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Portrait: La passion selon Vincent Collet

En Finlande, Vincent Collet est pour la cinquième fois le coach de l’équipe de France à un championnat d’Europe. Il a déjà gagné un titre européen et il concourt pour être reconnu comme le meilleur coach de l’histoire du basket français, trophée qui appartient probablement à Robert Busnel ou André B

En Finlande, Vincent Collet est pour la cinquième fois le coach de l’équipe de France à un championnat d’Europe. Il a déjà gagné un titre européen et il concourt pour être reconnu comme le meilleur coach de l’histoire du basket français, trophée qui appartient probablement à Robert Busnel ou André Buffière.

En mars 2009, alors qu’il venait d’être nommé à la tête des Bleus, nous tirions ce portrait du Normand. Huit ans plus tard, sinon la notoriété, rien n’a changé.

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Cela remonte à bientôt quarante ans. Un match de Coupe de France entre l’AL Montvilliers et le SCM Le Mans, à une époque où il y avait des « handicaps » pour tenter de rétablir l’équilibre entre équipes de hiérarchies différentes. « On menait encore à la mi-temps. on s’est retrouvé à 89 partout avant de perdre 122 à 101. Art Kenney a marqué 63 points. Je m’en souviens encore ».
Vincent Collet est sourd de l’oreille droite et sa mémoire est essentiellement visuelle. A l’école, il était contrait de relire les cours pour les absorber, mais par ce biais, ils étaient solidement imprimés.

Quand c’est du basket, Vincent est une sorte de phénomène de foire. « J’ai un très bon feedback après les matches. Je sais que, lors de telle action, on a fait telle ou telle chose. Pierre Tavano – son assistant – me regarde étonné. Lorsque l’on fait les breefings d’avant-match, la présentation des systèmes, j’ai tout là-haut. Le jour où je n’aurais plus ça, je vais plonger ! ».

L’un de ses deux fils, Florian, est de la même veine. Lorsqu’ils se sont rendu ensemble à la Summer League de Las Vegas, Philippe Hervé, Frédéric Sarre, les agents sur place, étaient tous estomaqués par cet adolescent qui leur récitait par coeur les stats des joueurs. Florian sera probablement un jour agent ou scout, « Il n’y a pas de raison de ne pas réussir quand on a une telle passion, une telle compétence », juge le père (NDLR: aujourd’hui, Florian est agent de joueurs chez Comsport).

Comme souvent, c’est héréditaire. André Collet fut sélectionné en équipe de France B, mais vit sa carrière brisée très jeune par une pneumonie. Il devint l’homme à tout faire de l’AL Montvilliers. C’est la maison familiale qui servait de point de ralliement pour les déplacements. C’est en accompagnant son père que Vincent a disputé au débotté son premier match de basket contre Saint-Thomas le Havre. Il avait six ans. Les autres, le double. Tout le monde n’a pas eu le privilège d’être assis petiot sur les genoux de Jacques Cachemire, l’un des plus grands basketteurs Français des années soixante-dix. L’Antillais est venu habiter chez les Collet le week-end lorsqu’il signa en cours de saison à Montvilliers avant de regagner la semaine la caserne du bataillon de Joinville.

Vincent, comme plus tard Florian, sont tombés dedans, gamins, la tête la première. Une passion obsessionnelle, exclusive, un peu comme lorsqu’on entre dans les ordres, pas toujours facile à vivre pour les proches. « Ma soeur ainée a regretté que mon père ne lui ait pas consacré suffisamment de temps. Elle n’aimait pas le basket et il était tellement important pour tous que c’était quelque part une forme d’injustice », reconnaît Vincent.

« Mon frère Emmanuel n’a jamais été accroc, même s’il est un total supporter de mon père, alors que moi, je n’ai jamais lâché. Avec mon père, à table, on essaie de parler d’autre chose, mais avec mon père, en dehors, depuis que j’ai 10-12 ans, c’est 100% basket », commente Florian, qui regarde une demi-douzaine de matches à la télé par semaine et qui a joué – à fond ! – à quatre Fantasy Leagues en même temps avant que ses parents mettent un peu le holà. Florian, c’est son père en miniature. Un doux dingue.

Florian chasse les infos sur Internet. Vincent s’est intéressé au basket à l’époque de la préhistoire, lorsque les moyens de communication étaient encore sommaires. La France était un pays tiers-mondiste comparée à l’Italie, et bien sûr aux Etats-Unis, le pays des merveilles, plus encore qu’aujourd’hui, car inaccessible. Vincent a lu, dit-il, une quinzaine de fois Le Fabuleux Basket Américain, écrit par Jean-Jacques Maléval et Thierry Bretagne, sorti en 1972.

