Aller au contenu

[REDIFF] Interview – Paoline Salagnac (LDLC ASVEL): « Faire de notre passion notre métier, ce n’est pas donné à tout le monde »

À 35 ans, Paoline Salagnac (1,76m) n’est pas rassasiée et la capitaine de l’ASVEL possède un moteur qui semble inaltérable.

À 35 ans, Paoline Salagnac (1,76m) n’est pas rassasiée et la capitaine de l’ASVEL possède un moteur qui semble inaltérable.

[arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »]

Vous êtes la joueuse ayant marqué le plus de points de l’histoire de la ligue féminine et la deuxième au nombre de matchs joués derrière Céline Dumerc. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

(Rires) Ça m’inspire que si je ne veux pas mettre le nom vieillesse, ce sera fidélité. C’est aussi une certaine fierté de toutes ces années passées, ça rappelle plein de bons moments. C’est bien. Ça montre aussi que l’on est sur la fin mais ça permet d’apprécier les choses encore plus.

Chaque année est une petite goutte supplémentaire de plaisir ?

Exactement car on se rend compte que l’on a le bonheur de faire quelque chose d’exceptionnel. Faire de notre passion notre métier, ce n’est pas donné à tout le monde. On se rend compte qu’il y a beaucoup de joueuses que l’on a connu qui ont déjà pris leur retraite et du coup on apprécie le moment en se disant que l’on a la chance de pouvoir encore le faire. On apprécie les choses différemment d’il y a 10 ou 15 ans quand j’étais la petite jeune qui arrive à l’Open.

Vous avez une musculature sèche qui est peut-être davantage faite pour durer ?

C’est possible.

Après toute ces années, ce n’est pas trop dur en se réveillant le matin au niveau des articulations ?

Il y a des jours où forcément ça tire un peu mais je me suis toujours dit que le jour où le matin ça sera dur et mentalement aussi, j’arrêterai car pour moi le basket c’est un plaisir, mon bonheur, et je ne veux pas y aller à reculons ou même souffrir. J’ai eu la chance durant ma carrière d’être épargnée par les blessures. Je touche du bois ! Mon corps a moins trinqué que pas mal de joueuses, ce qui me permet aussi d’être encore là actuellement. Oui, je pense avoir la chance d’avoir ce corps-là.

L’une de vos forces, c’est la pointe de vitesse. Elle est toujours la même ?

Je pense, j’espère, en tous les cas je fais tout pour, je continue de travailler ça. Et j’espère que je vais l’avoir toute la saison ! (rires)

Vous portez un protége-dents, c’est à cause de votre jeu casse-cou ?

Je les ai toutes et je compte bien les garder jusqu’à la fin de ma carrière ! C’est important d’avoir toutes ses dents pour le sourire. Lors de l’une de mes premières années en pro, j’ai eu l’expérience de prendre un coup dans les dents et ça m’a fait très peur. Et juste après, j’ai vu une situation où une fille perdait quatre dents en plein match. Je sais, ce n’est pas beau, je me déteste avec ce protège-dents mais si ça peut me permettre de garder mes dents jusqu’au bout, je veux bien vivre avec ça.

Est-ce que la différence d’âge avec les plus jeunes se fait sentir d’autant que certaines joueuses ont à peine dix-huit ans ?

Bien sûr qu’on le ressent, on sait que l’on n’est pas de la même génération. A quelques années près, ça pourrait être mes filles. Mais, au contraire, je trouve que c’est hyper enrichissant. Ce n’est pas dans tous les métiers où l’on a l’occasion de côtoyer des générations vraiment plus jeunes et elles m’apportent. Elles me permettent peut-être de rester plus jeune dans ma tête aussi, j’apprends d’elles, et j’aime aussi avoir ce lien de transmission. Pas de maman mais d’échanger, d’apporter mon expérience. C’est donnant-donnant. Elles m’apportent aussi par leur jeunesse, leur fougue, leur envie, leur insouciance. Je me rends compte que j’ai créé des amitiés avec des joueuses qui sont bien plus jeunes que moi, que ma sœur, qui sont des enfants. En fait, l’âge, on l’oublie car on fait la même chose alors que je pouvais penser ne pas avoir de relations d’amitié avec des gens très jeunes. Notre sport fait que tout ce mélange et que l’on oublie les âges comme elles doivent oublier le mien à certains moments.

