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ITW Benoît Dujardin (Proballers / Momentum Productions) : « Il ne faut pas considérer que le travail est fait parce que la LNB a trouvé un diffuseur »

Bien connu des amateurs de basket français pour son site Proballers et pour les superbes magazines vidéo réalisés à Poitiers lorsque le club était en première division, Benoît Dujardin est à la fois un homme de l’audiovisuel et un passionné de basket. Qui porte un regard critique et constructif sur

Bien connu des amateurs de basket français pour son site Proballers et pour les superbes magazines vidéo réalisés à Poitiers lorsque le club était en première division, Benoît Dujardin est à la fois un homme de l’audiovisuel et un passionné de basket. Qui porte un regard critique et constructif sur les dernières annonces concernant l’exposition du basket français à la télévision ainsi que sur la problématique de lnb.tv, en expliquant ce que chaque club pourrait faire pour offrir un produit télévisuel de meilleure qualité qu’actuellement.

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Benoît Dujardin est une figure bien connue du milieu du basket français. On se souvient de l’émission « Vis mon match » qu’il avait initiée il y a une dizaine d’années avec le Poitiers Basket, faisant découvrir de l’intérieur la vie des joueurs de l’équipe. Mais, s’il ne s’occupe plus de Poitiers Basket depuis 2014, et qu’il a pour principale activité la gestion de Momentum Productions, une agence de production et de marketing digital créée en 2012, Benoît Dujardin est encore et avant tout un passionné de basket, qui a lancé en 2014 le site Proballers. En tant que professionnel de l’audiovisuel et du marketing en même temps qu’il est un amoureux de la balle orange, il porte un œil à la fois critique et constructif sur l’exposition du basket français (Betclic Élite, équipe de France, équipes en Euroleague).

Depuis un peu plus d’un mois, il y a une grosse évolution en matière de télévision pour le basket français : l’équipe de France est sur France Télévisions, les matchs de LDLC Asvel en Euroleague sur L’Équipe et, à partir du 24 décembre, la Betclic Élite sera sur BeIn Sports, qu’est-ce que ça vous inspire ?

À mon sens, ce sont d’excellentes nouvelles ! Le basket français va retrouver de la visibilité et, pour la LNB, de la qualité de production. Pour BeIn Sports, on peut imaginer que la qualité sera très élevée, c’est une grande chaîne sérieuse qui a plus de moyens que Sport en France. C’est très bien, mais ce n’est qu’une étape : il ne faut pas considérer que le travail est fait parce que la Ligue a trouvé un diffuseur qui retransmet les matchs. C’est un très bon point pour la Betclic Élite, mais ça n’empêche pas qu’il reste tout un travail à faire sur l’image. Je vois notamment deux grands chantiers :

1/ Améliorer la qualité de production de lnb.tv ;

2/ Une fois que cela sera fait, faire de nombreux programmes courts à diffuser sur les réseaux sociaux pour mettre en valeur le basket français.

Pourquoi pas commencer par un Top10, car le Top 10 qui existe actuellement, à base de matchs filmés en keemotion, ce n’est pas possible, la qualité d’image est trop faible. Ce serait une grosse erreur d’attendre que BeIn Sports fasse le travail sur le basket à la place de la Ligue et des clubs. Ou alors, nous allons connaître les mêmes désillusions qu’à chaque fois. C’est-à-dire que BeIn Sports va faire ce que la chaîne peut faire au mieux, mais son intérêt n’est pas que le basket français se développe. Elle est là pour se développer elle-même. Pour le moment, elle bénéficie gratuitement des droits de diffusion de la Betclic Élite, elle a juste la production à payer. Mais rien ne dit qu’elle continuera après cette saison si les audiences sont mauvaises. Et, à ce niveau-là, ce n’est pas au diffuseur de faire le marketing du basket, mais à la Ligue, à la Fédération et aux clubs.

Dans mes rêves les plus fous, tous les diffuseurs actuels (BeIn Sports, L’Équipe, Sport en France, les clubs pour lnb.tv) mettraient les images qu’ils tournent à la disposition de la Ligue, si possible en « clean », sans les logos et les scores. Et, dans l’idéal, la Ligue disposerait d’un ou deux monteurs qui rassembleraient tous ces images pour en extraire la matière permettant de faire des programmes courts (highlights, Top10, etc.) afin d’inonder les réseaux sociaux avec ces contenus.

