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Retro Spécial Limoges – Don Collins : « J’ai traversé un grave, un long problème de drogue »

D’abord il y a un masque, un visage dur, fermé, et le regard presque hostile. Celui de Don Collins. Ensuite il y a un joueur et ce jeu âpre, sans concession, terriblement efficace mais si tranchant… Comme un diamant. Restait à trouver l’homme. Le diamant avait plusieurs facettes. Don Collins, c’est

D’abord il y a un masque, un visage dur, fermé, et le regard presque hostile. Celui de Don Collins. Ensuite il y a un joueur et ce jeu âpre, sans concession, terriblement efficace mais si tranchant… Comme un diamant. Restait à trouver l’homme. Le diamant avait plusieurs facettes. Don Collins, c’est aussi une vie, le souvenir d’une errance.. La drogue, le mal, souffrir, s’en sortir..  Don Collins a parlé. Vraiment. Avec le cœur au bord des mots.

Cette semaine, place à quatre joueurs américains, qui ont fait la gloire du Limoges CSP dans les années 80-90 et dont Liliane Trévisan avait brossé le portrait à l’époque pour le mensuel Maxi-Basket. Clarence Kea (lundi), Michael Brooks (mardi), Don Collins (mercredi) et Michael Young (jeudi).

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M-B: On n’a pas beaucoup vu Don Collins s’exprimer dans la presse nationale. C’était quand la  dernière  fois ?

D.C.: Ça remonte à l’année dernière. Je parle beaucoup avec Jacques, un journaliste de Limoges (NDLR: Jacques Deglane, notre sémillant confrère du « Populaire du Centre »),  mais une interview dans ce style, ça ne m’est pas souvent arrivé. La dernière fois, ça fait un moment. Ça devait être il y a un an, quelque chose comme ça.

M-B: Ah oui, et c’était pour « Le sport ». Tu avais même déclaré à cette occasion que c’était ta dernière interview. Pourquoi cette drôle de réaction ?

D.C.: Ah……. Eh bien… Je ne me sentais pas « apprécié », je me sentais… C’était ma première saison, et j’avais démarré doucement, c’est vrai. Mais au cours de la saison, j’étais devenu de plus en plus fort, l’équipe aussi. Et finalement, on a tout gagné, mais personne n’a semblé remarquer particulièrement ma contribution. On parlait toujours de l’équipe, essentiellement, ou de certains joueurs de l’équipe, mais on ne s’attardait pas vraiment sur ce que j’étais, ce que j’apportais. Alors, j’étais un peu, comment dire amer ou…. jaloux, oui, c’est ça, j’étais jaloux.

M-B: A ce point là ? Tu aimes tant que ça que les médias s’intéressent à toi ? Tu as besoin de ça ?

D.C.: Non, ce n’est pas vraiment ce dont j’ ai besoin. Mais c’était ma première année en France, et je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de joueurs qui au cours de leur première saison aient fait ce que j’ai fait, ou eu la chance, si tu préfères, de réussir ce que j’ai réussi avec Limoges cette année là. Alors, on aurait peut-être du mal à donner des interviews. Ça compte aussi…

M-B: Tu penses donc que c’était une lacune que « Maxi-Basket » n’ait rien fait sur toi l’an dernier?

D.C.: (hésitation amusée..) Ah… Oui, je pense… Enfin, non… Non je dirai plutôt que j’ai été déçu. Parce que c’est quand même le premier magazine de basket en France, tout le monde lit Maxi-Basket. Mais c’était juste une déception, rien de personnel contre Maxi-Basket…

M-B: Et aux États-Unis, tu avais de bonnes relations avec la presse?

D.C.: Oh oui, j’aime bien le contact avec les journalistes. Et aux States, j’avais pas mal d’amis journalistes. J’aime parler. On a trop souvent tendance à croire que certains joueurs ne savent pas s’exprimer, en public, ou lors des interviews. Je ne pense pas faire partie de ceux-là. Et aux Etats-Unis, j’avais plutôt souvent bonne presse.

M-B: Le problème avec toi, c’est que, quand on ne te connaît pas, et qu’on te regarde, on voit quelqu’un avec un visage impassible, fermé, presque antipathique, tellement tu as toujours l’air taciturne, très froid, très distant. Il se dégage quelque chose de dur de ta personne. Ça ne facilite pas forcément le contact. Tu en es conscient?

D.C.: Bien sûr, je m’en rends compte. Mais tu sais, mes amis, les gens qui sont très proches de moi te diront que c’est pas du tout ça. Ils m’apprécient énormément aussi parce que je suis quelqu’un d’amusant. Mais généralement, en public, je suis quelqu’un de sérieux, et la plupart du temps c’est vrai que j’ai l’air plutôt… grave. Mais j’adore m’amuser, jouer, plaisanter. Sauf quand je joue. Sur le terrain c’est toujours le sérieux d’abord.

M-B: Mais on peut être sérieux sans avoir l’air dur. Toi, on n’a pas envie d’aller te déranger quand on te voit. On a l’impression que tu préfères rester à l’écart, seul. C’est parce que tu te méfies des autres? Ou Don Collins serait-il un loup solitaire ?

D.C: (sourire de protestation…) Non, non… Je ne suis pas un solitaire. Je suis un peu… singulier dans la mesure où je ne cherche pas vraiment à me lier avec beaucoup de gens. La plupart du temps, je reste avec des gens de mon équipe, comme Michael (Brooks) et Ken (Dancy). C’est vrai qu’on ne me verra pas souvent rechercher la compagnie d’autres personnes. Ah, les gens. C’est pas si facile que ça. Ça me fait penser à Robert Parish ; tout le monde dit qu’il n’est pas drôle, ne sourit pas, ne plaisante jamais. A peu près comme moi. Mais c’est un type marrant aussi, je peux te l’assurer, parce que je le connais bien personnellement, et ce n’est pas le… « mec au cœur froid » qu’on voudrait qu’il soit. Quant à moi, je ne me sens ni gêné, ni perturbé dans mes relations avec les autres. Aucun problème de communication.

