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Portrait de Jaraun Burrows (Fos), le showman bahaméen qui survole la Pro B

Le poste 5 de Fos Provence Basket arrivé au club en avril dernier domine ce début de saison (meilleur marqueur et meilleure évaluation de Pro B). Au lendemain du dernier match contre Evreux, Jaraun « Kino » Burrows a traversé l’Atlantique pour disputer le premier tour des éliminatoires de la zone Am


Le poste 5 de Fos Provence Basket arrivé au club en avril dernier domine ce début de saison (meilleur marqueur et meilleure évaluation de Pro B). Au lendemain du dernier match contre Evreux, Jaraun « Kino » Burrows a traversé l’Atlantique pour disputer le premier tour des éliminatoires de la zone Amérique en vue de la Coupe du Monde 2019 avec les Bahamas.

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Du haut de ses 2,03 mètres, l’intérieur fosséen de 32 ans ne déroge pas à la règle, comme de nombreux joueurs au profil similaire : aussi hargneux et déterminé sur le terrain que souriant et apaisé dès qu’il en ressort. C’est sans doute là que réside la clé du succès de cet international bahaméen né à Nassau, capitale d’un archipel de 700 îles situées à l’Ouest de l’océan atlantique, au nord de Cuba. Les environs sont davantage connus pour leurs plages et paysages paradisiaques que pour leurs basketteurs de haut-niveau dans un pays où l’athlétisme reste le sport roi. Forcément, Jaraun Burrows, que l’on appelle aussi « Kino », son second prénom comme c’est la tradition aux Bahamas, a dû exporter ses talents sur le continent nord-américain.

« Je suis allé aux États-Unis à 15 ans en Highschool à Nashville (Tennessee) avec une partie de ma famille. Avant ce voyage, je n’avais jamais joué de vrai match de basket. Je faisais essentiellement de l’athlétisme. Et puis j’ai pris pas mal de centimètres durant l’été, ma famille a pensé qu’il serait bien que je tente ma chance dans le basket. Les Etats-Unis étaient le meilleur endroit pour le faire. »

Conseillé par l’ancien coéquipier de Joakim Noah aux Gators

Son apprentissage sur le territoire américain le mène jusqu’en NCAA I à Fort Wayne en 2006 où il termine son cursus en jouant 31 matchs (14pts, 6,4rbds par match). Non drafté, le moment de faire le grand saut vers le vieux continent arrive inéluctablement, son objectif étant d’embrasser une carrière professionnelle. « Kino » passe alors par la Suède, la Slovaquie, la Suisse, la Finlande et Israël pour des périodes qui n’excèdent jamais deux ans. Presque de quoi faire de Jaraun Burrows un européen d’adoption.

« Je suis en là depuis si longtemps, c’est devenu comme une deuxième maison pour moi. J’aime la culture et je suis servi en Europe car chaque pays a ses spécificités, son histoire. J’aime aussi la gastronomie et à chaque endroit où je suis allé, j’ai découvert de nouvelles choses. Ça me plaît de partir un peu à l’aventure et visiter des monuments ou goûter aux spécialités locales pendant mon temps libre. C’est difficile de choisir un pays ou une ville en particulier. J’ai vécu dans des pays « riches » mais aussi dans les pays d’Europe de l’Est et chaque endroit a ses atouts et ses points faibles ».

Après un exercice 2015-2016 réussi au BC Lulea (Suède), « Kino » part en D2 israélienne où il fait le bonheur du Hapoel Haifa en compagnie du shooteur David Huertas. Champion NCAA aux côtés de Joakim Noah aux Gators de Florida en 2006, l’arrière international porto-ricain a aussi la particularité d’avoir fait une pige à Fos-sur-Mer au début de la saison 2009-2010 (16pts en moyenne à 37% de réussite à 3 points en 23 matchs). Du coup, lorsque l’entraîneur fosséen Rémi Giuitta le sollicite pour terminer la saison, Jaraun Burrows sait à qui demander conseil.

« On en a pas mal parlé avant que je signe. Il m’a dit que c’était une petite ville, que la situation du club était bonne et que je m’y sentirais bien. Il m’a parlé d’un club familial et c’est le cas. Et aussi que la Pro B était dure et assez physique et là dessus non plus, il ne s’était pas trompé ! Il m’a aussi dit : Si tu vas là-bas et que tu travailles dur, tout se passera bien pour toi ».

