Aller au contenu

France-Espagne: Une rivalité faite pour durer

Comme en 2013, la France a chuté face à l’Espagne en finale de l’EuroBasket. Et vu les -superbes- résultats des deux pays en jeune, les Bleues auront l’occasion de retrouver souvent leurs rivales au sommet de la pyramide. Analyse de la situation avec Valérie Garnier, coach de l’équipe de France.

Comme en 2013, la France a chuté face à l’Espagne en finale de l’EuroBasket. Et vu les -superbes- résultats des deux pays en jeune, les Bleues auront l’occasion de retrouver souvent leurs rivales au sommet de la pyramide. Analyse de la situation avec Valérie Garnier, coach de l’équipe de France.

Sans doute pour apprécier la décade prodigieuse du basket féminin français faut-il avoir connu les vaches maigres des années quatre-vingts lorsque les Bleues étaient embourbées aux alentours de la huitième place européenne. L’équipe de France a moissonné cinq médailles lors des cinq derniers Euro et lundi, à leur retour de Prague, moins de vingt-quatre heures après le cuisant échec en finale face à l’Espagne (55-71), la question était de savoir si c’était de la fatigue ou de la tristesse qui se lisait dans les yeux de Céline Dumerc et de sa bande.

« Quand on gagne on est moins fatigué, c’est sûr ! Lundi, il y avait encore de la déception. On n’avait pas beaucoup dormi. Après un match, on rentre à l’hôtel, il est minuit et on repart le lendemain à 6h. Mentalement, physiquement, c’est dur une compet. Ce qui est difficile, c’est de terminer une compétition, un travail qui nous a semblé correct sur une défaite. Là c’était l’Espagne, il y en a eu d’autres c’était contre la Serbie. On aurait aimé l’or comme toutes les équipes qui jouent une finale. Mais ça ne veut pas dire que c’est mieux d’avoir la médaille de bronze parce qu’on gagne le dernier match (sourire). Et puis on a eu l’impression que l’Espagne était à son niveau de jeu et que nous, on était un cran en-dessous de ce qu’on avait montré durant la compétition », témoigne la coach Valérie Garnier.

Dans l’ordre, la génération Dumerc a gagné l’or, le bronze, et trois fois l’argent, plus une autre finale aux Jeux Olympiques de Londres. Du jamais vu au cours de près d’un siècle de basket français, deux sexes confondus. Et pourtant, on en voudrait toujours plus. C’est comme pour la médiatisation. La finale a recensé 1 397 000 téléspectateurs sur W9 et Canal+. On peut disserter sur le fait qu’une diffusion sur l’une des trois chaînes majeures (les Espagnoles ont eu droit à La1, l’équivalente de TF1) aurait permis d’atteindre un score encore plus élevé, mais aussi se souvenir que pendant de longues années il n’y avait pas une goutte de basket féminin sur les antennes françaises ou encore que les garçons ont été humiliés  pour le match de la médaille de bronze à Lille il y a deux ans en étant relégués sur Canal+décalé.

« On est tous déçus d’avoir perdu la finale », commente le président de la FFBB, Jean-Pierre Siutat. « On est tombé sur une équipe meilleure que nous. Quand on regarde les grandes nations du basket européen féminin, la Serbie, championne d’Europe, la Biélorussie, la Russie, ce sont des équipes qui ont disparu du tableau final. Depuis le championnat d’Europe 2009, on a toujours été placé et médaillé. On a l’impression de banaliser les résultats et je trouve ça dommage. »

