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Isabelle Fijalkowski, pionnière de la WNBA

Il y a un peu plus de vingt ans, Isabelle Fijakowski (1,95m, née en 1972) a passé deux saisons aux Cleveland Rockers. C’était les deux premières de la WNBA. La réussite fut au rendez-vous puisque l’internationale fut à la fois la meilleure marqueuse et rebondeuse de son équipe. Elle nous raconte son

Il y a un peu plus de vingt ans, Isabelle Fijakowski (1,95m, née en 1972) a passé deux saisons aux Cleveland Rockers. C’était les deux premières de la WNBA. La réussite fut au rendez-vous puisque l’internationale fut à la fois la meilleure marqueuse et rebondeuse de son équipe. Elle nous raconte son expérience américaine.

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« La création de la WNBA a été la conséquence de la préparation de l’équipe américaine pour les JO d’Atlanta en 1996. Elles sont restées un an ensemble. Du fait que médiatiquement elles ont eu une grosse couverture a émergé l’idée de la création d’une ligue avec la participation de de toutes ces joueuses. C’était fait pour elles et ils les ont réparties dans les différentes équipes pour que ce soit équilibré et qu’il y ait dans chaque franchise une joueuse qui la représente (NDLR : la première année d’existence durant l’été 1997 a concerné 8 équipes avec Cynthia Cooper, élue MVP, Lisa Leslie ou encore Teresa Weatherspoon). C’était pour elles l’occasion de jouer dans leur pays, devant leur public, leurs familles. C’était quelque chose qu’elles attendaient depuis un moment.

Tout a commencé pour moi lorsque je me suis retrouvé à l’université de Colorado (en 1994) grâce aux contacts de Tanya Haave (NDLR : joueuse américaine qui à l’époque jouait en France) et par Pao (Ekambi) qui a joué avec elle. Elle m’a donné les contacts de trois universités. L’université de Colorado, Tennessee et Syracuse. J’ai envoyé mon CV et ma K7. Tanya a appelé les coaches, elle a appuyé ma candidature. J’avais envie de faire comme Yannick (Souvré à Fresno State) et Pao (Ekambi à Marist), de continuer à progresser. J’avais besoin de travailler. J’étais une joueuse majeure dans mon équipe de Clermont, j’étais déjà en équipe de France (NDLR : médaillée d’argent à l’Euro 1993). J’avais envie de tenter l’aventure américaine. Avec le recul, je me dis que ça aurait été encore plus fabuleux d’aller à Tennessee. Ensuite, l’assistante-coach de Colorado est venu me voir jouer et tout de suite elle m’a dit « on te propose une bourse. »

« Là-bas, on travaille énormément, les entraînements durent trois ou quatre heures, mais c’est surtout qu’ils te défient au niveau mental »

L’entraîneur de l’équipe de France de l’époque (NDLR : Paul Besson) ne voyait pas d’un bon œil que je parte, il ne voyait pas l’intérêt. Il faut tomber dans une bonne fac où il y avait un niveau NCAA intéressant. J’avais besoin de bosser et j’avais exprimé dans les médias le fait que je ne savais pas où j’allais trouver en France le club où je pouvais le faire, je me suis fait reprendre de volée à cause de ça. Je venais de l’AS Montferrand, j’étais allée à Challes, puis au Stade Clermontois parce que je n’avais pas trouvé d’autres endroits, je pouvais finir mon DEUG, j’y retournais un peu sous la pression de mes parents avec l’entraîneur national pas loin.

J’ai eu raison de partir. Là-bas, on travaille énormément, les entraînements durent trois ou quatre heures, mais c’est surtout qu’ils te défient au niveau mental. Le travail physique est très dur et ça c’est juste pour savoir si tu peux élever ton niveau dans la difficulté, d’être présent quelque soit les choses qui se passent. Je me suis forgée un mental aux Etats-Unis, même si le niveau était peut-être moins important qu’en ligue. Il fallait que je prouve que j’étais capable. Il n’y avait pas une place de réservée pour la Française dans le cinq. Tout le monde doit gagner sa place et ça c’est intéressant.

