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Equipe de France : Comme un collier de diamants

Tony Parker a pris sa retraite internationale et pourtant jamais l’équipe de France n’a eu à disposition autant d’arrières de si haut niveau que l’Europe s’arrache. Ceux-ci ont tous connu des épreuves avant de briller de mille feux.

Tony Parker a pris sa retraite internationale et pourtant jamais l’équipe de France n’a eu à disposition autant d’arrières de si haut niveau que l’Europe s’arrache. Ceux-ci ont tous connu des épreuves avant de briller de mille feux.

C’était lors de cette légendaire demi-finale de l’Euro 2013 face à l’Espagne. Les Bleus étaient embarqués sur le radeau de la Méduse. Moins 14 face aux Espagnols. Tony Parker avait pourtant tout donné pour empêcher la France de couler à pic. Le meneur des Spurs avaient inscrit 14 des 20 points de l’équipe avec un 7 sur 9 aux tirs alors que le reste de la troupe affichait un misérable 3 sur 20.

Le meilleur joueur français était à 31 ans au sommet de son art et la question brûlait les lèvres : que va-t-il se passer une fois que l’âge allait le contraindre à céder le témoin ? Cela faisait dix ans que l’équipe de France était victime d’un mal qui pouvait faire douter de sa capacité à demeurer dans le cercle de l’élite mondiale, la Parker dépendance.

Il y eut le coup de gueule du patron au vestiaire, une seconde mi-temps et une prolongation d’anthologie, avec un 9/13 aux tirs primés qui faisait suite à un 0/8 en première mi-temps et un renversement de situation comme jamais vu à tel niveau du côté des Bleus pour une victoire magistrale, 75-72.

Il y eut aussi l’émergence d’Antoine Diot. Ses 10 points, son 4/4 aux lancers-francs dans le money time, son panier à 9,50m en finale face à la Lituanie « L’Antoine que vous avez vu, c’est l’Antoine que j’ai toujours connu », témoignait Alexis Ajinça faisant référence au fait que le Burgien fut récompensé comme le meilleur cadet (U16) européen de sa génération. « Quand on jouait en jeunes, il marquait des paniers venus d’ailleurs, il n’avait pas peur aux lancers, toujours beaucoup de sang-froid. » Et si c’était lui l’héritier de TP ?

Ce fut ensuite le Mondial en Espagne. Sans Tony Parker, qui passait son tour. Sans Nando De Colo, blessé. Et avec Thomas Heurtel qui sortait de sa boîte comme un diable. Chacun se souvient de son culot monstre, de ses drives la mèche au vent. La France obtint une nouvelle victoire historique aux dépens de l’Espagne sur ses terres, sans Marc Gasol mais avec son frère ainé Pau. Cela faisait quarante-six ans que les Espagnols avaient marqué si peu de points dans un match officiel depuis les JO de Mexico en 1968 contre les Etats-Unis.

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Le Biterrois réalisa ce jour-là la meilleure évaluation des Français (16) avec 13 points, 4 passes et 3 rebonds. « Thomas a fait deux, trois actions incroyables, une fin de match exceptionnelle », complimenta le coach Vincent Collet. Une étoile était née.

Il y eut lors de la campagne suivante, en France, la consécration de Nando De Colo élu dans le cinq idéal de l’EuroBasket aux côtés du MVP Pau Gasol, de Sergio Rodriguez, de Jonas Maciulis et Jonas Valanciunas.

« Qui croyait encore dans le Franco-Américain alors que pour la saison 2010-11, sous la tunique verte de l’ASVEL, il affichait 3,5 points en moyenne et un abominable 5/32 à trois-points ? »

Un puzzle long à se mettre en place

Deux ans plus tard, Tony Parker a pris sa retraite internationale et de toute façon sa blessure l’aurait mis automatiquement sur la touche et la France n’a jamais été aussi riche de toute son histoire au poste un et deux, en meneur, en combo, en shooting guard. C’est comme vous voulez pour l’appellation.

