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Nous avons tous besoin de Limoges !

Que va devenir le Limoges Cercle Saint-Pierre après le décès de son président tout puissant, Frédéric Forte ? Le basket français a un besoin vital que la place demeure forte.

Que va devenir le Limoges Cercle Saint-Pierre après le décès de son président tout puissant, Frédéric Forte ? Le basket français a un besoin vital que la place demeure forte.

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C’était dans les vestiaires de Beaublanc deux après le titre de champion d’Europe de Limoges. Donc en février 1995. Frédéric Forte avait accordé à l’auteur de ces lignes une interview, une interview fleuve évidemment. Il avait notamment raconté comment la passion du basket lui était venu tout gamin. Grâce à son père qui avait installé des panneaux partout dans la maison. Grâce aussi au CBC, le club de sa ville de Caen.

« Je n’ai jamais attendu pour des autographes ou pour demander un maillot mais c’est vrai qu’à Caen, à la grande époque, lorsque j’avais 8-10 ans, j’ai été marqué par des joueurs comme Sylvain Grzanka par exemple. Je les regardais avec des yeux grands ouverts. J’ai eu la chance aussi d’être entraîné par George Eddy, Victor Boistol, Jacky Lamothe, Lloyd King. J’ai tellement apprécié ces moments-là que je veux en créer à mon tour pour les autres. »

Puisqu’on est dans les archives, remontons à mai 1987. Un article d’une double page dans Maxi-Basket. Le premier de la série. Fred a 17 ans. Il est devenu meneur titulaire du CBC. Un prodige.

« Vous pourrez dire n’importe quoi sur lui », déclarait son coach Djordje Andrijasevic. « D’abord parce que ce sera vrai. Et ensuite parce qu’il a l’équilibre et le mental pour ne pas prendre la grosse tête. Il a le cœur d’un battant. Il a le cœur d’un homme. Il a les jambes. Il a la tête. Il a le talent. Il sait s’imposer comme un chef dans le jeu, sans coup de gueule. Il a un rayonnement dans la vie et sur le terrain. C’est un meneur de jeu qui assimile tout ce qu’on lui apprend à une vitesse incroyable. Il ne se trompe jamais dans ses choix… »

La passion du basket, une connaissance encyclopédique, la tchatche, le charisme, toutes ces compétences étaient dans les gênes de Frédéric Forte. Deux décennies plus tard, il les avait mis au service du Limoges CSP à la présidence et aussi un temps comme coach. D’ailleurs si on creusait le sujet un peu avec lui, on se rendait compte qu’il avait été frustré de lâcher ce tablier après deux saisons. Il aimait tout contrôler.

Le président 2.0

Frédéric Forte, c’était un condensé de ses deux illustres prédécesseurs à la tête du CSP, le charismatique président Xavier Popelier et l’architecte éminence grise Jean-Claude Biojout. Rusé, vif d’esprit, provocateur, c’était aussi le pendant limougeaud du Béarnais Pierre Seillant mais en version 2.0. Lui qui avait tout compris des mécaniques médiatiques, il était le seul président de Pro A omniprésent sur les réseaux sociaux. Personne n’avait comme lui le chic de chauffer les supporters du CSP si réceptifs quand on titille leur orgueil régional, d’envoyer des pics sur twitter au premier ou deuxième degré, notamment au directeur exécutif de Pau, Didier Gadou, vieux compagnon d’armes en équipe de France et adversaire privilégié lors des clasico, mais aussi à l’égard de ses propres joueurs, rédiger des pamphlets sur facebook, tout en sachant charmer son auditoire lors de ses interventions à la télé, à la radio, ou sur les estrades.

C’est avec ses coaches qu’il avait été le moins tendre. Kyle Milling est le 14e de son magistère, intérimaires compris, et il les avait pratiquement tous virés.

Il y avait aussi du Mark Cuban en lui, notamment dans ses assauts contre la Ligue Nationale de Basket et son président Alain Béral. Les journalistes l’adoraient car il avait réponse à tout mais chacun d’entre-eux peut vous dire combien il pouvait se montrer parfois corrosif. Comme sur le terrain, pas question d’abandonner un pouce de terrain. Deux fois à BasketHebdo, il nous a fait parvenir par le biais de son avocat un droit de réponse à propos de la publication des salaires de ses joueurs… sachant très bien qu’ils étaient très proches de la vérité. Seulement aujourd’hui nous sommes tous à regretter ces joutes verbales stimulantes.

Ses excès l’avaient même conduit devant le bureau fédéral, à quitter la FFBB, et amené ses collègues présidents à demander son départ du basket français. Mais Frédéric Forte était toujours droit dans ses bottes et c’est un pied de nez qu’il avait adressé à ceux-ci quand ECA avait donné une invitation à son club pour l’Eurocup alors que le CSP avait terminé seulement 10e de la saison régulière de Pro A. Il y avait du Don Quichotte chez Frédéric Forte mais tout était savamment calculé.

Une figure aussi contrastée avait forcément ses contradicteurs, ses ennemis, mais tout autant ses amis, ses fidèles et l’essentiel du peuple vert éternellement reconnaissant derrière lui.

https://www.facebook.com/villedelimoges/videos/2021120364629372/

Capitale du basket français

Son décès laisse un vide. Immense. Dans le paysage du basket français car les trublions assurent toujours la bonne marche d’une démocratie. Et tout spécialement au CSP, évidemment.

La plupart des autres clubs fonctionnent désormais en tandem avec un président et un directeur exécutif. Comme à l’Elan Béarnais avec le président et le directeur exécutif Didier Gadou. Comme au BCM avec la paire Christian Devos-Hervé Beddeleem. Et même à l’ASVEL ou l’actionnaire principal Tony Parker est relayé sur le terrain par Gaétan Muller.

