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[REDIFF] Wilt Chamberlain, les Globies et la France (2ème partie): Wilt amoureux de l’Europe

C’était en juin 1960. Wilt Chamberlain, le joueur le plus dominant de son temps, venait d’être élu MVP de la NBA. Il se retrouva sous le maillot des Harlem Globe Trotters à jouer à Paris, mais aussi anonymement dans la France profonde. Voici en quatre volets cette incroyable histoire.

C’était en juin 1960. Wilt Chamberlain, le joueur le plus dominant de son temps, venait d’être élu MVP de la NBA. Il se retrouva sous le maillot des Harlem Globe Trotters à jouer à Paris, mais aussi anonymement dans la France profonde. Voici en quatre volets cette incroyable histoire.

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Chanceux celui qui possède un don, Wilt Chamberlain en hérita de multiples. Ce type de 2,15m,  aux jambes interminables, était capable de courir le 440 yards en 48 secondes 8 dixièmes, de sauter 6,70m en longueur et encore de franchir une barre à 2,06m de hauteur. Son envergure, son énergie, sa mobilité, sa voracité, tout était effrayant chez lui. Wilt était en avance de deux, quatre, six générations. Observez-le sur l’une des vidéos qui foisonnent sur YouTube. Aucun doute, il aurait sa place derechef dans la NBA du XXIe siècle. On dira de lui qu’il était trop égoïste, incapable de rendre les autres meilleurs à l’inverse de son ennemi intime Bill Russell, mais personne ne peut lui contester d’être la plus forte individualité jamais produite par le basket-ball. Michael Jordan et LeBron James inclus. Ses chiffres parlent pour lui. Qui d’autres a marqué 100 points dans un match, atteint quarante-cinq fois 50 points dans une saison, capturé 22,9 rebonds de moyenne dans une carrière ? Peut-on imaginer qu’il aura un jour un héritier ?

A l’université de Kansas, The Stilt, l’Echassier, ravagea les raquettes et fit la connaissance de Goose Tatum, l’ancien clown des Harlem Globe Trotters, qui vivait à Kansas-City. Tatum avait fondé sa propre troupe et proposa à Wilt 100 000$, un magot, pour qu’il en devienne l’attraction numéro un. Gamin, Chamberlain idolâtrait Tatum et les Globies, la référence pour la communauté black de son époque, mais il était trop tôt pour quitter l’université après seulement deux ans d’études.

Un nouveau règlement donnait une priorité dans le recrutement à la franchise NBA de la ville où jouait un lycéen. On l’appela du reste la « Loi Chamberlain ». Comme Wilt avait fréquenté une high school de Philadelphie, il était destiné à rejoindre les Warriors, l’équipe NBA de la ville, dont le proprio Eddie Gottlieb, malin, avait justement initié la règle. Mais les joueurs devaient attendre d’en avoir terminé avec leur cursus universitaire avant de pouvoir faire le grand saut. Si bien que Wilt, à l’issue de son année de junior à Kansas, accepta de faire une année de transition avec les Globies. C’était tout sauf une punition. Il vénérait donc la troupe, se vit offrir dans les 65 000$, bonus compris –presque deux fois ce que Abe Saperstein payait Tatum- et il put ainsi enrichir son registre. Lui qui savait déjà dunker de la main droite et récupérer la balle de la gauche pour l’enfourner de nouveau dans le cercle, apprit à dribbler, à mieux voir le jeu, à tirer de loin. Car, incroyable, au sein des Trotters, pour amuser les foules, le Golgot joua arrière !

« Durant six ans j’avais vécu dans une cocotte-minute, traqué par les recruteurs de college et les investigateurs de la NCAA, assailli par les fans, les anciens élèves et les journalistes, poussé et bousculé par mes adversaires. » Tout en poursuivant son apprentissage de basketteur, les Globies devaient lui permettre d’évoluer dans une atmosphère plus relax.

Jamais de femmes mariées !

A l’époque, beaucoup de Noirs reprochaient à Abe Saperstein d’exploiter leurs frères de couleur. Wilt rejetait cette accusation, rappelant que Saperstein avait permis aux Blacks de gagner leur vie en jouant au basket lorsque les portes de la NBA leur étaient encore interdites. « Bien sûr que Abe s’est servi de nous pour devenir riche, mais nous nous sommes servis des Globies pour faire de l’argent. Pas autant qu’Abe, naturellement, mais pour beaucoup d’entre nous davantage qu’on aurait pu en avoir ailleurs. » Pas dupe, Chamberlain savait que le boss ne tolérait pas tout ce qui pouvait nuire à son business, y compris que ses joueurs sortent avec des Blanches car il estimait que ça pouvait déplaire à sa clientèle. Et il ne voulait pas que la NBA se mette à signer des Blacks afin que ceux-ci demeurent une exclusivité des Harlem Globe Trotters. Dans sa première biographie, parue en 1973, et intitulé « Wilt », Chamberlain raconte que Saperstein était un fanatique de Napoléon et qu’à Vienne, il avait retrouvé errant en ville, tout excité, car il avait dormi dans le même lit que l’empereur. « Avait-il changé les draps ? », demanda-t-il taquin à son patron.

