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Aby Gaye, l’éternelle recalée des Bleues : « Ce sont des choix de coach que j’ai appris à accepter »

Aby Gaye (1,95 m, 26 ans) fait partie des 14 joueuses retenues pour les deux matches de qualification à l’EuroBasket 2023 contre l’Ukraine et la Lituanie. Va t-elle réussir à s’imposer définitivement dans la peinture bleue ?

Aby Gaye (1,95 m, 26 ans) fait partie des 14 joueuses retenues pour les deux matches de qualification à l’EuroBasket 2023 contre l’Ukraine et la Lituanie. Va t-elle réussir à s’imposer définitivement dans la peinture bleue ?

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Elle est sur orbite depuis 2014. Mais si elle a 16 sélections au compteur, Aby Gaye a été à chaque fois recalée quand il s’est agi de participer aux JO, à la Coupe du Monde ou au Championnat d’Europe. Après avoir été deux fois championne de France (avec Villeneuve d’Ascq en 2017 et Basket Landes en 2021), elle se retrouve cette saison dans l’un des meilleurs clubs d’Europe, à Sopron (Hongrie). Elle nous confie son adaptation, mais aussi la fierté d’avoir des origines sénégalaises ou encore sa lutte contre la dépigmentation de la peau.

C’est votre agent qui vous a proposé de rejoindre Sopron ou est-ce le club qui vous a contacté directement ?
C’est le club qui a été à la rencontre de mon agent. J’étais censé rester à Basket Landes, et puis j’ai reçu l’offre de Sopron*.

Un club qui a fait le Final Four, c’est flatteur ?
Oui, bien sûr. Sopron, c’est un très gros club et j’étais contente de recevoir cette proposition-là. C’est aussi le fait de mon travail, ce n’est pas un hasard.

Comment est Sopron de l’intérieur ? Qu’est-ce qui fait que c’est l’un des meilleurs clubs d’Europe ?
Déjà le budget (sourire). C’est souvent ça aussi la différence. Et puis, il y a de très bonnes infrastructures, un très bon suivi. On a un staff complet, et tout est mis en œuvre pour que les filles soient dans les meilleures conditions pour bien performer. Je ressens la différence avec tous les clubs que j’ai fait en France. Au niveau de la professionnalisation, Sopron est un cran au-dessus de l’ensemble des clubs français.

Vous êtes actuellement invaincu au niveau national (sept victoires en autant de matches), comme d’habitude ?
Chaque année, le club de Sopron domine le championnat. De temps en temps, quelques équipes viennent un peu le bousculer. Je pense à Szekszard, qui est aussi en Euroleague. Mais bien sûr, les objectifs sont en Euroleague, et le club a des ambitions dans cette compétition-là. Le président l’a dit, l’objectif est de gagner chaque match. On n’a pas le temps de s’ennuyer. L’Euroleague est très relevée et nous oblige à nous surpasser. On domine dans le championnat national, c’est vrai, mais ça nous permet de travailler pour préparer au mieux le match de l’Euroleague de la semaine.

Vous connaissiez un peu Gabby Williams avant d’arriver suite au stage de Toulouse avec l’équipe de France ?
On s’est rencontrées cet été dans le cadre de la préparation. On avait sympathisé. Ça aide bien sûr de connaître quelqu’un dans l’équipe, et elle parle français, elle était déjà dans le club avant, aussi elle peut me guider dans certains aspects. De parler français, ça change un peu de toujours parler anglais avec les autres coéquipières.

Cette expérience à l’étranger va vous bonifier ?
On apprend tous les jours n’importe où on se trouve, mais surtout le fait d’être à l’étranger me sort de ma zone de confort. Ça permet de me surpasser. On me demande des choses que je n’ai pas forcément l’habitude de faire. J’évolue dans un autre cadre, une autre culture, et ça me force clairement dans tous les sens à découvrir de nouvelles choses, de nouvelles personnes, d’autres façons de penser. C’est ça qui est plus dur que l’aspect sportif.

Photo : FIBA

C’est comment la vie en Hongrie ?
Ce n’est pas connu comme l’Espagne ou l’Italie. Il y a des spécificités, comme dans chaque pays. Au niveau du quotidien, il n’y a pas trop de différences avec la France, on est en Europe. C’est en terme de mentalité où c’est différent. Je dirai qu’en France, on est beaucoup plus ouvert. Les gens là-bas ont besoin d’appréhender plus l’autre avant de s’ouvrir, mais je n’ai pas ressenti d’hostilité de la part des gens dans la ville, dans le club. J’ai été très bien accueillie. Je m’adapte petit à petit. Sopron est une petite ville (NDLR : 62 500 habitants), mais la Hongrie ne fait que 10 millions d’habitants, donc à l’échelle hongroise, ce n’est pas si petit que ça. On est proche de la frontière autrichienne, Vienne est à une heure, Budapest à deux heures trente. C’est bien situé. La langue est très différente.