C’est vraiment la génération des réseaux sociaux, c’est ça qui les caractérise ?

Oui, c’est une génération qui est plus réseaux sociaux mais nous aussi. Mais peu importe l’âge, tout le monde apporte à chacun. Ce n’est pas parce que l’on est plus ancien que l’on est au-dessus. Je suis contente de vivre ça.

Photo: FIBA
« Faire une formation même en 5 ou 6 ans sans avoir une charge de travail trop importante pour avoir au bout un diplôme intéressant, c’est bien. »

On vous voit parfois dans la saison aux matches des garçons de l’ASVEL. Vous avez un sentiment d’appartenance au même club ?

Bien sûr. Ce sont deux entités différentes mais c’est le même club, une même famille comme on a l’occasion de le dire. On suit les garçons et ils nous suivent, on vibre les uns pour les autres. Quand on est champions, ils sont derrière nous et nous de la même manière quand ils le sont à leur tour. C’est le club qui est champion, nos projets sont en parallèle mais ont une base commune avec la même volonté d’atteindre le haut niveau et de performer au niveau national et européen. Il y a beaucoup de choses qui sont faites pour que l’on apprenne à se découvrir, en dehors d’assister aux matches, des moments où les deux équipes sont conviées et qui permettent d’échanger, de connaître leur ressenti, d’avoir des relations tout simplement humaines.

Vous avez aussi désormais le même naming, LDLC ASVEL. On va donc parler pour vous aussi d’ASVEL plus que de Lyon ?

Lyon reste sur le maillot (elle en montre un avec le nom de la ville en grand sur la poitrine). C’est le maillot de championnat. Lyon sera toujours mis en avant même s’il ne figure plus sur le naming. On est de toute façon toujours basé à Mado-Bonnet qui est en plein 8e de Lyon.

Cet été, vous êtes allées à San Antonio pour faire un stage dans les installations des Spurs et vous avez été accueillies chez Tony Parker. C’était comment ?

On a fait un team building de début de saison où il nous a invités à nous retrouver à San Antonio. C’était super. C’était la première fois que j’allais aux États-Unis et donc c’était une nouveauté. Tony sait recevoir et il nous a fait découvrir son environnement. On a passé une journée chez lui et après on avait un hôtel à côté. On a pu aller au centre d’entraînement des Spurs, on a partagé des moments de simplicité tous ensemble et c’était bien après la trêve de l’été de se retrouver dans un autre cadre que dans une salle. C’était pour recréer notre groupe et se rappeler ce que l’on avait vécu ensemble de fort pour partir sur quelque chose de nouveau cette année. C’était quelque chose d’exceptionnel. On a pu s’entraîner avec Tim Duncan, rencontrer Manu Ginobili, discuter avec eux. J’ai beau avoir 35 ans, j’étais sur un petit nuage, j’avais les yeux d’enfant de sept ans. Tout est bien agencé mais ce n’est pas disproportionné, ça reste fonctionnel. Il y a une salle de kiné qui est ouverte sur la salle de muscu et le terrain et du coup les blessés sont quand même un lien avec les athlètes qui sont sur le terrain. Il n’y a pas de fioritures, de too much.

L’une de vos nouvelles équipières, Marine Johannès était en WNBA. Vous avez suivi ses matches ?

Michelle Plouffe et Alysha Clark nous ont retrouvés là-bas mais pas Marine car elle avait des matches à ce moment-là. Pour être honnête, l’été, je déconnecte un peu du monde du basket, je profite de plein d’autres choses, mais j’ai vu les performances qu’elle a fait, quelques petits reportages mais sans tout suivre.

