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Ivano Ballarini (directeur sportif des Bleues): « Bria Hartley est modeste, super agréable à vivre »

Ivano Ballarini est le directeur sportif de l’équipe de France féminine. L’homme de l’ombre nous fait pénétrer dans les coulisses des Bleues et dans cette première partie de l’interview, il nous parle des blessures à répétition de Diandra Tchatchouang, de la formule pour obtenir une qualification au

Ivano Ballarini est le directeur sportif de l’équipe de France féminine. L’homme de l’ombre nous fait pénétrer dans les coulisses des Bleues et dans cette première partie de l’interview, il nous parle des blessures à répétition de Diandra Tchatchouang, de la formule pour obtenir une qualification aux JO de Tokyo et de l’intégration réussie de Bria Hartley.

Quel est votre parcours de coach professionnel ?

J’ai commencé par entraîner deux ans les filles du Racing Club de France dans les années quatre-vingts en étant deux fois vice-champion de France. J’ai été champion de France avec les Espoirs du Racing mais pas avec l’équipe première. J’ai ensuite été assistant d’Indulis Vanags puis j’ai entraîné en garçons Colombes, le LABC, qui allait devenir Levallois. C’était en Pro B en 91-92 et on a loupé la Pro A d’un rien, 2 à 1 contre Roanne. A l’époque on jouait contre les équipes qui descendaient de Pro A. Ensuite j’ai entraîné dans les divisions inférieures jusqu’à ce que Alain Jardel m’appelle pour être assistant en équipe de France féminine jusqu’en 1997. Je suis autour de cette équipe de France féminine depuis avec un arrêt lorsque Alain Jardel a stoppé en 2006. On a été entre autres champion d’Europe en 2001 ! J’étais aussi à la fédé celui qui arrangeait un peu les coups car tous les entraîneurs dont Alain étaient en province. A l’époque, il y avait moins de monde qu’aujourd’hui et je faisais tous les liens avec les fédés étrangères.  J’étais CTR de l’Ile-de-France, je faisais aussi pas mal de choses pour la fédé comme de la formation. Je suis devenu CTN en 2009. Dès le printemps je m’occupais essentiellement de l’Ile-de-France car il y avait des contacts à prendre pour les tournois, etc. Quand Alain a été viré en 2006 par (Yvan) Mainini (NDLR : le président de la FFBB), j’ai arrêté pendant un an et on m’a demandé de venir faire la même chose avec les U20 et Alain pendant deux ans et d’être ensuite le « directeur sportif » avec Grégory Halin, toujours sur les U20 jusqu’à ce que en 2013 Valérie (Garnier) soit nommée et me demande d’être le directeur sportif de cette équipe de France.

Quels sont les fonctions d’un directeur sportif d’une équipe nationale ?

Vous voyez un lavabo ? Sous le lavabo, il y a un siphon où s’accumulent tous les merdes qui vont dans le lavabo. Je suis ce siphon. C’est-à-dire que j’extraie tous les problèmes qu’il peut y avoir de tous ordres. Lorsqu’il y a besoin de quelqu’un sur le terrain, je donne un coup de main. Là, il y a un entraîneur et trois assistants donc ils n’ont pas besoin trop de moi mais parfois c’est le cas avec du travail individuel. Je m’occupe de tout ce qui est logistique, des contacts que l’on a en tournoi comme ici à Rennes pour régler les problèmes d’hébergement ou de matches, tout ce qui est en dehors du basket.

Vous remplacez le délégué bénévole ?

En gros. Avant, même sur les tournois en France, il y avait des délégués fédéraux qu’il n’y a plus. Ils ne viennent plus que sur les tournois à l’étranger. Je fais en plus un travail logistique très important.

Etes-vous en relation avec les joueuses en cours de saison ?

Très peu même si parfois elles me téléphonent pour des raisons variées. Les coaches sont en contact avec elles parce qu’ils les entraînent. Olivier (Lafargue) entraîne à Bourges, Rachid (Méziane) à Villeneuve et avant c’était à Montpellier donc ils les voient au quotidien. Valérie (Garnier) les voit moins puisqu’elle est en Turquie mais ce sont eux qui sont essentiellement en contact avec elles.

