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Dossier Le Mans – Episode #1 : Le retour à la lumière

Malgré quelques défaillances récentes, Le Mans Sarthe Basket recevra demain soir l’ESSM Le Portel en leader unique de la Pro A. Comment en un été le club manceau a t-il pu rebondir après une saison sombre qui l’a vu exclu des playoffs pour la première fois depuis vingt ans ? Un dossier en quatre par

Malgré quelques défaillances récentes, Le Mans Sarthe Basket recevra demain soir l’ESSM Le Portel en leader unique de la Pro A. Comment en un été le club manceau a t-il pu rebondir après une saison sombre qui l’a vu exclu des playoffs pour la première fois depuis vingt ans ?

Un dossier en quatre parties. Demain l’épisode 2 sera consacré à Eric Bartecheky, lundi le 3 à Keith Jennings et mardi le 4 à Antoine Eito.

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Antarès a fait guichets fermés le 28 octobre pour la venue de Chalon alors que le match était télévisé, décalé à 18h30, et qu’il n’y avait aucune invitation donnée. Soit 6 000 spectateurs. La dernière fois que le MSB avait enregistré un sold out en saison régulière sans bénéficier de promotion spéciale, c’était pour le derby face à Cholet lors de la saison 2012-13. Cela date.

Il y avait déjà eu précédemment 5 000 spectateurs pour Bourg, un promu, et pour le match de demain face au Portel, le club table sur 5 500 entrées. Les indices montrent que les affluences devraient être encore bonnes ensuite pour Nanterre et Cholet.

« J’avais donné deux ans pour que l’on soit à plus de 5 000 spectateurs de moyenne. Et on sera plutôt à 5 300 à Noël. Depuis 20 ans, on a fait trois fois 5 000 de moyenne avec saison régulière et playoffs compris, ce qui booste les affluences, » constate le président Christophe Le Bouille.

Le MSB est seul en tête de la Pro A avec sept victoires –dont Monaco et Strasbourg chez eux- et deux défaites et aussi possède en son sein deux phénomènes : Youssoupha Fall et ses 2,21m, qui est tout sauf une attraction de fêtes foraines mais un basketteur dont le ciel est la limite, et D.J. Stephens le plus formidable jumper jamais vu en France sinon en Europe. Ont-ils un impact direct sur le renouveau populaire à Antarès dont la moyenne la saison dernière s’établissait à 4 501 ?

« Forcément mais on ne peut pas le mesurer », répond le président manceau. « Pour qu’il y ait du monde à la salle on nous dit qu’il faut du spectacle. Moi je pense qu’il faut aussi beaucoup de victoires. Donc ce qu’on veut c’est gagner. Après, on a été tellement frustré par le spectacle proposé depuis deux ou trois ans, à quelques exceptions près, que l’on a aussi cette volonté-là. Mais on ne fait pas un recrutement All-Star Game. DJ Stephens ne vient pas parce qu’il saute plus haut que tout le monde. Vincent (Loriot) en a parlé à Eric (Bartecheky) qui a dit « super, on va pouvoir l’utiliser et faire çi et ça ». Le fait est que maintenant à chaque match tout le monde attend l’action super spectaculaire et ça doit participer à faire venir du monde à la salle. C’est ce qu’on veut mais pour y parvenir c’est un ensemble de choses. »

D.J. Stephens et Youssoupha Fall doivent participer à la conquête de cette fameuse génération Z addict aux smartphones et réseaux sociaux et semble-t-il peu encline à regarder des matches en entier mais davantage des highlights. Et Christophe Le Bouille confirme que son club a la volonté de mettre ainsi ses joueurs en lumière pour que les chiffres des affluences soient encore meilleurs et la notoriété de son club encore plus forte.

Le clash avec Erman Kunter

Le Mans revient donc du fond du trou. De la 12e place. Du jamais vu depuis 1996. Un classement peu en rapport avec la 5e masse salariale de Pro A. Peut-être pire encore une atmosphère de malaise s’est dégagée des bureaux du club situés à côté d’Antarès, à l’intérieur du circuit automobile. En plus des résultats, le MSB avait habitué chacun à la quiétude, la sérénité. Jamais de vagues ou alors juste des vaguelettes. Des coaches, Alain Weisz, Vincent Collet et JD Jackson, qui effectuaient de longs baux et qui jamais ne sortaient par la petite porte.