On a été champion de la Big Eight, invaincu, et on a fait les quarts de finale du tournoi NCAA. Ce qui est marquant c’est qu’à quelques points, j’ai raté un Final Four NCAA mais je ne me souviens plus contre qui (NDLR : Colorado a été battu par Stanford, 62-78). Je savais que j’y allais uniquement pour un an à cause de la limite d’âge. Je suis arrivée en tant que senior. Il fallait un minimum de douze heures de cours par semaine. Cours le matin, entraînement l’après-midi. J’ai pris des cours de psycho plutôt dans le versant sportif, de physio puisque je faisais STAPS à la fac. C’était intéressant. J’apprenais aussi à écrire en anglais. Leurs écrits universitaires sont beaucoup moins compliqués que nous en France (NDLR : Isabelle est bilingue français et polonais). J’ai pris aussi des cours d’italien, ce qui m’a donné des petites bases pour Come (NDLR : elle y a joué de 1997 à 2000).

« Le contrat était de 20 000 dollars sachant que l’on est prélevé à la source de 50% »

Deux ans plus tard (NDLR : Isabelle sortait de deux saisons à Bourges), par mon agent, on m’a contacté pour me dire que j’avais la possibilité d’intégrer l’équipe de Cleveland (NDLR : Isabelle fut choisie numéro 2 dans l’Elite Draft mise sur pied cette année-là et qui concernait les joueuses en provenance des ligues étrangères. La Française fut ainsi la seule étrangère du top 12).

Les Rockers étaient dans les mêmes installations que les Cavaliers avec le même personnel, qui travaillait par exemple pour la com’. Pas les mêmes coaches mais l’un des préparateurs physiques était celui de NBA. Des grands vestiaires mais évidemment siglés à l’équipe de WNBA. Ils diminuaient de moitié la capacité de la salle avec un rideau noir qui descendait et on ne voyait pas ainsi qu’il y avait des sièges vides. Et comme ça aussi les spectateurs voyaient un match plus proche du terrain qu’en NBA à des prix familiaux pour faire découvrir le sport. Ce qui était impressionnant c’est l’organisation professionnelle. Même s’ils ne sont pas faramineux, ce n’est quand même pas la NBA, les moyens mis en œuvre, la structuration n’avait rien à voir avec une fac ou la France. La salle, la salle d’entraînement, tout au même endroit, tu touches une structure professionnelle comme tu aimerais en voir une en France. Les hôtels, ce ne sont pas des Mercure, ce sont des palaces, des cinq étoiles. Ça doit être dans leur cahier des charges. A la fac on est dans des « dorms » comme les autres étudiants. Là, on était deux par chambre mais pas dans les mêmes conditions.

Le contrat était de 20 000 dollars sachant que l’on est prélevé à la source de 50%. Et encore mon agent là-bas il arrivait à me défiscaliser. Ce n’était pas de gros contrats ! Ca fait tout drôle car tous les quinze jours, tu as ton chèque avec la somme de départ avec ton papier et tu as en fait la moitié. Il y a de l’argent de poche pour manger mais je ne pense pas qu’il y avait des primes de victoires. Il y avait cinq ou six filles, Lisa Leslie, Cynthia Cooper, dans la ligue qui avaient des contrats publicitaires. La WNBA utilisait leur image pour trois, quatre marques. Elles avaient des contrats de 250 000 dollars. C’était le démarrage, tu n’y vas pas pour gagner de l’argent, mais c’était une expérience géniale. A l’époque quelques joueuses américaines venaient en Italie, pas ce n’était pas énorme. Ils ont créé un business autour des joueuses.