Pour le rassemblement de l’INSEP, qui a marqué le début de la préparation des Bleus pour l’EuroBasket, Vincent Collet n’a pas fait appel à Andrew Albicy quand bien même celui-ci sort d’une saison très respectable en Ligue Endesa sous le maillot d’Andorre (2e passeur et 3e intercepteur de la ligue). Un choix cruel mais totalement justifié tant la concurrence est féroce. Dans d’autre temps, le nouveau forfait de Rodrigue Beaubois dont le corps en porcelaine est d’une fragilité extrême aurait été perçue comme une catastrophe nationale. En 2017, il s’agit juste d’une péripétie et rien ne dit que le Guadeloupéen de Baskonia Vitoria serait sorti indemne du final cut.

Si l’on a crû si longtemps que l’après Tony Parker serait douloureux, c’est que le puzzle a mis du temps à se mettre en place. Certains de nos six internationaux d’aujourd’hui, que l’on peut appeler sans fausse modestie des stars, n’ont pas été réellement précoces, d’autres ont frôlé la mise à la casse.

Se souvient-on que Thomas Heurtel, à la sortie de sa formation à Pau qui descendait en Pro B, signa un contrat de quatre ans avec l’ASVEL… sans jamais porter son maillot. Ses 9,4 points et 4,8 rebonds avec Strasbourg à qui il fut prêté ne convainc pas le staff villeurbannais de lui faire confiance et il fut envoyé pour parfaite son éducation au Lucentum Alicante. Il en a bavé, Thomas, comme une forte tête que l’on veut mettre dans le droit chemin. Surtout avec le coach monténégrin Dusko Ivanovic à Vitoria.

Edwin Jackson, lui, est tombé au fond du trou avant de voir la lumière. Qui croyait encore dans le Franco-Américain alors que pour la saison 2010-11, sous la tunique verte de l’ASVEL, il affichait 3,5 points en moyenne et un abominable 5/32 à trois-points ? Un shooteur qui perd confiance, c’est comme une Ferrari sans moteur…

Fabien Causeur, Léo Westermann et Antoine Diot ont souffert dans leur chair.

Le Breton Fabien Causeur de façon récurrente. Une blessure au pied l’obligea de déclarer forfait avant même la préparation de l’Euro 2013. Deux ans plus tard, il est dans la short list de 16 joueurs mais une infection à l’œil gauche l’obligea à hisser le drapeau blanc.

Ce fut pire pour Léo Westermann, arrivé troisième au vote du meilleur jeune européen de l’année 2012 derrière le Lituanien Jonas Valanciunas et le Croate Dario Saric, élu MVP du Final Four de la ligue Adriatique qu’il remporta avec le Partizan Belgrade, mais victime en novembre 2013 d’une rupture du ligament croisé antérieur. La deuxième après celle de 2010 survenue du temps de l’INSEP. Après une saison blanche, il récupéra ses sensations tout doucement à Limoges.

Ce fut dramatique pour Antoine Diot. Alors que le coach du Mans J.D. Jackson voulait en faire son meneur titulaire pour la saison 2010-11, une hernie discale l’éloigna des terrains pendant trois mois. On craignit le pire pour la suite de sa carrière. Surtout que la saison suivante, il souffrit de lombalgies conséquences à son problème d’hernie discale. Ce n’est qu’en passant au Paris-Levallois puis à Strasbourg que ce meneur qui a un vrai cœur de champion retrouva toute son intégrité physique et par extension ses sensations.

Tout ceux-ci furent repérés très tôt dans ce que l’on appelle la filière de haut niveau. Pas Nando De Colo. Qui pouvait s’imaginer que le Nordiste deviendrait le roi d’Europe alors qu’il choisit à quinze ans le centre de formation de Cholet ? Nando dû attendre les U20 pour être sélectionné en bleu ! Ce n’est qu’à partir de là (17,9 points, 4,0 rebonds, 3,4 passes) que son ascension fut vertigineuse.