Etes-vous en relation avec les coachs d’autant que Valérie Garnier est donc à l’étranger, au Fenerbahçe ?

Oui. On se croise éventuellement sur les terrains mais c’est essentiellement au téléphone. On échange des informations sur les joueuses, sur les tournois à venir, sur le fait que l’on a été invité à tel endroit, alors faut-il y aller ou pas, etc. Ceci dit, on a une politique qui est impulsée par Jean-Pierre Siutat qui veut que la préparation se fait essentiellement dans le pays. On ne sort pratiquement plus jamais. C’est lui qui prend contact avec par exemple Rennes ou Mont-de-Marsan pour savoir s’ils veulent organiser un tournoi. Si Rennes dit oui, hop !, on va à Rennes. On invite les gens mais on ne va pas chez eux. C’est pour que l’équipe de France aille un peu partout notamment dans les endroits où elle n’est pas allée depuis de nombreuses années, qu’elle soit vu par les Français plus que par les étrangers.

Avez-vous un rôle en amont des compétitions comme pour ce championnat d’Europe ?

La plupart du temps on visite l’endroit où on va aller, l’hébergement, etc. Je n’ai pas pu y aller cette année car j’étais pris par des formations. Il faut prendre contact avec les gens de la FIBA qui sont généralement toujours les mêmes avec toujours les mêmes règles, regarder les distances entre l’hébergement et les lieux de compétition, etc.

Faites-vous partie avec les coaches du processus de sélection ?

Pas du tout. Ce sont les coaches qui font ça. Je donne mon avis sur les joueuses quand on me le demande -même quand on ne me le demande pas, je le donne- mais je me refuse à faire partie du processus. Ils sont quatre !

Scoutez-vous les équipes adverses en vous rendant sur place ou uniquement ou par le biais de vidéo ?

C’est essentiellement Rachid qui récupère énormément de vidéos des différents tournois des équipes à partir de mai-juin. Il fait uniquement un travail sur vidéo. Il découpe les séquences les plus intéressantes et il les monte. Mais à part celles qui viennent ici, on ne va pas scouter les équipes sur le terrain. Ce sont uniquement des échanges vidéo. Avec les moyens modernes de communication, on peut récupérer des vidéos de n’importe où et n’importe quand. Tout le monde se connaît jusqu’à son troisième prénom et il y a peu de surprises.

Photo: FIBA
« Diandra (Tchatchouang) a un passé lourd en ce qui concerne les blessures »

Avez-vous été surpris de découvrir que Héléna Ciak et Diandra Tchatchouang n’était pas apte à faire cette campagne ?

Surpris non car on le savait déjà, notamment pour Diandra. Elle a un passé lourd en ce qui concerne les blessures. Elle est de l’Ile-de-France, de La Courneuve, et je la connais depuis qu’elle est benjamine, elle a été au pôle Ile-de-France, dans toutes les équipes de France jeune et elle a toujours été blessée. Pied droit, pied gauche, genou droit, genou gauche, la cuisse, sans arrêt.

Ça l’avait notamment privé des Jeux Olympiques de Rio ?

Entre-autre. A cause d’un genou. Je ne sais pas si c’est une faiblesse « héréditaire » mais elle a toujours eu des blessures avec la partie inférieure de son corps notamment quand elle était en U20. Je me souviens qu’elle s’est blessée au cours d’un match, elle avait la cheville à 90° par rapport à la jambe. L’âge et l’usure aidant, c’est encore une étape. On a essayé de lui faire comprendre qu’il valait mieux peut-être renoncer à cet Euro pour être prête en février au moment du TQO (Tournoi de Qualification Olympique) si on est qualifié et puis pour les Jeux. Dans la carrière d’une joueuse les Jeux Olympiques c’est généralement plus important qu’un championnat d’Europe. De toute façon, là, elle a mis les pieds sur le terrain dix minutes et elle ne pouvait plus jouer. Héléna Ciak n’a pas mis du tout les pieds sur le terrain. Elle est arrivée et elle a fait des examens et tout le monde a dit stop.