M-B: C’est vrai que pour avoir parlé de toi avec des gens qui l’avaient connu et apprécié, j’ai toujours entendu dire que tu étais quelqu’un de charmant, de sympa…

D.C.: Oh, j’essaye en tout cas. Tu sais, je mets un point d’honneur à traiter les autres comme j’aimerais qu’on me traite. Alors, je ne suis certainement pas le mec le plus sensible du monde, mais… j’ai appris depuis que je suis arrivé en France à être sympathique… (Ca le fait franchement marrer… Et c’est quelque chose d’appréciable de voir rire Don Collins.)

M-B : Bien, alors comme tu m’es sympathique, je te laisse le choix : on continue de parler de l’homme, de sa vie ou plutôt du joueur et de sa carrière ?

D.C.: (Son visage a déjà repris une expression plus lointaine, soucieuse. Un silence, une réflexion…) Ma vie ? Oui, j’aimerais bien qu’on en parle. De certaines choses de ma vie, de ma vie privée… (Il s’arrête encore, ses mains s’agitent nerveusement. Il semble réfléchir à 100 à l’heure. Les mots ne viennent pas facilement… Silence.)

M-B: Don, ce qui frappe parfois chez toi, c’est que tu as l’expression des gens qui ont souffert…

D.C.: Mmmh… Je pense que… Non.. Ce que je voudrais dire, c’est que… Enfin, on ne peut pas dire que j’ai vraiment eu une enfance malheureuse, non. Ce qui m’a fait mal, très mal, c’est de devenir un adulte. Tu vois, on ne le sait pas vraiment, mais j’ai traversé un grave, un long problème de drogue… J’ai plongé dans la drogue assez tôt. Et ça a été sérieux… Je suis passé deux fois en cure de désintoxication. La première fois, quand j’ai commencé, j’avais 21 ans. La deuxième fois, quand j’ai replongé, j’en avais 23… Pourquoi ? Evidemment, pourquoi ?… (Il cherche ses mots, le visage dans une main..) Et bien c’était… c’était… Comme un défi, un autre défi… Quelque chose que je ne pouvais pas ne pas essayer. Quelque chose que je devais expérimenter moi-même. Alors je l’ai fait, et avant que je ne m’en rende compte, j’étais déjà pris dans l’engrenage, plus que je ne l’aurais voulu.

M-B: Tu étais vraiment complètement accroc, alors…

D.C.:.Je l’étais… Je le suis encore et je le serai sans doute toujours… Intérieurement. C’est à dire que je ne touche plus à la drogue, mais quand tu as vécu ça, tu n’oublies pas. Psychologiquement, dans ta tête, ça reste. Tu n’oublies jamais que tu as été accroc. Mais… Aujourd’hui je prends la vie comme elle vient, un jour après l’autre… C’est fou, mais… Mais depuis que je suis en France, c’est comme si je commençais juste à réaliser combien la vie peut être belle. Je me sens tellement plus tranquille maintenant. Loin du chaos et du chahut de l’Amérique. Je bosse deux à quatre heures par jour, et j’ai la chance, oui la chance, de pouvoir m’asseoir à une terrasse de café, et me laisser vivre. Juste apprécier la vie. Depuis que je suis en France, ça fait quoi, 14 mois, quelque chose comme ça… C’est fantastique pour moi. Je ne pensais pas que la vie pouvait être si plaisante.  J’étais toujours tellement bousculé, ballotté… Jamais eu le temps de m’asseoir un instant, pour me dire « maintenant, relax… Ou plutôt, je n’ai jamais pris le temps… De profiter de la vie. D’être bien, d’être connu, et d’apprendre à apprécier les gens.. Ici, maintenant j’ai pas mal d’amis. Et puis…(Un nouveau silence.) Et puis, il y a une autre part importante de ma vie, où, là aussi, j’ai eu très mal. C’est quand mon père est mort l’an dernier. Ça a été terrible pour moi. Parce que… Oh, on était si proches l’un de l’autre… Mais moi, je n’étais pas là. J’étais en France. Quand je l’ai appris, on revenait de notre match à Pesaro. Et, je ne sais pas pourquoi, pendant tout le voyage retour vers Limoges, dans ma tête, quelque chose me répétait tout le temps, sans que je sache pourquoi : « Don, appelle à la maison, il faut que tu appelles à la maison. » J’ai appelé ma sœur qui a décroché. Elle m’a dit que mon père venait de mourir… Ça a été affreux. Mais j’essayais de penser que le bon côté des choses, c’est que je ne l’avais pas vu souffrir. Il avait un cancer, et la dernière image que j’avais de lui était belle : quand j’étais rentré à la maison pour Noël, il s’était levé, était resté avec nous, avait semblé si bien, et pour la première fois depuis treize ans, tous mes frères et soeurs étaient là, on était tous réunis. On avait eu un fabuleux Noël… (S’arrête, pose ses mains. Laisse passer l’émotion.) Après sa mort, ça a été une période noire pour moi. J’ai failli ne pas revenir en France. L’équipe allait bien à ce moment-là, on jouait vraiment bien… Mais je voulais rester à la maison, être avec ma famille. J’en ai parlé avec ma mère…

M-B: Ton père, ta mère, on sent qu’ils ne t’ont jamais lâché…

D.C.: Pendant mes problèmes de drogue, ils ne comprenaient pas. Ce qui m’arrivait leur échappait complètement. C’était un problème d’une autre génération, ça les dépassait. Mon père a été très dur. Ils m’ont fait comprendre que c’était à moi seul de prendre ma décision: où je choisissais de m’en sortir ou je tombais encore plus bas que je ne l’étais déjà. Mais ils m’ont toujours donné leur soutien. Quand on a commencé à raconter des horreurs sur moi, que les rumeurs couraient ici et là, ils ne m’ont jamais laissé tomber. Ils étaient toujours derrière moi, ne m’ont jamais accablé. Ils étaient à mon côté, à 100%.