Christophe Le Bouille pensait avoir assuré la continuité de cette lignée prestigieuse avec Erman Kunter, ancien entraîneur de l’équipe nationale de Turquie, auréolé d’un titre de champion de France avec Cholet et qui coachait encore une équipe d’Euroleague un an auparavant, Besiktas.

Seulement, la greffe n’a jamais prise et la troisième saison du contrat du Franco-Turc fut pour le moins douloureuse.

« Il n’est pas le seul responsable. C’est de sa faute et aussi de la nôtre », analyse Christophe Le Bouille. « On n’a jamais réussi à croiser nos chemins. Il avait sa manière de faire que je connaissais. Sauf que quand je l’ai fait signer, je pensais avoir été clair sur le recrutement en disant « ok, le club va devoir s’ouvrir, je veux que tu viennes pour changer un peu nos habitudes de fonctionnement. Il faut que l’on sorte de notre confort. Mais, Erman, on est au Mans avec une certaine structure avec des moyens pas négligeables. Je ne vais pas changer la philosophie du club. On ne va pas changer de joueurs tous les quatre matins parce qu’il y en a un qui va faire deux mauvais matches. On est sensé bien travailler en amont pour travailler ensuite sur la durée ». Il m’a dit « bien sûr, je sais où je vais. » J’ai peut-être été naïf. Au final, le constat c’est que l’on n’a pas réussi à prendre le meilleur de lui avec le meilleur de nous. Même si on a eu des résultats (NDLR : le MSB a fait deux demi-finales de playoffs et gagné la Coupe de France) car Erman a beaucoup de qualités en matière de management pour tirer le meilleur de certains joueurs.»

L’un des reproches majeurs fait à Erman Kunter c’est de ne pas assumer le recrutement des étrangers, de vouloir les jeter à la poubelle à la moindre défaillance sans s’inquiéter des conséquences financières sinon humaines.

« Dès le premier mois d’entraînement Erman voulait changer tous les joueurs alors qu’on venait de se parler sur la façon de travailler. Je me suis dit ça va être long, ça va être compliqué ! C’est facile de dire, j’ai trouvé (Randall) Falker, (Justin) Doellman, (Sammy) Majia mais pour ces trois-là, tu as été en chercher combien que tu as viré au bout d’un mois car ça n’allait pas et que le club a dû indemniser financièrement car tu n’es pas en Turquie ? J’ai dû lutter contre ça, parfois j’ai lâché un peu de lest car je voulais assumer le fait que je l’avais fait venir. C’est sa manière d’être et il ne fonctionne pas autrement. Il aime aller chercher un Américain en deuxième division lettone à 50 000 dollars. Si ça marche, ça fait une vrai plus-value pour l’équipe. Et c’est vrai que si tu n’as pas les mêmes moyens que les plus gros, il faut faire des coups sur un ou deux joueurs que tu sous-payes. L’année dernière John Roberson et Moustapha Fall à Chalon n’ont pas été payés ce qu’ils ont apporté. »

Avec une telle incompatibilité de fonctionnement, la fin de l’histoire aurait pu être sifflée dès la fin de la deuxième saison mais la victoire en Coupe de France a accordé aux deux parties une sorte de sursis, même si en coulisses les deux hommes ont négocié un départ anticipé.

« Les négociations n’ont pas abouti car j’ai estimé, peut-être à tort, qu’il était beaucoup trop gourmand sur les conditions financières alors qu’on faisait le constat tous les deux qu’on avait du mal à travailler ensemble. »

C’est en février dernier que la rupture a été consommée. Après un bon démarrage en Basketball Champions League, l’équipe s’était enlisée. Erman Kunter fut remplacé par son adjoint Alexandre Ménard qui pour autant ne put redresser la barre. L’équipe manquait singulièrement de caractère quand ce n’était pas d’insuffisances en talent comme Giordan Watson, un meneur qui faisait un peu tâche dans une salle qui a abrité précédemment Keith Jennnings, Shawnta Rogers et encore Taylor Rochestie. Sans parler de Mouphtaou Yarou, en proie à des problèmes physiques, et dont le rendement chiffré fut divisé par deux.