Jaraun Burrows ici aux côté des deux joueurs bahaméens de Charleville-Mézières, Zane Knowles et Michael Carey

Le seigneur des arceaux

Depuis toujours, Jaraun Burrows cultive ce côté spectaculaire et en fait aujourd’hui profiter le public français pour son plus grand plaisir. Dès son premier match, au Palais des Sports de Marseille face à Evreux en avril dernier, il conquiert le public avec un alley-oop tonitruant en fin de match où il passe par dessus le pivot adverse, Pape Beye.

« En Allemagne et dans les pays voisins, « Kino » signifie « Cinéma » et tout ce qui tourne autour du théâtre et du spectacle vivant. Quand j’étais en Suisse, ça collait assez bien. Les gens disaient qu’ils allaient voir le « Kino » quand ils venaient au match. Je dois avouer que j’aime bien être un « crowd-guy », un joueur qui fait réagir le public qui apporte de l’énergie. Ça a toujours été l’aspect que je préfère dans le basket, de donner de l’énergie à mes coéquipiers et au public avec des actions spectaculaires. Je crois vraiment qu’une grosse action peut te permettre de gagner un match. Ça peut être un « game changer » et faire basculer le « momentum » en faveur de ton équipe en plus d’être une source de motivation pour les joueurs et les fans ».

Décalé au poste 4, le pivot montre ses capacités d’adaptation et se rend rapidement indispensable. Fos veut le conserver mais Jaraun Burrows reçoit des offres de plusieurs clubs de Pro B, dont Lille qui formule une proposition intéressante. Mais Rémi Giuitta se montre le plus convaincant et lui assure qu’il retrouvera son poste de prédilection au sein d’une équipe taillée pour le jeu rapide.

« J’ai vraiment apprécié la fin de saison dernière avec Fos et les Playoffs en particulier. Le climat est également appréciable, et je me suis bien senti au club. Mais surtout, je m’entends bien avec le coach, Rémi Giuitta. J’aime jouer pour lui, et lorsqu’on s’est retrouvé début juillet pour discuter et qu’il ma dit qu’il voulait que je revienne cette saison, j’ai senti que c’était la meilleure situation pour moi. Je savais qu’il allait me faire travailler dur et me pousser à mon maximum afin de continuer à exceller. C’était ce qu’il y avait de mieux pour ma carrière ».
« Il m’a aussi confirmé qu’il voulait que je retrouve mon poste d’origine. Durant ma carrière j’ai joué essentiellement au poste 5, c’est là que je me sens le mieux. Ce n’était pas évident de jouer au poste 4 la saison dernière aux côtés de Brad (Waldow). Ça représentait un gros changement, surtout à ce niveau. Rémi a été très clair à ce sujet et je savais que j’allais devoir prendre un peu plus de poids et travailler ma force, ma puissance pure car la Pro B est très physique, et j’ai senti que je pouvais faire le job. Il m’a expliqué qu’il voulait développer un jeu plus rapide cette saison, qu’Edouard (Choquet) revenait de Pro A et que ça pouvait bien marcher entre nous, qu’il allait me permettre d’avoir pas mal de paniers de faciles et d’aller de l’avant. J’ai pensé que c’était une bonne opportunité et pour l’instant ça marche plutôt bien ! »

« Je suis dans la meilleure forme de ma vie »

Après six matchs de championnat, Jaraun Burrows tourne effectivement à 22,8 points de moyenne. Rien de particulièrement exceptionnel, si ce n’est que ce dernier score à près de 74% au tir en prenant « seulement »12 tirs par match, ce qui fait également de lui le joueur le plus efficace de Pro B devant deux autres pivots, le Nantais Laurence Ekperigin (70%) et le Denaisien Jérôme Cazenobe (69,4%), formé à … Fos-sur-Mer.

« Il n’y a pas de secrets en fait, je dois remercier les coachs, mes coéquipiers et tout le staff. C’est un mix de plein de choses. On a bien travaillé durant la pré-saison et aujourd’hui je peux dire que je suis dans la meilleure forme de ma vie. La fin de saison dernière m’a pas mal aidé également. J’ai eu la chance d’apprivoiser la ligue. J’ai joué 7 matchs de championnat et les Playoffs où le niveau monte clairement d’un cran, et le jeu devient beaucoup plus dur. Ça m’a beaucoup aidé tactiquement et mentalement. La clé en fait, c’est juste de travailler dur. Le travail et le dévouement. J’essaie de toujours faire des sessions de travail en plus à mon initiative. J’essaie de me préparer au mieux physiquement et mentalement à chaque match. Ce ne sera pas parfait à chaque soir, mais je fais en sorte d’être prêt, et s’il y a une opportunité qui se présente, la saisir ».

