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Analyse: Pour les Bleus, Tokyo c’est encore loin

Comment l’équipe de France a t-elle pu être éliminée dès les huitièmes de finale ? Sa plus médiocre performance depuis vingt ans. Quelles sont les perspectives à court terme? Notre analyse en direct d’Istanbul.

Comment l’équipe de France a t-elle pu être éliminée dès les huitièmes de finale ? Sa plus médiocre performance depuis vingt ans. Quelles sont les perspectives à court terme? Notre analyse en direct d’Istanbul.

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C’était le 5 juillet 1997. À Barcelone, malgré les 23 points de Stéphane Risacher, les 14 de Fabien Dubos ou encore les 12 de Thierry Gadou, la France s’inclinait face à Israël et terminait à la 10e place du championnat d’Europe. C’était il y a vingt ans. Une autre époque… Depuis, les Bleus avaient toujours terminé dans le Top 8 de l’EuroBasket, et même sur le podium des trois dernières éditions. Jusqu’à hier. L’élimination face à l’Allemagne (81-84) dès le huitième de finale n’était pas prévue. Ce n’était pas leur plan. Cet été, Vincent Collet se disait en mission, ses joueurs fronçaient les sourcils à chaque fois que les sujets – légitimes – de l’après-Tony Parker et des forfaits de Nicolas Batum et Rudy Gobert revenaient sur le tapis. On allait voir ce qu’on allait voir : ces Bleus-là avaient du talent, des barils de talent explosif, de quoi dynamiter toutes les défenses du continent. C’est vrai que l’effectif assemblé, malgré les nombreuses absences pour raisons diverses, présentait bien et donnait à la sélection un costume d’outsider, plus facile à enfiler que celui de favori. Mais elle ne l’a jamais porté. L’équipe de France est passée à côté de son Euro. « Je savais très bien que ça serait difficile d’aller au bout mais je pense qu’il y avait quand même de la place pour faire beaucoup mieux. Avec ce groupe-là, on aurait dû gagner ce soir (hier), on avait les moyens, la capacité d’aller en quart », a commenté Vincent Collet, reconnaissant un « échec », duquel joueurs et staff sont « tous responsables ».

La tentative héroïque d’Evan Fournier (27 points) de ramener les Bleus de l’enfer a failli payer

Trop crispés  

Pourtant, les Bleus ont réagi. Au début. Insipides contre la Pologne, ridicules face à la Slovénie, ils ont abordé leur huitième face à l’Allemagne sur de bien meilleures bases, patients offensivement et appliqués défensivement. Ils ont tenu leur adversaire à 10 points dans le premier quart-temps, et ont empêché Dennis Schröder, le meneur star de la Mannschaft, de marquer le moindre panier pendant les 18 premières minutes. « On a très bien commencé, on était dans notre plan de jeu, on a respecté les consignes », décrit Antoine Diot. « La réaction était là, a été démontrée par l’entame de match, la meilleure qu’on ait faite du tournoi. Ça nous a permis de prendre le contrôle du match », poursuit Vincent Collet. L’Allemagne a eu le mérite de ne pas s’affoler après ce départ douloureux (10-19), Dennis Schröder celui de ne pas trop forcer et de chercher à impliquer ses coéquipiers. Le meneur a trouvé une première brèche, puis une deuxième, et son équipe a nettement mieux fini le deuxième quart, de quoi rentrer aux vestiaires avec un faible débours de 6 points.

« Dès le début de la deuxième mi-temps, on a senti qu’on n’avait plus la même intensité », regrette Collet. Le vent avait déjà tourné. L’Allemagne est revenue peu à peu, instiller le doute. « Il nous a peut-être manqué un petit brin de confiance, peut-être dû à notre premier tour. Les performances passées nous ont peut-être rattrapé dans cette deuxième mi-temps », estime Diot. Tandis qu’à l’inverse, les Allemands, après un premier tour réussi, avaient fait le plein de confiance ? « Oui, peut-être », répond Diot. « C’est tout un engrenage. Quand ils ont commencé à revenir, on s’est peut-être un peu crispé et eux ont mis des shoots contestés. » Après avoir inscrit seulement trois paniers lointains en vingt tentatives au bout de trois quart-temps, les coéquipiers de Schröder ont signé un impressionnant 6/8 à trois-points dans les dix dernières minutes (Daniel Theis 2/2, Robin Benzing, Lucca Staiger et Danilo Barthel 1/1 chacun, Maodo Lo 1/2 et Ismet Akpinar 0/1). De quoi recoller au score, passer devant, prendre le large (+9). La tentative héroïque d’Evan Fournier (27 points) de ramener les Bleus de l’enfer a failli payer. Mais Thomas Heurtel a manqué une interception à dix secondes du buzzer, et sur l’ultime possession, le tir à trois-points de Nando De Colo n’a pas trouvé la cible. « C’est le reflet de notre Euro, on n’a pas su être présent pendant quarante minutes », résume Kévin Séraphin.

