différent » des compétitions de lancement en Espagne et en Italie. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
« Quand ça vient d’un joueur comme ça, et surtout les ligues qu’il prend en référence, cela m’inspire que le challenge est élevé. Nous avons la chance d’avoir à notre disposition ce lieu iconique de Roland-Garros et sa magnifique Arena. Ce n’est que la première édition donc il va d’abord s’agir d’installer l'événement. Cela va demander un peu de patience, de bienveillance, y compris à Mirotic (sourire), car cela reste une première.

En tout cas, on a toujours fait des media days, des trophées des champions… mais il nous manquait un événement de lancement de saison pour que les gens comprennent que “le basket, c’est parti, c’est lancé”, avec aussi l’idée de “souvenez-vous du précédent vainqueur”, dans un format complémentaire des autres compétitions comme le All-Star Game ou la Leaders Cup. C’est le sel qu’on voulait mettre là-dedans. Ça s'y prête très bien.

Quelles sont les attentes de votre deuxième année de collaboration avec DAZN ?
Tout d’abord, la première année de collaboration avec DAZN a été très occupée par le football (NDLR : le feuilleton de la Ligue 1). On a probablement manqué de bande passante des deux côtés, parfois. Néanmoins, on a réussi à installer le produit basket sur cette plateforme. Par ce qu’elle a pu obtenir récemment, notamment les droits de diffusion en Espagne, DAZN devient un peu le diffuseur du basket européen. Et on souhaite qu’il le soit de plus en plus (NDLR : selon L’Equipe, DAZN est intéressée par l’Euroleague actuellement diffusée en intégralité sur Skweek).

Cela a aussi permis de faire des innovations, Brice Daumin (le PDG France du groupe) a valorisé l’aspect de sonoriser arbitres, entraîneurs dans leur innovation “sur écoute”. Cela rejoint notre volonté d’être une ligue qui innove, qui teste un certain nombre de choses. De ce point de vue, la collaboration avec DAZN a été excellente.

Désormais, il faut qu’on aille plus loin, c’est-à-dire que leur nombre d’abonnés augmente (NDLR : avec un tarif de l'offre basket revu à la baisse, à 9,99 euros par mois) pour que la visibilité de la ligue augmente de plus en plus vite. Notre objectif, c’est de continuer à innover, que le basket soit vu sous cet angle et aussi, soyons clairs, que de plus en plus de gens regardent du basket du DAZN.

Le PDG de DAZN a également annoncé le retour de La Chaîne L’Equipe sur la case en clair du dimanche à 19 heures pour cette saison. Votre vœu de visibilité est donc exaucé…
Tout d’abord, je veux vraiment remercier DAZN qui a joué le jeu à fond. Ils ont la totalité des droits sur l'ensemble des matches mais ils savaient dès le départ qu’on souhaitait vraiment cette exposition en clair, quitte à avoir un peu moins de droits. Pourquoi ? Parce qu’il faut absolument qu’on continue à exposer le basket le plus possible, qu’on atteigne le maximum le grand public.

Cette case du dimanche à 19 heures nous sert tous. Quand je dis “nous”, c’est à la fois DAZN et la Ligue, car nous sommes persuadés que les personnes qui vont regarder sur La Chaîne L’Equipe seront intéressées pour continuer à regarder sur DAZN. C’est aussi pour nous une grande satisfaction car il faut se souvenir que nous étions déjà sur La Chaîne L’Equipe il y a deux saisons et nous avions fini avec de très belles audiences. C’est donc naturel que le basket y revienne.

Cette pause d’un an était donc liée au dossier Skweek…
Effectivement, on avait eu ces vicissitudes liées à la rupture de contrat entre L'Équipe et Skweek. Il était compliqué de pouvoir continuer. Cela nous aide que cela ait été mis derrière. Le basket a aussi fait en sorte de montrer que c’est un produit intéressant. Et c’est notre travail, la Ligue, les clubs, diffuseurs, de le montrer.

« Plutôt que d’interdire aux jeunes d’aller en NCAA, il faut surtout les encourager à revenir »

Le basket international peine à limiter la montée en puissance de la NCAA, notamment en matière de rémunération. Quels sont les moyens mis en place par la Ligue pour aider les clubs ?
Il y a deux volets. Le premier, c’est celui de la valorisation. Ce qui est important, c’est que nos jeunes joueurs, quand ils sont en France, soient valorisés pour que l’on voit tout le potentiel du basket français, et tout l’intérêt pour eux d’être en France. Ce qui n’est pas contradictoire avec la poursuite d’un rêve américain.

Le deuxième, c’est le volet de pédagogie. D’abord envers ces jeunes joueurs, de leur dire qu’ils peuvent y aller, oui, mais qu’il faut bien regarder les conditions, dans quel type d’université, ce qui sera proposé, la durée… car tout n’est peut-être pas eldorado. Il y a sans doute un peu plus à réfléchir. Et, s’ils y vont, on doit faire en sorte qu’ils aient envie de revenir. Plutôt que d’interdire d’y aller, il faut surtout encourager à revenir. 

Dans ce même volet, il y a aussi - et c’est ce qu’on a fait - le fait d’alerter un certain nombre d’instances : la FIBA, l’ULEB, la NBA à qui l’on a envoyé une note à ce danger de “pillage” de la formation européenne donc française, et la NCAA elle-même de lui dire “attention, vous pouvez être vainqueur à court terme, en captant les meilleurs talents, mais si vous ne rémunérez pas cette formation, elle disparaîtra un jour, elle finira pas s’assécher et on sera tous perdants”. Dans cet aspect, il faut a minima rémunérer le club qui a formé. C’est là-dessus qu’on travaille.