Même s’il est arrivé en France il y a moins d’un an, « Kino » a déjà bien cerné la Pro B, un championnat terriblement homogène où la hiérarchie peut se décider dans les dernières secondes du dernier match de la saison régulière. Et avec un collectif pas mal renouvelé, l’heure est encore aux ajustements du côté de la Halle Parsemain.

« On a commencé avec une défaite à Blois après un match compliqué. Xavier (Gaillou) revenait à peine de blessure, Tariq Kirksay n’était pas encore qualifié. Depuis, Darnell (Harris) est arrivé en attendant que Xavier se remette et on est redevenu compétitif. On n’a pas joué notre meilleur match contre Nancy, mais on a quand même eu l’opportunité d’égaliser dans la dernière minute. Ça aurait pu basculer en notre faveur. On doit continuer à travailler et aborder chaque match pour le gagner. Cette division est tellement dure, toutes les équipes se battent jusqu’à la dernière seconde car tous les matchs sont serrés et peuvent basculer d’un côté comme de l’autre. Pour être une « top team », il faut trouver le moyen de gagner à chaque fois ».

Après ce départ réussi, l’heure est maintenant aux éliminatoires de la zone Amérique en vue de la Coupe du Monde 2019 comme le veut le nouveau format mis en place par la Fiba.


« Quand j’étais jeune, il n’y avait pas de modèle d’un basketteur bahaméen qui avait réussi ailleurs »

L’intérieur de Fos-sur-Mer, cadre de l’équipe nationale des Bahamas, fait le point sur la situation du basket local à quelques heures de débuter les éliminatoires de la zone Amérique en vue de la Coupe du Monde 2019. Il devra faire face à la République Dominicaine, aux Iles Vierges et au Canada de l’ex-Chalonais Kris Joseph et des anciens NBAers Joel Anthony et Anthony Bennett. Sans le prodige bahaméen Buddy Hield, sophomore aux New Orleans Pelicans et donc retenu en NBA, les Bahamas ont attaqué par le plus gros morceau en se mesurant aux Canadiens la nuit dernière et sont logiquement inclinés (93-69). Prochaine étape à domicile face aux Iles Vierges lundi soir.

Pour la première fois de votre carrière, vous êtes rentré à la maison en plein milieu de la saison régulière pour participer aux éliminatoires de la prochaine Coupe du Monde. Ça vous fait quoi ?

Je suis parti samedi matin, au lendemain du match contre Evreux. C’est le nouveau format qui veut ça. C’est particulier pour moi car ce sera la première fois depuis 17 ans que je vais passer Thanksgiving en famille. C’est génial et je suis aussi très fier de pouvoir jouer devant ma famille, mes amis pour défendre les couleurs de mon pays. Ce sont des expériences assez uniques. Avec le format de matchs à domicile et à l’extérieur, les Bahaméens vont avoir la chance de voir en live du basket de niveau mondial. Je suis très impatient d’y être. Il y a trois places à prendre sur quatre afin d’accéder au second tour, on veut clairement finir dans les trois premiers.

Ça ne doit pas être facile à gérer d’un point de vue logistique et physiologique…

Je préfère le prendre de manière positive même si ça casse un peu le rythme et qu’il y a beaucoup de d’heures d’avion. On joue au Canada le 24 et on rentre ensuite pour rencontrer les Iles Vierges le 27. Je repars le 28, j’arrive le 29 et on reprend la saison à Lille deux jours plus tard (le 1er décembre). Dormir dans l’avion ne sera pas un problème, je dois simplement être prêt mentalement et prêt à me battre.

Quelle est la situation du basket aux Bahamas ?

Ça grandit tout doucement. Le sport national reste l’athlétisme, on a de grands champions, des médaillés d’or olympique qui font partie des meilleurs athlètes du monde. Le basket s’améliore mais on reste très loin de certains pays voisins des Caraïbes comme Porto Rico par exemple. Ça passera par l’exposition de gars comme moi qui jouent à l’étranger, qui ont une expérience internationale, qui voient comment on développe les joueurs dans les autres pays, quelles sont les ressources nécessaires pour y parvenir. On essaie de prendre les bonnes idées et les ramener à la maison. On a encore beaucoup de chemin à faire. Il n’y a pas de ligue professionnelle et à l’école ou chez les équipes de jeune, les matchs se jouent toujours en extérieur, il n’y a pas de gymnases dédiés au basket dans les écoles. Comme dans tous les petits pays, c’est une question d’exposition. Si des joueurs professionnels comme moi reviennent régulièrement pour s’impliquer et faire avancer les choses, c’est déjà une bonne chose. Quand j’étais jeune, il n’y avait pas de modèle d’un basketteur bahaméen qui avait réussi ailleurs. Aujourd’hui, on a Buddy Hield qui joue en NBA et d’autres gars qui progressent. Je trouve ça génial de voir que nos talents intéressent les recruteurs au Etats Unis. Les collèges viennent les scouter à 14-15 ans pour voir s’ils peuvent en développer quelques uns. Mais je pense que d’ici quelques années, on aura les ressources nécessaires pour faire grandir ces petits à la maison et en faire de très bons basketteurs.