« Il a choisi tout le monde lors du recrutement mais j’ai l’impression sans approfondir. Je pense qu’il avait envie de laisser filer, » commente Christophe Le Bouille. « C’est pour ça que la séparation s’est entre guillemets bien passée, il n’attendait que ça. Et il a fallu s’en séparer car sinon je pense que le club était vraiment en danger au-delà du sportif. Il y avait une tension énorme à tous les niveaux alors que notre force c’était une certaine unité, une continuité, une solidarité. Et là ça commençait à partir dans tous les sens. Dans notre malheur, on va dire que l’on a limité la casse. On n’a jamais été trop concerné par la descente et on n’a pas mis le club en danger financièrement.»

Ménard, Collet, Fauthoux… Non, Bartecheky

Outre le conflit avec son entraîneur, Christophe Le Bouille constate que d’autres éléments ont perturbé la vie de son club comme le retrait du président du conseil de surveillance, Claude Hervé. Pour lui, une véritable usure et la multiplicité des matches ont par ailleurs contraint le staff à faire du sur-place et il était temps de repartir à tous les niveaux sur un nouveau cycle. C’est pour cela que le MSB privé de Coupe d’Europe pour la première fois depuis quinze ans n’a pas fait acte de candidature pour obtenir une wild card.

« Sincèrement, on peut vivre sans coupe d’Europe. C’est peut-être embêtant pour les joueurs mais tous ceux qui sont venus connaissaient le deal. »

Les effets financiers de cette saison de sevrage sont de fait relativement minimes. Le budget prudemment constitué est tombé de 6 à 5,5M€ mais la masse salariale a seulement perdu 100 000€ chargés. Car si le MSB doit faire sans les aides de la ligue et de la BCL (environ 300 000€), avec une baisse du partenariat privé (200 000€) et un manque à gagner du côté du ticketing (100 000€), les frais de fonctionnement à l’inverse se sont allégés.

La priorité, c’était l’embauche d’un nouveau coach. L’option Alexandre Ménard a été écartée à partir du moment où les résultats sur le terrain ne s’arrangeaient pas. Christophe Le Bouille a longtemps espéré, crû, que Vincent Collet effectuerait un troisième retour au club –il a été joueur au SCM sur deux périodes, puis assistant et coach du MSB en succession à Alain Weisz-. C’est en février, dit-il, qu’il a compris que le coach national prolongerait à Strasbourg.

Deux entraîneurs étaient alors dans le viseur : Eric Bartecheky et Freddy Fauthoux. Avec l’ultime possibilité de faire appel à un coach étranger.

« L’histoire, c’est que le premier contact c’est fait avec l’agent (Nicolas Paul) d’Eric. Je lui dis : « je sais qu’il est sous contrat avec Pau, y a t-il une clause de sortie ? » « Non mais je me renseigne, parfois ça peut arranger tout le monde. » Le soir, il me rappelle. » No way. Ils ne veulent pas le libérer ». On part sur la piste Fauthoux. On avance et moi j’avais compris qu’il y avait un accord de principe. J’ai forcément mal compris (sourire). Et pendant les discussions avec Fauthoux, l’agent d’Eric Bartecheky est revenu vers moi en me disant qu’Eric voulait absolument venir au Mans. Fauthoux ça ne se fait pas pour des raisons qui me sont encore mystérieuses. J’ai l’agent de Bartecheky qui revient au contact. Je n’allais pas payer un transfert. Il me dit que c’est Eric qui allait se débrouiller. Pendant ce temps-là, il fallait avancer sur le recrutement. J’ai compris assez vite que ça se ferait et c’est pour ça que j’ai été patient. »

Du recul est nécessaire pour qualifier le recrutement de l’ancien coach de l’Elan Béarnais, mais il est déjà certain que chacun au MSB s’en félicite. Son côté bosseur, modeste, discret, à l’écoute, est apprécié. Ses premiers résultats sportifs aussi.

Le retour gagnant de Youssoupha Fall

Eric Bartechecky s’est posé en Sarthe alors que le recrutement était déjà en chantier.

Youssoupha Fall n’a jamais eu la confiance d’Erman Kunter quand bien même ses brèves apparitions en Pro A, il y a deux ans, avaient déjà démontré qu’il pouvait changer le cours du jeu.

Youssoupha est invariablement comparé à Moustapha, l’ancien Chalonnais. Ils ont le même patronyme, la même origine sénégalaise et ce sont tous les deux des géants. Mais si Moustapha possède une qualité de passe supérieure et un jeu dos au panier plus évolué, Youssoupha est encore plus grand de trois centimètres, plus costaud et court naturellement bien.