Des Espagnoles dans les meilleurs clubs d’Euroleague

Ainsi l’Espagne est Reine d’Europe et personne ne conteste sa couronne. Il s’est dégagé de la selección une formidable impression d’aisance, de créativité, de fluidité. Cette génération est à maturité avec un huit majeur, sinon Laura Gil, âgé de 27 à 37 ans. Il est à remarquer que ces joueuses-là opèrent presque toutes à l’étranger et pas n’importe où : Alba Torrens et Sancho Lyttle à Ekaterinbourg, Marta Xargay et Laia Palau à Prague, Anna Cruz à Koursk, plus Laura Nicholls à Ragusa en Italie. Même les deux jeunettes, Leticia Romeo et Maria Conde ont fait le choix de la formation américaine, à Florida State. Seules Laura Gil et Silvia Dominiguez stationnent en Espagne, dans le seul club toujours compétitif au plus haut niveau, Salamanque (champion d’Espagne avec 25 victoires en 26 matches de saison régulière), sachant que Dominguez a derrière elle trois saisons à UMMC Ekaterinbourg.

« Cela montre leur qualité. C’est plus confortable d’être dans son pays en tant que Française ou Espagnole et elles ont des rôles importants dans des clubs qui font partie des meilleurs européens. Chaque année elles jouent des Final Four », note Valérie Garnier.

Depuis 2010, les deux nations se sont affrontées cinq fois en compétition officielle et l’Espagne vient de prendre l’avantage, 3 victoires à 2. Même si elle est moins virulente que chez les hommes, une forte rivalité est née entre les deux pays de pointe du basket européen. [arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »]

« Je pense qu’il y a un peu moins d’animosité, il y a du respect entre ces deux équipes. C’est une équipe, un coach (Lucas Mondelo) que je respecte énormément. Il propose un basket agressif défensivement et offensivement vers lequel j’aimerais tendre avec des joueuses qui sont toutes dangereuses. Et quand on regarde leurs équipes de jeune, on relève la même chose. Il y a une vraie culture du jeu rapide, du rythme dans leur jeu », apprécie Valérie Garnier.

Les championnats d’Europe en catégorie juniors (U18) sont considérés comme les baromètres idéaux pour juger de la qualité de la formation d’un pays. Depuis 2009, la razzia de la France (8 médailles) et de l’Espagne (7 médailles mais 3 d’or contre 2 à son voisin) est impressionnante. D’ailleurs au ranking de la FIBA, on trouve le même podium en seniors comme en jeunes, 1- Etats-Unis, 2-Espagne, 3-France.

Un autre chiffre démontre combien les basketteuses professionnelles françaises sont biberonnées à la victoire : 60% des joueuses françaises de la Ligue Féminine ont gagné au moins une médaille en jeune !

Retour de Sandrine Gruda… en principe

« Quand on est en finale, il n’y a que la victoire qui compte donc il existe un sentiment de déception », reconnaît le directeur des équipes nationales, Patrick Beesley. « Ce que je ne veux pas perdre de vue c’est que contrairement à d’autres équipes, on a commencé un rajeunissement. On a rencontré des équipes au championnat d’Europe qui n’ont pas encore bougé les effectifs, ça veut dire qu’elles vont devoir être confrontées à ce problème de renouvellement leur sélection dans les années à venir. Nous, le travail est déjà en cours et je suis persuadé que les jeunes joueuses qui étaient dans l’équipe ont capitalisé pour les échéances à venir. Je vais me nourrir de cette seconde place pour essayer de trouver ce qui manque pour essayer d’obtenir ce titre européen derrière lequel on court depuis quelques années. Avec la Direction Technique Nationale, ça sera l’objectif de ces prochains mois. »

Les performances des Bleues depuis 2009 se sont beaucoup articulées autour de Céline Dumerc et aussi du quatuor d’intérieures Emmeline Ndongue, Isabelle Yacoubou, Sandrine Gruda et Endy Miyem, qui avaient des années d’Euroleague au compteur. Seulement les deux premières sont sorties des rangs et la troisième a appuyé sur la touche pause cet été pour se marier.

Déjà est-on certain que Sandrine Gruda (30 ans) fera son retour pour les qualifications en novembre et à défaut la Coupe du Monde en Espagne l’été prochain ?

