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Le Mans – L’Afrique, la chasse aux prospects

A la rentrée, le centre de formation du Mans Sarthe Basket comptera trois joueurs issus directement de son travail de prospection au Sénégal. Une nouvelle filière qui peut s’avérer payante. Par Rodolphe TREHET

A la rentrée, le centre de formation du Mans Sarthe Basket comptera trois joueurs issus directement de son travail de prospection au Sénégal. Une nouvelle filière qui peut s’avérer payante.

Par Rodolphe TREHET

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Des jeunes joueurs français devenus rares, des clubs sensibles à la formation beaucoup plus nombreux… L’embouteillage est désormais inévitable au moment d’alimenter sa pépinière. Pour Vincent Loriot, Directeur sportif du MSB, il n’y a guère d’alternative : « On ne peut appâter financièrement les meilleurs éléments, alors on essaie d’être malin en guettant des opportunités. C’est la seule manière de lutter face aux plus puissants. » Et notamment la « Tony Parker Adequat Academy » qui ouvre en septembre et comptera soixante jeunes dont vingt éléments issus du centre de formation pro de LDLC-ASVEL.

Le tarissement des forces locales résulte aussi d’une baisse d’attractivité du basket. Chez les ados, la balle orange fait moins tourner les têtes que dans les années 90 lorsque la mode NBA avait submergé les terrains de streetball et même bouleverser le style vestimentaire dans les cours de lycée. Désormais, la jeunesse rêve davantage de Kylian Mbappé et des coups de « Grizou » que des arabesques de Stephen Curry. Vincent Loriot ajoute la percée du rugby et du handball : « Le second a grignoté du terrain grâce aux équipes nationales. » D’où la nécessité d’explorer ailleurs que dans l’Hexagone.

La première exploration fut antillaise

Il y a une dizaine d’années, Philippe Desnos, directeur du Centre de formation du MSB, milite pour prospecter en Guadeloupe. L’ancien coach du Mans (1993-94) est reconnu dans le milieu de la formation française et ses clinics permettent de découvrir Jonathan Jeanne, malheureusement freiné par la suite par des problèmes cardiaques, Grégory Bengaber (Vichy/Clermont en Pro B) et Kenny Baptiste, membre actuel de l’équipe de France U20, en prêt la saison prochaine. Aujourd’hui, la piste antillaise n’a pas été abandonnée. Lucas Bonfils, né en 2004, intégrera le centre de formation à la rentrée. Mais sur un territoire aussi exigu et concurrencé par Cholet, Gravelines, Chalon et surtout désormais, Villeurbanne, le MSB a fini par lorgner vers l’Afrique francophone.

« Swish » vers le Sénégal

Par le passé, le centre de formation du MSB a déjà accueilli des Africains : Negueba Samaké (Mali), Khadim Fall (Sénégal) et bien sûr Youssoupha Fall (Sénégal), champion de France 2018 avec Le Mans. Mais ceux-ci furent proposés par des agents. Depuis trois ans, le club entreprend un vrai travail de fond en Afrique : « C’est un continent pillé mais qui n’est pas asséché car très peuplé, avance d’emblée Vincent Loriot. On ne compte plus les vidéos de gamins que l’on nous envoie. Le Sénégal est pourvoyeur le plus important du sport français grâce à une communauté francophone très forte. » Malgré l’omniprésence des Espagnols et de la NBA qui a installé son académie africaine à Thiès (la SEED) voici vingt ans (et dont le directeur est Roland Houston, intérieur du Mans en 1990-91), le MSB, tout comme Villeurbanne, y tente une percée : « J’ai été bien accompagné par Abdou Bal, l’ancien coach de la JALT Le Mans (Nationale 2), » confie Philippe Desnos. « Il souhaitait créer une sorte de camp pour contrecarrer les méthodes peu scrupuleuses des Espagnols lesquels ratissent large et laissent beaucoup de gamins au bord du chemin. »