Après une saison de surplace, le Sénégalais a gagné de l’expérience à Poitiers et obtenu un passeport français. A regarder aujourd’hui son impact en Pro A depuis la rentrée, on se demande pourquoi il n’a pas été drafté en juin par une franchise NBA, ne serait-ce qu’au deuxième tour.

« Très honnêtement, je ne sais pas », répond le directeur sportif Vincent Loriot. « Il a fait des workouts. C’est qu’il y avait au moins un intérêt à le voir. Mais si aucune franchise ne l’a drafté c’est qu’il a quelque part une vraie lacune, quelque chose qui leur fait dire qu’il n’est pas adapté à la NBA. Le quelque chose, c’est effectivement l’évolution du jeu. Les Warriors sont ceux qui ont marqué une vraie révolution dans le jeu NBA, en jouant small ball avec beaucoup de petits, un jeu beaucoup basé sur la vitesse et le tir sans point de fixation avec des intérieurs undersizes type Draymond Green. Il y a toujours des équipes en NBA qui donnent le là à ce que sont les clés de la réussite. La mobilité de Youssoupha est exceptionnelle pour son gabarit. Pour autant, il sera toujours moins mobile, moins coordonné, moins aérien, moins dynamique qu’un 2,06m-2,10m hyper athlétique qui peut jouer face up et qu’on trouve en NBA dans toutes les équipes. »

Youssoupha Fall est une totale réussite de la formation mancelle, la plus belle depuis Nicolas Batum. Il y a deux ans, le MSB pouvait se prévaloir d’un trio de géants peut-être unique dans l’histoire du basket européen avec Youssoupha Fall (2,21m), Jonathan Jeanne (2,17m) et Petr Cornelie (2,10m). Seulement le deuxième, victime du syndrome de Marfan, a été déclaré inapte à la pratique du basket, et le troisième, qui n’était pas dans les petits papiers de Erman Kunter, a été prêté à Levallois pour se refaire la cerise dans une autre atmosphère.

Vincent Loriot raconte que le MSB a tenté dans un passé récent de compléter son dispositif d’espoirs avec des prospects venus de l’INSEP mais qu’en définitive ni Boris Dalo, ni Bathiste Tchouaffé, ni Timothée Bazille n’ont accepté de rejoindre la Sarthe. Le MSB souhaitait dans un premier temps prêter le premier à Nantes, le second à Poitiers et faire du troisième son véritable 10e homme.

« On considère que le gap entre d’un côté le championnat espoir et l’INSEP et la Pro A est tellement béant que le meilleur sas pour apprendre c’est évidemment d’aller en Pro B, qui est une division de plus en plus compétitive et qui les responsabilise. On a été y chercher Lahou Konate (Evreux) et Terry Tarpey (Denain), on est bien placé pour savoir que la Pro B regorge de joueurs qui méritent leur chance. Malheureusement il y a une prise de conscience difficile sinon impossible pour certains joueurs et agents, » confie Vincent Loriot.

Pour revenir à Youssoupha Fall, il est sous contrat avec le MSB jusqu’en juin 2019 mais vu son accélération dans la progression, Christophe Le Bouille le voit très rapidement partir sous d’autres cieux :

« On a l’habitude de revaloriser en cours de contrat des joueurs parce qu’ils le méritent et en même temps on prolonge le contrat. Je pense que l’on fera un point à Noël avec Bouna (NDLR : Ndiaye, son agent) mais –j’espère me tromper- au regard de ce qu’il produit, j’ai du mal à penser qu’il sera encore chez nous l’année prochaine. Mais on va tout faire pour ! »

Comment Vincent Loriot a pisté DJ Stephens

Comme joker médical à Pape-Philippe Amagou blessé au dos, le MSB a envisagé de piger Isaia Cordinier mais en convalescence, il n’est pas encore opérationnel, aussi il a rappelé en Sarthe le shooteur d’élite Chris Lofton, vu au Mans il y a deux saisons et qui fut élu MVP de la Coupe de France 2016.

Cela porte à six le nombre d’Américains au club, considérant que Romeo Travis possède en sus le passeport macédonien –il a déjà porté le maillot de l’équipe nationale- et que Terry Tarpey est français par son arrière-grand-mère. Fils de Terry II qui a porté le maillot du MSB, il est né à Poissy, mais a passé toute sa jeunesse aux Etats-Unis et parle timidement le français.

