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Rétro Coupe du monde – 1970, 74 et 78 : La construction de l’empire yougo

Si les fondations de la domination de la « Yougoslavie » sur le basket FIBA – et même au-delà – remontent aux années 60, quand les Plavi ont conquis leurs premières médailles, c’est en 1970, à Ljubljana, qu’elle s’est concrétisée, lors du 6e championnat du monde (victoire sur le Brésil en finale). E

Si les fondations de la domination de la « Yougoslavie » sur le basket FIBA – et même au-delà – remontent aux années 60, quand les Plavi ont conquis leurs premières médailles, c’est en 1970, à Ljubljana, qu’elle s’est concrétisée, lors du 6e championnat du monde (victoire sur le Brésil en finale). Elle s’est confirmée en 1974 (argent) puis en 1978 (or, encore). Histoire d’un mythe.

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LJUBLJANA 1970

Naissance d’une nation de basket

La première grande victoire de la Yougoslavie est née d’une hérésie. Et d’une déception. En 1964, à l’Euro juniors, à Naples, les protégés du coach Ranko Zeravica terminent à une décevante 6e place. Zeravica en conclut qu’il faut en finir avec l’idée que le basket appartient à tout le monde. Son crédo : une équipe nationale doit être composée des meilleurs éléments d’une génération, une sélection stricte doit se mettre en place et les résultats doivent primer. Zeravica raisonne en termes d’élite. D’autant plus que le basket change, sous l’influence des Américains, et il faut en tenir compte. Dans la Yougoslavie titiste, c’est un saut dans le vide. Soutenu par les têtes pensantes de la fédération, notamment Borislav Stankovic, Zeravica se voit offrir les outils pour mettre en application ses idées. On le nomme, en 1966, coach de l’équipe nationale senior, à la suite du Professeur Nikolic.

Ranko Zeravica obtient que le championnat de Yougoslavie soit interrompu en novembre chaque année pour permettre, dès 1966, d’organiser les fameuses tournées des Plavi aux États-Unis, où les Yougos disputent une dizaine de matches contre les meilleures formations universitaires. Une expérience qui permet aux Plavi de progresser à une vitesse exceptionnelle. En 1968, le coach, qui s’occupe aussi des U19, obtient l’argent dans cette catégorie, ne s’inclinant que contre l’URSS. C’est cette équipe espoir qui sera la base de la sélection senior couronnée en 1970. Il y a là Kresimic Cosic, Dragan Kapicic, Ljubodrag Simonovic, Damir Solman, Aljosa Zorga… Mais pas Radivoj Korac. L’homme qui, un soir de coupe d’Europe, marqua 99 points contre l’Alvik Stockholm, disparut le 2 juin 1969 dans un accident de la route, près de Sarajevo.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=6&v=gbOKxPxDSJo

Au moment de construire son équipe pour le Mondial de Ljubljana, Zeravica est face à un dilemme. Doit-il choisir Vladimir Cvetkovic, la star de l’Étoile Rouge et idole du pays après avoir marqué les lancers-francs qui éliminèrent l’URSS en demi-finale des Jeux de Mexico ? Ou bien Ivo Daneu, homme lige de la sélection des années 60 et icône dans la « capitale » slovène, qui ne supporterait pas de voir son protégé écarté du Mondial ? Les deux hommes se détestent et en sont déjà venus aux mains. Le coach finit par choisir Daneu. Avec des joueurs de complément nommés Petar Skansi, Dragutin Cermak et Rato Tvrdic, Zeravica pense avoir une équipe complète, d’autant que ses jeunes pousses ont déjà goûté au plus haut niveau (Mondial 67 pour Cosic, Jeux 68 pour Cosic et trois autres, etc.). L’avenir va lui donner raison.

Kresimir Cosic règne

Pour la première fois dans l’histoire, le Mondial quitte le continent sud-américain et s’installe en Europe, d’abord à Sarajevo, Karlovac et Split pour le tour préliminaire puis, donc, dans le Tivoli de Ljubljana pour la phase finale, qui fait le plein (8 000 spectateurs) et s’enflamme. Le politicien local et président du comité d’organisation, Stane Dolanc, a réussi son pari de séduire Tito, qui en fera un proche conseiller par la suite.

Pour les Plavi, tout débute contre la terrible Italie, celle de Carlo Recalcati (22 points) et des Varésans Meneghin, Flaborea, Zannata et Rusconi. Un homme éclaire le jeu. Un pivot comme on n’en a jamais vu, qui court comme un arrière, shoote comme un ailier, distribue le jeu comme un meneur et fait la loi sous le cercle : Kresimir Cosic. Le sophomore de l’université de Brigham Young marque 27 points, contrôle le match et la Yougoslavie bat l’Italie 66 à 63.

