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L’histoire de Navid Niktash, Franco-iranien, sélectionné pour la Coupe d’Asie

Après un parcours chaotique dans les divisions inférieures du basket français, Navid Niktash a décidé de tenter l’aventure à l’étranger. Il atterrit alors à Londres, dans un championnat britannique totalement inconnu. Son choix va s’avérer être le bon puisqu’au terme d’une saison réussie (15,5 point

Après un parcours chaotique dans les divisions inférieures du basket français, Navid Niktash a décidé de tenter l’aventure à l’étranger. Il atterrit alors à Londres, dans un championnat britannique totalement inconnu. Son choix va s’avérer être le bon puisqu’au terme d’une saison réussie (15,5 points et 6,4 rebonds) il est appelé par la sélection iranienne pour préparer la Coupe d’Asie. Et c’est depuis Téhéran que le joueur formé au Mans a répondu aux questions de BasketEurope.com.

Pour commencer, peux-tu nous expliquer ton parcours ?

J’ai débuté en espoirs au Mans avec des joueurs qui sont maintenant référencés en Pro B. Il y avait Jean-Baptiste Maille qui était à Fos par exemple. Je n’étais pas le meilleur joueur, je n’avais pas beaucoup de temps de jeu donc j’ai décidé de partir à Hyères-Toulon qui était en Pro A. Au MSB j’étais en troisième année cadets et je jouais un peu avec les espoirs. Mais ma première vraie saison espoirs je l’ai faite au HTV. Là-bas j’ai joué avec Lahaou Konaté. C’est un de mes meilleurs amis, on est resté super proches. [arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »]J’ai fait une bonne saison espoirs, mais mon coach ne me voyait pas refaire une année en espoirs parce que j’en avait fait le tour et qu’il fallait que j’aille me confronter à des hommes. Son conseil c’était d’aller jouer en NM1. Je l’ai écouté et je me suis mis à la recherche d’un club. A cette époque je travaillais avec Florian Collet qui m’a envoyé à Blois. J’y ai joué pendant un an et cela s’est bien passé. C’était l’apprentissage. La NM1 est bien plus forte que le championnat espoirs donc j’ai mis un peu de temps à apprendre. J’étais derrière un très gros joueur qui jouait 35 minutes. J’ai pris mon temps, j’ai bossé et j’ai signé une deuxième année à Blois mais j’ai eu des problèmes familiaux et c’est là que ça a pris une tournure un peu bizarre.

J’ai dû retourner au Mans, là où ma mère vit, et j’ai joué en NM3 (à la JALT). Dès la première année on est monté en NM2. Derrière ça, j’ai repris un BTS et on m’a donné la possibilité de le faire à Lyon. Je suis donc parti là-bas en NM2. J’étudiais en alternance et travaillais dans une grosse boîte d’assurances. Je fais une très grosse année en NM2 avec l’OLB où je mets 20 points et prends 8-9 rebonds. Ils étaient censés me garder parce qu’on avait passé un accord pour que je reste les deux ans que durait mon BTS sauf qu’ils ont décidé de me mettre de côté. Je suis retourné à la JALT Le Mans, en NM3, ce club qui m’a toujours aidé, là où j’ai appris le basket. Le président du club, Pascal Diard, qui a une des plus grosses boîtes d’assurances du département, voire de la région, m’a pris en alternance pour que je passe mon BTS. Donc j’ai repassé une année en NM3, même si ce n’était pas mon niveau. On n’est pas monté et j’ai décidé de partir à Angers, dans une équipe de NM2, l’Etoile d’Or Saint-Léonard. J’y suis resté deux ans et la deuxième année le coach a décidé de me faire beaucoup plus jouer à l’aile qu’à l’intérieur. J’ai terminé à 19 points de moyenne.

Après je fais un choix différent. Je me dis que j’ai envie de bouger, que je n’ai pas envie de jouer en NM2. Donc de par ma double nationalité iranienne j’essaye de trouver un plan en Iran. Ça n’a pas fonctionné parce qu’en Iran tu dois faire ton service militaire pendant 24 mois. Au mois de septembre je me suis retrouvé sans club, donc je suis parti en Suède à Norkkoping pendant trois semaines avec Adnan Chuk qui est un super coach. J’étais sous contrat d’essai, il voulait me signer mais on ne trouvait pas d’accord donc j’ai refusé. Et là j’ai un pote avec qui j’avais joué à Blois, Kyle Williams, et qui jouait à Londres qui m’envoie un message pour prendre de mes nouvelles. Je lui explique ma situation et il me dit que leur poste 4-5 doit signer un gros contrat en Asie, donc il passe directement mon CV et mes highlights au manager et au coach. Ils m’ont fait venir et trois jours après mon arrivée je joue 20 minutes et marque 15 points contre Manchester.

Cette saison avec les London Lions, vous avez fini 6e, puis vous avez été éliminés en demi-finale des playoffs. Par rapport à vos objectifs, comment qualifies-tu cette saison ?