Les Bleus ont encaissé 84 points contre l’Allemagne, soit exactement la moyenne de points qu’ils ont concédée lors du premier tour

La défense ? Quelle défense    

Retour en arrière. Voilà ce que disait Vincent Collet à Helsinki, à la veille de l’ouverture de la compétition : « On a les moyens de faire un bel Euro, c’est bien sûr au conditionnel. L’engagement défensif doit être de tous les instants. On a au cours de cette préparation affiché des faiblesses. On n’a plus le potentiel d’intimidation que l’on pouvait avoir ces dernières années. » L’engagement défensif était la clé. Le sélectionneur l’a dit, répété, encore et encore, chaque jour. Sans effet. Rien n’a vraiment changé depuis début aôut. Les Bleus ont encaissé 84 points contre l’Allemagne, soit exactement la moyenne de points qu’ils ont concédée lors du premier tour, qui était la plus élevée parmi les seize participants aux huitièmes de finale. Le constat de Collet est clair et logique : « On n’a pas assez défendu sur cet Euro. Ce qui pouvait être notre talon d’Achille l’est clairement devenu, à savoir un manque de dureté défensive, mais plus que ça, de sacrifice dans ce secteur de jeu. C’est rédhibitoire au très haut niveau. En deuxième mi-temps, c’est encore 50 points pour l’adversaire. Et ça a commencé en fin de première mi-temps. En fait, on a eu quinze minutes où on était vraiment dans les clous, et après on a de nouveau pêché par cette insuffisance défensive. »

De même, l’équipe avait commencé son tournoi à l’envers en perdant trop de ballons contre la Finlande, et elle l’a fini en laissant encore échapper 13 balles, contre 8 aux Allemands. « À la mi-temps, on a sept balles perdues, les Allemands en ont deux. On les écrase dans toutes les autres catégories statistiques, mais ces balles perdues, on ne peut pas vraiment dire que ce soit les Allemands qui les provoque, c’est nous », assume Collet.

Nando De Colo qui n’était descendu qu’une fois en vingt-huit matches d’Euroleague sous la barre des 10 points cette saison l’a fait deux fois en six rencontres à l’EuroBasket

La faillite de Nando De Colo    

Trop de points encaissés, de ballons perdus par excès d’individualisme, pas assez de dureté, d’agressivité défensive : ces Bleus-là ont vécu et sont tombés sans réellement se révolter, en équipe, autrement que par des exploits individuels. Vincent Collet n’a pas réussi à créer une notion de solidarité forte. « On n’est pas une équipe », avait même lancé Antoine Diot après la leçon de basket reçue face à la Slovénie. Tony Parker jeune retraité international, le leadership s’est baladé d’épaule en épaule, sans vraiment se poser, et ne permettant pas à la hiérarchie de se stabiliser avec lui.

La complémentarité du trident offensif extérieur (Thomas Heurtel, Nando De Colo, Evan Fournier) s’est faite attendre. Heurtel n’a pas pesé comme il l’avait fait en 2014 et surtout De Colo, le meilleur joueur en Europe depuis deux ans, n’a pas eu le rayonnement escompté (13,8 points à 45% et 2,3 passes). Il a même clairement été en perdition sur les trois derniers matches (10 points à 30% et 0/11 à trois-points !), et quitté la compétition la tête baisse avec 6 points à 3/11 et 4 d’évaluation face à l’Allemagne. Lui qui n’était descendu qu’une fois en vingt-huit matches d’Euroleague sous la barre des 10 points cette saison l’a fait deux fois en six rencontres à l’EuroBasket. Il a par ailleurs manqué les deux trois-points de la dernière chance, qui auraient pu tout changer, contre la Finlande en ouverture pour se lancer dans la compétition puis face à l’Allemagne pour rester en vie. Collet dit avoir « espérer très fort » que De Colo « retrouve sa réussite » après ses deux paniers marqués en début de troisième quart-temps contre l’Allemagne, mais l’arrière du CSKA s’est ensuite éteint. « Il faut l’accepter. Il en est le premier triste. Bien sûr que ça nous coûte… On est tellement habitué à ce qu’il soit métronomique qu’on est presque surpris quand ce n’est pas le cas, mais ça fait partie du jeu », commente le sélectionneur, ne souhaitant pas accabler un joueur plus qu’un autre, rappelant le premier fautif : le groupe, incapable de tenir son adversaire à moins de 80 points.