« L’Espagne, c’était un objectif si je ne repartais pas en NBA. Il y avait deux clubs, Madrid ou Barça. »

Au centre du mercato estival

Hors Etats-Unis, la France est avec le Canada le plus grand pourvoyeur de joueurs pour la NBA qui apprécie le côté athlétique de nombre de nos ressortissants. Mais à l’inverse, c’est en Europe que nos meneurs/arrières ont exprimé leur potentiel. Pas en France qui n’a plus d’équipes en Euroleague et qui n’a pas atteint un Final Four depuis vingt ans. Exclusivement à l’étranger. Aujourd’hui la balance NBA/Euroleague s’est rééquilibrée puisque onze Français appartiennent à l’élite européenne. Cela prouve que les joueurs français ne sont pas seulement appréciés pour leur capacité à courir et sauter mais aussi leur QI Basket, leur sang-froid, leurs fondamentaux. Si Edwin Jackson, meilleur marqueur du si compétitif championnat espagnol, a préféré les dollars chinois, comme il l’explique avec franchise, les clubs d’élite de l’Euroleague se sont arrachés avec gourmandise nos autres arrières durant le mercato estival.

Léo Westermann est passé du Zalgiris Kaunas où il a retrouvé ses sensations antérieures (8,2 points et 5,5 rebonds en 25 minutes comme meneur titulaire) au CSKA Moscou pour y rejoindre Nando De Colo, roi d’Europe en 2016 et toujours à la pointe continentale, et aussi l’Espagnol Sergio Rodriguez.

Champion d’Allemagne, MVP des playoffs (14,0 points, 5,8 rebonds et 2,2 passes), Fabien Causeur aura l’insigne honneur de revêtir à la rentrée le maillot du Real Madrid.

Antoine Diot demeure finalement à Valence, champion d’Espagne, dont il fut l’un des moteurs passant plus de temps que quiconque sur le terrain en playoffs (28 minutes) pour 8,5 points et 5,1 passes.

Autre dossier significatif, celui de Thomas Heurtel. Le FC Barcelone veut oublier une saison épouvantable et confie sa reconstruction au Biterrois (12,7 points et 5,6 passes avec Anadolu Efes Istanbul).

« Pour partir en NBA, c’est compliqué, il faut attendre l’été. Et si ça ne se passe pas comme tu veux, tu restes sur le carreau, c’est alors difficile de trouver un club en Europe », nous répond t-il quand on lui demande pourquoi il n’a pas tenté de faire le grand saut, avouant aussi : « ça me plaisait vraiment, financièrement, et puis aussi ce projet, entre guillemets, de refaire le club vu qu’ils ont passé une saison difficile. »

L’Espagne est devenue un deuxième Eldorado après l’Amérique pour nos joueurs d’élite et le Biterrois maîtrise tous les paramètres, y compris la langue, lui qui y a déjà stationné de 2010 à 2014.

« L’Espagne, c’était un objectif si je ne repartais pas en NBA. Il y avait deux clubs, Madrid ou Barça. Je suis très content d’être à Barcelone, c’est un grand club avec beaucoup d’objectifs. La famille de ma femme vit à Barcelone, mes parents sont à côté. C’est plus agréable d’être à Barcelone que dans d’autres clubs européens. »

Cerise sur le gâteau, Adrien Moerman sera également en blau grana à la fin de l’été.

« C’est cool d’avoir un autre Français dans l’équipe, je le connais depuis tout petit. Il m’a appelé, il m’a demandé ce que j’en pensais. Je pense que c’est la meilleure option. »

Qu’elle est loin, décidément, cette époque où l’on pouvait croire (craindre ?) que l’équipe nationale soit vampirisée par des NBAers avec toutes les contraintes que cela impose. Thomas Heurtel estime même que jouer en Euroleague avec les règles FIBA et contre une majorité d’adversaires qui y sont référencés, procure un sérieux avantage.