Au vu de l’effectif qu’on avait, c’est une saison décente. On aurait pu gagner le Trophy, on a un peu merdé. On a perdu en demi-finale de la Cup contre Newcastle alors que pour moi, on était bien meilleurs qu’eux. On aurait dû aller en finale. Et on perd en demi-finale de playoffs contre Leicester qui a gagné le Trophy, les playoffs et la saison régulière, même si je pense qu’on était capables de les battre. Mais on ne peut pas tout le temps gagner. Les objectifs étaient clairs : il fallait au moins remporter une compétition. Malheureusement on n’a rien eu.

Pour les gros matchs, les deux premiers étages sont remplis. Il y a une sacrée ambiance avec des cheerleaders, ça crie … J’ai adoré jouer à la Copper Box.

A domicile, vous jouez à la Copper Box, la plus grande salle de la Ligue avec 7 000 places (qui a servi pour le handball lors des JO de Londres). Est-elle souvent remplie ?

J’ai été surpris. Il faut savoir que les places coûtent vraiment cher par rapport à la France. Une place pour venir nous voir c’est 20 pounds (environ 23 euros). Je trouve que c’est assez cher pour du basket mais la salle était vraiment souvent remplie. Je crois qu’on a rarement fait en dessous de 2 000. Pour les gros matchs, les deux premiers étages sont remplis. Il y a une sacrée ambiance avec des cheerleaders, ça crie … J’ai adoré jouer à la Copper Box. Les finales de la Cup et des playoffs c’est quelque chose de monstrueux. Ça se passe à l’O2 Arena, là où il y a les matchs NBA, et c’est rempli de la même façon. C’est soldout à chaque fois, entre 15 et 18 000 personnes. C’est quelque chose d’important pour une ligue comme la BBL et j’aurais adoré jouer à l’O2 Arena devant autant de monde.

Comment décrirais-tu l’engouement du public anglais pour le basket ?

Le public s’intéresse pas mal à la BBL, très honnêtement. Malheureusement ce n’est plus diffusé sur la télé nationale. Il y a eu quelques histoires avec la fédération. Mais ils ont quand même un streaming sur leur site où on peut voir les matchs. Les gens suivent. Mais comme dans tous les pays, ils sont fan de NBA parce qu’il y a des superstars et le niveau est monstrueux. L’Euroleague, du fait que les équipes anglaises n’ont pas le droit de jouer les coupes d’Europe, n’est pas tant suivie que ça.

Si tu devais comparer le niveau de jeu par rapport à la France, où le situerais-tu ?

Comme je le dis toujours, c’est super difficile de comparer des ligues parce que chaque ligue a sa propre identité. Si je dois la comparer à la France, je dirais que c’est entre la NM1 et le bas de tableau de Pro B. Le top 5 serait capable de jouer le haut de tableau de NM1. A côté de ça, le style de jeu est très différent. C’est très ouvert, très américanisé parce qu’on a droit à cinq étrangers par équipes, et souvent les « locaux » sont des Américains avec des passeports anglais.

Qui sont les 3-4 meilleurs joueurs du championnat anglais ?

A Leicester, il y a un joueur qui est vraiment très bon. Il s’appelle Taylor King. Il faisait partie des McDonals All American (une sorte de All-Star Game des lycées américains) avec Blake Griffin et Derrick Rose. Il a fait des grosses facs (Duke et Villanova). Derrière il a eu un parcours un peu bizarre. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans sa vie. Il s’est retrouvé en Lituanie puis en Angleterre. Sinon, j’ai joué avec un très fort joueur, Rashad Hassan. C’est un poste 4-5 assez impressionnant, capable de tout faire, très athlétique. En ce moment il est en Australie. L’année dernière il a fait l’été en Uruguay, il a joué au Luxembourg. Je dirais aussi Maurice Walker qui jouait pour les Worcester Wolves. Il avait commencé la saison en Italie mais ça ne s’est pas très bien passé. C’est un poste 5 canadien, très grand, très costaud, avec de très bonnes mains. Et pour finir Mike DiNunno. Il a joué en Italie, en Grèce, en Chine. Offensivement il est assez impressionnant, il est capable de tirer dans tous les sens. Dans la ligue, il y avait des mecs vraiment impressionnants offensivement. J’avais rarement vu des joueurs aussi talentueux.

Sais-tu pourquoi les équipes anglaises ne peuvent pas participer aux Coupes d’Europe ?

Il me semble qu’ils sont en train de remédier à cela avec la FIBA et on devrait voir des équipes anglaises très prochainement en FIBA Europe Cup. Ça ne s’est pas fait avant, peut-être à cause des budgets des équipes … Ce sont des franchises en fait donc elles ont des salary cap qui ne sont pas forcément très élevés. En plus, la FIBA aimerait voir l’équipe de Londres assez prochainement. Ils savent que pour l’exposition du basket, ça serait bien d’avoir une équipe là-bas.

