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[REDIFF] Interview (2) – Marie-Laure Lafargue (présidente de Basket Landes): « Céline Dumerc est une machine de guerre, une bête de travail »

Photo: Hervé Bellenger/FFBB La suite de l’interview de Marie-Laure Lafargue, présidente de Basket Landes. La première partie est ICI.

Photo: Hervé Bellenger/FFBB

La suite de l’interview de Marie-Laure Lafargue, présidente de Basket Landes. La première partie est ICI.

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C’est une fierté que Céline Dumerc ait signé chez vous en 2016, que chaque année elle prolonge sa carrière d’un an et qu’elle devienne manager générale de l’équipe de France féminine ?

C’est un moment hyper important dans l’histoire du club. On parlait de l’arrivée à Mont-de-Marsan qui s’est faite plutôt en douceur. Céline arrive après notre première année d’installation et elle a complètement entériné la légitimité de notre club. A l’échelle nationale, elle a démontré que l’on est capable d’attirer une joueuse avec ce palmarès-là, ça positionnait le sérieux de la maison. Elle le dirait mieux que moi : elle n’est pas venue là pour une dernière année et finir sa carrière près de chez elle, la preuve elle est encore là cinq ans plus tard. Elle nous a donné beaucoup de crédit dans notre évolution. Elle a entériné ça dans une période qui était de mutation pour le club et c’est évidemment une fierté qu’elle nous ait fait le bonheur de venir et qu’elle soit si fidèle année après année. Au-delà de son amour du jeu et de sa forme éternelle, c’est formidable qu’elle continue chez nous avec le sens du partage et autant de crédit donné à notre modèle dans ce qu’il est sportivement et aussi son petit supplément d’âme. Elle restera évidemment une joueuse inscrite au Panthéon du club pour très longtemps.

On suppose que vous avez été consulté pour qu’elle soit manager générale des Bleues ?

Bien sûr. Les choses risquent d’être un peu instables mais il y a deux fenêtres en novembre et février pour les qualifications à l’Euro 2021. L’équipe de France est déjà qualifiée mais a prévu de faire des matches amicaux et des stages. Depuis le premier jour de l’arrivée de Céline et même avant, on s’était engagé à accompagner sa reconversion autant que possible. La saison prochaine, Céline est bien déterminée à être encore joueuse et c’est constant chez elle depuis le début de réflexion sur la suite. Déjà quand on l’a rencontrée pour lui proposer de nous rejoindre, on avait beaucoup parlé de reconversion et elle nous avait un moment coupé en nous disant : mais vous voulez que je vienne pour me reconvertir ou jouer au basket ? C’est quoi le projet sportif ? Et encore aujourd’hui, elle est dans la certitude que la priorité c’est le sport. Donc l’engagement que nous avons pris c’est de l’accompagner dans le temps qu’on pourra lui mettre à disposition pour se libérer pour les fenêtres internationales comme on le ferait pour une joueuse internationale, l’accompagner aussi éventuellement dans l’acquisition de certaines compétences, plutôt dans le backoffice de la gestion d’une compétition. Je lui ai proposée de se joindre à moi dans les échanges avec la FIBA. Ce qui est sûr c’est que ça ne se fera jamais sur des temps où le sportif à Basket Landes est prioritaire. Ça sera beaucoup du télétravail et des échanges téléphoniques et après progressivement, elle basculera. L’idée, je pense, est qu’elle soit près de l’équipe pour le championnat d’Europe s’ils ont bien lieu en juin de l’année prochaine.

Quel est votre regard sur son endurance que l’on peut mettre en parallèle avec celle de l’Espagnole Laia Palau, qui a 40 ans ? Elle pourrait elle aussi être encore en équipe de France à près de 38 ans ?

J’en suis convaincue. Je ne connais pas Laia Palau mais je vois bien que ce sont des joueuses qui sont dans le même tonneau. Elles ont avant tout une passion absolue pour ce jeu. Elles sont profondément joueuses de basket et elles aiment profondément ce sport. Céline dit souvent, et ce n’est pas tout à fait le fait du hasard, qu’elle a eu la chance de ne jamais s’être blessée gravement pendant sa carrière et certainement d’être moins usée que certaines joueuses car ce niveau-là est très exigeant. Ce qui fait globalement la différence entre les joueurs de haut niveau et ceux de très haut niveau, c’est son incroyable force de travail. C’est une machine de guerre. Elle passe son temps à travailler. Elle a été un peu blessée cet hiver et j’ai le souvenir de Julie Barennes qui se fâche parce qu’en plus des entraînements d’une heure et demie ou deux heures, Céline venait se taper une heure, une heure et quart de shoots, d’exercices, etc. C’est une bête de travail.

Photo: Valériane Ayayi (FIBA)
« La discussion s’est installée et Valou a fait aussi preuve de beaucoup d’intelligence sur la compréhension des enjeux économiques… »

Valériane Ayayi-Vukosavljević est internationale, jouait à Prague, un club très référencé en Euroleague. Comment avez-vous fait pour la faire revenir ?