La défaite du dernier jour contre l’URSS (72-87) n’y change rien. C’est la joie. Partout, les jeunes tombent amoureux de ce sport…

Contre le Brésil (victoire éclair 80-55), Kresimir Cosic et ses 19 points sont presque éclipsés par le jeune Simonovic. Ce garçon de 21 ans et 1,96 m peut jouer les trois positions extérieures. L’arrière de l’Étoile Rouge a une technique parfaite et est un modèle d’élégance. Sa carrière internationale sera toutefois stoppée nette en 1972 quand, ulcéré de perdre contre Porto-Rico aux Jeux de 1972, alors que des joueurs portoricains seront contrôlés positifs après la rencontre, il quitte le village olympique sans se retourner.

Ensuite, c’est la Tchécoslovaquie de Jiri Zidek (le père) qui se présente. Elle tient une mi-temps puis craque (84-94) face aux assauts des intérieurs Cosic (18 points), Vinko Jelovac (15 points) et Skansi (12 points). L’Uruguay ne fait pas plus le poids (45-63), la défense yougoslave montant sérieusement en régime au fil du tournoi. La formule (une poule finale unique, pas de playoffs) donne au match suivant, contre les États-Unis, des allures de finale. Un succès et les Plavi seraient assurés de la couronne mondiale, les Américains ayant failli contre les Italiens mais ayant aussi rendu service aux Yougos en battant l’URSS (qui avait également craqué contre le Brésil)…

La partie est acharnée mais, poussés par les furieux du Tivoli, les Plavi gardent les commandes, sous la houlette de Cosic (15 points), Skansi (14 points) et du meneur Nikola Plecas (12 points). Les jeunes Américains ont du talent (16 points pour Michael Silliman et 15 pour Kenny Washington notamment) mais Bill Walton, bizarrement, est cloué sur le banc. Dans l’euphorie générale, la Yougoslavie bat les USA 70 à 63 et s’empare du sceptre mondial. La défaite du dernier jour contre l’Union Soviétique (72-87) n’y change rien. C’est la joie. Partout, les jeunes tombent amoureux de ce sport et y jouent à chaque coin de rue, la télévision commence à diffuser les matches de la ligue yougoslave… C’est parti. Ce Mondial, toutefois, se termine sur une note triste car le pivot Trajko Rajkovic, 33 ans, décède d’une crise cardiaque juste après le tournoi. Il avait eu des alertes pendant la compétition mais le staff médical n’avait pas pris la chose au sérieux…

Photo: Kresimir Cosic

SAN JUAN 1974

Pour une poignée de paniers

Il existe alors une règle en Yougoslavie. Quand le coach des Plavi part, c’est celui des « jeunes » qui le remplace. Une habitude d’une logique implacable, quand on y réfléchit, le basculement des générations étant la garantie de continuité. Ainsi donc, lorsque Zeravica démissionne après la décevante 5e place aux Jeux de Munich en 1972, c’est Mirko Novosel, entraîneur des juniors et des espoirs, qui prend la main. Champion d’Europe avec les jeunes en question, le « Croate » Novosel fait triompher les Plavi senior à l’Euro 1973, à Barcelone, après avoir lancé Dragan Kicanovic et le super pivot de Split, Zeljko Jerkov. Tout est en place pour le Mondial 1974, qui se tient à Porto-Rico.

Zoran « Moka » Slavnic

D’autant que Novosel n’hésite pas à inviter Zoran Slavnic et Drazen Dalipagic, deux joueurs en marge car le premier avait été exclu, contre toute attente, par Zeravica et le second était passé au travers des mailles du filet fédéral, n’étant pas sélectionné dans les catégories de jeunes. « Moka » Slavnic, l’enfant terrible de l’Étoile Rouge, leader naturel et joueur bouillant, serait le meneur de jeu des Plavi de Novosel. Dalipagic, doté d’un beau physique pour un ailier, et fort scoreur, en serait l’un des bras armés. Seule surprise : la non-sélection du prodige Mirza Delibasic. Objectif : battre l’URSS, championne olympique à Munich. Comme en 1970, c’est une poule finale qui décidera de l’identité du champion. La Yougoslavie serait, officieusement, la meilleure équipe mais la formule la repousserait à la deuxième place, derrière l’ennemi soviétique…