Elle n’aurait jamais dû participer à la finale des playoffs ?

Bien sûr. Jamais elle n’aurait dû reprendre. Je pense que le club voulait l’utiliser pour essayer de gagner une finale qui était à sa portée plus ou moins. De ce que j’ai compris, on lui avait donné six semaines d’arrêt et elle a repris au bout de deux et demi, trois et ça n’a fait qu’empirer. Quand elle est arrivée, elle ne pouvait pas jouer.

On peut parler du TQO. Quel est la formule ?

Il va y avoir quatre fenêtres : novembre 2019, février 2020, novembre 2020 et février 2021. Trois de ces fenêtres ont pour but de qualifier au prochain championnat d’Europe et celle de février 2020 ce ne sera pas une fenêtre comme les autres puisque c’est le TQO. Il y aura quatre tournois dans le monde avec chacun quatre équipes pour qualifier douze équipes. On pourrait aller en Thaïlande pour gagner un match car quand tu en gagnes un généralement tu ne termines par dernier. Et cerise sur le gâteau, si tu es champion d’Europe, tu vas quand même au TQO comme le champion des Amériques et le champion d’Asie. Là, il faut être parmi les six premiers de l’Euro pour faire ce TQO.

Combien de temps aurez-vous pour préparer ce TQO ?

Ce sera une fenêtre de dix ou douze jours comme d’habitude. Ça veut dire : tu mets un maillot sur le dos et tu pars (rires). Au milieu de la saison avec blessures éventuelles, etc.

Etiez-vous en relation avec Bria Hartley lorsqu’elle a fait ces quelques matches avec le Liberty de New York ?

Pas du tout. Je ne suis pas seul à bosser à lé fédé. On a un gars, Jeremy Kovalchuk, qui est chargé entre autres de tout ce qui est logistique pour l’équipe de France féminine. Il l’a contacté pour savoir comment elle viendrait, quel jour, etc. On savait qu’elle viendrait au tournoi de Rennes et il lui a pris un billet, etc. Elle a fait New-York-Paris et Paris-Rennes et on l’a retrouvé ici.

Et la négociation avec la franchise, le Liberty ?

Ce n’est pas moi qui le fais mais c’était prévu. Quand Marine Johannès a signé son contrat, elle a prévu de laisser sa place en équipe de France avant d’aller en WNBA. Bria, elle, avait déjà signé un contrat en WNBA avant d’intégrer l’équipe de France et il n’était pas stipulé dedans qu’elle devait avoir du temps pour nous rejoindre. Elle a dû faire la première partie du championnat et le Liberty l’a libérée uniquement le 10 juin pour venir ici le 11.

Comment avez-vous vécu son arrivée dans le groupe sachant qu’en amont plusieurs joueuses étaient pour le moins méfiantes ?

C’est quelqu’un qui est vraiment très sympathique, très simple. Des joueuses étaient effectivement méfiantes mais cette méfiance est vite tombée car elle est super agréable à vivre. Elle n’a pas la grosse tête, elle est super modeste, discrète. En plus c’est une bonne joueuse qui sait faire des passes et tirer quand il faut. Elle s’est intégrée très facilement. Je lui ai appris deux ou trois phrases de français avec des gros mots, bien sûr ! Ce n’est pas l’image de la Ricaine qui arrive avec la grosse tête. Elle a un petit garçon qui est mignon comme tout. Je l’ai vu car j’étais à Istanbul avec le DES, on fait des formations un peu partout en France et on a profité que Valérie (Garnier) entraîne au Fenerbahçe pour faire un voyage là-bas. Bria m’a présenté son petit gamin qui est super gentil. Là, je pense que si vous interviewez les joueuses de l’équipe de France, aucune ne te dira rien de négatif sur elle. Elle est super intégrée. Toutes les équipes bénéficient d’une étrangère depuis trois ou quatre ans. On en avait une, Isabelle Yacoubou, qui était catégorisée comme étrangère même si elle avait une culture française (NDLR : la néo-Berruyère est à l’origine de nationalité béninoise). Il se trouve que Bria à une grand-mère française. Elle est française aux yeux de l’Etat, elle a un passeport français, mais pas aux yeux de la FIBA (1). Il a fallu faire tout un tas de démarches. Toujours est-il qu’elle a eu un passeport FIBA français. C’est elle qui a demandé à jouer en équipe de France car personne ne l’a connaissait.