Adolescent, il s’imagine copier le bras roulé de Wilt Chamberlain

Pour toute une génération, une sorte de Saintes Ecritures sur le basket de l’au-delà. « Cela me transportait. Mon imaginaire marchait fort. j’avais l’impression d’être sur le terrain avec Earl Manigault. On n’avait pas de consoles, alors on jouait entre copains ». Des 3-3, des 5-5, dans une salle toujours ouverte. « On n’avait pas vraiment d’entraîneur, personne n’était capable de transmettre le savoir, sinon Antoine Pisan le CTR, lors des stages régionaux. Mais le basket, c’est le sport collectif où tu peux le plus t’entraîner seul ».

C’est en lisant l’Equipe Basket Magazine que le Normand fera la connaissance de Wit Chamberlain, du moins virtuellement, et s’imaginera copier son bras roulé. il aura également comme modèle Bill Bradley, qui sera élu joueur universitaire de l’année, puis champion avec les Knicks, tout en étant diplômé de Princeton et d’Oxford. Vincent se souvient que sa mère lui avait montré l’article en insistant sur le fait que Bradley avait mené de front basket et études.

Comme beaucoup en ces temps lointains, le Normand a découvert ses premières images de NBA à partir d’un vieux film en noir et blanc qui faisait le tour de France. Un Boston-Cincinnati avec dans les rôles principaux, Bill Russel et Oscar Robertson. « Puis les Sixers de Julius Erwing. Aux camps SEJ, on projetait des films rapportés par Carmine Calzonetti, un ancien de St John’s qui a joué en France – sur Lou Carnesseca et Dean Smith. A l’époque des fondamentaux aux Etats-Unis, c’était une religion et il y avait une grosse marche vis-a-vis de ceux des Français ». Il y eut aussi ce mythique Lakers – Sixers avec les 42 points, 15 rebonds et 7 passes de Magic Johnson au pivot, diffusé en différé l’été sur Antenne 2.

Qu’est ce qu’on regarde ce soir à la télé ?

L’éducation à la française est ainsi faite que Vincent Collet n’est pas devenu le nouveau Bill Bradley. Bon élève avec un 16 de moyenne en maths en seconde, il va laisser de la gomme dans la pratique du basket. Pour ne pas le déstabiliser, il fallut que son père lui cache que Jean Galle souhaitait le faire venir au Caen BC alors qu’il n’avait pas encore son bac en poche. A défaut d’HEC à Paris, il aurait pu faire une école de commerce sur Le Havre, « mais je ne pouvais pas concevoir de tout sacrifier au détriment du basket et mes parents l’ont compris ». Plus tard, au Mans, il envisagea de faire sciences éco, mais recule en voyant le programme de 35 heures hebdomadaires. Il tenta de faire LEA (Langues Etrangères Appliquées), mais céda la deuxième année. Il se levait à 6 heures et se couchait à minuit et il craqua physiquement, surtout qu’en basket, pour être au niveau, il était obligé de faire du rab.

Pour rester dans le milieu, Vincent envisagea un temps d’être journaliste sportif, tout comme Florian, tout fier d’avoir fait un stage de troisième à L’Equipe et d’avoir nourri un matin, la gazette de la page basket. En fait, le métier de coach était depuis toujours dans ses entrailles. Il devint champion de Normandie-Maine benjamins. Une fois pro, il entraîna chaque été les jeunes dans les camps SEJ de Jacky Chazalon, qui lui avait donc donné auparavant de bonnes bases gestuelles.  « A Villeurbanne, je suis souvent allé voir les jeunes s’entraîner. C’est là que j’ai connu Pierre Tavano. Je donnais des coups de main, je faisais des interventions. Au Havre, j’ai pris les minimes et les cadets ».

La passion lui a fait pousser des ailes. « Si j’arrivais aujourd’hui dans les centres de formation, je serais éliminé par ma faiblesse athlétique ». Vincent applique depuis longtemps l’adage comme quoi il faut travailler plus pour jouer plus. A 18 ans, au Mans, il a gagné ses galons de meneur remplaçant de Greg Beugnot à la force du jarret. Il était systématiquement sur le parquet de la Rotonde une heure avant tout le monde. Le coach Bob Purkhiser lui a donné des cours particuliers : jeux de jambes défensifs avec toss-back, sacs de sable, dribbles avec lunettes spéciales entre les chaises, séries d’escalades des gradins. C’est vrai, Vincent a toujours eu un jeu un peu robotique, unidimensionnel, mais sa formidable conscience professionnelle n’est-elle pas davantage méritoire que le pur talent de certains, pas toujours complètement cultivé ? Il réussit même un temps un régime draconien digne des mannequins anorexiques, celui du Docteur Haas, qui lui a permis de… dunker comme un fou !