Pas à Limoges. Frédéric Forte était omniprésent sinon omnipotent, à la fois le proprio et celui qui gouvernait le club au quotidien. Comme le CSP est en financièrement en bonne santé et qu’il s’est doté d’un directeur sportif avec son ami Olivier Bourgain, pas d’inquiétude au moins à courte échéance pour les questions de terrain. Mais quid de la stratégie d’entreprise ? Du projet 3.0 qu’il nous avait expliqué de long en large et qui devait faire passer définitivement le CSP dans le XXIe siècle ? C’est à sa veuve, Céline, de décider maintenant ce qu’elle veut faire de l’héritage de son mari.

Une fois, on avait conversé avec Frédéric Forte des ventes des magazines de basket depuis la naissance de Maxi-Basket en 1982. Il avait été flatté mais pas réellement surpris d’apprendre que sur quatre décennies c’est à Limoges que celles-ci avaient été les meilleures. De loin. De très loin. On vendait bien plus de Maxi à la gare des Bénédictins que dans toutes les gares parisiennes réunies. Et la tradition n’a jamais faiblie. Pour le titre de champion de France du CSP en 2014, près de la moitié des ventes de BasketHebdo s’était fait dans la Haute-Vienne.

Le décès de Frédéric Forte a déclenché un torrent de messages de condoléances en vert et blanc sur les réseaux sociaux. En Haute-Vienne, c’est comme si Johnny Hallyday était mort une deuxième fois. Quel basketteur sinon Tony Parker pourrait prétendre à la Une de L’Equipe et à quatre pages d’articles à l’intérieur ?

Plus que Apollo Faye, Jim Bilba, Yann Bonato et même Richard Dacoury, Frédéric Forte était devenu de par son passé de joueur et sa fonction de président l’étendard du club. Or la question de savoir si le CSP est le club numéro un de France et si Limoges est la capitale du basket ne se pose même pas. Il n’y a pas besoin de photo finish ! Il existe là-bas une flamme qui ne brûle pas aussi fort dans d’autres villes qui pourtant affichent des moyennes de spectateurs supérieures. Car à Limoges, rien n’est factice. On est supporteur de son équipe, pas simple spectateur.

En fait, pour résumer d’une phrase lapidaire: sorti de notre cercle de convertis, le basket en France c’est la NBA, l’équipe de France et Limoges.

Oui, écrivons le, en gros et en gras, même si des projets de clubs d’Euroleague fleurissent à Paris, que Tony Parker se démène pour faire de l’ASVEL un club à dimension européenne, nous avons tous besoin de Limoges, d’un CSP resplendissant, tous besoin que le successeur de Frédéric Forte sache préserver et si possible développer l’héritage qui va lui être confié. Rude tâche.

Dans les vestiaires de Beaublanc, ce jour de février 1995, et alors que de sombres nuages s’amoncelaient au-dessus du CSP qui dépensait alors l’argent sans compter, remonté comme une pendule, Frédéric Forte lâchait :

« En France, on aime bien démolir ceux qui sont premiers (…) L’annonce de la fin de Limoges ? Ce n’est pas le genre de prédiction qui me perturbe. Simplement, le jour où Limoges sera dans le rouge, fermera ses portes, tout le basket français pourra pleurer. »

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C’était dans les vestiaires de Beaublanc deux après le titre de champion d’Europe de Limoges. Donc en février 1995. Frédéric Fort avait accordé à l’auteur de ses lignes une interview, une interview  fleuve évidemment. Il avait notamment raconté comment la passion du basket lui était venu tout gamin. Grâce à son père qui avait installé des panneaux partout dans la maison. Grâce aussi au CBC, le club de sa ville de Caen.

« Je n’ai jamais attendu pour des autographes ou pour demander un maillot mais c’est vrai qu’à Caen, à la grande époque, lorsque j’avais 8-10 ans, j’ai été marqué par des joueurs comme Sylvain Grzanka par exemple. Je les regardais avec des yeux grands ouverts. J’ai eu la chance aussi d’être entraîné par George Eddy, Victor Boistol, Jacky Lamothe, Lloyd King. J’ai tellement apprécié ces moments-là que je veux en créer à mon tour pour les autres. »

Puisqu’on est dans les archives, remontons à mai 1987. Un article d’une double page dans Maxi-Basket. Le premier de la série. Fred a 17 ans. Il est devenu meneur titulaire du CBC. Un prodige.

« Vous pourrez dire n’importe quoi sur lui », déclarait son coach Djordje Andrijasevic. « D’abord parce que ce sera vrai. Et ensuite parce qu’il a l’équilibre et le mental pour ne pas prendre la grosse tête. Il a le cœur d’un battant. Il a le cœur d’un homme. Il a les jambes. Il a la tête. Il a le talent. Il sait s’imposer comme un chef dans le jeu, sans coup de gueule. Il a un rayonnement dans la vie et sur le terrain. C’est un meneur de jeu qui assimile tout ce qu’on lui apprend à une vitesse incroyable. Il ne se trompe jamais dans ses choix… »

La passion du basket, une connaissance encyclopédique, la tchatche, le charisme, toutes ces compétences étaient dans les gênes de Frédéric Forte. Deux décennies plus tard, il les avait mis au service du Limoges CSP à la présidence et aussi un temps comme coach. D’ailleurs si on creusait le sujet un peu avec lui, on se rendait compte qu’il avait été frustré de lâcher ce tablier après deux saisons. Il aimait tout contrôler.

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Photo: William Howard (Eurocup)

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