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Rétro Coupe du monde – 1950, 54 et 59 : Des équipes corpos et de militaires

Lors des deux premières éditions du championnat du monde, les États-Unis déléguèrent des équipes corpos, de Chevrolet et de Caterpillar. Et pour la troisième, ils recrutèrent exclusivement des soldats de l’armée de l’air !

Lors des deux premières éditions du championnat du monde, les États-Unis déléguèrent des équipes corpos, de Chevrolet et de Caterpillar. Et pour la troisième, ils recrutèrent exclusivement des soldats de l’armée de l’air !

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« M. Jones, nous venons vous prévenir que nous n’avons pas l’intention de jouer notre match contre le Brésil demain soir. »

Renato William Jones, tout puissant secrétaire général de Fédération internationale, manque de s’étrangler et de laisser tomber son éternel cigare. Ces Américains n’ont pas l’air de plaisanter. S’ils déclarent forfaits, ça ferait une sacrée bouffonnerie. Ça ficherait par terre la réputation de ce Championnat du monde qui n’en est qu’à sa deuxième édition, et qu’il a voulu, lui, William Jones.

« Mais ce n’est pas possible ! Vous n’avez pas le droit de faire ça ! D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi vous abandonneriez sans lutter un titre que vous avez à la portée de la main. »

« Pour nous, le basket-ball est avant tout un jeu et un moyen de communiquer avec des gens différents de nous. Mais peut-on encore parler de jeu, et de communication, devant les manifestations d’hostilités qui nous sont quotidiennement adressées ? »

Oscar Furlong

Au Maracanazinho

C’est lors du congrès de la FIBA à Londres, en 1948, que William Jones, qui avait exercé de hautes fonctions à l’UNESCO, avait concrétisé son projet d’un Mondial de basket. La première édition avait été confiée deux ans plus tard à l’Argentine et donc pour la deuxième, en cette année 1954, au Brésil.

En ces temps de guerre froide, la FIBA se heurtait à de délicats problèmes politiques, mais aussi au fait que le basket-ball américain vivait en autarcie. Son lien fragile avec le pays dominant de ce jeu était l’Athletic Amateur Union, qui sur place ne contrôlait quasiment rien. Et si un accord existait avec le comité olympique américain pour envoyer aux jeux des équipes de qualité, le Championnat du monde était le cadet des soucis des Yankees.

A Rio, Team USA était représenté par les Peoria Caterpillar, qui avaient remporté les trois dernières années le titre du Championnat AAU. Les joueurs, tous blancs, avaient été classiquement formés dans diverses universités, mais étaient ensuite devenus des ingénieurs, des cadres et des ouvriers de l’usine Caterpillar, installée à Peoria, dans l’Illinois. En d’autres termes, c’était une équipe corpo qui défendait l’honneur du basket US, à défaut des joueurs de NBA, interdits d’équipe nationale pour pratique du professionnalisme, et de tout le vivier universitaire préoccupé en ce mois d’octobre par le championnat NCAA.

D’après l’entraîneur français Robert Busnel, les éléments de base étaient Dick Retherfords, un passeur qui disposait d’un tir en suspension d’une « précision absolue », Joe Stratton, qui shootait « avec le poignet seulement », et Kirby Minter, qui « a l’air lourd et malhabile » et qui se révéla en fait « rapide, aérien, inspiré dans les débordements » et dont « le tir roulé ne pardonne pas ». Avec 11,1 points, Minter sera le meilleur réalisateur d’une équipe qui comptait 10 joueurs à 1,98m et davantage, ce qui à l’époque en imposait.

La somme allouée par le gouvernement brésilien précédent fut divisée par deux et une épée de Damoclès fut longtemps suspendue au-dessus de l’épreuve. Un « Marcanazinho » (le petit Maracana) fut imaginé mais ne fut disponible qu’à la toute dernière minute. Avec sa gigantesque voûte circulaire, il était majestueux et pouvait contenir officiellement 35 000 spectateurs. Et davantage encore en se serrant. Vingt milliers assistèrent en moyenne aux matches dans une ambiance carnavalesque. Les Brésiliens n’hésitaient pas à brocarder les adversaires, d’où la trouille des Américains.