« J’ai ressenti le racisme anti-Blanc. Il y a un a priori « quand tu es Black, tu sais jouer au basket et quand tu es Blanche, tu ne sais pas »

Il n’y avait pas tant que ça une vie de groupe. Avec Eva Nemcova, qui est Tchèque et qui avait été ma coéquipière à Clermont avant de venir à Bourges, qui était ma roomate et avec qui je m’entendais très bien, on a organisé, là où on était hébergé, deux barbecues car ça nous paraissait important. Ça regroupait tout le monde. C’était sympa. On n’a pas eu de problème de groupes. Ça passait très vite avec trois matches par semaine. On était dans la machine à laver. Quand on arrivait à avoir un moment, ça se passait très bien alors que quand on a fait des sorties –au début, je ne le voyais pas-, il y avait les Blacks plutôt entre elles et les Blanches plutôt entre elles. Comme je n’avais pas vraiment compris ce truc, je me retrouvais à sortir avec des Blacks qui m’acceptaient, peut-être parce que je suis Européenne. Et dans la boîte que des Blacks ! Tu te dis que c’est bizarre…

Et après tu observes mieux et tu te dis qu’elles ont envie de se démarquer. Le basket, c’est leur sport. J’ai ressenti le racisme anti-Blanc. Il y a un a priori « quand tu es Black, tu sais jouer au basket et quand tu es Blanche, tu ne sais pas. » Et je me suis surprise à penser ça moi aussi. Il y a une nouvelle joueuse qui arrive dans l’équipe, « c’est une Blanche, c’est bon. » C’est complètement con ! Il faut être au-dessus pour t’imposer, être respecté quand tu es Blanche. Tu piques quelque part les opportunités aux Blacks car j’ai l’impression qu’ils se sont appropriés le sport. Après, quand tu es Blanche et que tu joues à armes égales car tu as aussi des qualités, tu sens que ça les énerve. T’en prend plein la gueule… Ce n’est pas forcément la couleur de peau mais c’est la jalousie car il y a parfois une concurrence qui est dure. Tout ça se sont des a priori, des préjugés qui sont ancrés et c’est pour ça que j’ai ressenti le racisme là-bas même si ce n’est pas contre moi. Ce sont des choses que tu ne ressens pas en France.

« Si j’étais tombée dans l’équipe de Lisa Leslie et de (DeLisha) Milton, peut-être que je n’aurais pas eu autant de temps de jeu, pas le même rôle »

Avec Eva, on s’éclatait, on était dans le cinq. C’était un défi de s’imposer dans un championnat américain qui était relevé. (Voir les statistiques d’Isabelle ici). J’ai eu la chance d’avoir des opportunités dans cette équipe telle qu’elle était composée car si j’étais tombée dans l’équipe de Lisa Leslie et de (DeLisha) Milton, peut-être que je n’aurais pas eu autant de temps de jeu, pas le même rôle. Il y a aussi plus de concurrence pour les extérieures. Mine de rien, quand j’étais en NCAA, il n’y avait pas beaucoup de joueuses de ma taille. On dit qu’aux Etats-Unis il y a beaucoup de joueuses de grande taille, en fait pas tant que ça. Quand tu faisais 1,90m, tu étais super grande. Maintenant, il y a des joueuses à 1,95m et plus qui percent. Effectivement, les centimètres, c’est un avantage.

Dans mon équipe, il y avait Lynette Woodard (NDLR : championne olympique en 1984, première femme membre des Harlem Globetrotters). Elle avait plus de 35 ans (NDLR : 37). C’était une légende. C’était pour l’image car elle n’était plus une joueuse majeure, elle était en fin de carrière. Elle avait un super état d’esprit. Je crois qu’elle n’a fait qu’un an. C’était son jubilé (NDLR : Lynette Woodard a fait une dernière saison en 1998 à Detroit). Au final, on était une équipe assez homogène sans grosse stars et on a fait de bons résultats. La deuxième année, on a été en playoffs (NDLR : les Rockers ont terminé premiers de la Conference Est mais ont été battus en finale de Conference par Phoenix, 2-1.)

Je me souviens, la dernière année, il restait neuf matches. La coach était super positive, d’ailleurs avec Eva on en rigolait. On n’était pas très bien. Elle nous dit : « si on gagne les neuf derniers matches, on est qualifiés en playoffs, les filles ! Vous vous rendez compte de la chance que vous avez. On va le faire ! » Nous, on se disait « gagner neuf matches en jouant à l’extérieur, t’as raison » (sourire) C’était notre esprit bien français, bien européen. Eh bien, on les a gagnés les neuf matches, on s’est qualifié. C’était un truc de dingues. Parfois ça se passe comme ça.