C’est impossible à apprendre le hongrois ?
Non, on a une Serbe dans l’équipe qui a réussi à l’apprendre ! Mais ce ne sont pas les mêmes racines, et pour apprendre, il faut vraiment s’y mettre (NDLR : le hongrois est l’une des rares langues d’Europe à ne pas avoir d’origine indoeuropéenne).

Etes-vous une équipe reconnue dans le pays sachant que le basket féminin est un sport important en Hongrie ?
Oui, bien sûr. Dans la ville, les gens nous reconnaissent, savent que l’on est basketteuse, surtout que moi, je suis très grande. Je n’irai pas jusqu’à dire que nous sommes des stars. Mais, en tous les cas, il y a une vraie ambition, une vraie politique de mise en place dans le sport féminin. Je l’ai dit, les infrastructures sont très bonnes à Sopron. C’est bien de voir que le sport féminin bénéficie de standards aussi haut.

« Je pense que pendant des années, la coach (NDLR : Valérie Garnier) a cherché un certain type de joueuse, et je ne correspondais pas à son plan »

À 19 ans, vous avez failli faire la Coupe du Monde 2014, mais il y a toujours eu un événement qui a fait que vous n’avez pas encore participé à une compétition avec l’équipe de France. En 2018, vous vous étiez blessée à la cheville. Cet été, vous avez été l’une des deux dernières coupées. Vous en n’avez pas un peu marre de ne pas faire partie du final cut ?
C’est vrai qu’au début ça pouvait être un peu frustrant car lorsqu’on vient en équipe de France, c’est évidemment pour y être. Mais, avec du recul, je relativise les choses car il y a des centaines de joueuses en France et il n’y a que douze places. Donc être déjà dans le groupe France, c’est une fierté pour moi. Il y a aussi beaucoup d’intérieures, une certaine concurrence, ce sont des choix de coach que j’ai appris à accepter. J’ai compris aussi que le fait d’être en équipe de France ou pas n’a pas d’impact sur ma valeur de joueuse. Je sais ce que je peux apporter, je connais aussi mes lacunes. Je pense que pendant des années, la coach (NDLR : Valérie Garnier) a cherché un certain type de joueuse, et je ne correspondais pas à son plan. Je l’ai toujours accepté car il y a énormément de très bonnes joueuses en France, et de mon côté j’ai continué à travailler, car bien sûr, c’est mon ambition d’être en équipe de France.

C’est difficile car il y a des intérieures très fortes, qui sont là depuis longtemps, et l’équipe de France est au sommet mondial. Le fait de jouer à l’étranger va t-il vous permettre de faire sauter le bouchon ?
Je ne sais pas, il faudra voir. C’est une question à poser au coach, pas à moi (sourire). Mais ce qui est sûr, c’est que comme chaque année, je participe avec enthousiasme, je vais surtout tout donner pour pouvoir prétendre être dans l’équipe, et puis ça sera le choix du coach, en fonction de ce qu’il recherche, de la forme de tout le monde, de beaucoup de paramètres en définitive.

Photo : FIBA

Vous êtes fière de vos origines sénégalaises et là vous avez en équipe de France un coach, Jean-Aimé Toupane, qui a les mêmes origines. On peut supposer que ça vous fait plaisir ?
Bien sûr, avoir quelqu’un de mon entourage proche qui est d’origine sénégalaise, ça fait toujours plaisir. Je suis fière d’être Sénégalaise, c’est là d’où je viens, mes parents, mes ancêtres, la moitié de ma culture (NDLR : Aby est née à Vitry-sur-Seine). Je connaissais le coach depuis quelques années déjà, et on avait eu l’occasion d’échanger notamment à ce sujet. Bien sûr ça me fait plaisir de voir un Sénégalais avec moi en équipe de France.

Vous organisez un camp pour les jeunes filles à Thiès ?
A Thiès, les deux premières éditions et la troisième édition, je l’ai faite à Louga entre Saint-Louis et Thiès, au Nord du Sénégal.