La zone press des USA

Les Plavi attaquent fort contre le Brésil (80-64), après pourtant avoir été menés de quatre points à la mi-temps. Onze joueurs marquent, dont le solide pivot de Radnicki, Milun Marovic (2,07 m), auteur de 14 points, tout comme Plecas. Contre Cuba (101-83), c’est Kicanovic, 19 ans, qui remplit le panier (18 points), aidé par Cosic toujours (14 points). « Kica » allait devenir un héros dès le lendemain, lors du choc attendu contre l’URSS. Le match est acharné et le futur scoreur du Stade Français Paris fait la décision (82-79) avec ses 19 points. Moka Slavnic montre pourquoi il a été appelé (13 points) et Cosic est, comme toujours, un seigneur (15 points). Pour la première fois depuis le Mondial 1963, les Plavi battent les Soviets, malgré les efforts d’Alexander Belov (19 points) notamment. C’est la voix royale vers le doublé. Malheureusement…

Porto-Rico, après la polémique de 1972, est puni (93-85) lors de la 4e journée. Mais pas le Canada. Les Nord-Américains, largués à la mi-temps (-14), font un retour tonitruant et les Plavi ne sauvent leur peau (102-99) qu’à la faveur d’une prolongation lors de laquelle Kicanovic joue les héros (34 points au final). La Yougoslavie a déjà en tête le match du sacre, contre les États-Unis. Tout se passe comme dans un rêve. Les Plavi mènent 50 à 41 à la pause, Kicanovic enfourne les paniers (19 points) mais… La Yougoslavie s’emmêle les pinceaux dans la zone press de la dernière chance des Américains et craque en fin de match, de trois points (88-91). Dès lors, peu importe qu’ils battent l’Espagne (victoire 79-71, 16 points pour Cosic, 15 pour Kica et 14 pour Moka), le titre s’est envolé. L’URSS et les USA s’affrontent en effet pour la couronne et les Soviétiques ont le dernier mot. Les trois équipes phare doivent être départagées par un calcul de mini-championnat à trois, dont l’URSS sort vainqueur, devant la Yougoslavie puis les USA. La troisième médaille d’argent mondiale pour les Plavi, après 1963 et 1967. En attendant de venger l’affront, quatre ans plus tard, aux Philippines…

Photo: Dragan Kicanovic

MANILLE 1978

Le pouvoir absolu

le Professeur Nikolic est revenu au « pouvoir ». Mais, bien que champion d’Europe en 1977 à Liège, il n’est plus en odeur de sainteté. Au sommet de la fédération, des dissensions ethniques, déjà, se font jour. Certains estiment qu’il est temps pour les coaches croates et slovènes d’avoir les clés, quand bien même Novosel était croate. On impose d’ailleurs à Nikolic de « choisir » Skansi le Croate comme assistant. Le Professeur est vexé, il veut tout plaquer. Mais il se ravise. Bien lui en prend. La Yougoslavie, sous son règne finissant, va reconquérir, aux Philippines, son sceptre mondial. Cosic, Kicanovic, Slavnic, Dalipagic et Jerkov sont encore là, bien évidemment, et le Professeur compte, en sus, sur Dalipagic et le pivot de l’OKK Belgrade, Rajko Zizic. Sont intégrés aussi le centre du Bosna, Ratko Radovanovic, les ailiers-forts Andro Knego (Cibona) et Duje Krstulovic (Split), l’ailier gaucher Branko Skroce (Zadar) et un jeune meneur de jeu de talent, venu de Split, Peter Vilfan. Le groupe est talentueux au possible, complet, au point physiquement et mentalement. Ça va se voir…

D’autant que le Professeur, toujours en pointe, impose une préparation musclée longue de quatre mois et demi ! Ses Plavi partent en tournée aux USA, y affrontent les meilleures facs, puis écument l’Europe pour des matches « amicaux », montent dans les collines bosniennes pour blinder les corps, puis finissent leur préparation commando sur la côte adriatique. Cette dernière partie est la touche finale. Le Professeur sait qu’à Manille, la température et l’humidité seront extrêmes. Alors il enferme ses joueurs dans une salle surchauffée et exige que l’on humidifie les gradins, afin que l’humidité, coincée à l’intérieur du bâtiment, devienne insupportable. Deux fois par jour, les Plavi se mettent minables dans cette étuve. Ils serrent les dents. C’est dur. Mais ils sont prêts.