« On s’est eu avant l’Euro, je ne l’ai pas rappelé depuis. Elle se marie bientôt. Je la rappellerai plus tard. Normalement c’était un arrêt pour l’été. J’espère bien qu’on va la récupérer », confie la coach.

Le symbole de la nouvelle vague bleue, c’est la benjamine, Alexia Chartereau, 18 ans. Quand on est MVP d’un Euro juniors, on est promis à un brillant avenir, mais quand même sa précocité étonne. La Berruyère est passée de l’INSEP à l’Euro seniors (10’ de temps de jeu, 3,7 points) en un clin d’œil. Et contrairement aux hommes, on est certain que la NBA ne la fera pas renâcler sur l’utilité de revêtir le maillot bleu l’été venu.

Où en est-elle sur l’échelle de sa progression ? A quel âge une jeune femme peut-elle être compétitive au plus haut niveau ? Valérie Garnier répond à l’interrogation :

« Ça dépend des individus. Il y en a qui à 22-23 ans sont encore hésitants alors qu’Alexia à Bourges, à chaque fois que je la mettais sur le terrain je savais qu’elle allait m’apporter quelque chose. Elle ne faisait pas attention à sa jeunesse et moi je n’y faisais pas attention non plus. Elle a des qualités d’adresse, de compréhension. Bien sûr, il lui manque de la dureté, de l’expérience, plein de choses. On a vu aussi arriver très tôt Olivia (Epoupa). D’autres arriveront certainement un peu plus tard. Cela dépend de la façon de chacune de s’adapter au plus haut niveau. Alexia est sortie de l’INSEP pour se retrouver à Bourges. On pensait qu’elle allait faire le banc alors qu’elle a eu tout de suite 15-20 minutes de moyenne en championnat et en Euroleague. On dit que la femme est mature à 26, 27, 28 ans, mais Céline quand elle a explosé en 2012, elle avait 30 ans. Ça dépend des individus, de leur progression, est-on prêt mentalement, physiquement ?  Il y a plein de facteurs. Alexia a pris en pleine face ces différences de niveau mais elle les a digérés. Il y a des joueuses qui ont beaucoup de talents mais qui ont juste besoin d’un peu plus de temps. »

Qui dans les baskets de Céline Dumerc ?

En prenant toujours l’année 2009 comme référence, on s’aperçoit que le secteur extérieur des Bleues n’a fait que s’enrichir. Les deux joyaux sont Olivia Epoupa (23 ans) et Marine Johannes (22 ans). La première, bardée de titres en jeune, va tenter de retrouver au Galatasaray la confiance qu’elle a un peu perdu à Villeneuve d’Ascq. Avec la retraite de Céline Dumerc, elle aura désormais à la mène les pleins pouvoirs en bleu. La deuxième, c’est Marine Johannes, nouvelle chouchou du public et des médias, mais qui doit épurer son jeu et se transformer en tueuse.

« Marine a fait beaucoup parler d’elle parce qu’elle a des gestes d’une élégance rare, un talent exceptionnel, des aptitudes qui font que les gens s’émerveillent mais il faut qu’elle s’inscrive dans la régularité, qu’elle durcisse son jeu car elle est ciblée maintenant », explique Valérie Garnier. « Contre les Etats-Unis elle avait fait un cross face à Maya Moore alors quand on a joué Ekaterinbourg, Taurasi a dit, c’est moi qui vais défendre sur elle ! (Rires) Elle ne l’a pas dit mais ça s’est vu. Elle a pris Marine Johannès et elle a passé une sale soirée ! Même si elle a déjà pris du poids musculairement, il faut que Marine durcisse son jeu. Il faut qu’elle travaille sur son mental. Elle le sait. Il faut lui laisser le temps de grandir… en sachant qu’il n’y a pas beaucoup de temps car on compte sur elle. »

Ceci dit, Céline Dumerc, ce n’était pas que des paniers à trois-points, des drives, une défense de sangsue, c’était aussi un leader en interne, et en externe une figure médiatique inégalée. Son sens de l’analyse et sa disponibilité sont juste exceptionnels. Céline Dumerc avait réussi à rentrer dans les baskets de Yannick Souvré. Qui dans le groupe France saura désormais être la patronne ?