Il faut s’arrêter sur son cas car l’ancien étudiant de William & Mary est l’une des clés de la réussite du club sarthois en ce début d’automne. La semaine dernière, le Franco-américain, international A’, qui n’est pas JFL et qui joue donc comme Bosman (rien n’est plus subtil qu’un règlement de basket !) s’est blessé au genou et le staff a craint un temps une rupture des croisés ce qui aurait été une véritable catastrophe.

« C’est un des joueurs les plus mésestimés en Pro A et –c’est incroyable – en Pro B », estime Vincent Loriot. « C’est un touche à tout, le joueur d’équipe par excellence, qui ne pense jamais à ses statistiques et pourtant il les remplit. Il est complémentaire dans le sens qu’il peut presque jouer 4. Ce qu’il a fait parfois à Denain. C’est un 2-3 qui fait tout ce qu’on lui demande, défendre à bloc, il est dur, athlétique, et maintenant il shoote. C’est surtout un joueur très jeune, il n’a que 23 ans. »

Ancien journaliste au mensuel Maxi-Basket, Vincent Loriot a la particularité de suivre par l’écrit, la vidéo, le téléphone et des déplacements en France et à l’étranger l’évolution du basket mondial, son jeu et ses joueurs, depuis trois décennies. Son regard de scout est pointu et l’arrivée de D.J. Stephens ne doit rien au hasard.

« Comme n’importe quel fan de basket je le connaissais quand il était à Memphis de par ses qualités athlétiques. Ses prouesses passaient sur Youtube, étaient relatées par la presse. C’est un joueur qui a fait sensation par sa détente qui a le record de détente du NBA Pré Draft Camp. Je l’ai regardé au tout début de sa carrière pro, ce que pouvait donner ce genre de joueur qui n’avait pas de tirs et qui était très frustre techniquement. Je l’ai lâché considérant qu’il était plus un role player qu’un joueur majeur à cause d’une certaine inefficacité dans le tir. Ce qui m’a fait revenir vers lui, c’est que l’année dernière j’aimais beaucoup le meneur du Khimi, Jaime Smith aujourd’hui à Cantu. Un meneur qui nous intéressait. J’ai regardé les playoffs d’Ukraine. J’ai réalisé que Buldivelnik faisait une grosse saison. C’est là que j’ai vu que DJ Stephens performait et surtout dans le tir à trois-points. Je me suis bien refocalisé sur lui. J’ai suivi grâce à Synergie les finales entre Khimik et Buldivelnik et ça m’a convaincu qu’en ayant étoffé son jeu, il était fin prêt pour avoir un rôle en Pro A. Je pense qu’il a la vraie capacité d’être 4 et 3 en dépit de son côté un peu vert sur sa technique de dribble. C’est un joueur qui d’ailleurs a joué 3 la moitié de sa carrière. Il a un corps de 3 et il peut défendre sans problème sur les 3. »

Sinon avec DJ Stephens, le MSB a réalisé un recrutement de conservateurs puisque Romeo Travis et Chris Lofton sont déjà passés par le club alors que Mykal Riley (Nanterre) et Justin Cobbs (Gravelines) évoluaient en Pro A la saison dernière.

« Lorsqu’un Américain a été performant dans un autre environnement en Pro A, il y a une forme de sécurité, il n’y a pas de raison qu’il s’écroule avec nous », répond Vincent Loriot. « Le seul bémol c’est qu’il ne peut pas y avoir de bonnes surprises. Il y a un plancher qui est garanti mais aussi un plafond que l’on ne peut pas crever. C’est sans doute la raison majeure pour laquelle on a si bien démarré le championnat. Pour les joueurs, il n’y avait aucun effet de surprise en terme d’adversité, comment les arbitres sifflent en France, comment y sont les salles, les coéquipiers, la vie extra-sportive. Il n’y pas de période d’adaptation pour ces joueurs-là. C’est une réalité absolue. A titre personnel, je pense que la consanguinité n’est pas la meilleure façon de s’enrichir et de passer un palier. S’il suffisait de faire ça, les plus riches le feraient. Ça ne permet pas de faire LA découverte. »

Toujours de l’ambition

Inaugurée en septembre 1995, parfaitement entretenue, Antarès demeure l’une des plus vastes (6 000 places) et belle salles d’un pays, la France, qui a un mal fou à se mettre au diapason de ses voisins européens en matière d’arénas. Seulement, elle a ses défauts. Ses concepteurs n’avaient pas imaginé l’importance à venir des espaces réceptifs si bien que faute de place le MSB est contraint d’aménager pour chaque match la salle d’entraînement. Le club avait envisagé de construire son propre espace pour les VIP hors des murs mais le projet est en stand by car l’investissement de l’ordre de 1-1,5M€ n’est pas jugé rentable.