Il faut vraiment vraiment travailler sur l’image et surtout ne pas se dire que le travail est fini parce qu’on a un contrat. C’est super, de passer sur BeIn Sports, mais ça fait pas tout. C’est une étape importante, bien réussie, mais on n’en est qu’aux 10 km d’un marathon (NDLR : 42,195 km).

En bref, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers et travailler de manière globale avec tous les acteurs du monde de l’audiovisuel impliqués ?

C’est tout à fait cela. Il faut vraiment que la Ligue travaille sur toutes les images pour réaliser les objets de promotion qui manquent pour le moment. On peut ainsi imaginer un Top 10 de bonne qualité, rassemblant des images mises à disposition par BeIn Sports, Sport en France, L’Équipe, lnb.tv et le diffuser à la mi-temps d’un match, par exemple. Mais cela n’est possible qu’avec des images de qualité, pas avec des rencontres filmées en keemotion.

« Je ne sais pas comment je pourrais amener mes amis qui découvrent le basket à regarder des matchs filmés de cette façon. »

Vous êtes très critique sur les contenus proposés sur lnb.tv, et notamment sur l’emploi de la keemotion (NDLR : une caméra qui filme automatiquement les rencontres) pour les matchs retransmis sur cette plate-forme ?

En tant que consommateur, je regarde des matchs sur lnb.tv en étant déprimé par la qualité de réalisation. Cela ne vise pas les clubs qui l’utilisent mais le système keemotion lui-même, qui n’est pas adapté au basket professionnel. Autant je prends beaucoup de plaisir à regarder l’Asvel ou Monaco sur Euroleague TV, qui a en plus de bons commentateurs, autant ce n’est pas plaisant de regarder un match en keemotion. Avec ce système, la caméra ne suit pas les contre-attaques, rate des dunks, le téléspectateur reste très loin de l’action, on a du mal à reconnaître les gens, ce n’est pas du tout satisfaisant. Je ne sais pas comment je pourrais amener mes amis qui découvrent le basket à regarder des matchs filmés de cette façon. Des clubs comme Roanne ou Le Mans font l’effort de proposer une vraie production de leurs matchs, mais ils ne sont pas bien nombreux dans ce cas.

« Je ne connais personne qui préfèrera regarder du basket à la télévision plutôt que dans une salle. »

Certains clubs (par exemple Saint-Quentin, qui continue cette saison, ou Blois) ont fait l’effort, la saison passée, de diffuser leurs matchs à domicile sur lnb.tv avec une production de qualité, souvent avec la collaboration d’une chaîne de télévision locale. Mais, cette saison, alors que le huis clos n’a plus court, on entend certains dirigeants dire qu’ils préfèrent diffuser leurs matchs en keemotion afin de ne pas affecter leur billetterie. Qu’en pensez-vous ?

Cette logique est effrayante ! C’est la stratégie de l’échec ! Le basket est un spectacle vivant. Je ne connais personne qui préfèrera le regarder à la télévision plutôt que dans la salle. Si c’est ça l’excuse, c’est qu’il y a quelque chose à revoir dans le spectacle dans la salle. Et je ne comprends pas cette réflexion de se dire que puisque les spectateurs peuvent revenir à la salle, il n’y a plus besoin de bien filmer les matchs. Pour moi, cela signifie « Vous ne voulez pas vous développer ? ». De plus, il y a des contre-exemples qui montrent que même un club à petit budget peut produire des images de qualité. Ainsi, Poitiers (avec qui je ne travaille plus depuis 7 ans) continue, alors que le club est en NM1, à proposer des retransmissions avec une belle réalisation, 4 caméras et 2 commentateurs. Ce n’est pas un investissement énorme de proposer ce genre de production, mais ça peut vouloir dire moins utiliser de pigistes médicaux, par exemple…

Un épisode de la série « Vis mon match » de 2008

En outre, ces matchs peuvent aussi intéresser des téléspectateurs d’autres régions que celle du club ?