Le seul basketteur Français à posséder une connaissance comparable à la sienne était Jacques Monclar

Trois décennies plus tard, il a les yeux encore lumineux lorsqu’il raconte qu’il a joué avec la SCM Mans, à Taiwan, une équipe américaine formée de Chris Mullin, Jay Humphries, Steve Stipanovich ou encore Tony Costner et Miachel Britt. « Je m’étais fait piquer le ballon au milieu du terrain par Stewart Granger, le Canadien. Le temps que je me retourne, il était en train de smasher ».

Le seul basketteur Français à posséder une connaissance comparable à la sienne fut son équipier au SCM cette année-là, Jacques Monclar. Dommage, on n’a jamais cherché à les confronter sur un quizz basket. « Il y a quinze ans, j’aurais gagné. Aujourd’hui, ça serait lui. Il possède vraiment une culture générale impressionnante, il est plus fort que moi sur la NBA ». Un peu bête aussi que la maîtrise de Vincent n’ait été exploitée qu’une seule fois comme consultant à la télé, pour un Celtics-Blazers en 1986. ll connaissait les rosters sur le bout des doigts : pas une évidence à une époque où Canal + venait tout juste d’être lancé.

Chaque semaine, en temps de coupes européennes, Vincent regarde sept-huit matches de ses futurs adversaires plus systématiquement les deux d’Euroleague sur Sport+, et sans compter ceux que le club enregistre lorsqu’il veut scouter des joueurs spécifiques. Et le soir, après avoir couché sa fille, un peu de NBA. Aucun effort, rien que du plaisir. « Je salive avant de me mettre devant ma télé pour un Malaga-Panathinaikos ». Scène traditionnelle chez les Collet :

– Qu’est ce qu’on regarde ce soir à la télé ? Demande Valérie.
– Attends ! Tu as eu droit à tes séries policières tout le début de la semaine. Ce soir, tu vas sur ton ordinateur, la télé, c’est pour moi, répond Vincent.

« Ce sont souvent ceux qui sont passionnés qui réussissent », commente le nouveau coach des Bleus. « J’en parlais avec Tony (Parker). Il m’a dit que les jours où il ne joue pas, il s’arrange pour voir un match, de Chris Paul, des autres meneurs où il peut apprendre. Et c’est pour ça qu’il évolue tout le temps. Si je regarde ces matches, c’est aussi dans ces but-là ».

Il faut savoir que Valérie Collet est davantage sensible au basket que la moyenne des femmes de coaches. Elle assiste parfois à des matches à l’extérieur, notamment au Havre, pour la Semaine des As. Mais Vincent a, peut-on dire, déjà un peu abusé. « Au début, je n’avais pas l’habitue de faire le recrutement. En vacances, l’été, je m’isolais 3-4 heures pour appeler les agents. Ce fut l’objet de vives discussions avec ma femme. Depuis, je fais attention ! » avoue-t-il avec sa franchise habituelle.

Vincent estime que ses joueurs, globalement, ne sont pas suffisamment assidus au basket télévisuel. A l’ASVEL, le staff fournit aux espoirs du centre de formation des DVD pour qu’ils s’imprègnent d’une indispensable culture. Vincent, étudie dans chaque recoin toutes les hypothèses de qualification avant un match de coupe d’Europe. Une anecdote surréaliste afin de démontrer que tout le monde n’apporte pas toujours le même soin à son métier :

Il y a cinq ans, le MSB affrontait Makedonikos en ULEB Cup. Un match à la vie à la mort. Le Mans perd après deux prolongations. Le groupe arriva à l’hôtel pour dîner, le moral dans les chaussettes. Pape-Philippe Amagou va voir Pierre Tavano et lui demande : « Mais si on avait gagné, on était qualifié ? ».

A Végas pour une première aux USA

Vincent Collet est apprécié par la confrérie des journalistes. Il possède un sens inné de la pédagogie et débita ses commentaires sans arrière-pensée. Alain Moire, qui l’a côtoyé de nombreuses années, pour le compte de Ouest France, témoigne : « Il essaie de faire partager sa passion sans imposer quoi que ce soit. La veille des matches, il abordait avec moi ce qu’il allait faire, ce qui_ me permettait de rentrer dans le match en sachant ce que l’équipe devait faire, et ainsi je pouvais constater si elle y arrivait ou pas. C’est vrai que les coaches ont des notions qu’on n’a pas, mais Vincent ne te prends pas pour une andouille. Une maxime dit : « L’humilité, c’est le commencement du talent », ça lui correspond bien ».