« Il faut toujours se souvenir que l’on est au Mans avec la concurrence du foot potentiel, sachant que le foot est une puissance dévastatrice. Si j’avais été à Lyon, Strasbourg, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, je le ferais car je trouverais  forcément des entreprises qui auraient envie de communiquer dans un cadre où ils ne le font pas encore. Ça ne veut pas dire que le projet est enterré. On a choisi une autre option qui est de moderniser le Village Partenaire et on est très satisfait car le retour des partenaires est vraiment bon par rapport à ça », explique Christophe Le Bouille qui précise que le siège lui-même devrait être agrandi et les espaces de soins modifiés.

Avec 200 000 habitants, Le Mans Métropole fait partie de ces fameuses villes moyennes de Pro A comme Limoges ou Pau, d’une envergure supérieure à Gravelines, Chalon ou Cholet, mais qui n’ont pas la stature de Strasbourg, Lyon et a fortiori Paris. Si le club a pour partenaire national LDC, c’est que l’entreprise est installée dans le département, à Sablé, l’autre Tarkett –dont le contrat de six ans s’achève cette saison- étant l’exception qui confirme la règle.

Donc Le Mans, qui a fait trois saisons d’affilée après le titre de champion de France de 2006 grâce au ranking, n’est pas en phase avec le business plan de Jordi Bertomeu, le patron de l’Euroleague. Quel avenir alors pour ce club dont la tradition au plus haut niveau national s’échelonne sur six décennies ?

« Chalon a prouvé l’année dernière et Nanterre par le passé -et j’espère qu’on va le prouver cette année-, que même si Villeurbanne et Strasbourg ont de l’avance, structurellement, financièrement, politiquement, médiatiquement  –Paris on a le temps d’en reparler- que l’on a encore de la place », répond Christophe Le Bouille. « Je le répète, j’espère que l’on va mettre cette année le bazar là-dedans. Ça peut en agacer certains mais c’est le charme de notre sport. Je ne me fais pas d’illusions, on ne fera jamais huit millions d’euros, on n’a pas de projets de nouvelle salle. Mais on a fait un budget à 5,5 sans l’aide de la ligue, sans la coupe d’Europe, ça veut dire que si on travaille bien, si on retourne en coupe d’Europe, on a une marge de progression. Il y a quand même des projets par rapport à la salle, à l’animation, au show. Si on peut augmenter notre moyenne de spectateurs, comme on peut le faire cette année, ce n’est pas neutre financièrement. Si on continue de trouver des jeunes joueurs capables d’aider l’équipe première comme le font Youssoupha Fall et Terry Tarpey cette année pour des salaires qui ne sont pas ceux de joueurs référencés et confirmés, ça permet de dégager de belles enveloppes pour avoir un encadrement solide, des joueurs Américains d’expérience, fiables, qui permettent de lutter pour le haut de tableau. Il n’y a que ces deux clubs-là qui se détachent. Monaco a de l’argent aujourd’hui mais dans cinq ans je ne sais pas où ils seront. Leur modèle économique fait que ça tient à la volonté d’une personne. »

Dans le dur

Mais avant de plonger dans le plus long terme, restons dans le présent. Qui est finalement mi-figue, mi-raisin.

Le MSB a gagné ses six premiers matches, puis un autre à Levallois, ce qui porte son total à sept victoires. C’est évidemment beaucoup mieux qu’envisagé. A priori, encore trois succès et le pass pour la Leaders Cup sera dans la poche.