William Jones dut se montrer très convaincant car les boys bien élevés de chez Caterpillar acceptèrent finalement de jouer la finale. Au moment de la présentation des équipes, la foule, énervée, ne se doutait pas que les Américains avaient menacé de prendre le matin même le premier avion pour New York. « Quand les joueurs brésiliens firent à leur tour leur entrée sur le terrain, ce fut du délire. Les drapeaux verts et jaunes s’agitèrent follement. Les pétards explosèrent », écrivit Marcel Hansenne dans son ouvrage Le Basket. Il n’y eut rapidement l’issue de cette finale que les Américains remportèrent 62 à 41, comme leurs huit autres matches. « Avec cette équipe de Caterpillar, comme il en existe plusieurs aux USA, les Américains ont rappelé gentiment et sans prétention qu’ils restaient pour longtemps les meilleurs basketteurs du monde », jugea Robert Busnel. « Avec leur leçon de basket, ils donnent une leçon de sportivité. Pas un mot, pas un geste, pas un mouvement d’humeur. Ils ont la conscience de leurs forces et n’en abusent pas. »

Une préparation expéditive

Quatre ans auparavant, les États-Unis avaient déjà délégué au Championnat du monde en Argentine, une équipe corpo, les Chevrolet-Devon. Pour donner une idée de son niveau, sachez que seul Robert Williams eut ensuite un strapontin en NBA. Le joueur le plus étonnant était John Stanich, un guard formé à UCLA, qui était amputé de plusieurs doigts. « Sa difformité, dont il a su compenser le handicap par un style approprié, ne l’empêcha pas de manifester une adresse étonnante », observa Robert Busnel.

Le Luna Park de Buenos Aires était entouré d’une haute grille surmontée de fils de fer pour canaliser les ardeurs de des 25 000 spectateurs et on raconta que les Américains avaient une boule au ventre quand ils affrontèrent l’Argentine. Ils ne furent pas réellement en mesure de rivaliser avec la bande à Oscar « Milito » Furlong, le MVP du tournoi, d’autant qu’ils virent une grêle de fautes (38) leur tomber dessus, au point qu’ils terminèrent le match à quatre. Victoire argentine, 64-50. « Les spectateurs ivres de joie et d’orgueil faillirent étouffer leurs idoles avec leurs embrassements », relata Busnel.

C’est en janvier 1959 que se tint le 3e Championnat du monde, toujours en Amérique du Sud, au Chili cette fois. Personne n’était dispo du côté des Américains, aussi l’AAU se résolut à faire appel à l’US Air Force qui chercha des volontaires à travers une petite annonce passée dans un journal de l’armée ! 24 joueurs furent ainsi regroupés en décembre à la base Andrews pour un camp de sélection. Des anciens étudiants de UCLA, USC, California, North Carolina ou encore Colorado incluaient cette team USA, mais pas un ne mesurait plus de 1,95m. La préparation fut expéditive. A peine le temps de reconnaître le prénom de ses équipiers.

Il y eut jusqu’à 23 143 billets vendus pour le choc USA-URSS sur le terrain à découvert du Stade de Santiago qui, en 1962, servit de cadre à la Coupe du monde de football. Les Américains furent étrillés (37-62) par les Soviétiques qui, ensuite, refusèrent d’affronter Formose. Si bien qu’avec cette équipe de va-nu-pieds, les États-Unis récoltèrent indûment la médaille d’argent.

Sentant qu’ils ne pouvaient plus asseoir leur supériorité avec les premiers guys venus, les USA alignèrent un an plus tard aux jeux de Rome quelques-uns de leurs plus brillants universitaires : Jerry West, Walt Bellamy et Jerry Lucas. Et ceux-là, forcément, firent respecter la loi du plus fort.

Article paru dans BasketNews en juillet 2010

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« M. Jones, nous venons vous prévenir que nous n’avons pas l’intention de jouer notre match contre le Brésil demain soir. »

Renato William Jones, tout puissant secrétaire général de Fédération internationale, manque de s’étrangler et de laisser tomber son éternel cigare. Ces Américains n’ont pas l’air de plaisanter. S’ils déclarent forfaits, ça ferait une sacrée bouffonnerie. Ça ficherait par terre la réputation de ce Championnat du monde qui n’en est qu’à sa deuxième édition, et qu’il a voulu, lui, William Jones.

« Mais ce n’est pas possible ! Vous n’avez pas le droit de faire ça ! D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi vous abandonneriez sans lutter un titre que vous avez à la portée de la main. »

« Pour nous, le basket-ball est avant tout un jeu et un moyen de communiquer avec des gens différents de nous. Mais peut-on encore parler de jeu, et de communication, devant les manifestations d’hostilités qui nous sont quotidiennement adressées ? »

Oscar Furlong

Au Maracanazinho

C’est lors du congrès de la FIBA à Londres, en 1948, que William Jones, qui avait exercé de hautes fonctions à l’UNESCO, avait concrétisé son projet d’un Mondial de basket. La première édition avait été confiée deux ans plus tard à l’Argentine

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Photo d’ouverture: équipe des Etats-Unis de 1959.

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