Grâce à une exemption de service, je suis apte à jouer pour l’équipe nationale

Tu participes actuellement à la préparation pour le championnat d’Asie avec l’équipe d’Iran. Quels sont tes liens avec ce pays ?

Mon père est iranien donc la moitié de ma famille est iranienne. Mon père vit en France, mais le reste de ma famille est en Iran. Grâce à une exemption de service, je suis apte à jouer pour l’équipe nationale.

Comment ont eu lieu les premiers contacts avec la fédération ?

Les premiers contacts se sont faits via un agent, Aydin Dianat. Il est iranien, mais francophone. Donc j’ai pris contact avec lui il y a pas mal de temps. On a tissé des liens, maintenant on est vraiment très amis. Il m’a renseigné quant aux démarches que j’avais à faire. Il a parlé de moi à la fédération. Il m’a fait venir en Iran, m’entraîner avec 2-3 équipes. Ces équipes ont vraiment aimé ce qu’elles ont vu. J’ai fait un tournoi avec l’équipe nationale universitaire avec laquelle j’ai gagné les Jeux Mondiaux Universitaires l’année dernière. Ça m’a permis de rencontrer les cadres de l’équipe nationale qui étaient là. De mon côté, j’ai continué à bosser. Ma saison en Angleterre a parlé pour moi. J’ai toujours été en contact avec des personnes de la fédération, avec le coach de l’équipe nationale. Ils m’ont demandé si j’étais intéressé par le fait de m’entraîner avec l’équipe nationale, de commencer tout en bas et de prouver que j’étais capable de le faire. Ils ont été satisfaits de ce qu’ils ont vu. Je suis resté, j’ai continué à m’entraîner et la semaine dernière, on est partis en Chine. C’a été un processus assez long. Ca fait quatre que je suis en contact avec Aydin et qu’on travaille là-dessus.

Penses-tu pouvoir faire partie du groupe final pour la Coupe d’Asie ?

On est partis en Chine pendant 10 jours. On a joué trois fois, c’était mes premières sélections donc il fallait s’adapter au niveau international. D’après les retours que j’ai eus, je suis censé être dans les 12 derniers pour la Coupe d’Asie.

Quels est l’objectif pour cette Coupe d’Asie ?

On n’en a pas encore parlé. L’Iran est une des top équipes en Asie. Il y aura l’Australie, la Nouvelle-Zélande … Mais sur les dernières années, l’Iran a toujours été une grande nation du basket en Asie. On a gagné la Coupe d’Asie plusieurs fois. Je pense que l’objectif va bien sûr être d’aller chercher la victoire parce qu’on joue toujours pour gagner quand on est compétiteur. Je n’aurais pas la présomption de dire qu’on arrive en tant que favoris. On sera outsider et il va falloir aller chercher les choses avec les tripes et beaucoup de défense. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne va pas là-bas en tant que figurant.

On est une équipe jeune avec de l’expérience à aller chercher

On a connu l’Iran notamment aux JO de 2008 avec des joueurs NBA (Hamed Haddadi) ou de Pro A (Samad Nikkhah Bahrami). Quel est le niveau actuel de cette équipe ?

C’est un contexte assez particulier. L’année dernière Dirk Bauerman est arrivé et il a voulu construire quelque chose de nouveau en mettant de côté ces joueurs stars qui ont entre 33 et 35 ans et laisser la place à la jeune génération. Maintenant c’est un autre coach, un Iranien, et c’est toujours la même équipe mais avec une façon de travailler différente. Il faut se réajuster. On est une équipe jeune avec de l’expérience à aller chercher. Je ne pense pas qu’on ait des joueurs aussi forts qu’Hamed Haddadi – même si je pense qu’il fera la Coupe d’Asie avec nous, Samad Nikkhah Bahrami ou Mehdi Kamrani. Mais à terme, on a des joueurs qui vont le devenir. On a de très bons joueurs comme Mohammad Jamshidi, qui est un très bon ami et un poste 2 très très fort, dominant. On a une bonne génération, mais c’est une période de transition. Mais on est capable de faire de bonnes choses. On n’a pas été ridicules contre la Chine, on a été capables de les battre, de les regarder les yeux dans les yeux.

Pour finir, sais-tu où tu joueras la saison prochaine ?

Aujourd’hui, je n’ai pas encore signé pour un club. J’ai été approché par plusieurs clubs de Pro B grâce à mon statut de JFL. Je vais refuser ces offres, mais j’en suis flatté. Pour l’instant je reste concentré sur ma campagne avec l’équipe d’Iran, et j’espère que ça me servira de tremplin pour aller chercher les choses dont j’ai vraiment envie. J’aimerais utiliser le basket comme moyen de transport. J’adore voyager. Si je peux continuer à vivre comme ça, je vais le faire. C’est vraiment génial ![armelse][arm_setup id= »2″ hide_title= »true »][/arm_restrict_content]

Photo : Graham Hodges

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