On a aussi rappelé qu’il faut des conditions pour être éligible à la NCAA, et qu’un certain nombre de joueurs ne nous paraissait pas être éligibles. Cela a ramené de la raison, on a évité un exode trop fort. Si on joue sur ces deux volets, je pense qu’on peut arriver à trouver une formule gagnante.

Comment cela peut-il se matérialiser ? Quels gains pour les clubs ?
Nos dirigeants sont dans la même démarche que la Ligue, ils ne veulent pas forcément interdire, mais il y a quand même un certain nombre de choses à respecter. ll y a des conditions d’éligibilité à la NCAA sur lesquelles on peut être souple mais lorsqu’un joueur a été formé et est devenu professionnel chez nous, il ne doit pas partir comme ça vers la NCAA. La plupart des facultés américaines l’ont compris. A un moment donné, je pense qu’on se dirigera vers un buyout, ou des clauses plus restrictives. C’est la voix sur laquelle on va.

Soyons clair, le risque NCAA n’est pas sur les joueurs draftés au premier tour. Ces joueurs-là resteront en Europe avant la NBA. Nous devons surtout protéger les joueurs du deuxième cercle. La FIBA pourrait mettre en place des règles contraignantes pour que le retour soit contraint s’il n’y a pas eu un certain nombre de choses réalisées avant. Moi, je n’ai jamais trop aimé les mesures coercitives, je préfère qu’on soit dans l’incitatif, que l’on trouve une formule qui fasse que cela se passe bien quand le joueur parte et qu’il ait encore plus envie de revenir. Si l’on doit mettre des règles, mettons-les plutôt pour rémunérer la formation au départ du joueur…

« La NBA entend que sa ligue en Europe ne sera pas simplement une duplication de ce qu’il se fait aux Etats-Unis, c’est une très bonne chose »

Vous avez répété à plusieurs reprises être favorable à une NBA Europe selon certaines conditions. Qui porte la voix du basket français dans les discussions avec la NBA ?
Ce sont beaucoup Jean-Pierre Hunckler (NDLR : président de la FFBB) et moi-même, et plutôt même la Ligue Nationale de Basket. On a eu la chance d’avoir Victor Wembanyama, Zaccharie Risacher, les matches de la NBA à Paris qui nous ont beaucoup aidé, et au-delà de la NBA, nous avons réussi à avoir une très bonne connexion avec la FIBA. Nous avons fait passer un certain nombre de messages.

Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si la NBA va venir mais comment et quand ? Ce qu’il faut qu’on travaille, c’est le comment. Jusqu’ici, on s’est déjà exprimé sur les lignes rouges, qui sont le respect des championnats nationaux, des fenêtres internationales car les gens s’identifient au basket par les sélections nationales donc c’est très important, et tout cela dans une forme de collaboration et notamment avec des règles FIBA. Le quand, est-ce que ce sera au 1er juillet 2027 comme on l’entend ? Est-ce que ce sera l’année d’après ?

C’est un dialogue mais, ne rêvons pas, ça restera quand même un produit teinté NBA, on n’obtiendra pas tout ce qu’on voudra. Mais le fait que la NBA entende que ce qui peut se faire en Europe ne sera pas simplement une duplication de ce qu’il se fait aux Etats-Unis, c’est une très bonne chose.

Vous avez assuré que la Betclic Elite ne descendrait pas sous les 16 clubs et rappelé que le passage de l’Euroleague de 18 à 20 clubs rendait le calendrier de plus en plus tendu. Comment appréhendez-vous cela avec l'arrivée de la NBA ?
Je vais me répéter. En ça, je suis rejoint par Tony Parker. Je souhaite que l’arrivée de la NBA soit un plus et pas simplement du moins. Plus clairement, on souhaite tous un accord entre le binôme FIBA-NBA d’un côté et Euroleague de l’autre, pour éviter une fragmentation supplémentaire, même temporaire. Et aussi pour éviter que l’Euroleague, qui est quand même devenue une très belle compétition continentale, ne disparaisse par la force des choses.

A la fin, s’il ne pouvait pas y avoir d’entente entre la NBA et l’Euroleague, les conditions seraient objectivement plus favorables à aller vers la NBA que l’Euroleague. Soyons clairs, la puissance marketing de la NBA fait que, même toute Euroleague qui soit, ce serait la bataille du pot de fer contre le pot de terre. Moi, je continuerai à donner de la voix pour une entente. Ce que je crains, c’est qu’il n’y ait pas d’entente.

Enfin, le basket français a vécu un été contrasté, chez les jeunes comme les séniors. Quelles leçons en tirez-vous ? 
Je vais relayer la parole de Jean-Pierre (Hunckler) : “Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain”. C’est vrai, les équipes de France ont vécu un été contrasté, même décevant. Cela ne remet pas fondamentalement en cause les talents que nous avons, la qualité de notre formation. Maintenant, il y a des éléments sur lesquels on doit travailler. 

Si l’on se focalise sur le basket professionnel, à savoir l’équipe de France masculine, on pensait qu’on pouvait aller plus loin, qu’il y avait la place pour passer la Géorgie en huitièmes, bien entendu. Mais, ce que j’ai vu, comme d’autres, c’est aussi une équipe jeune mais avec beaucoup de talent, et une osmose dans le désir de jouer ensemble. Certes, cet été est une déception, mais je pense que le tout reste prometteur. Ne désespérons pas. Les générations précédentes qui ont réussi sont également passées par des échecs. Il vaut mieux échouer maintenant et qu’on réussisse après, y compris aux Jeux Olympiques. »

Propos recueillis à Roland-Garros (Paris).

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