M-B: Et ta famille à toi, dans tout ça ? Parce que tu t’es marié plutôt jeune, non ?

D.C. Quand je me suis marié, j’avais 17 ans. Mais ma femme et moi sommes séparés depuis trois ans, et nous sommes actuellement en instance de divorce. Et j’ai deux filles… Oh oui, deux filles superbes de 6 et 9 ans… Ça a été dur de les élever, à cause de tous ces problèmes de drogue. Mon mariage n’allait plus très bien. Et quand j’ai décidé de prendre du recul… Et bien… Il fallait que je le fasse, je veux dire, il fallait… Il fallait que je prenne une décision, tu comprends, que je fasse quelque chose… Je me droguais toujours… Ça a duré si longtemps, 4 ou 5 ans. Et, quitter mes enfants, ça m’a déchiré. Mais je pensais que c’était une question de survie pour nous tous, et puis, pour elles, le meilleur moyen d’avoir la vie que je rêvais qu’elles aient… Je DEVAIS partir… Et aujourd’hui, je pense que c’est la meilleure décision que j’ai pu prendre dans ma vie. A ce moment-là, je n’en étais pas sûr. Mais c’est à partir de ce moment que ma vie, ma carrière ont pris une autre direction. Et aujourd’hui, je me sens comme au sommet du monde. Alors qu’il y a quelques années, j’étais plus bas que terre.

M-B: C’est important pour toi de parler de tout ça ?

D.C.: C’est important qu’on sache par où je suis passé. Tout le monde a tendance à penser que la vie est merveilleuse pour Don Collins, il est Américain, il a joué cinq ans en NBA, il fait du bon travail en France. Mais tout ça n’a pas été facile. Ça a été une lutte, oui vraiment, une lutte de tous les instants. Pour sortir de la drogue, pour vivre loin de mes enfants, pour m’habituer à la vie européenne… Aujourd’hui, ça va mieux. Je ne parle pas encore le français, mais j’apprends. Je peux aller au restaurant, écouter et comprendre mes amis, parce qu’ils sont patients avec moi, et font l’effort de parler lentement. Et je vais commencer à suivre des cours. J’ai signé un contrat pour deux ans avec Limoges, et j’en suis heureux. Parce que c’est une forme de stabilité pour moi. J’ai une fiancée, qui travaille dans l’armée, au Japon, mais elle doit venir à Limoges dès janvier-février 89. Et c’est une bonne chose pour moi. Parce que je ne peux pas rester seul, livré à moi-même, et au basket, comme ça, tout le temps. Comme ces dernières années. Ce n’est pas une vie. J’ai besoin d’avoir quelqu’un près de moi, à la maison, quelqu’un à qui penser. Une famille. Tout ça devrait améliorer encore ma vie, et mon basket… Je serai là, elle sera là, je pourrai me concentrer uniquement sur le basket… Pour avancer dans la vie, il faut faire des sacrifices. Quand je suis parti, c’est ce que j’ai fait. Mes filles me manquent terriblement, mais je pense que maintenant tout va aller mieux. Je sais que je vais rester à Limoges. J’ai une super situation puisque je joue pour la meilleure équipe française, avec les meilleurs joueurs français. Je ne peux pas demander plus.

M-B: Tu devrais donc te sentir maintenant bien dans ta tête, beaucoup plus fort ?

D.C.: Depuis que j’ai signé ce contrat, oui. Parce que je sais ce que seront ces deux années à venir. Je me sens plus en sécurité. Je n’ai plus envie de faire d’erreurs, Je me sens tellement mieux maintenant qu’à la fin de la saison dernière. D’ailleurs, je voulais signer pour trois ans, mais ils ont préféré qu’on s’arrange pour deux. En tout cas, pour moi, c’est une garantie de stabilité, de sécurité. Et quand tu as ça, tout le reste n’est que détail…

M-B: C’est uniquement pour ça alors que Don Collins, le meilleur Américain du championnat de France, a choisi de rester à Limoges?

D.C.: En fait, j’ai eu des propositions, de Pesaro notamment, et d’une équipe israélienne. Pour certainement plus d’argent qu’ici. Mais je ne me voyais pas quitter cette situation confortable qui est la mienne. Je suis quand même un des Américains les plus payés en France, je joue avec les meilleurs joueurs. Ça rend les choses plus faciles. Quand je jouais en CBA, par exemple, j’étais une figure dominante de l’équipe, et toute la pression était sur moi, il fallait que j’apporte tout à chaque match. Ici, je peux marquer pendant un match, et le match d’après, passer, ou jouer plus en défense. Si j’étais parti ailleurs, j’aurais dû tout recommencer. Encore une fois. Je suis établi en France, et je vais avoir trente ans ce mois-ci, et je peux jouer peut-être encore cinq ou six ans. Alors pourquoi vouloir repartir encore de zéro ? Et puis, il y a la Coupe d’Europe. La seule chose dont on entend parler quand on vient en Europe. On vient pour jouer cette Coupe. D’ailleurs, ça me rend hystérique rien que d’y penser. (Mine réjouie).