L’Académie de Karl Gomis, coach et prof d’EPS d’où provient Abdou Aziz Sy, balle en main à côté de Philippe Desnos à l’extrême droite. Karl est à gauche, le principal de la cité scolaire au centre …
« Les Sénégalais sont aériens, coureurs. Ils ont développé cette motricité en jouant dans la rue », Philippe Desnos, Directeur du centre de formation du MSB

Le MSB n’a pas pignon sur rue mais a conclu des accords avec plusieurs académies locales, dont une que le club soutient financièrement. Deux fois par an et pendant une dizaine de jours, Philippe Desnos dirige des entraînements et se transforme en conférencier devant une centaine d’entraîneurs. Le MSB fournit aussi maillots, chaussures et ballons. Pas d’argent versé aux familles ou aux clubs mais l’assurance d’un suivi humain et scolaire pour les joueurs élus. Le Directeur du centre de formation prend tout en compte car c’est un déracinement familial et culturel qui attend ces ados. Comme ce fut le cas pour la première trouvaille du MSB en Afrique, l’arrière sénégalais Dahaba Magassa, un cadet qui jouera avec les Espoirs cette saison. Arrivé en novembre 2018 à 16 ans, « Dahaba a intégré un collège mais a vite décroché », confie Philippe Desnos. « J’ai trouvé un accord avec le Lycée Le Mans Sud qui dispose d’une classe pour repositionner les enfants déscolarisés. Et cela va mieux désormais. Même au niveau de l’alimentation car au début, il se contentait d’une pomme au self… » Magassa a été rejoint cet été par deux compatriotes sur qui Philippe Desnos compte beaucoup : Abdou Aziz Sy (16 ans), un intérieur de 2,07m et Amdy N’Diaye, un arrière-ailier mesurant déjà 1,97 m à 16 ans (en équipe U18 pour la saison à venir) et qui pourrait mesurer 2,10 m au terme de sa croissance… Un Congolais, Junior Tshunza, intérieur international jeune de 19 ans (2,04 m), renforcera également l’équipe espoir et s’entraînait déjà avec les pros cet été.

Les avantages de la filière africaine

« Les Africains ont une motivation décuplée. Le sport est un salut pour eux et leur famille », souligne Vincent Loriot en avançant la première qualité de ces joueurs amenés à renforcer le centre de formation du MSB. « Mais ce qui saute d’abord aux yeux, ce sont leurs capacités athlétiques, poursuit Philippe Desnos. Les Sénégalais sont aériens, coureurs. Ils ont développé cette forte motricité en jouant dans la rue. Alors qu’ils sont très grands… Pour Youssoupha Fall (2,21 m) par exemple, je n’ai eu besoin de voir que quelques tours de piste avant de l’envoyer à son premier entraînement de basket. » Alors que les équipes jeunes MSB doivent faire face à une pénurie en poste « 5 », cette filière africaine pourrait donc apporter quelques solutions : « C’est un problème pour tous les clubs. Je supervise la génération des 13-14 ans sur les camps nationaux et il y a peu de joueurs de deux mètres. »

Evidemment, et dernier avantage, les futurs pensionnaires africains du centre de formation manceau sont des « JFL » (Joueurs formés localement) en puissance. Rappelons que la réglementation française stipule qu’un joueur ayant été licencié quatre ans en France avant ses 21 ans est considéré comme un « JFL ». A partir de sa cinquième année sur le territoire français, il pourra aussi demander la nationalité française.