Rick Fox, ancien champion NBA avec les Lakers, a passé sa jeunesse aux Bahamas. Fait-il quelque chose pour le basket sur place ?

Rick a fini sa carrière en jouant pour le Canada, il a grandi aux Bahamas mais il est né au Canada et possède la nationalité canadienne. Mais il se montre, tous les deux ans environ. Il vient durant l’été et se tient informé des évolutions, il participe mais il n’est pas là tous les jours, et ce n’est pas un problème car il n’est pas considéré comme un Bahaméen pure souche, comme moi par exemple.

Le joueur NBA Buddy Hield est désormais le visage du basket au Bahamas. Quelle relation entretenez-vous avec « Buddy Buckets »?

Notre relation est excellente. Il vient d’une autre île mais je le connais et le suis depuis ses débuts. Je connaissais son potentiel avant qu’il aille en « prep-school ». Il est arrivé en équipe nationale alors qu’il n’était qu’à sa deuxième année de College si ma mémoire est bonne. C’est à ce moment que j’ai compris que nous avions là un garçon spécial. Il avait était meilleur marqueur du tournoi auquel nous avions participé avec Porto Rico qui avait quelques joueurs NBA, le Mexique… Il y avait de beaux adversaires mais Buddy avait été exceptionnel. C’est un incroyable travailleur, et sa mentalité a complètement changé au cours de son apprentissage aux Etats Unis. Les jeunes des Bahamas utilisent surtout leur côté athlétique, leur vitesse etc… Buddy est un shooteur, ce qui demande un travail de concentration très important. Mais il a aussi bossé son côté athlétique, on voit le résultat aujourd’hui, il est à un autre niveau. C’est un super gamin, je lui souhaite le meilleur. Il ne sera pas là pour les phases de qualification mais il a déjà accepté de venir cet été si son équipe ne jouait pas les Playoffs NBA.

https://www.youtube.com/watch?v=RJUQjZRIa3c

Le meilleur match de Buddy Hield cette saison avec Sacramento (21 points à 7/9 aux tirs)

Quel est l’adversaire qui vous a le plus impressionné durant vos rencontres internationales avec les Bahamas ?

Gustavo Ayon, le pivot mexicain qui joue actuellement au Real Madrid (également passé par New Orleans, Milwaukee, Orlando et Atlanta entre 2011 et 2014). Je jouais 4 sur ce match mais j’avais dû le défendre à plusieurs reprises. Il avait eu quelques soucis avec les fautes ce soir là. J’avais pas été trop mal, mais lui, c’est une bête !

Deux Bahaméens ont récemment rejoint la Pro B, Zane Knowles et Michael Carey à Charleville-Mézières contre qui vous avez joué récemment. Que pouvez-vous dire au sujet de ces deux jeunes joueurs ?

Oui c’était super de les retrouver. La situation est un peu compliquée à Charleville en ce moment, ils ont commencé avec cinq défaites, et l’important maintenant c’est de décrocher une victoire à tout prix. Dès qu’ils auront gagné un match, ils respireront un peu mieux. Ce sont mes deux petits, je les conseille depuis plusieurs années. Michael est le plus jeune des deux, et Zane fait partie de ma famille, c’est un cousin éloigné. Ils continuent de bien grandir et sont maintenant en quête de respect, ils veulent prouver qu’ils ont le niveau. Pour moi, c’est déjà beau de voir que des basketteurs bahaméens reçoivent des coups de fil d’équipes européennes de ce niveau, et sont en concurrence avec des joueurs américains ou européens. Avant ce n’était pas comme ça, il y avait même plutôt un a priori négatif sur les basketteurs bahaméens. Mais grâce à des gens comme moi qui ont produit du bon basket, et se sont battus dur tout en affichant un état d’esprit positif à travers l’Europe, les choses changent. Je suis content du résultat et j’espère que ça va continuer ainsi dans les années à venir, et que les basketteurs bahaméens vont s’exporter de mieux en mieux. Mike et Zane sont de bons petits, ils travaillent très dur et j’espère qu’ils auront la chance de jouer au haut niveau le plus longtemps possible.

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Photos: Fos/Mer et DR

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