« On a bénéficié d’une mise en place accélérée grâce à des joueurs rompus à la Pro A à la méthode d’Eric (Bartecheky) qui est extrêmement efficace pour donner la confiance à des joueurs très vite. C’est vraiment un coach de joueurs qui sent bien son groupe. Clairement, il sait hiérarchiser », analyse Vincent Loriot. « Il faut que le groupe comprenne qu’il y a des cadres et que les joueurs autour, qui sont tout aussi importants, ont un rôle différent. C’est un travail au quotidien et c’est une clé de la réussite. Ce qui nous nous a un peu perturbé c’est qu’on avait très clairement hiérarchisé l’équipe dès mai-juin avant même l’arrivée d’Eric qui a vu de l’extérieur les arrivées de Terry, Antoine (Eito) et le retour de Youss. On avait sept joueurs majeurs, deux prospects à développer, Tarpey et Fall, et un dixième homme Mel Esso-Essis qui revenait des Etats-Unis (Conrad Academy en Floride), et qui était là pour apprendre. Ce qui a fait du bien en terme de performances mais qui pose problème en terme d’égos, c’est que Fall est devenu un joueur incontournable de l’équipe qui bouscule la hiérarchie et pas seulement au poste de pivot, et Tarpey de par sa polyvalence, sa dureté, son engagement, au lieu d’être un joueur à 13-15 minutes est davantage à 20 minutes. Ce grignotage de minutes qui n’était pas forcément planifié s’est fait au détriment d’autres joueurs qui doivent l’accepter. Ils ne sont pas moins bons, mais ils doivent simplement se mettre au service de l’équipe. »

Le 28 octobre, à Antarès le MSB a donné à Chalon ce qui est pour l’instant sa seule victoire de la saison (66-63). Il a gagné ensuite à Levallois mais perdu à Gravelines en Coupe de France avant de prendre une raclée à Hyères-Toulon (-26). La blessure de Pape-Philippe Amagou, qui était jusque-là en pleine confiance (10/22 à trois-points) et celle plus récente de Terry Tarpey, la baisse de régime de Justin Cobbs (le meneur américain est passé de 16,3 à 8,3 d’évaluation sur les trois derniers matches), ou encore la fatigue observée chez Mykal Riley sont autant de facteurs qui expliquent que l’équipe mancelle est actuellement dans le dur. Il ne faut pas oublier non plus que le MSB est allé gagner à Monaco et Strasbourg d’extrême justesse face à des équipes qui étaient encore en recomposition.

Au Mans, on sait que la Pro A est suffisamment homogène, piégeuse, irrationnelle, pour que ses équipes puissent changer de statut d’un mois sur l’autre. On est encore loin de la fin de la foire et donc de l’heure de compter les bouses.

Deux questions bonus à Christophe Le Bouille

Comment avez-vous ressenti le fait que Nicolas Batum rejoigne l’ASVEL alors qu’il avait été membre du Directoire du MSB quelques mois avant de jeter l’éponge ?

« Franchement, je ne le comprends pas. J’ai toujours beaucoup d’affection pour Nicolas même si la façon dont ça s’est passé était un peu limite mais on a fini par se parler. Je comprenais très bien pour lui la volonté éventuellement d’aller à Paris, d’être à la tête ou impliqué dans un grand projet, ça avait du sens pour moi par rapport à ce qu’il m’avait dit avant. Nico pouvait être la tête de gondole à Paris dans le temps car je ne suis pas sur aujourd’hui qu’il soit complètement prêt à assumer ce rôle-là. Il a eu une carrière de basketteur à gérer qui est loin d’être finie, d’autres choses à faire. Or être dirigeant de club ça prend du temps. C’est d’ailleurs peut-être pour ça que ça ne s’est pas fait avec nous. Il avait peut-être la volonté d’être tout de suite un opérationnel, un exécutif. Quand je lui ai présenté la chose c’était plutôt « on va t’expliquer modestement comment ça se passe dans un club, que tu apprennes, que tu regardes. Et dans quelque temps, tu verras si ça te plaît ou pas pour t’impliquer plus. » Ca ne s’est pas fait du tout peut-être parce que je ne l’ai pas assez impliqué. Là il rejoint Tony Parker pour faire un plus grand club, il a mis un peu d’argent dedans. J’ai du mal à saisir exactement son rôle. Entre Parker, JD Jackson, Gaétan Muller et lui, qui fait le recrutement ? Qui valide le choix du joueur ? Qui décide de la politique sportive ? Il n’y a pas de critiques quand je dis ça mais c’est un peu confus. Il participe à un très beau projet qui est vachement important pour le basket français, ce que fait Parker c’est formidable, mais je ne vois pas très bien comment Nico va s’épanouir là-dedans. Il y a déjà Tony qui prend toute la place. C’est dur d’exister à côté de Tony Parker, je pense. J’ai été surpris. »

