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Georges Bengaber : « On n’apprécie pas d’entendre dire « formé par Cholet… formé par Cholet… »

Georges Bengaber est la cheville ouvrière du club de l’ASC Ban-é-Lot, célèbre pour avoir sorti Jim Bilba et Jérôme Moiso. C’est aussi le responsable technique du Pôle de la Guadeloupe, une île de seulement 400 000 habitants mais qui est peuplée de futurs basketteurs de haut niveau. Rappelons que cin

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Georges Bengaber est la cheville ouvrière du club de l’ASC Ban-é-Lot, célèbre pour avoir sorti Jim Bilba et Jérôme Moiso. C’est aussi le responsable technique du Pôle de la Guadeloupe, une île de seulement 400 000 habitants mais qui est peuplée de futurs basketteurs de haut niveau. Rappelons que cinq Guadeloupéens ont joué en NBA : Rodrigue Beaubois, Mickaël Gelabale, Jérôme Moiso, Johan Petro et Mickaël Pietrus. Un record national pour un département. Sans parler de Rudy Gobert dont le père Rudy Bourgarel est originaire de l’île.

Bref, Georges Bengaber est un personnage central de la formation française et mérite que BasketEurope lui tende un micro.

Voici la deuxième partie de l’interview. La première est ici.

Les jeunes connaissent-ils l’histoire de votre club et tous les joueurs qui sont devenus professionnels ensuite ?

La promotion se fait un peu d’elle même puisque depuis quatre ans on reçoit le label de club formateur élite jeunes de la fédération française. On est en train de travailler pour être club de formation nationale au niveau de l’école de basket. Tous nos cadres sont diplômés et chaque année, avec nos douze meilleurs joueurs, ils partent quinze jours minimum sur des stages de bons niveaux comme par exemple au camp du Mans. Les progrès qu’ils font à ces occasions ils les redonnent à nos jeunes toute l’année d’après.

C’est Jim Bilba le premier joueur connu sorti de Ban-é-Lot ?

C’est le premier joueur que j’ai formé qui est sorti de Ban-é-Lot et qui a joué en équipe de France. Un autre que j’ai formé c’est Jérôme Moiso qui a été en NBA. Rodrigue Mels est sorti de nos écoles de basket et a fait une petite carrière aux Etats-Unis avant de revenir à Nancy. Il jouait l’année dernière à Orchies et là il est rentré et travaille avec les jeunes. Jonathan Jeanne et Grégory, mon fils, sont au Mans.

Ruddy Nelhomme, le coach de Poitiers et adjoint de Vincent Collet en équipe de France, est aussi passé chez vous ?

Oui et c’est moi qui l’ai même poussé à partir à Poitiers pour des études.

« Lors du rassemblement qu’il y a en métropole pour les cadets, sur 60 joueurs il n’y a que 4-5 qui passent pros et parmi eux il y a souvent 2 Guadeloupéens ou Martiniquais »

Cholet Basket fut longtemps la principale destination en métropole des Guadeloupéens. La concurrence est plus forte pour eux aujourd’hui ?

Ce n’est pas méchant de le dire mais à un certain moment Cholet venait en terrain conquis. On n’a pas beaucoup apprécié leur façon de travailler. Par exemple, Rodrigue Beaubois qui était de New Star a fait son petit bonhomme de chemin et il a été joueur NBA. Ce qu’on n’a pas apprécié c’est qu’ils ont touché un pactole, 500 000$, et presque rien a été reversé au club formateur. On n’apprécie pas d’entendre dire « formé par Cholet… formé par Cholet… ». Qui a sorti ce petit bonhomme là ? C’est nous. Il est facile d’arroser une plante qui fait 80 centimètres, lui mettre des produits pour lui faire faire des fruits, mais la faire naître, lui mettre le tuteur, soigner la terre et les feuilles, c’est ce travail qui est important. Si l’enfant n’a pas eu une bonne formation, il ne devient pas ce qu’il est. Cholet ne valorisait pas le travail fait en Guadeloupe et prenait tout à son crédit. Les gens ont vite compris. Ils ne sont plus en terrain conquis. Aujourd’hui, il y a un Pole en Martinique, un Pole en Guadeloupe et un Pole en Guyane et en mars il y a un tournoi avec ces trois Pôles. A ce moment-là, tous les scouts, tous les responsables de Pole viennent voir le niveau et posent déjà leurs jalons sur des enfants qui, du fait qu’ils se sont entraînés tous les jours, ont des possibilités pour aller au haut niveau. Nous sommes une petite île, mais lors du rassemblement qu’il y a en métropole pour les cadets, sur 60 joueurs il n’y a que 4-5 qui passent pros et parmi eux il y a souvent 2 Guadeloupéens ou Martiniquais. Ça prouve que le travail qui est fait est bon et que nous avons des prédispositions, l’explosivité, tout ça.