Au football, 80 % des personnes qui suivent le PSG n’ont jamais été au stade à Paris, car ils suivent le club depuis toutes les régions de France. De même, en NBA, une étude a montré que 97 % de ses fans n’avaient jamais mis les pieds dans une salle, notamment à cause du prix du billet. Ce qu’il faut voir, c’est que si le spectacle proposé n’est pas bon, ce n’est pas la production télé le problème. Le véritable souci, c’est que le basket, et pas seulement le basket français, navigue à vue depuis 30 ans. On parle de la possible arrivée d’une ligue NBA en Europe, il y a des coupes d’Europe qui s’entredéchirent, etc. Il y a un vrai problème de vision, de prise de hauteur. En fait, à la base, le problème est qu’on n’est pas bien sûr que la LNB ou la FIBA aient défini leur raison d’être : « à quoi sert le championnat de France ? », « pourquoi les gens devraient-ils s’y intéresser ? », « à quoi servent ces quatre coupes d’Europe différentes ? », etc. Si le basket veut se développer, il faut qu’il y ait plus de monde qui le suive. Il est donc plus important de bien le marketer que de réfléchir à une énième formule du championnat. Mais est-ce qu’on travaille là-dessus ? Je n’en suis pas sûr. Il y a un produit dont on ne sait pas donner la définition, on ne sait pas comment le vendre, mais on espère que des gens vont l’acheter, et cher. À l’époque du contrat avec RMC, le basket français était « riche », touchait 10 millions d’euros par an. Mais on a reversé cet argent aux clubs, sans réfléchir à la promotion du basket, sur l’aspect digital, notamment. Il y a eu une grosse perte de temps. Aujourd’hui, il faut qu’on ait les images d’un match où un joueur marque du milieu du terrain ou celui où Untel marque 45 points. Il faut valoriser ces histoires. Actuellement, il n’est pas facile de trouver des highlights de Tony Parker lorsqu’il était à Paris ou des images de Rudy Gobert avec Cholet. C’est pour cela que filmer un match, cela sert à le diffuser en direct mais aussi à faire des images pour raconter notre sport, à garder une trace de ce magnifique spectacle.

Le coût d’une production télé de qualité : entre 10 000 et 20 000 €

Benoit Dujardin détaille l’équipement qui peut permettre à un club de réaliser une production de bonne qualité et son coût.

« Le minimum, c’est de prévoir trois caméras. La prempière, la « caméra n°1 », se place au centre du terrain, en hauteur. Elle filme en plan large, ce sont les images qu’elle capte que l’on voit la plupart du temps dans le match. Cette caméra peut être un appareil photo faisant également de la vidéo, on en trouve de très bon niveau aux alentours de 2 500 €. La « caméra n°2 », de même modèle, est positionnée à côté de la première, filmant sous le même angle mais en offrant un plan resserré sur le porteur de balle et son défenseur. Et la réalisation va pouvoir faire des zooms avec elle. Rien qu’avec ces deux caméras, on aurait une diffusion meilleure qu’en keemotion, le plan large étant géré par un humain, qui ne va pas rater une action en contre-attaque, lui. Pour la « caméra n°3 », il s’agit d’une « steady cam », une caméra stabilisée portative, qui permet de s’approcher du banc lors d’un temps mort ou de suivre un joueur qui rentre sur le terrain. Elle coûte dans les 700 euros. Si l’on veut aller plus loin, il faut deux caméras supplémentaires, au pied de chaque panier. Ce ne sont pas celles que l’on utilise le plus, mais elles permettent d’entrer dans l’action. Globalement, la diffusion se passe à 80 % du temps sur la caméra n°1, mais les 20 % qui restent sont importants, ils permettent de montrer des à-côtés, de faire des ralentis, etc.

En ce qui concerne la réalisation, il faut tout d’abord un mélangeur (environ 2 500 €) sur lequel les caméras se connectent en sans fil ou via un câble. Ce mélangeur récupère tous les flux son et image et envoie le flux sélectionné par le réalisateur à la plate-forme choisie, lnb.tv ou Youtube (il peut être envoyé à plusieurs plates-formes en même temps). À cela, il faut ajouter les casques micro pour le poste commentateur, ce qui coûte de 500 à 1 000 €. »

Si l’on fait le calcul, on peut donc tabler sur une addition comprise entre 8 700 € (deux caméras, une steady cam, un mélangeur, un casque micro) et 14 200 € (quatre caméras, une steady cam, un mélangeur, deux casques micro). Des sommes auxquelles il faudra ajouter les prestations des opérateurs (prise de vue, prise de son) et du réalisateur, ce qui doit représenter moins de 5 000 € par match. Comme le souligne Benoît Dujardin, « je suis seul dans ma société mais j’ai tout ce matériel. Un club devrait donc pouvoir y arriver ! »

Il est question qu’à un moment ou à un autre, lnb.tv devienne payant. Qu’en pensez-vous ?

Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Si l’on veut commercialiser lnb.tv, il faut que le produit intéresse les gens, que le contenu soit de qualité. Dans les années 80, la NBA donnait ses images aux chaînes de télé, à partir de productions de qualité. On sait où elle en est aujourd’hui. Cela démontre que si l’on veut vendre un bon produit, s’il faut commencer par le donner, alors donnons-le ! Et ensuite, quand il aura été valorisé et que le public le suivra, on pourra le faire payer. Avec une bonne production, on pourrait enregistrer plusieurs heures d’images à chaque match, pour faire des highlights et d’autres contenus du genre à diffuser sur les réseaux sociaux après la rencontre. Mais il faut que ce soit bien filmé. Si c’est en keemotion, ça ne sert à rien. Si tous les clubs avaient cette démarche de faire de bonnes images et les mettaient en commun, il y aurait des possibilités de narration incroyables. Avant un match, un club pourrait récupérer les images de l’adversaire qu’il va recevoir et mettre en avant tel joueur qui a mis X points le match précédent, faire des bandes annonce, raconter des histoires.

Peut-on imposer aux clubs l’équipement nécessaire à la production d’images de qualité et le partage de ces images ?

Je ne suis pas sûr qu’il soit possible de dire « c’est obligatoire pour tous les clubs de Betclic Élite et celui de Pro B qui ne veut pas s’équiper ne montera pas. » Il faut respecter le côté juridique mais, pendant ce temps, le sport ne se développe pas. Il faut arriver à faire bouger les lignes. L’une des solutions pourrait être d’en passer par les Labels décernés par la LNB, qui pourraient intégrer cet aspect dans leur attribution et ainsi inciter les clubs à s’équiper. Mais le problème reste que la Ligue ne peut rien imposer aux clubs, elle n’en a pas le pouvoir potentiel. Comme en plus elle n’a pas de droits télé à redistribuer, les clubs ne se sentent pas du tout obligés. Cela tient aussi au fait que les dirigeants de la LNB sont aussi des dirigeants de club, qui se préoccupent du prochain match et de la façon de boucler leur budget bien plus que de développer le basket. Si le seul but d’un dirigeant est que le club se maintienne, il ne mettra pas 20 000 € dans la production d’images de qualité, il les investira dans un nouveau joueur. Mais avec ce fonctionnement, on ne pourra pas y arriver.

Photo d’ouverture : Benoît Dujardin (DR)

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Benoît Dujardin est une figure bien connue du milieu du basket français. On se souvient de l’émission « Vis mon match » qu’il avait initiée il y a une dizaine d’années avec le Poitiers Basket, faisant découvrir de l’intérieur la vie des joueurs de l’équipe. Mais, s’il ne s’occupe plus de Poitiers Basket depuis 2014, et qu’il a pour principale activité la gestion de Momentum Productions, une agence de production et de marketing digital créée en 2012, Benoît Dujardin est encore et avant tout un passionné de basket, qui a lancé en 2014 le site Proballers. En tant que professionnel de l’audiovisuel et du marketing en même temps qu’il est un amoureux de la balle orange, il porte un œil à la fois critique et constructif sur l’exposition du basket français (Betclic Élite, équipe de France, équipes en Euroleague).

Depuis un peu plus d’un mois, il y a une grosse évolution en matière de télévision pour le basket français : l’équipe de France est sur France Télévisions, les matchs de LDLC Asvel en Euroleague sur L’Équipe et, à partir du 24 décembre, la Betclic Élite sera sur BeIn Sports, qu’est-ce que ça vous inspire ?

À mon sens, ce sont d’excellentes nouvelles ! Le basket français va retrouver de la visibilité et, pour la LNB, de la qualité de production. Pour BeIn Sports, on peut imaginer que la qualité sera très élevée, c’est une grande chaîne sérieuse qui a plus de moyens que Sport en France. C’est très bien, mais ce n’est qu’une étape : il ne faut pas considérer que le travail est fait parce que la Ligue a trouvé un diffuseur qui retransmet les matchs. C’est un très bon point pour la Betclic Élite, mais ça n’empêche pas qu’il reste tout un travail à faire sur l’image. Je vois notamment deux grands chantiers :

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