De fait, au tour préliminaire, les Yougos font du petit bois du Sénégal (99-64), de la Corée du Sud (121-85) et du Canada (105-95). Ils attendent avec impatience le tour final, dans la salle géante « Araneta Coliseum », où 30 000 spectateurs les attendent. Peu importe, en ouverture de cette phase, ils écartent les Philippines (117-101) avec 31 points de Dalipagic, 20 de Radovanovic, 17 de Delibasic et 15 du musculeux Krstulovic. Le lendemain, l’Italie est pareillement désossée (108-76) avec 29 points de Dalipagic et 21 de Kicanovic. Le choc contre les USA ? Maîtrisé (100-93). Les « Athletes in Action » subissent les coups de poignet de Dalipagic (28 points) et Slavnic (14 points). Après les USA, l’URSS. Même sanction (105-92). Les tenants du titre, cornaqués par le Colonel Gomelski, se font mitrailler par une infernale paire de pistoleros : 37 points de Dalipagic et 34 de Kicanovic ! Cinquième défaite de rang des Soviets contre les Plavi.

Ils choisissent leur adversaire !

Le match suivant est étrange, à cause de la formule (poule unique puis finale entre les deux premiers). Déjà sûrs de rallier la finale, les Plavi peuvent choisir leur adversaire pour cette occasion. S’ils battent le Brésil, ça sera l’URSS mais s’ils laissent le Brésil gagner, l’URSS sera éliminée et la Yougoslavie rejouera le Brésil en finale. Le match est accroché, les Yougoslaves en-dessous de leur niveau. Mais finalement, leur âme de compétiteur reprend le dessus et les Plavi, avec 43 points de leur paire de marqueurs, effacent le Brésil (91-87). Pour le dernier match de poule, sans importance, le Professeur donne du temps de jeu à ses joueurs les moins en vue. L’Australie est quand même battue (105-101) et le jeune Vilfan en profite pour soigner ses statistiques (28 points), de même que Zizic (22 points) et Skroce (20 points).

Seulement voilà, à force de calculer et de jouer avec le frein les derniers matches, les Plavi sont moins en rythme au moment d’affronter l’URSS en finale. Slavnic, une grande gueule, est pourtant confiant puisque, lors de l’échauffement, il s’approche de la vedette Sergei Belov et lui lance : « Hey, Sergei ! Nous sommes meilleurs, vous n’avez aucune chance. On va vous démonter ce soir. » Moka a tort. L’URSS est une grande nation de basket et ses membres sont des champions et des compétiteurs. Et les tenants du titre ! Ils reprendront d’ailleurs leur bien quatre ans plus tard à Cali, en Colombie.

De fait, le match est accroché. Le plus serré, avec la finale 2002 à Indianapolis entre la Yougoslavie et l’Argentine. À la pause, tout est à faire (41-41). À la fin du temps règlementaire aussi (73-73). En prolongation, les Plavi serrent la défense, Dalipagic, futur MVP du tournoi, marque (21 points), tout comme Kicanovic (17 points), et la Yougoslavie, dans la douleur, décroche le titre, sur le score de 82 à 81. Cela a été dur, beaucoup plus que prévu, mais c’est la logique qui prévaut. Celle d’une génération fabuleuse. Il faudra d’ailleurs aux Plavi une grosse décennie de disette pour monter une équipe équivalente, celle des Petrovic, Kukoc et Divac. Mais c’est une autre histoire…

Photo d’ouverture: Kresimir Cosic

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LJUBLJANA 1970

Naissance d’une nation de basket

La première grande victoire de la Yougoslavie est née d’une hérésie. Et d’une déception. En 1964, à l’Euro juniors, à Naples, les protégés du coach Ranko Zeravica terminent à une décevante 6e place. Zeravica en conclut qu’il faut en finir avec l’idée que le basket appartient à tout le monde. Son crédo : une équipe nationale doit être composée des meilleurs éléments d’une génération, une sélection stricte doit se mettre en place et les résultats doivent primer. Zeravica raisonne en termes d’élite. D’autant plus que le basket change, sous l’influence des Américains, et il faut en tenir compte. Dans la Yougoslavie titiste, c’est un saut dans le vide. Soutenu par les têtes pensantes de la fédération, notamment Borislav Stankovic, Zeravica se voit offrir les outils pour mettre en application ses idées. On le nomme, en 1966, coach de l’équipe nationale senior, à la suite du Professeur Nikolic.

Ranko Zeravica obtient que le championnat de Yougoslavie soit interrompu en novembre chaque année pour permettre, dès 1966, d’organiser les fameuses tournées des Plavi aux États-Unis, où les Yougos disputent une dizaine de matches contre les meilleures formations universitaires. Une expérience qui permet aux Plavi de progresser à une vitesse exceptionnelle. En 1968, le coach, qui s’occupe aussi des U19, obtient l’argent dans cette catégorie

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Article paru dans BasketNews en 2010

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