M-B: Pourtant, après la fabuleuse victoire de Grenoble en Coupe des Coupes, dans l’euphorie ambiante, tu as eu une réponse très dure dans les vestiaires. A quelqu’un qui te demandait ce que représentait pour toi cette coupe d’Europe, tu aurais répondu froidement : « Money »…

D.C: Oui. Parce que c’est vraiment ce que ça représentait sur le moment. De l’argent, des primes importantes. C’est parce que je ne me rendais pas compte. Parce que beaucoup de choses m’échappaient alors. Quand on  a gagné cette Coupe des coupes, c’était la première fois qu’une équipe française réussissait ça. Mais ça m’était complètement étranger. Je n’arrivais pas à rejoindre l’excitation générale. Pourtant, la ville était comme folle. Je me sentais juste concerné par les matches. Et au fur et à mesure qu’on avançait de plus en plus loin dans cette Coupe, jusqu’à la victoire, je voyais tout Limoges devenir de plus en plus fou. Et j’étais incapable d’apprécier cette folie. J’étais heureux sans plus, mais pas capable de goûter tout ça à sa juste valeur. Parce que je ne savais rien de tout ce que cette Coupe représentait pour tout le monde. Mais aujourd’hui, je le sens, je le sais. Et cette coupe des Champions m’excite complètement. Comme tous les joueurs de l’équipe. Les Français plus que les Américains. Parce qu’ils savent ce que c’est, c’est leur rêve à portée de la main. Tout comme je rêvais, quand j’étais en NBA de jouer les finales. Je n’ai jamais eu cette chance… Mais, maintenant, je comprends leur excitation.

M-B: Parlons donc de la NBA, puisqu’on y est. On a créé deux nouvelles équipes cette année. Ça aurait pu être une bonne opportunité pour toi de retenter ta chance en NBA, non?

D.C.: En ce qui concerne Miami et Charlotte, non pas vraiment. Mais peut-être en ce qui concerne la nouvelle équipe qui va être créée la saison prochaine, celle de Minnesota. Il y a de fortes chances, parce que le coach de cette équipe a été notre coach à Michael et à moi, en CBA, avant qu’on vienne en France. (NDLR: Il s’agit de Bill Musselmann, CBA Coach of the Year en 88 et champion CBA en 86-87 avec les Rapid City Thrillers…). Il a déjà coaché en NBA (NDLR: aux Clevelands Cavaliers). Il est complètement branché par nous. Et je l’aime beaucoup. Michael aussi. Et Bill nous a toujours dit que s’il arrivait à avoir ce poste à Minnesota, il y aurait de la place pour Michael et moi. Mais, à y penser aujourd’hui, je me dis qu’à moins qu’ils me garantissent un contrat de trois ans à 500.000 $ par an, je préfère rester en France… Parce que, la vie en NBA… n’est pas sûre. En NBA, tu as jusqu’en février pour gagner ta place dans l’équipe. Si tu passes février, ton salaire est garanti pour le reste de l’année. Mais si tu es jeté avant février, tu perds tout. Tu n’as plus grand chose… Je ne pense plus vraiment à la NBA comme j’y pensais avant, quand je suis parti. C’est vrai, ça me traversait souvent l’esprit, je serais un menteur si je te disais le contraire… Mais aujourd’hui, ça ne m’apparait plus aussi brillant, rutilant et excitant qu’avant… Et puis le basket ici est bon. Partout où on va, les gens viennent nous voir. On est un peu comme les Lakers. Tout le monde veut voir Limoges. C’est vraiment une bonne situation… Et puis, je ne sais pas pourquoi, mais les gens veulent me voir. Et j’aime ça; les gens qui me reconnaissent partout où je vais, où je joue, qui apprécient ma façon de jouer…

M-B: Tu as quand-même joué cinq années en NBA, dont quatre saisons pleines, où tu jouais vingt bonnes minutes par match, en marquant régulièrement 10-11 points. Tu en as sûrement gardé quelques souvenirs intéressants ? Pas que des impressions négatives ?

D.C.: J’ai eu des difficultés en NBA, je veux dire au niveau humain aussi. Parce que j’étais quelqu’un de carré, de franc. J’avais mon franc-parler, et on n’aimait pas ça. Mais c’était ma seule façon d’être moi… Ça n’a pas toujours bien passé. Mais je crois que mes moments les plus mémorables, je les ai vécus pendant ma première année avec Washington. Je suis arrivé l’année où Wes Unseld se retirait. Mais j’ai joué avec Unseld, Elvin Hayes, Bobby Dandrige, Austin Carr, Kevin Grevey, Mitch Kupchak. C’était quand même une équipe de valeurs sûres, et j’en faisais partie. Je veux dire, je jouais… Je n’étais pas seulement là, à occuper une place…Je jouais avec eux, vraiment. Et c’était quelque chose d’avoir contribué comme ça à la dernière saison de Wes Unseld… Oui, ça fait partie des meilleurs moments dont je me rappelle en NBA. C’était grand, c’était fantastique.

M.B : Et puis, après quatre saisons bien remplies, à Washington puis Golden State, à partir de 81, il y a une méchante chute dans ta carrière. Tu ne joues presque plus en NBA, et on te retrouve dans plusieurs équipes de CBA… Toujours la drogue?

D.C.: En fait, quand j’ai commencé à arrêter de jouer en NBA, c’était effectivement dû aux conséquences de mes problèmes de drogue. Ça a beaucoup influé. Mon tempérament aussi. J’avais du mal à réaliser ma transition vers l’âge adulte. C’était très dur pour moi, et je n’appréciais même pas vraiment ma chance d’être en NBA. Je ne considérais pas ça comme mon travail, mon métier. Non je voyais ça comme des vacances, tout ce que je cherchais c’était m’amuser, me faire plaisir tout le temps. Sur le terrain je jouais bien, mais en dehors, je menais une vie détraquée. Ça m’a pris toutes ces années où je ne jouais plus en NBA pour réaliser ce que j’avais fait. Comme si la seule façon d’être conscient de ce que tu fais, c’est de faire tes propres erreurs et de prendre, après, tes décisions toi-même.