« On va voir ce qui se passe quand on va se retrouver à nouveau en novembre avec la formation d’un nouveau groupe. Vous, médias, vous avez certainement vos idées sur les joueuses qui sont les plus aptes à être dans le dialogue avec vous. Moi, j’ai besoin de joueuses qui mènent le groupe, d’un leader avec qui les autres joueuses peuvent communiquer. »

C’est là que le bât blesse, Olivia Epoupa et Marine Johannès ont un dénominateur commun : la timidité.

« Il faut laisser les gens arriver à maturité », estime Valérie Garnier. « Peut-être que l’on va découvrir des leaders qui vont s’épanouir un peu plus maintenant qu’il n’y a plus Céline. C’est un vrai virage qui va s’opérer en novembre pour les premiers matches de qualification pour l’Euro 2019. Il y a Endy qui est là depuis le début de l’histoire en 2008. C’est quelqu’un d’intergénérationnel dans la communication. Et puis on va voir comment se dessine le groupe. On ne peut pas désigner quelqu’un en disant, « tu seras le leader » ! Il faut que le leader prenne sa place et ça passe par de la communication hors -terrain. Si on prend le cas des garçons, Nando De Colo s’impose aussi par son efficacité sur le terrain. C’est sûr que ce n’est pas un leader expansif. Les « fenêtres » seront utiles pour permettre au groupe de se dessiner. Effectivement il va y avoir un grand vide à combler. »

En attendant le Mondial 2018, attention aux qualifs pour l’Euro 2019

Comme elle l’a déclaré ici même, Valérie Garnier a des problèmes de riches. Les candidates à l’équipe de France se bousculent aux portillons. La dernière en date à avoir forcé le passage, à 26 ans, c’est l’intérieure de Charleville, Hhadydia Minte.

« Hhadydia a une taille très moyenne pour l’intérieur mais elle avait à l’Euro une mission défensive très forte. On savait que l’on rencontrerait des équipes sans très grandes intérieures et davantage des joueuses qui joueraient loin du panier. Elle fait partie du groupe au même titre que Lisa Berkani, Marième Badiane, Amel Bouderra, d’autres. Si je pouvais choisir douze matches en fonction des matchs, ça serait beaucoup plus simple. Les joueuses sont tellement proches les unes des autres que c’est vraiment très compliqué. Ça veut dire qu’on a des problèmes que d’autres équipes n’ont pas. Beaucoup jouent à six ou sept. Même l’Espagne a joué à huit toute la compétition. C’est que l’on a un basket riche. »

Tout roule mais avant de se rendre en Espagne pour la Coupe du Monde, attention à l’accident industriel. Le chemin des qualifications pour l’EuroBasket 2019 pourrait comporter quelques mines.

« Cette place de vice-champion ne qualifie pas pour le prochain Euro et il faut repasser par des qualificatifs qui seront piégeux car il y a des grosses nations qui se sont très mal classées et que l’on va retrouver dans des troisièmes ou quatrièmes chapeaux. Je parle de la Serbie, de la Russie, etc. », rappelle Patrick Beesley.

On en saura davantage ce mardi, jour du tirage au sort à Munich.

En attendant, ne boudons pas notre plaisir. Une médaille d’argent, c’est très jolie autour du cou.

[armelse][arm_setup id= »2″ hide_title= »true »][/arm_restrict_content]

Photo: Helena Ciak, Sancho Lyttle, Alexia Chartereau, Olivier Epoupa, Marine Johannès. FIBA Europe

Commentaires

Fil d'actualité