Avez-vous donné des conseils à Jonathan Jeanne, victime du Syndrome de Marfan, à propos de la suite de sa carrière ? »

« Je lui ai dit que je n’étais pas médecin, et que je ne suis ni son père ni son ami. Cela dit, quand je t’entends dire que tu as envie, que tu veux continuer à jouer et que tu veux trouver une solution pour ça, j’en suis malade. C’est un risque de mort subite. Je dis simplement ce que les médecins ont écrit. Je ne juge rien et je comprends que le basket ça soit ta vie mais tu n’as que vingt ans et comme on l’a dit sur le communiqué, tu as largement le temps de retrouver un autre terrain d’expression que le jeu du basket. Je comprends que tu sois touché car depuis des années tout le monde te dit que tu vas pouvoir vivre de ta passion, c’est formidable, et qu’en plus tu vas gagner un peu d’argent avec ça. Du jour au lendemain ça s’arrête, je comprends que tu sois un peu choqué. Jonathan est un garçon intelligent, posé, réfléchi mais là-dessus il est dans son truc… Moi je ne comprends pas qu’il veuille continuer à jouer. Sincèrement, j’en suis malade. Quand tu as vingt ans et que tu es bien structuré là-haut, tu as autre chose à faire de ta vie que prendre ce risque-là… mais je suis personne pour juger de ça. »

Demain : interview Eric Bartecheky

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Antarès a fait guichets fermés le 28 octobre pour la venue de Chalon alors que le match était télévisé, décalé à 18h30, et qu’il n’y avait aucune invitation donnée. Soit 6 000 spectateurs. La dernière fois que le MSB avait enregistré un sold out en saison régulière sans bénéficier de promotion spéciale, c’était pour le derby face à Cholet lors de la saison 2012-13. Cela date.

Il y avait déjà eu précédemment 5 000 spectateurs pour Bourg, un promu, et pour le match de demain face au Portel, le club table sur 5 500 entrées. Les indices montrent que les affluences devraient être encore bonnes ensuite pour Nanterre et Cholet.

« J’avais donné deux ans pour que l’on soit à plus de 5 000 spectateurs de moyenne. Et on sera plutôt à 5 300 à Noël. Depuis 20 ans, on a fait trois fois 5 000 de moyenne avec saison régulière et playoffs compris, ce qui booste les affluences, » constate le président Christophe Le Bouille.

Le MSB est seul en tête de la Pro A avec sept victoires –dont Monaco et Strasbourg chez eux- et deux défaites et aussi possède en son sein deux phénomènes : Youssoupha Fall et ses 2,21m, qui est tout sauf une attraction de fêtes foraines mais un basketteur dont le ciel est la limite, et D.J. Stephens le plus formidable jumper jamais vu en France sinon en Europe. Ont-ils un impact direct sur le renouveau populaire à Antarès dont la moyenne la saison dernière s’établissait à 4 501 ?

« Forcément mais on ne peut pas le mesurer », répond le président manceau. « Pour qu’il y ait du monde à la salle on nous dit qu’il faut du spectacle. Moi je pense qu’il faut aussi beaucoup de victoires. Donc ce qu’on veut c’est gagner. Après, on a été tellement frustré par le spectacle proposé depuis deux ou trois ans, à quelques exceptions près, que l’on a aussi cette volonté-là. Mais on ne fait pas un recrutement All-Star Game. DJ Stephens ne vient pas parce qu’il saute plus haut que tout le monde. Vincent (Loriot) en a parlé à Eric (Bartecheky) qui a dit « super, on va pouvoir l’utiliser et faire si et ça ». Le fait est que maintenant à chaque match tout le monde attend l’action super spectaculaire et ça doit participer à faire venir du monde à la salle. C’est ce qu’on veut mais c’est un ensemble de choses. »

D.J. Stephens et Youssoupha Fall doivent participer à la conquête de cette fameuse génération Z addicts aux smartphones et réseaux sociaux et semblent-t-il peu encline à regarder des matches en entier mais davantage des highlights. Et Christophe Le Bouille confirme que son club a la volonté de mettre ainsi ses joueurs en lumière pour que les chiffres des affluences soient encore meilleurs et la notoriété de son club encore plus forte.

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Photos: Dominique Breugnot/MSB et FIBA Europe

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