Des dossiers de plus en plus épineux

Il ne suffit pas de détecter un jeune joueur et de trouver un accord avec lui. Encore faut-il pouvoir ensuite le faire entrer sur le sol français… « C’est l’énorme problématique pour les mineurs africains »,  souligne Vincent Loriot. Avec la crise migratoire, les contrôles se sont renforcés. Et même si le sérieux de la formation mancelle est reconnu, le club est astreint aux mêmes règles que tous. Les formalités ont par exemple duré huit mois pour Dahaba Massana. « Ces gamins font l’objet de dossiers difficiles, à l’image souvent de leur histoire« , confie Philippe Desnos. « Mais on s’attache à eux. On a envie qu’ils réussissent et qu’ils restent en France, même en Nationale 2. Car repartir serait un échec pour eux et leur famille. » Eux aussi cherchent leur Eldorado… ★

Photo: Kilian Hayes (LNB)

Formation : l’alerte lancée par le MSB

La prise de conscience au niveau des instances a été tardive : les clubs qui forment ne sont pas protégés suffisamment par la réglementation française et européenne. « C’est dramatique, s’inquiète Vincent Loriot. L’année dernière, Kylian Hayes (18 ans) aurait pu partir de Cholet pour 80 000 euros. Alors que ce joueur vaut un premier tour de draft, c’est-à-dire 600 000 euros. » Heureusement pour le club des Mauges, le jeune joueur, qui a choisi l’exil en Allemagne (à Ulm), ne joua pas l’épreuve de force. Le Directeur sportif du MSB prend deux autres exemples, dont le club, cette fois, s’estime victime. Cet été, Melvyn Ebonkoli, international français né en 2001 et Mathias Van den Beemt, international hollandais également né en 2001, ont migré vers des universités américaines. « Ils étaient de deux forts potentiels pour nous. Nous avons appris leur départ au printemps sans le moindre accord. » Et sans le moindre dédommagement. « Le club avait surtout bâti un projet autour d’eux car il s’agissait du pivot et l’ailier fort titulaires de l’équipe espoir. » Les informations remontent à la fédération et à la ligue. « Mais nous sommes soumis à cette règle européenne qui veut qu’un joueur qui finira en NBA coûtera le même prix qu’un joueur qui fera carrière à Dreux. Or le club aura détecté un gamin, commencé sa formation, donc dépensé de nombreux frais avant de le voir partir pour un club qui aura payé une somme dérisoire correspondant à un taux réel et pas actif (son potentiel, NDLR). Depuis un an, un « gentleman agreement », y compris entre les clubs français est en train de tomber, en partie sous la pression des agents.» Le MSB, comme les clubs formateurs français, espèrent désormais que le basket s’inspire de la RIF (Réforme des indemnités de formation) mise en place par le rugby : « La fédération et la ligue ont mis de côté leur dissensions pour trouver un système vertueux permettant aux clubs de récupérer les fruits de leur formation. » A bon entendeur… ★

Photo d’ouverture: Camp au club de BOPP et remise de maillots

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Des jeunes joueurs français devenus rares, des clubs sensibles à la formation beaucoup plus nombreux… L’embouteillage est désormais inévitable au moment d’alimenter sa pépinière. Pour Vincent Loriot, Directeur sportif du MSB, il n’y a guère d’alternative : « On ne peut appâter financièrement les meilleurs éléments, alors on essaie d’être malin en guettant des opportunités. C’est la seule manière de lutter face aux plus puissants. » Et notamment la « Tony Parker Adequat Academy » qui ouvre en septembre et comptera soixante jeunes dont vingt éléments issus du centre de formation pro de LDLC-ASVEL.

Le tarissement des forces locales résulte aussi d’une baisse d’attractivité du basket. Chez les ados, la balle orange fait moins tourner les têtes que dans les années 90 lorsque la mode NBA avait submergé les terrains de streetball et même bouleverser le style vestimentaire dans les cours de lycée. Désormais, la jeunesse rêve davantage de Kylian Mbappé et des coups de « Grizou » que des arabesques de Stephen Curry. Vincent Loriot ajoute la percée du rugby et du handball : « Le second a grignoté du terrain grâce aux équipes nationales. » D’où la nécessité d’explorer ailleurs que dans l’Hexagone.

La première exploration fut antillaise

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