Son jeu, ses passes audacieuses, vous ont surpris à l’entraînement ?

On la connaît. J’ai évolué un an déjà à Bourges avec elle. Je sais ce dont elle est capable, c’est une joueuse surprenante, talentueuse, on sait qu’elle aura le geste auquel on ne s’attend pas… C’est peut-être moins surprenant qu’il y a trois-quatre ans où elle surgissait. On se disait « c’est qui cette petite ? Qu’est-ce qu’elle nous fait ? » On la connait plus mais ses gestes sont toujours agréables, très appréciables. C’est un talent.

En raison de la saison WNBA et de l’AmericaCup, plusieurs joueuses ne sont arrivées qu’en cours de préparation. C’est un handicap ?

Les calendriers qui se chevauchent, le fait d’avoir des joueuses performantes qui évoluent sur différents championnats comme la WNBA, les équipes nationales, comme nous on avait Clarissa Dos Santos qui était avec le Brésil, le 3×3 avec Michelle Plouffe qui était avec le Canada, c’est vrai que notre préparation a été un peu tronquée. On n’a récupéré la totalité de notre équipe que trois jours avant l’Open et c’est vrai que ça perturbe une préparation mais on commence à être habitué. Ça fait deux ou trois ans que c’est comme ça. C’est le jeu, on veut avoir de grosses joueuses alors on a cet inconvénient en parallèle.

Dans votre équipe, une majorité de joueuses a joué en Euroleague ?

Tout à fait. C’est une première pour le club mais le staff (NDLR : Valéry Demory et Guy Prat à Montpellier) a déjà connu l’Euroleague, Héléna Ciak l’a déjà gagné, Marine Johannès, Clarissa Dos Santos, Alyssa Clark, Ingrid Tranqueray, moi, on y a joué. On sait ce qui nous attend, on connaît le niveau de ce championnat, l’exigence que ça impose. On sait qu’il faut travailler dur pour performer à ce niveau-là. On compte bien faire une très belle saison.

Les garçons de l’ASVEL goûtent à l’Euroleague avec 34 matches de saison régulière. Il y en a moins chez les filles mais forte de votre expérience à Bourges, avez-vous prévenu vos équipières que c’est éprouvant ?

Ce n’est pas comparable aux garçons pour qui c’est un double championnat. On a beaucoup de matches mais on est habitué. En Eurocup, on avait déjà deux matches par semaine. Ce qui va différer, c’est l’intensité des matches et forcément l’accumulation de fatigue est plus élevée. D’où l’importance d’avoir une équipe complète avec beaucoup de joueuses qui peuvent se relayer, avec des postes doublés, pour compenser cet état de fatigue qui peut arriver à certains moments de la saison. On veut jongler sur les deux compétitions et être performantes dans les deux.

À propos du nombre de matches en Ligue Féminine, vous allez jouer encore combien de saisons pour le porter à des hauteurs inaccessibles ?

(Rires) Je ne suis pas du genre à me projeter très loin. Je suis pour un an à Lyon et j’ai envie de savourer ce moment à fond. On verra le moment venu si le physique et l’envie sont toujours là. Je compte bien faire une belle saison et soulever encore ce trophée et après on verra la suite.

Vous avez fait des études pour être institutrice. C’est toujours d’actualité ?

J’avais commencé pour faire professeur des écoles mais j’ai un peu changé d’orientation, je suis entrée en formation à distance sur le management. Je fais ça en ligne, des conférences, etc. Je suis en webcam, il y a le professeur, j’interviens, et il y a aussi beaucoup de travaux de groupe. Je suis dans un groupe de cinq avec un autre sportif, quelqu’un d’autre qui est dans l’informatique, un autre qui est PDG, ce sont des univers différents. C’est enrichissant. J’ai des échéances quotidiennes. Par exemple, j’ai un devoir à rendre pour lundi (NDLR : surlendemain de match) et ça demande de s’organiser, de travailler. On est suivi car on est en contact perpétuel avec les enseignants qui, si on a un souci, adaptent, nous aident.