« En face, ce sont des joueurs que l’on a joués toute l’année, tu sais à quoi t’attendre. Ça va être plus difficile pour ceux qui sont en NBA et qui ne se rendent pas forcément compte du niveau de l’Euroleague ou de la FIBA. »
https://www.youtube.com/watch?v=E2jE6s84Y84
« En 2013, Thomas avait gagné sa place en faisant de bien meilleurs matches et de meilleurs entraînements que moi alors que je pense que l‘on partait sur un pied d’égalité »

Ne pas oublier la défense

Même s’il occupe ce poste aux Orlando Magic, Evan Fournier ne peut être considéré en équipe de France comme en arrière mais davantage comme un petit ailier (small forward). D’autant que le forfait de Nicolas Batum puis la blessure de Timothé Luwawu-Cabarrot ont affaibli considérablement ce secteur.

« Je ne vais pas jouer une fois avec Nando, une fois avec Evan pour qu’ils puissent jouer sur leurs postes. Ils joueront beaucoup ensemble. Donc il y en aura un qui sera deux et l’autre qui sera trois. Mais dès les matches de poule, on sera opposé à des équipes qui auront de vrais postes 3 capables de poster et il faudra en tenir compte au moment d’établir la sélection finale. On va réfléchir sur les options qui s’offrent à nous pour pouvoir lutter, » analyse le coach Vincent Collet.

L’inconvénient majeur de cette abondance d’arrières sur la ligne de départ fait qu’il y aura des recalés. Léo Westermann est très lucide sur le sujet.

« Ça sera au coach de faire des choix de riches sur les postes d’arrières. Je suis très content pour le basket français. Tous les joueurs ont signé dans le top 5 des clubs d’Euroleague. Après gagner sa place, c’est sûr que c’est compliqué. Chacun va tout donner pour la décrocher. Ça va être aussi une belle compétition entre nous. Aux entraînements et aux matches. Par exemple en 2013, Thomas (Heurtel) avait gagné sa place en faisant de bien meilleurs matches et de meilleurs entraînements que moi alors que je pense que l‘on partait sur un pied d’égalité car je sortais d’une très bonne saison avec le Partizan. Il avait été très entreprenant. A moi de retenir les leçons de cet échec entre guillemets. »

Quant à Vincent Collet, il prévient : si le potentiel offensif de la ligne arrière française est impressionnant, pas question de négliger ce qui a permis aux Bleus d’obtenir des médailles depuis 2011, la défense.

« Dès le premier jour de rassemblement consacré prioritairement aux tests médicaux et à des essais vestimentaires, avec mon staff j’ai commencé à avoir des entretiens individuels et j’ai insisté sur cet aspect-là. Il y a des joueurs qui ne sont pas référencés comme des spécialistes défensifs, c’est le cas d’une majorité des joueurs de cette liste, il faut le dire, l’accepter, l’avouer. Or on doit être capable d’avoir un niveau défensif qui soit capable de nous permettre d’aller loin. Il n’y a pas d’équipe qui passe les matches couperet si elle ne défend pas. Il va falloir que dès demain matin (mardi) on travaille dans cette optique-là. Il faut que l’effort défensif soit partagé. C’est une opportunité pour des jeunes qui sont sur cette liste de faire l’équipe au final en montrant qu’ils peuvent apporter un vrai bonus dans ce secteur-là. Et pour les cadres qui sont déjà assurés de faire partie de cette équipe, avoir la détermination de faire le petit effort en plus pour que la somme de ces petits efforts nous permettent d’avoir un niveau cohérent et d’atteindre notre objectif. »

Thomas Heurtel ne dit pas le contraire :

« Peut-être que l’on sera plus offensif que les années précédentes mais après, il faut défendre. J’espère qu’on trouvera la cohésion pour. »

Le futur meneur du Barça n’est pas démoralisé par la cascade de pépins qui s’est abattue sur la tête des Bleus ces dernières heures et se souvient que c’est lorsque l’équipe de France fut privée de la tutelle de Tony Parker qu’il exprima tout son savoir-faire :

« On était un peu outsider à la Coupe du Monde en 2014 et on a fini troisième, on aurait même pu jouer la finale. C’est peut-être mieux de partir outsider que comme la Serbie ou l’Espagne. Vis-à-vis de 2014, on a Nando en plus et Rudy et Nico en moins, je pense que l’on peut faire quelque chose. »

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Photos: FIBA Europe et FFBB

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