Wilt Chamberlain fit ses grands débuts aux Harlem Globe Trotters le 12 juillet 1958, à Milan. Saperstein balisait car l’assurance de son prodige ne prenait effet qu’en octobre et une blessure est vite arrivée lorsque vous évoluez sur des courts de tennis, dans des arènes, des verts pâturages et même des champs de blé. Le quotidien des Globies. Avant chaque exhibition, Saperstein allait inspecter chaque centimètre carré pour déceler un piège fatal pour son géant.

Avec les Globbies, Wilt enchaîna 224 victoires de rang. Les foules étaient nombreuses. Une bonne affaire financière pour Wilt car il touchait une prime à chaque fois que l’affluence était supérieure à celle, au même endroit, avant son arrivée. Au compte final, la progression fut estimée à 20%.

L’Echassier a aussi multiplié les conquêtes féminines. Avec gourmandise, comme toujours. Sa taille, son style, son argent, sa notoriété étaient de puissants aphrodisiaques. Dans une autre autobiographie, « A view from Above », Wilt Chamberlain lâcha un chiffre à tomber à la renverse : il assura avoir eu dans sa vie des relations sexuelles avec 20 000 femmes différentes ! « A mon âge, cela équivaut à avoir un rapport sexuel avec 1,2 femme par jour, chaque jour, depuis que j’ai quinze ans. »

Vantardise ? Provocation ? Chamberlain rappela que s’il annonçait à des profanes avoir été capable de marquer plus de 50 points en moyenne dans une saison de NBA, personne ne le croirait. Sauf qu’il y a eu des statistiques officielles pour le constater. Donc, il demandait à être crû sur parole. Il ajoutait qu’il avait aimé des femmes de toutes les couleurs, de toutes les nationalités, à Rome, Paris, en Australie comme en Amérique. Mais que son féroce appétit sexuel digne de l’acteur de film X Rocco Siffredi ne l’avait pas empêché de respecter un principe qui lui était cher : aucune de ces femmes n’était mariée. En était-il vraiment sûr ?

D’après Wilt, tous les Globies draguaient sans cesse, y compris pendant les matches. L’un d’entre eux écrivait parfois son nom, celui de son hôtel et de sa chambre sur un bout de papier qu’il apportait benoîtement entre les dents à une jeune femme dans les tribunes. Les Globies s’estimaient irrésistibles et la honte s’abattait sur celui qui était vu en compagnie d’un « mulion ». Dans le langage codé des joueurs, connu d’eux-seuls, ce mot était la traduction d’un cageot.

Son grand regret

Leur vie au quotidien, les Globies la passaient essentiellement dans les avions, les trains et les bus. « Nous pouvions faire 450km un jour, jouer le soir, faire 250 km le lendemain, jouer de nouveau, se taper encore 120 km après le dîner et jouer de nouveau. Nous jouions presque chaque jour et parfois jusqu’à deux ou trois fois dans la même journée. » Saperstein offrait des bonus de 5, 10 ou 20$ lorsque le rythme était vraiment infernal, mais Wilt estimait que cela ne compensait pas le manque de sommeil, la nourriture avalée à la va-vite, et l’hygiène parfois douteuse. Il a raconté qu’il perdait systématiquement quatre à six kilos par match et qu’il devait compenser en avalant ensuite de sept à douze litres de jus d’orange, de lait ou de 7 Up ! Oui, Wilt était l’homme de tous les records.

Quand on lit ces propos, on s’aperçoit que Wilt Chamberlain a adoré cette année passée à parcourir le monde –« la plus heureuse de ma vie »- et qu’il est tombé amoureux de l’Europe. « J’étais un garçon jeune, naïf et brut de décoffrage durant mon année avec les Globies, mais j’ai appris à connaître les meilleurs restaurants et les meilleurs hôtels », a-t-il confié. « J’ai appris la vie dans des villes comme Paris, Rome, Milan et Copenhague. J’ai appris à parler italien presque couramment et le français, l’allemand et l’espagnol suffisamment pour me débrouiller. J’ai même appris des mots de perse, d’arabe, de suédois, de danois et de russe… »

L’histoire d’amour aurait pu prendre des proportions plus grandes encore. Une fois, les Globies ont joué trois matches à Milan en trois jours. Des représentants d’Olimpia Milan sont venus vers lui. Il y avait parmi eux le fondateur du club Adolfo Bogoncelli, un visionnaire, qui était considérablement en avance sur son temps et qui avait tout compris du marketing et du sponsoring. « Ils voulaient que je revienne en Italie après mon année avec les Globies et que je joue en pro ici. Nous avions joué devant des foules incroyables à Milan et le basket commençait à devenir populaire. Ils estimaient que je serais une aubaine financière pour eux. » Le club milanais lui proposa un salaire annuel de 35 000$, soit 10 000 de plus que ce que gagnait la star des Boston Celtics, Bob Cousy. Sans impôts et avec des billets gratuits pour voyager à sa guise en Europe. Il refusa. Normal, il avait envie de jouer en NBA, de prouver à chacun sa véritable valeur face aux meilleurs joueurs.