Donnez-vous votre avis dans le choix du centre de formation ?

Je conseille les parents des joueurs de mon association. Par exemple, mon fils Grégory a eu des propositions mais nous avons un accord de partenariat avec Le Mans et il y est allé. Mais pour d’autres si les parents ne veulent pas qu’ils aillent au Mans, je ne vais pas les forcer.

« Jonathan est arrivé chez nous à 11-12 ans et il mesurait déjà 1,86m »

Quand a commencé la formation de Jonathan Jeanne ?

Il était tout jeune puisque je l’ai scolarisé avec Grégory en classe de cinquième au Pole Guadeloupe au CREPS Antilles-Guyane où il est resté trois ans. Il n’avait pas de prédispositions pour jouer au basket, il était tout fluet. Personne n’y croyait mais avec le travail que l’on a fait, j’ai toujours dit que ce petit bonhomme là irait au haut niveau. Il en a pris la trajectoire et je prie pour qu’il n’y ait pas de gros accidents.

Vous pouviez deviner qu’il deviendrait aussi grand (2,18m) ?

Oui. Son père mesure 2,05m et a joué au basket en métropole. Jonathan est arrivé chez nous à 11-12 ans et il mesurait déjà 1,86m. Quand il a quitté le Pole Guadeloupe, il faisait 2,00m/2,02m.

Les joueurs de votre club intéressent-ils aussi la NCAA ? Des scouts viennent-ils vous voir ?

Oui parfois ils viennent au Pole. On a un joueur, Nicolas Troplent, qui est parti en Californie (Cathedral High School), qui est dans une université (Willamette University dans l’Oregon). Il a privilégié les études mais il a un niveau de basket appréciable.

Les anciens joueurs du club reviennent-ils en Guadeloupe l’été ?

Oui, de plus en plus. Parfois ils organisent des stages, on les voit sur les terrains jouer au basket libre assez tard le soir, il y a des tournois qui sont organisés.

Vous devez être fiers que tant de joueurs guadeloupéens aient réussi dans les championnats professionnels, en France et en NBA, et en équipe de France ?

Presque tous les Antillais qui ont joué à haut niveau depuis huit, dix ans sont passés par le centre de formation, le Pole avec moi, ils ont bénéficié de mon travail. Récemment, il y a Grégory (Bengaber), Jonathan (Jeanne), David Michineau. C’est la fierté de l’association. Quand ils reviennent au Pole, ils passent nous dire bonjour au Pole et parfois s’entraînent avec nous.

« Les filles, c’est difficile. C’est à cause de l’éducation que nous avons reçue mais ça commence à bouger »

Y a t-il eu des échecs ? Des joueurs qui reviennent très vite car c’est trop dur de s’acclimater à la métropole ?

Dans l’association, il n’y en a pas beaucoup, on en n’a pas même car on a toujours voulu privilégier la vie scolaire. Il y a un projet sportif et un projet scolaire. On les suit, on s’inquiète de leurs résultats et de leur devenir. Jean-François Basileu était un pur produit de notre association et il est parti à l’INSEP puis à Vichy. Il s’est donné deux ans pour percer et s’il n’y arrive pas il va suivre ses études de kiné. On essaye de conseiller les parents et de conserver le contact avec les enfants.

Qu’en est-il des filles ? Les Guadeloupéennes n’ont pas le même impact que les garçons ?

Les filles, c’est difficile. C’est à cause de l’éducation que nous avons reçue mais ça commence à bouger. Avant les structures qui s’offraient au basket, c’était souvent des terrains à l’air libre, sans vestiaires, sans sanitaires. Aussi les parents hésitaient à envoyer leurs filles. Maintenant que l’émancipation se fait de plus en plus tôt, les filles commencent à venir au basket. On n’a pas encore atteint le meilleur niveau. Quand on est confronté aux Pôles de Métropole, on perd. Mais depuis l’an dernier, on a un projet à Ban-é-Lot. On a commencé à travailler avec des petites filles de sept ans et on a comme projet d’emmener une fille de ce groupe là au Pôle France. Si on met de l’exigence dans le travail de ces enfants-là, on peut y arriver. Elles ont deux entraînements technico-tactique par semaine et le jeudi elles ont une petite préparation physique, course, coordination, dextérité, travail musculaire, avec un prof d’éducation physique. Pour l’instant aucune Guadeloupéenne n’est entrée à l’INSEP. Une est restée à la porte, Océane Monpierre de New Stars, et elle aujourd’hui à Bourges.

Jonathan Jeanne, c’est évidemment le n°12, celui qui mange la soupe sur la tête de ses camarades de promotions. (Photo : Emmanuel Morin, Ban-é-Lot)

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