C’est ce que j’ai fait. Sans que personne ne m’aide, ou me conseille…. Tu dois apprendre les choses par toi-même. C’est ce que j’ai fait. Mais j’ai choisi le chemin le plus dur. Aujourd’hui je n’ai pas de regrets. Aucun. Et, même si je le pouvais, je pense que je ne changerais rien à ce que j’ai vécu. J’ai tellement appris… La plupart des gars qui ont suivi le même chemin que moi à l’époque n’ont plus aucune place dans le basket aujourd’hui… Et j’ai fait tellement de trucs insensés. Ils sont tombés très bas… J’ai été béni. Puis j’ai eu de la chance… Je le sais maintenant, et je m’en rends compte quand je pense à eux. Parce qu’ils n’ont pas su reconnaître leurs erreurs…

M-B: Tu as quand même joué pour 9 équipes en 7 ans de carrière aux States. Ça n’était peut-être pas sans rapport avec ton instabilité personnelle?

D.C.: Pas vraiment… Enfin, disons plutôt qu’en NBA, la plupart du temps quand je changeais d’équipe, c’est parce que le « management » pensait que ce serait une bonne chose pour l’équipe. Pas forcément pour moi, pour mes problèmes. Non, pour l’équipe. C’était juste du business… Et en CBA, quand j’ai été vendu de Baltimore à Tampa Bay, c’est une des meilleures choses qui soient arrivées dans ma carrière. Parce qu’à Baltimore, on avait du mal à être payé, les chèques arrivaient tard, ou même n’arrivaient pas. Et je m’en suis plaint ouvertement dans la presse, je suis allé voir les journalistes et leur ait expliqué d’où venaient tous les problèmes de Baltimore. Au club, ils n’ont pas apprécié, parce qu’ils essayaient depuis un bout de temps de dissimuler leurs problèmes financiers et de garder le secret… C’était l’année du All-Star game, où je devais jouer avec les All-Stars contre Tampa Bay. Quand je suis arrivé pour le match, on m’a appris que finalement je jouerai, mais avec Tampa Bay, contre les All Stars… Parce qu’entre-temps j’avais été vendu… (Nouveau sourire amusé… Et NDLR: c’est au cours de ce All-Star Game que Don Collins sera élu MVP. Amusant, non?) C’était une bonne affaire pour moi, puisque c’est là que j’ai rencontré Musselmann. Il a été le premier coach depuis longtemps à me dire qu’il croyait en moi. Il a fait tourner ma carrière, parce qu’il a eu confiance en moi. En NBA, je n’ai jamais vraiment eu la chance d’exprimer mon vrai talent. Ils pensaient que je n’étais pas un bon shooteur. Alors ils ne me laissaient pas shooter. On me demandait de jouer à l’intérieur. Alors que ma place est dans le champ, pour courir, jouer la contre attaque ou le un-contre-un. Musselmann m’a donné cette opportunité. Et mon jeu s’est amélioré, à tous les niveaux. Je jouais en défense aussi. J’avais une chance d’être enfin moi-même, et c’était bon.

M-B: Tout de même, ça n’a pas dû être évident de passer du rôle d’un joueur à temps plein en NBA, à celui.. d’intérimaire qu’on prend pour boucher un trou sur 10 jours ? Comme tu l’as fait à Milwaukee !

D.C.: Ça a été un sale moment à passer. Quand Washington m’a lâché la première fois, ça a été une grosse dépression. J’ai voulu abandonner le basket, je me suis réfugié encore dans la drogue. Puis il y a eu Golden State, en Californie. Ca semblait reparti. Et eux m’ont lâché alors que j’avais fait une bonne saison. C’était l’enfer… Mais je me disais que les choses ne pouvaient que s’arranger. C’est ce qui s’est passé. Je suis venu à Limoges. Tu sais, il y a encore des gens chez moi qui disent: « Don Collins ? C’est pas possible… Comment est-ce qu’il peut encore jouer au basket ? »

M-B: Limoges justement, comment y es-tu arrivé?

D.C: Quand je jouais à Tampa, après qu’on ait gagné le championnat, Didier Rose est venu me voir. Mais à ce moment, il ne parlait pas un mot d’anglais. (Là, bruyante interruption de séance. Le temps que Don rappelle au calme Earnie, un jeune chiot chow-chow de 3 mois qui batifole dans la pièce. Nouvel éclat de rire…) Et il a essayé de m’expliquer que je pouvais me faire des centaines de milliers de dollars en France. Mais je me disais qu’il n’était pas trop crédible. Il est revenu l’année d’après. Il parlait à peine mieux, et il avait un interprète. Et il m’a dit les mêmes choses. Et moi je me disais: « Mmmh… ce type… je sais pas trop… J’y croyais pas vraiment…. » Et ma dernière année de CBA, il est revenu. Seul cette fois. Et on a pu enfin se parler. Lentement, mais on se comprenait à peu près. Je me suis dit que j’avais gagné deux titres de CBA, été meilleur marqueur de la ligue pendant mes trois saisons, et élu MVP. Il n’y avait plus grand chose que je puisse encore faire ici. Je me suis dit « Don, tente ta chance maintenant »… Et j’ai signé avec lui. Je suis venu visiter Limoges à l’occasion du premier All-Star Game. J’ai rencontré Clarence, et les autres. Ils m’ont demandé ensuite de jouer un match amical avec l’équipe, parce qu’ils n’avaient pas vu de cassette sur moi… OK. Je joue, et je marque 48 points. Mais ça ne suffisait pas. Ils ont voulu que j’en joue un autre. OK. Je joue encore, et j’ai dû marquer 50-52 points. Je leur ai dit: « bon, je suis prêt à signer maintenant, qu’est-ce qu’on attend? »… Ils n’étaient pas vraiment décidés. Alors je leur ai dit que je ne jouerai pas un match de plus, et que j’étais prêt à repartir aux Etats-Unis le lendemain. Que j’étais juste venu pour signer, et rien d’autre. Ils ont appelé le président, et ils m’ont finalement fait signer.