« J’avais ses problèmes de genoux et mon kiné me disait que c’était à cause de l’accumulation. Il m’a dit qu’il fallait me reposer »

J’ai donc fait deux saisons et à l’époque, je cumulais les championnats d’Europe qui étaient avant la saison WNBA. Je ratais le début de la préparation de la WNBA et je faisais la saison avant d’enchaîner avec le club. J’arrivais avec quinze jours de retard pour souffler un peu avant la campagne de l’équipe de France. C’était super dur à négocier, (Alain) Jardel était fou. C’était soit ça, soit je ne viens pas. Et donc après la WNBA, j’avais quinze jours pour réattaquer en club. J’ai joué deux ans sans avoir beaucoup d’arrêt et j’ai commencé à avoir les genoux pas très net. Pour moi, la priorité c’était l’équipe de France. En 1999, en Pologne, on fait un bon résultat (NDLR : médaille d’argent) et on se qualifie pour les JO. J’avais ses problèmes de genoux et mon kiné me disait que c’était à cause de l’accumulation. Il m’a dit qu’il fallait me reposer. A Cleveland, ils voulaient que je revienne mais je n’y suis pas allée pour me préserver. J’étais à Côme et ça se passait bien comme en équipe de France. J’ai vu comment ça se passait en WNBA, en terme de salaire, ce n’était pas mirobolant. Ma santé était plus importante. Et comme je n’y suis pas retourné, j’ai pu préparer mon Brevet d’Etat pour les sportifs de haut niveau et ça m’a permis de passer la première année et de me rendre compte que j’aimais entraîner. Ce n’était pas une frustration mais vraiment un choix qui avait du sens. J’avais envie de jouer au basket encore quelques années et tu préserves ainsi la machine.

Je n’ai plus de rapports avec la WNBA. L’équipe n’existe plus (NDLR : elle a été dissoute en 2003 faute de trouver un propriétaire). J’ai encore des liens avec certaines joueuses par Facebook, on se tient au courant de ce qu’on l’on fait dans nos vies. C’est tout. «

[armelse]

« La création de la WNBA a été la conséquence de la préparation de l’équipe américaine pour les JO d’Atlanta en 1996. Elles sont restées un an ensemble. Du fait que médiatiquement elles ont eu une grosse couverture a émergé l’idée de la création d’une ligue avec la participation de de toutes ces joueuses. C’était fait pour elles et ils les ont réparties dans les différentes équipes pour que ce soit équilibré et qu’il y ait dans chaque franchise une joueuse qui la représente (NDLR : la première année d’existence durant l’été 1997 a concerné 8 équipes avec Cynthia Cooper, élue MVP, Lisa Leslie ou encore Teresa Weatherspoon). C’était pour elles l’occasion de jouer dans leur pays, devant leur public, leurs familles. C’était quelque chose qu’elles attendaient depuis un moment.

Tout a commencé pour moi lorsque je me suis retrouvé à l’université de Colorado (en 1994) grâce aux contacts de Tanya Haave (NDLR : joueuse américaine qui à l’époque jouait en France) et par Pao (Ekambi) qui a joué avec elle. Elle m’a donné les contacts de trois universités. L’université de Colorado, Tennessee et Syracuse. J’ai envoyé mon CV et ma K7. Tanya a appelé les coaches, elle a appuyé ma candidature. J’avais envie de faire comme Yannick (Souvré à Fresno State) et Pao (Ekambi à Marist), de continuer à progresser. J’avais besoin de travailler. J’étais une joueuse majeure dans mon équipe de Clermont, j’étais déjà en équipe de France (NDLR : médaillée d’argent à l’Euro 1993). J’avais envie de tenter l’aventure américaine. Avec le recul, je me dis que ça aurait été encore plus fabuleux d’aller à Tennessee. Ensuite, l’assistant-coach de Colorado est venu me voir jouer et tout de suite elle m’a dit « on te propose une bourse. » »

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A lire bientôt, les activités de Isabelle Fijalkowski à la tête du Club des Internationaux.

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