« Quand il faudra mettre les chaussures et aller sur le terrain, à ce moment je sentirai que je peux ou que je ne peux pas. »

Mission Coupe du Monde 2019  

Il faut désormais penser à l’avenir. Avec Boris Diaw ? Le capitaine, irréprochable (15 points, 9 rebonds, 5 passes, 26 d’évaluation contre l’Allemagne, et en moyenne 9,2 points, 5,7 rebonds et 3,3 passes pour 14 d’évaluation), toujours actuellement sans contrat pour la saison 2017-18, avait l’habitude de dire qu’il resterait tant que le sélectionneur voudrait de lui. Cette fois, après la défaite, il a déclaré qu’il n’avait pas pris de décision quant à son futur en bleu et qu’il se prononcerait quand viendrait le moment de reporter ou non le maillot. « Quand il faudra mettre les chaussures et aller sur le terrain, à ce moment je sentirai que je peux ou que je ne peux pas. Je ne peux pas parler pour le futur. Aujourd’hui, j’ai l’impression de pouvoir encore apporter à l’équipe. Est-ce que ce sera le cas dans deux mois, trois mois, six mois, je ne sais pas encore », assure-t-il. « Il est libre de sa décision, il a tant donné pour cette équipe. Mais le basket français a encore besoin de Boris », enchaîne Vincent Collet.

En tout cas, le futur des Bleus s’écrira toujours avec Collet, confirmé dans ses fonctions jusqu’en 2020 par la fédération juste après l’élimination. 2020, c’est l’objectif prioritaire de la FFBB : les Jeux Olympiques de Tokyo. Mais pour rallier le Japon, la route est longue et escarpée, et commence dès cet automne. L’EuroBasket ne qualifiant plus à aucune compétition, les Bleus doivent ainsi déjà décrocher leur billet pour la Coupe du Monde 2019, en Chine, à travers les nouvelles fenêtres internationales. En novembre 2017, février et juin 2018, la France disputera six matches (en aller-retour contre la Belgique, la Russie et la Bosnie) et devra terminer dans les trois premiers de son groupe pour atteindre le deuxième tour (septembre et novembre 2018, février 2019), et ce trio croisera avec les trois premiers du groupe Finlande, République Tchèque, Islande et Bulgarie. Si elle finit sur le podium de ce nouveau groupe de six, alors elle jouera la Coupe du Monde, qui sera elle qualificative pour les JO ; en cas d’échec, la France pourrait espérer une invitation pour l’un des trois tournois de qualification olympique.

Mais pour ces qualifications, ces fenêtres internationales, Collet devra se passer des onze Français de NBA (voire douze si Diaw trouve un contrat et treize si Yakuba Ouattara, qui a paraphé un two-way contract avec Brooklyn, est utilisé par les Nets), alors que la présence des treize Français d’Euroleague est également très, très incertaine. Cela représente donc 25 joueurs, quasiment les 25 meilleurs Français, indisponibles. Des douze de l’Euro, seul Labeyrie (néo-Strasbourgeois) serait apte à reporter le maillot bleu, pour former une « sélection bis » avec Andrew Albicy (Andorre), Charles Kahudi (ASVEL), Paul Lacombe (Monaco), Nobel Boungou-colo (Séville), Jérémy Leloup (Strasbourg), Moustapha Fall (Sakarya), Mam Jaiteh (Limoges)… Après avoir été habituée des podiums, l’équipe de France va devoir enfiler le bleu de chauffe afin de se qualifier pour le Mondial. Il faudra ça  avant de rêver à une équipe de France tutoyant de nouveau les sommets, autour des Fournier, De Colo, Lauvergne, Séraphin, Diot, devenus plus expérimentés, et avec les retours de Gobert et Batum… Tokyo 2020, c’est encore loin.

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C’était le 5 juillet 1997. À Barcelone, malgré les 23 points de Stéphane Risacher, les 14 de Fabien Dubos ou encore les 12 de Thierry Gadou, la France s’inclinait face à Israël et terminait à la 10e place du championnat d’Europe. C’était il y a vingt ans. Une autre époque… Depuis, les Bleus avaient toujours terminé dans le Top 8 de l’EuroBasket, et même sur le podium des trois dernières éditions. Jusqu’à hier. L’élimination face à l’Allemagne (81-84) dès le huitième de finale n’était pas prévue. Ce n’était pas leur plan. Cet été, Vincent Collet se disait en mission, ses joueurs fronçaient les sourcils à chaque fois que les sujets – légitimes – de l’après-Tony Parker et des forfaits de Nicolas Batum et Rudy Gobert revenaient sur le tapis. On allait voir ce qu’on allait voir : ces Bleus-là avaient du talent, des barils de talent explosif, de quoi dynamiter toutes les défenses du continent. C’est vrai que l’effectif assemblé, malgré les nombreuses absences pour raisons diverses, présentait bien et donnait à la sélection un costume d’outsider, plus facile à enfiler que celui de favori. Mais elle ne l’a jamais porté. L’équipe de France est passée à côté de son Euro. « Je savais très bien que ça serait difficile d’aller au bout mais je pense qu’il y avait quand même de la place pour faire beaucoup mieux. Avec ce groupe-là, on aurait dû gagner ce soir (hier), on avait les moyens, la capacité d’aller en quart », a commenté Vincent Collet, reconnaissant un « échec », duquel joueurs et staff sont « tous responsables ».[/arm_restrict_content]

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Photo: FIBA Europe

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