Il signa donc avec les Philadelphie Warriors un contrat royal qui, tout compris, lui permit de toucher 100 000$ pour son année de rookie, soit dix fois le salaire moyen en NBA. L’argent n’avait pas été le principal sujet de discussion entre le joueur et le propriétaire de la franchise, Eddie Gottlieb. Wilt avait entendu dire que les Noirs étaient encore victimes de ségrégation en NBA et que, dans le sud du pays, Bill Russell (Celtics) et Elgin Baylor (Lakers) avaient été contraints de dormir dans un autre hôtel que les joueurs blancs. « Ne programmez aucun match où je ne puisse pas manger et dormir avec le reste de l’équipe ou vous pouvez être certain que je ne jouerai pas », avait-il prévenu.

Ce fabuleux basketteur intégra donc la NBA qui montait en puissance et qui s’ouvrait enfin plus largement aux Noirs. Pourtant dans « Wilt », à propos de son refus de signer à Milan, il fit cette étonnante confidence : « C’est l’une des quelques décisions que j’ai prise dans ma vie et que j’ai par la suite regrettée. Je vais en Europe presque chaque été désormais et j’apprécie vraiment. Cela aurait été super de jouer ici quelques années, d’être sur les parquets du basket-ball européen. »

Prochain épisode :

Wilt à la télé française

Article paru dans Basket Hebdo en 2014

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Chanceux celui qui possède un don, Wilt Chamberlain en hérita de multiples. Ce type de 2,15m,  aux jambes interminables, était capable de courir le 440 yards en 48 secondes 8 dixièmes, de sauter 6,70m en longueur et encore de franchir une barre à 2,06m de hauteur. Son envergure, son énergie, sa mobilité, sa voracité, tout était effrayant chez lui. Wilt était en avance de deux, quatre, six générations. Observez-le sur l’une des vidéos qui foisonnent sur YouTube. Aucun doute, il aurait sa place derechef dans la NBA du XXIe siècle. On dira de lui qu’il était trop égoïste, incapable de rendre les autres meilleurs à l’inverse de son ennemi intime Bill Russell, mais personne ne peut lui contester d’être la plus forte individualité jamais produite par le basket-ball. Michael Jordan inclus. Ses chiffres parlent pour lui. Qui d’autres a marqué 100 points dans un match, atteint quarante-cinq fois 50 points dans une saison, capturé 22,9 rebonds de moyenne dans une carrière ? Peut-on imaginer qu’il aura un jour un héritier ?

A l’université de Kansas, The Stilt, l’Echassier, ravagea les raquettes et fit la connaissance de Goose Tatum, l’ancien clown des Harlem Globe Trotters, qui vivait à Kansas-City. Tatum avait fondé sa propre troupe et proposa à Wilt 100 000$, un magot, pour qu’il en devienne l’attraction numéro un. Gamin, Chamberlain idolâtrait Tatum et les Globies, la référence pour la communauté black de son époque, mais il était trop tôt pour quitter l’université après seulement deux ans d’études.

Un nouveau règlement donnait une priorité dans le recrutement à la franchise NBA de la ville où jouait un lycéen. On l’appela du reste la « Loi Chamberlain ». Comme Wilt avait fréquenté une high school de Philadelphie, il était destiné à rejoindre les Warriors, l’équipe NBA de la ville, dont le proprio Eddie Gottlieb, malin, avait justement initié la règle. Mais les joueurs devaient attendre d’en avoir terminé avec leur cursus universitaire avant de pouvoir faire le grand saut. Si bien que Wilt, à l’issue de son année de junior à Kansas, accepta de faire une année de transition avec les Globies. C’était tout sauf une punition. Il vénérait donc la troupe, se vit offrir dans les 65 000$, bonus compris –presque deux fois ce que Abe Saperstein payait Tatum- et il put ainsi enrichir son registre. Lui qui savait déjà dunker de la main droite et récupérer la balle de la gauche pour l’enfourner de nouveau dans le cercle, apprit à dribbler, à mieux voir le jeu, à tirer de loin. Car, incroyable, au sein des Trotters, pour amuser les foules, le Golgot joua arrière !

« Durant six ans j’avais vécu dans une cocotte-minute, traqué par les recruteurs de college et les investigateurs de la NCAA, assailli par les fans, les anciens élèves et les journalistes, poussé et bousculé par mes adversaires. »

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