M-B: Et puis tes débuts n’ont pas été évidents…

D.C.: J’avais très peur de revenir. Et puis finalement, ça n’a pas été aussi mauvais que je le craignais. La plupart de mes coéquipiers parlaient bien l’anglais, et ça a rendu mon adaptation beaucoup plus facile. Alors je me suis battu au début pour que les gens m’aiment, qu’ils m’apprécient. Au lieu de jouer mon basket comme j’en avais l’habitude, j’essayais de tout faire bien, de ne faire aucune erreur, et… je faisais tout de travers. Finalement, après 3 ou 4 matches, je me suis dit « Don, joue ton basket comme tu sais. S’ils n’apprécient pas, et bien, tu n’auras qu’à rentrer à la maison.… » Et tout s’est remis en place, j’ai trouvé ma place dans l’équipe, et on a gagné…

M-B: Tout gagné, oui. Même le titre de meilleur Américain du championnat. Penses-tu réellement être aujourd’hui le meilleur Américain en France?

D.C.: Non, plus aujourd’hui. Je le serai probablement encore, mais actuellement il y en a quelques autres qui jouent un peu mieux que moi. Ne serait-ce que Michael (Brooks). Il est plus consistant, plus important. Mais je pense aussi que mon rôle dans l’équipe a changé cette année, par rapport à la saison passée. Et je commence à m’adapter à ma nouvelle situation. Je n’ai pas besoin de marquer autant de points cette saison, je ne suis plus le facteur dominant de l’équipe. Mais, parce que je l’étais la saison passée, aujourd’hui, tout le monde est sur moi. Ça facilite les choses pour mes coéquipiers, mais il a fallu que j’adapte mon jeu, et ça a pris quelques semaines pour que je m’y fasse.

M-B: Justement, c’était pas plus confortable pour toi de jouer avec un centre comme Clarence Kea, un poste 5, qui était plus ton complément, plutôt qu’avec un joueur type Brooks, dont le style de jeu ressemble pas mal au tien ?

D.C.: Pas vraiment. Clarence est un super joueur, en plus on est vraiment bons amis, et c’est un joueur que je respecte. Mais Michael fait tellement plus de choses que Clarence. Il prend autant de rebonds que lui et…

M.B: Oui, mais tout de même, Michael Brooks aime beaucoup la balle, Ostrowski aussi, Don Collins également… Il y a tout de même beaucoup de joueurs qui demandent la balle cette saison..

D.C.: Oui… Mais Michael donc, prend des rebonds, va au contre, à l’interception, et joue la contre-attaque… Il est plus grand aussi. Et l’équipe avait besoin de grandir, en vue de la coupe d’Europe. Et puis Michael s’extériorise plus que Clarence. En dehors du terrain aussi. Je veux dire, les gens aimaient bien Clarence. Mais ils aiment aussi Michael. Avec une différence. Parce que Michael aime les gens quand il est sur le terrain, mais aussi en dehors. Il s’est adapté à la façon de vivre française.

M-B: Michael Brooks et toi, vous avez joué ensemble, vous êtes super copains.. Mais est-ce qu’on t’a demandé ton avis, quand il a été question de trouver le nouvel Américain du CSP?

D.C.: Non. C’est étonnant, mais non. Ils m’ont juste appelé au Japon pour me dire qu’ils l’avaient fait signer. J’étais très surpris, parce que je savais qu’ils étaient sur Dan Gay quand je suis parti. J’ai demandé Michael Brooks, « le » Michael Brooks ? C’était une sacrée nouvelle pour moi. Parce que c’est toujours bien de jouer avec quelqu’un que tu connais, avec qui tu as déjà joué. Et, en plus c’est vrai qu’on est très proches, vraiment très amis. Alors je pense que ça rend cette saison plus… excitante pour moi. Je savais qui était Clarence, mais je ne le connaissais pas vraiment quand je suis arrivé. On a appris à être amis, avec le temps. Et il me manque parfois, parce qu’on a eu de bons moments… Mais avec Michael, c’est différent. On se connait déjà tellement mieux.

M-B: Mais tout de même, tu n’aurais pas aimé donné ton avis, AVANT qu’on décide du choix du deuxième Américain ?

D.C.: Et bien… On en avait parlé avant que je quitte Limoges. Je ne voyais personne. Je leur ai dit, pour être honnête, que j’aimerai bien continuer avec Clarence. On gagnait, on jouait bien. C’est aussi pour ça que les Lakers vont si bien: parce qu’ils ne changent pas leur équipe. Le changement a été une surprise pour moi. Mais au fond, pour l’instant, ce n’est pas une mauvaise chose. En championnat, on est dans la même position que l’année dernière à cette époque. C’est quand on va commencer en Coupe d’Europe qu’on verra si la différence est vraiment grande. Tout le monde dit que cette Coupe sera plus difficile. Mais j’ai confiance dans notre équipe, même sans savoir exactement la valeur des autres. Mais si on joue sur notre valeur propre, je nous vois sans problème dans le Final Four.

M-B: Tu penses donc que l’équipe est plus forte cette saison ?

D.C.:… Oui, je pense. Mais ça prendra encore du temps pour qu’on soit complètement ensemble. En tout cas, on sera une super équipe de contre-attaque. Simplement, en ce qui concerne le championnat, il faut bien dire qu’il est plus équilibré cette année. Il y a le Racing, Villeurbanne qui pour l’instant joue bien, Cholet qui malheureusement va perdre beaucoup avec Austin, Monaco aussi… Ce qui fera aussi la différence, c’est qu’à Limoges, on est neuf à être forts.