« Le colorisme, c’est le fait de hiérarchiser les personnes dans la même catégorie ethnique – les Noirs – en fonction de la couleur de peau »

Vous leur apprenez les fondamentaux du basket et vous les sensibilisez aussi sur le fait qu’il ne faut pas se dépigmenter la peau ?
Je ne dirai pas que je leur apprends les fondamentaux car ce sont déjà des licenciés. Etre basketteuse dans un club, c’est pour l’instant l’une des conditions. Elles travaillent avec des coaches locaux qu’elles connaissent pour la plupart car en fait, on prend une équipe locale pour ensuite recruter les joueuses. Et le petit plus que l’on apporte, c’est la partie éducative qui consiste à renforcer leur confiance, leur estime en elles-mêmes, dans le but premier de lutter contre la dépigmentation volontaire de la peau, qui est un phénomène assez répandu au Sénégal et dans pas mal de pays d’Afrique noire. C’est un procédé qui consiste à s’appliquer des produits chimiques par voie cutanée, ou orale ou par injection, afin de s’éclaircir la peau, et en conséquence de paraître plus claire, dans le but de répondre à des diktats de beauté, qui découlent du colorisme. Le colorisme, c’est le fait de hiérarchiser les personnes dans la même catégorie ethnique – les Noirs – en fonction de la couleur de peau. Plus on est clair et plus on est mieux vu. Les Sénégalais sont connus pour être assez foncés de peau et donc, beaucoup de femmes, pour répondre au diktat de la beauté, s’éclaircissent la peau pour paraître plus belles, plus séduisantes. C’est quelque chose que l’on veut casser. Ce sont des mentalités qui sont ancrées psychologiquement, et surtout il y a de vraies conséquences sanitaires. C’est responsable de pas mal de cancers de la peau, de mycoses, de diabète, d’hypertension artérielle. C’est un vrai problème de santé publique, qui n’est pas pris au sérieux aujourd’hui par les gouvernements sénégalais. Les filles sont réceptives. On recrute pour l’instant des filles qui n’ont pas encore commencé, et qui j’espère ne commenceront jamais. C’est une phase de l’adolescence où on se pose beaucoup de questions, on recherche son identité, et c’est pour moi le moment opportun de leur dire qu’elles n’ont pas besoin de faire tout ça pour être jolie. Simplement, restez vous-même, les autres sont déjà pris comme on dit.

Vous avez fait des études de droits et Sciences Po ?
J’ai arrêté les études de droit rapidement car ça ne me correspondait pas forcément, le modèle n’était pas adapté à une sportive de haut niveau comme moi. Mais j’ai pu ensuite intégrer Sciences Po qui propose un diplôme pour les sportifs de haut niveau, et j’ai pu le terminer en octobre 2020. Je me consacre pleinement maintenant à ma carrière et à mon association. C’est le cursus que Diandra (Tchatchouang) est en train de faire. J’attends la fin de ma carrière pour faire un Master de Sciences Politiques à Paris.

Vous avez l’ambition de faire ensuite de la politique ?
Je ne sais pas. Politique pour moi, ce n’est pas un métier ! (rires). J’ai d’autres ambitions entre-temps, alors peut-être dans quelques années, une autre vie…

Vous avez été conseillère municipale à 10 ans pour un programme pour la jeunesse ?
C’était à Créteil. Chaque classe se présentait, on était élu, et on allait représenter son secteur au niveau municipal. J’ai toujours aimé m’engager socialement, dès le plus jeune âge. Je pense que c’est vraiment en moi. Je m’occupais du Pole Solidarité. Le fait de partager, transmettre, ce sont des choses que j’ai toujours aimées.

*En Euroleague, Aby Gaye tourne à 6,4 points (51,7% aux tirs) et 6,0 rebonds en 21 minutes de moyenne sur 5 matches. Sopron en a gagné 4.

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Elle est sur orbite depuis 2014. Mais si elle a 16 sélections au compteur, Aby Gaye a été à chaque fois recalée quand il s’est agi de participer aux JO, à la Coupe du Monde ou au Championnat d’Europe. Après avoir été deux fois championne de France (avec Villeneuve d’Ascq en 2017 et Basket Landes en 2021), elle se retrouve cette saison dans l’un des meilleurs clubs d’Europe, à Sopron (Hongrie). Elle nous confie son adaptation, mais aussi la fierté d’avoir des origines sénégalaises ou encore sa lutte contre la dépigmentation de la peau.

C’est votre agent qui vous a proposé de rejoindre Sopron ou est-ce le club qui vous a contacté directement ?
C’est le club qui a été à la rencontre de mon agent. J’étais censé rester à Basket Landes, et puis j’ai reçu l’offre de Sopron*.

Un club qui a fait le Final Four, c’est flatteur ?
Oui, bien sûr. Sopron, c’est un très gros club et j’étais contente de recevoir cette proposition-là. C’est aussi le fait de mon travail, ce n’est pas un hasard.

Comment est Sopron de l’intérieur ? Qu’est-ce qui fait que c’est l’un des meilleurs clubs d’Europe ?
Déjà le budget (sourire). C’est souvent ça…

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Photo d’ouverture : Aby Gaye (FFBB)

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