Elle est française par filiation comme tout un chacun… Et vous ?

Moi aussi. Mes deux parents sont italiens mais ma mère est née en France. En plus, ça serait quelqu’un de désagréable, de hautain, mais ce n’est pas du tout le cas, elle est super gentille, super agréable à vivre, ça ne pose aucun problème et en plus c’est une bonne joueuse.

(1)Les joueurs/joueuses nés à l’étranger et ayant un lien de sang avec le pays qu’ils veulent représenter doivent prouver leur nationalité légale par le biais d’un passeport obtenu avant l’âge de 16 ans. Les joueurs/joueuses qui ont obtenu leur passeport par la suite -c’est le cas de Bria Hartley- peuvent toujours jouer, mais ils/elles sont considéré(e)s comme des joueurs/joueuses « naturalisé(e)s » par la FIBA.  La FIBA ​​permet à un seul joueur/joueuse naturalisé(e) de figurer sur la liste d’une équipe nationale à chaque match. C’est ainsi, par exemple, que Bria Hartley et Isabelle Yacoubou n’auraient pas pu jouer ensemble en équipe de France.

A suivre

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Quel est votre parcours de coach professionnel ?

J’ai commencé par entraîner deux ans les filles du Racing Club de France dans les années quatre-vingts en étant deux fois vice-champion de France. J’ai été champion de France avec les Espoirs du Racing mais pas avec l’équipe première. J’ai ensuite été assistant d’Indulis Vanags puis j’ai entraîné en garçons Colombes, le LABC, qui allait devenir Levallois. C’était en Pro B en 91-92 et on a loupé la Pro A d’un rien, 2 à 1 contre Roanne. A l’époque on jouait contre les équipes qui descendaient de Pro A. Ensuite j’ai entraîné dans les divisions inférieures jusqu’à ce que Alain Jardel m’appelle pour être assistant en équipe de France féminine jusqu’en 1997. Je suis autour de cette équipe de France féminine depuis avec un arrêt lorsque Alain Jardel a arrêté en 2006. On a été entre autres champion d’Europe en 2001 ! J’étais aussi à la fédé celui qui arrangeait un peu les coups car tous les entraîneurs dont Alain étaient en province. A l’époque, il y avait moins de monde qu’aujourd’hui et je faisais tous les liens avec les fédés étrangères.  J’étais CTR de l’Ile-de-France, je faisais aussi pas mal de choses pour la fédé comme de la formation. Je suis devenu CTN en 2009. Dès le printemps je m’occupais essentiellement de l’Ile-de-France car il y avait des contacts à prendre pour les tournois, etc. Quand Alain a été viré en 2006 par (Yvan) Mainini (NDLR : le président de la FFBB), j’ai arrêté pendant un an et on m’a demandé de venir faire la même chose avec les U20 et Alain pendant deux ans et d’être ensuite le « directeur sportif » avec Grégory Halin, toujours sur les U20 jusqu’à ce que en 2013 Valérie (Garnier) soit nommée et me demande d’être le directeur sportif de cette équipe de France.

Quels sont les fonctions d’un directeur sportif d’une équipe nationale ?

Vous voyez un lavabo ? Sous le lavabo, il y a un siphon où s’accumulent tous les merdes qui vont dans le lavabo. Je suis ce siphon.

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Photo d’ouverture: Bria Hartley (Hervé Bellenger/FFBB)

A suivre

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