M-B: Et le basket français, ça te fait quelle impression ?

D.C.: Je l’ai trouvé plus physique qu’on me l’avait dit. Ça pousse pas mal, ça serre pas mal, et ça court quand même. Mais j’aime ça, courir. C’est excitant pour moi de jouer en France. Quand je suis venu, c’était pour l’argent..

M-B: C’est un secret de savoir combien tu gagnes à Limoges?

D.C.: Non. J’ai une salaire de base de 150 000 $, qui n’inclut pas les primes. Mais maintenant je reste pour le basket. Il y a certains talents chez les joueurs français. Je les ai trouvés meilleurs que ce que j’attendais. Mais j’ai beau jeu de donner ce genre d’opinion, vu que je joue avec les meilleurs. Je dirai juste que je les trouve un peu… fragiles. Ils ont toujours de petites blessures, de petits trucs qui ne vont pas… Mais en tout cas ici à Limoges, ils s’entraînent dur…

M-B: Puisqu’on parle de dureté, parlons un peu de ton jeu. Tu affectionnes visiblement le jeu âpre, tu es plutôt un joueur rude dans ton style…

D.C.: Et bien… Tu sais, j’ai un frère aîné, qui était à l’université quand j’étais encore en high-school. Quand il avait du temps libre, il venait à la maison, et on avait l’habitude de se faire des petits matches. A cette époque, j’étais un des meilleurs joueurs de high-school, et lui quand il jouait contre moi, il me pressait comme un fou, et il ne me laissait aucun répit, jusqu’à ce qu’il me batte… Quand je lui demandais: « Hey, mais pourquoi tu joues aussi dur? ». Iil répondait juste: « Quand on est chacun d’un côté de la ligne, tu n’es plus mon frère. Juste mon adversaire.. Et ça m’est resté. Sur le terrain, je n’ai plus d’amis…

M-B: Ca se voit. Tu adores le basket agressif, le corps à corps…

D.C.: Oui. Et j’aime jouer physique. Je ne suis pas un joueur physiquement costaud, impressionnant, mais je suis plus fort qu’on ne pourrait le croire…

M-B: Tu es carrément un joueur agressif, non?

D.C.: Oui, je pense que c’est vrai.

M-B: Parce que je me souviens t’avoir vu réagir plutôt violemment dans certaines situations, notamment lors du tournoi des As, où tu as eu un accrochage avec Mustapha N’Doye, puis à Mulhouse où tu as eu un très vilain geste sur Philip Szanyiel. C’est dans ton tempérament de faire le coup de poing comme ça ?

D.C.: Non, tout de même pas. Mais à Mulhouse, un de mes coéquipiers (NDLR: en l’occurrence Stéphane Ostrowski) avait des problèmes. Je vis avec lui, je joue avec lui, je devais l’aider. On n’a pas forcément les mêmes conceptions en dehors du terrain, mais sur le terrain, on ne fait qu’ un. Si un se bat, les autres se battent. J’ai été élevé comme ça.

M-B: Visiblement, tu n’as aucun regret…

D.C.: Non… Si ça devait arriver encore une fois, je referai la même chose. C’est un gars de mon équipe, et c’est tout ce qui compte. Et Stéphane était vraiment en difficulté ce jour-là… Oui, je le ferai encore s’il fallait. Je ne cherche pas la bagarre, mais si elle éclate, je ne me défile pas.

M-B: D’accord. Mais à Mulhouse tu aurais dû être sanctionné pour ce genre d’agression. Or, les arbitres ne t’ont rien dit. Tu ne penses pas être un peu… protégé ?

D.C.: Oh non… Non. A Mulhouse, Stéphane était blessé, il saignait et a été obligé de sortir… C’est la seule raison je pense pour laquelle les arbitres ne m’ont pas sanctionné. S’il était resté sur le terrain, je pense qu’ils m’auraient sorti.

M-B: … Oui. Enfin, quand tu joues, tu n’as pas peur de l’appuyer sur ton adversaire quand tu shootes. C’est souvent limite, mais en général, tu t’en tires souvent bien avec les arbitres…

D.C: (Monumental et franc éclat de rire…) Hey… Mais de quel côté tu es ?… Surement que les défenseurs ne sont pas toujours en bonne position… Non, sincèrement, je ne pense pas être protégé. Je prends pas mal de coups aussi, et ça, on ne siffle pas toujours non plus. Si je devais tirer tous les lancers francs qu’on me doit, je serais le premier du championnat..

M-R : Bon. Mais indépendamment de tout ca, tu dois bien te rendre compte que dans le basket français, Limoges est considéré comme un modèle de réussite, une image de référence, LE premier club français à tous points de vue…

D.C.: Et bien… Je ne sais pas vraiment comment ça se passe exactement dans les autres clubs. Mais Limoges est incontestablement un club… de classe. On y fait tout en première classe: s’organiser, se préparer, voyager, manger… Mais le secret de tout ça, c’est les victoires. GAGNER. On doit gagner pour rester en première classe. A Limoges, tout va bien, tant qu’on gagne. Quand on a perdu deux matches cette saison, on a tout de suite eu des réunions de mise au point. Quand on a perdu contre Gravelines, c’était le grand scandale, la grande disgrâce… Et il y a eu la défaite face au Racing aussi. Oui, il y a eu du remue-ménage dans la maison. Mais depuis, on est à nouveau sur les rails…

M-B: Bref aujourd’hui, tout va bien à Limoges, il n’y a rien qui te dérange?