La disponibilité n’est pas évidente avec l’Euroleague ?

Non mais tous les cours auxquels je n’assiste pas, je peux les revisionner ensuite. Ça apporte de la flexibilité. Et si je ne peux pas suivre, on décale. Il n’y a pas de temps imparti. Je peux faire la formation en six mois comme en deux ans et demi. C’est un mode de fonctionnement qui essaye d’être compatible avec le sport de haut niveau plutôt que de partir au milieu d’un cours comme j’ai pu le faire par le passé. J’avais une licence en STAPS et j’avais préparé un Master quand j’étais à Tarbes. Là, je peux travailler mes cours dans le bus ou chez moi le soir de 21h à 23h. J’adapte en fonction de mon emploi du temps. Ça me permet de préparer la suite, le faire en amont ça permet d’être plus serein dans ce que l’on fait, de mieux appréhender ce moment qui peut être difficile, la reconversion. C’est un inconnu pour nous, sportifs. C’est un peu le discours que j’essaye d’avoir avec tous les gens avec qui je parle, les jeunes. On sait qu’une carrière ça va vite.

Vous, filles, avez la faculté de continuer vos études en étant basketteuses professionnelles, en jouant l’Euroleague, que n’ont pas les garçons ?

Je ne sais pas si c’est une faculté ou dans notre tête plutôt une obligation. On sait que ce que l’on vit tout de suite c’est important mais que l’on ne pourra pas ne rien faire derrière. On est peut-être plus prévoyantes. Je trouve qu’il y a de plus en plus de formations qui sont adaptées aux sportifs de haut niveau, ce qui n’était pas le cas il y a 10, 15 ans quand j’ai commencé. Il faut que les jeunes s’y intéressent, qu’on aille aussi les démarcher pour leur proposer ces formations. Faire une formation même en 5 ou 6 ans sans avoir une charge de travail trop importante pour avoir au bout un diplôme intéressant, c’est bien. C’est ma parole pour les jeunes !

x

[armelse]

Vous êtes la joueuse ayant marqué le plus de points de l’histoire de la ligue féminine et la deuxième au nombre de matchs joués derrière Céline Dumerc. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

(Rires) Ça m’inspire que si je ne veux pas mettre le nom vieillesse, ce sera fidélité. C’est aussi une certaine fierté de toutes ces années passées, ça rappelle plein de bons moments. C’est bien. Ça montre aussi que l’on est sur la fin mais ça permet d’apprécier les choses encore plus.

Chaque année est une petite goutte supplémentaire de plaisir ?

Exactement car on se rend compte que l’on a le bonheur de faire quelque chose d’exceptionnel. Faire de notre passion notre métier, ce n’est pas donné à tout le monde. On se rend compte qu’il y a beaucoup de joueuses que l’on a connu qui ont déjà pris leur retraite et du coup on apprécie le moment en se disant que l’on a la chance de pouvoir encore le faire. On apprécie les choses différemment d’il y a 10 ou 15 ans quand j’étais la petite jeune qui arrive à l’Open.

Vous avez une musculature sèche qui est peut-être davantage fait pour durer ?

C’est possible.

Après toute ces années, ce n’est pas trop dur en se réveillant le matin au niveau des articulations ?

Il y a des jours où forcément ça tire un peu mais je me suis toujours dit que le jour où le matin ça sera dur et mentalement aussi, j’arrêterai car pour moi le basket c’est un plaisir

[/arm_restrict_content] [arm_restrict_content plan= »unregistered, » type= »show »][arm_setup id= »2″ hide_title= »true »][/arm_restrict_content]

Commentaires

Fil d'actualité