Lorsqu’il était assistant d’Alain Waisz, Vincent est venu renforcer l’équipe 2 au club. La deuxième année, en Régionale 2, ils ont gagné les onze matches à domicile. « Gouloumès (NDLR: l’ancienne salle du SCM Le Mans détruite depuis), c’est ma maison. Lorsqu’il est passé coach en chef, il a stoppé car, dit-il, « Il aimait trop ça ». Il lui est arrivé de faire des pick-up games avec notamment des journalistes, pas bien bons, et d’arrêter une action pour leur donner des conseils. On ne se refait pas. Avec Vincent Collet, il n’y avait pas de petits comités de profanes qui ne méritent pas un éclairage. Ses interventions dans les salons VIP sont aussi des moments privilégiés. Il refait le match et d’une façon plus intelligente que la bande à Eugène Saccomano. Énervé par une injustice, il peut se transformer en une sorte de prédicateur. Et comme il a un sens très poussé de l’autocritique, il évoque aujourd’hui ses débordements sans faux-fuyant : « ça m’est arrivé le soir de Gravelines et de Moscou. Ca prouve que je ne suis pas une machine et là, j’ai éclaté. je trouve ça plutôt… rassurant ».

Pour la première fois aux USA à 44 ans

Le truc le plus incroyable dans le parcours de Vincent Collet, c’est qu’il n’a posé les pieds sur la terre de la patrie du basket-ball, les Etats-Unis, que durant l’été 2007. Il avait fait connaissance avec le scout des Spurs Danny Ferry, lorsque celui-ci était venu au Mans superviser Alain Koffi. Devenu general manager des Cavaliers, Ferry fut à l’origine de sa venue aux Etats-Unis. Il l’invita à coacher son équipe de Summer League à Las Vegas. Une grande première, semble-t-il pour un Français. Une formidable reconnaissance pour l’homme qui a formé Nicolas Batum et Alain Koffi. « Je suis resté douze jours et ils m’ont filé 105 dollars pour manger la journée », commente-t-il amusé.

Danny Ferry lui proposa le dernier soir d’assister à une party au restaurant Picasso de l’hôtel Bellagio. Ceux qui connaissent les décors luxueux et fantasmagoriques de la ville du pêché apprécieront… Surtout quand vous avez votre référence, Ettore Messina, assis en face de vous, et Mike Brown, le coach des Cavs, juste derrière. « Coach ! That’s wonderful !, m’a dit Messina, qui avait dû en voir bien d’autres que moi », raconte Vincent encore sous le charme plusieurs mois plus tard. « J’ai dit à Florian qui était avec moi : profite ! ».

Sûr que le fils comme le père en ont profité à fond. Chez les Collet, chaque moment de basket est un instant de bonheur.

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Cela remonte à bientôt quarante ans. Un match de Coupe de France entre l’AL Montvilliers et le SCM Le Mans, à une époque où il y avait des « handicaps » pour tenter de rétablir l’équilibre entre équipes de hiérarchies différentes. « On menait encore à la mi-temps. on s’est retrouvé à 89 partout avant de perdre 122 à 101. Art Kenney a marqué 63 points. Je m’en souviens encore ».
Vincent Collet est sourd de l’oreille droite et sa mémoire est essentiellement visuelle. A l’école, il était contrait de relire les cours pour les absorber, mais par ce biais, ils étaient solidement imprimés.

Quand c’est du basket, Vincent est une sorte de phénomène de foire. « J’ai un très bon feedback après les matches. Je sais que, lors de telle action, on a fait telle ou telle chose. Pisme Tavaro – son assistant – me regarde étonné. Lorsque l’on fait les breefings d’avant-match, la présentation des systèmes, j’ai tout là-haut. Le jour où je n’aurais plus ça, je vais plonger ! ».

L’un de ses deux fils, Florian, est de la même veine. Lorsqu’ils se sont rendu ensemble à la Summer League de Las Vegas, Philippe Hervé, Frédéric Sarre, les agents sur place, étaient tous estomaqués par cet adolescent qui leur récitait par coeur les stats des joueurs. Florian sera probablement un jour agent ou scout, « Il n’y a pas de raison de ne pas réussir quand on a une telle passion, une telle compétence », juge le père (NDLR: aujourd’hui, Florian est agent de joueurs chez Comsport).

Article paru dans BasketNews en mars 2009

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Photos: FIBA Europe, FFBB, SCM Le Mans

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