D.C.: Rien dont j’ai à me plaindre… Disons juste que. Parfois je pense que le… « management » a… tendance à … comment dire… vouloir s’occuper un peu trop du basket, alors que ce n’est pas forcément son domaine. Comment on s’entraîne, combien de temps, je ne pense pas que ce soit vraiment à eux de s’en occuper. Plutôt au coach. Michel (Gomez) contrôle bien les choses, jusqu’à un certain point.. Je n’ai jamais vraiment vécu ça avant. Je ne m’en plains pas personnellement. Ces gens travaillaient pour le CSP avant, et ils continuent aujourd’hui. Et le club marche comme ça..

M-B: Pour en revenir à toi, il semblerait qu’en dehors du terrain tu sois plutôt du genre « noctambule invétéré », le style bars, boîtes...

D.C.: Oui, c’est vrai. J’aime sortir. Mais il faut comprendre aussi que je ne peux pas rester assis toute la journée chez moi, à regarder la télé, et des films américains que j’ai déjà vu cent fois… Tant que je n’arrive pas en retard aux entraînements, que je bosse dur, et que je fais mon boulot, on ne peut rien me reprocher…

M-B: Il parait que tu aimes beaucoup les femmes, aussi.

D.C.: Hey… Je ne connais pas beaucoup d’hommes qui ne les aiment pas. Et je suis un homme. Oui, c’est vrai… Mais je pense que les femmes m’aiment beaucoup aussi… Il y a un peu des deux.

M-B: Don, qu’est-ce que tu voudrais qu’il reste au juste de cette interview ?

D.C.: Ce qui me paraît important, c’est que les gens aient appris à me connaître un peu mieux. A savoir que je ne suis pas… cette image mythique du type dur au cœur froid qu’on a trop souvent de moi…

M-B: Et qu’est ce qui donne un sens à la vie de Don Collins aujourd’hui ?

D.C.: La recherche de la paix de l’esprit. Le sens profond de la vie pour moi aujourd’hui, c’est la paix de l’esprit. Tu peux avoir l’argent, le confort matériel, si tu n’as pas l’esprit en paix, tu n’as rien.. La sérénité. Une fois que tu as atteint cette sérénité, tu as tout. Tout le reste est en plus.

M-B: Et..tu penses y arriver !

D.C.: Non, pas encore pour le moment. Mais j’y aspire, et j’y arriverai… Peut-être dans 4-5 ans. Parce que je veux pouvoir en profiter, apprécier la vie. Je ne veux pas attendre d’avoir 60 ans.

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M-B: On n’a pas beaucoup vu Don Collins s’exprimer dans la presse nationale. C’était quand la  dernière  fois ?

D.C.: Ça remonte à l’année dernière. Je parle beaucoup avec Jacques, un journaliste de Limoges (NDLR: Jacques Deglane, notre sémillant confrère du « Populaire du Centre »),  mais une interview dans ce style, ça ne m’est pas souvent arrivé. La dernière fois, ça fait un moment. Ça devait être il y a un an, quelque chose comme ça.

M-B: Ah oui, et c’était pour « Le sport ». Tu avais même déclaré à cette occasion que c’était ta dernière interview. Pourquoi cette drôle de réaction ?

D.C.: Ah……. Eh bien… Je ne me sentais pas « apprécié », je me sentais… C’était ma première saison, et j’avais démarré doucement, c’est vrai. Mais au cours de la saison, j’étais devenu de plus en plus fort, l’équipe aussi. Et finalement, on a tout gagné, mais personne n’a semblé remarquer particulièrement ma contribution. On parlait toujours de l’équipe, essentiellement, ou de certains joueurs de l’équipe, mais on ne s’attardait pas vraiment sur ce que j’étais, ce que j’apportais. Alors, j’étais un peu, comment dire amer ou…. jaloux, oui, c’est ça, j’étais jaloux.

M-B: A ce point là ? Tu aimes tant que ça que les médias s’intéressent à toi ? Tu as besoin de ça ?

D.C.: Non, ce n’est pas vraiment ce dont j’ ai besoin. Mais c’était ma première année en France, et je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de joueurs qui au cours de leur première saison aient fait ce que j’ai fait, ou eu la chance, si tu préfères, de réussir ce que j’ai réussi avec Limoges cette année là. Alors, on aurait peut-être du mal à donner des interviews. Ça compte aussi…

M-B: Tu penses donc que c’était une lacune que « Maxi-Basket » n’ait rien fait sur toi l’an dernier?

D.C.: (hésitation amusée..) Ah… Oui, je pense… Enfin, non… Non je dirai plutôt que j’ai été déçu. Parce que c’est quand même le premier magazine de basket en France, tout le monde lit Maxi-Basket. Mais c’était juste une déception, rien de personnel contre Maxi-Basket…

M-B: Et aux États-Unis, tu avais de bonnes relations avec la presse?

D.C.: Oh oui, j’aime bien le contact avec les journalistes. Et aux States, j’avais pas mal d’amis journalistes. J’aime parler. On a trop souvent tendance à croire que certains joueurs ne savent pas s’exprimer, en public, ou lors des interviews. Je ne pense pas faire partie de ceux-là. Et aux Etats-Unis, j’avais plutôt souvent bonne presse.

M-B: Le problème avec toi, c’est que, quand on ne te connaît pas, et qu’on te regarde, on voit quelqu’un avec un visage impassible, fermé, presque antipathique, tellement tu as toujours l’air taciturne, très froid, très distant. Il se dégage quelque chose de dur de ta personne. Ça ne facilite pas forcément le contact. Tu en es conscient?

D.C.: Bien sûr, je m’en rends compte. Mais tu sais, mes amis, les gens qui sont très proches de moi te diront que c’est pas du tout ça. Ils m’apprécient énormément aussi parce que je suis quelqu’un d’amusant. Mais généralement,

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Article paru dans Maxi-Basket en décembre 1988.

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