On ne va pas se raconter d’histoire, ce sont les péripéties du moment. Valou a évidemment une histoire particulière avec Basket Landes. Elle était minime France chez nous, jouant en cadettes en étant surclassée à Bercy avant de partir à l’INSEP. Elle est Bordelaise et elle était au Pôle Espoir Aquitaine qui était domicilié à Mont-de-Marsan. C’est une vieille connaissance de Basket Landes. Elle était revenue pour ses deux ans à la sortie de l’INSEP. On a beaucoup de mal à se séparer des joueuses à Basket Landes, on fait une cérémonie à la fin de la saison et on se promet souvent de se revoir. On était aussi lucide que son parcours la menait loin de nous. Evidemment, au moment des vœux, comme il a l’habitude de le faire chaque année, Pierre Dartiguelongue lui disait qu’il souhaiterait qu’elle finisse l’année chez nous. Mais sincèrement je ne pensais pas qu’elle était à notre portée, ni dans l’intérêt de notre projet ni dans les aspects financiers de ce qu’on était en mesure de lui offrir. Et puis le Covid est arrivé, notre équipe n’était pas finie, Valou a appelé Pierre pour lui raconter comment sa saison s’était finie à Prague, lui dire aussi que le report des JO bouleversait ses projets pour la saison prochaine, dans un contexte économique et sanitaire très incertain à l’étranger, elle voulait se donner un peu de sécurité et préparer les JO dans un contexte à peu près serein et la France lui tendait les bras par rapport à ça. J’insiste : j’étais assez désagréable avec Pierre sur le sujet au départ quand il m’a dit que Valou souhaitait peut-être revenir alors qu’il nous restait encore un poste à signer, le sien. Je n’étais pas inquiet non pas sur l’aspect projet car Julie (Barennes) a été un peu sa maman à l’époque de son passage comme jeune joueuse chez nous. Julie a toujours eu un rôle de leader avec ses équipes et elle n’a pas été en reste avec « l’éducation » de Valou lors de sa première expérience professionnelle. La discussion s’est installée et Valou a fait aussi preuve de beaucoup d’intelligence sur la compréhension des enjeux économiques qui ne nous permettaient certainement pas de lui offrir ce qu’elle aurait pu trouver ailleurs. Elle a su arbitrer vis-à-vis de sa vie personnelle et professionnelle entre l’intérêt sportif qu’elle nous accorde, des concessions financières importantes et l’intérêt pour la maison Basket Landes pour qui elle a toujours un peu d’affection ou du moins un regard bienveillant. Cela a un coût, ce n’était pas prévu mais on s’en réjouit. Tout ça s’est passé en 48 heures le 20 mars. Même pour finaliser les aspects contractuels ça n’a pas été si long car on est vite tombé d’accord sur la philosophie de ce que l’on voulait faire ensemble.

On sait qu’en Ligue Féminine, le recrutement se fait dès le début de l’année civile. Auriez-vous fait le même recrutement en proposant les mêmes salaires si l’épidémie s’était déclenchée plus tôt ?

Je vais vous faire peur, parfois c’est même plus tôt ! On vit une époque qui nous amène à réfléchir sur beaucoup de choses. Là, je prends ma casquette de l’UCLFB (NDLR : l’Union des Clubs de Ligue Féminine) où je suis activiste. On a initié depuis le début de la crise un vrai travail d’échanges avec les syndicats de joueuses et de coaches et des agents car on est tous mobilisés sur la sauvegarde de notre sport. On se demande comment était notre vie avant et si tout était bien dans celle-ci. Il y a des sujets comme celui-là qui reviennent sur la table et j’espère qu’à la sortie de cette crise, en dehors de toutes réflexions de court terme, on sera capable de s’interroger fondamentalement sur certains épisodes, sur les habitudes qui ont été prises depuis quelques années.

Donc si le recrutement se faisait actuellement comme chez les garçons, les données seraient-elles les mêmes ?

Les choses auraient été forcément différentes en raison de la situation économique et parce que notre sport mondialisé ou au minimum européanisé va en subir les conséquences. Je pense qu’à court terme la santé financière des clubs sera à peu près préservée parce qu’ils se sont battus pour mettre en place toutes les mesures de sauvegarde qui ont été possibles comme pour les autres entreprises dans notre pays. Ce n’est pas forcément le cas ailleurs et on nous annonce des choses dramatiques dans certains pays étrangers. Mais forcément les recrutements auraient été différents au moins dans l’aspect financier, j’en suis convaincue.

« Le manque à gagner sur la saison en cours est de l’ordre de 150 000 euros »

Pour un club comme le vôtre, quel est le manque à gagner de cette fin de saison avortée ?

Notre modèle économique est extrêmement sensible à notre activité commerciale, aux activations autour des compétitions. Il nous restait un quart-de-finale de coupe d’Europe à jouer, deux jours après l’arrêt des compétitions, trois matches à jouer à domicile dont un très beau Basket Landes – Montpellier sur la dernière journée qui aurait eu en plus sans doute un caractère très déterminant sur les classements de fin de saison. Il nous restait au minimum un match de playoffs. Le manque à gagner en billetterie est donc d’au moins 100 000 euros de chiffre d’affaires et d’à peu près 30 000 euros supplémentaires pour la partie partenariat. Plus quelques partenaires qui seront peut-être en difficulté pour satisfaire leurs obligations. Le manque à gagner sur la saison en cours est de l’ordre de 150 000 euros.

C’est important. Cela induit des conséquences directes pour la saison à venir ?

C’est moins l’atterrissage, comme on l’appelle, de la saison car elle a été managée. J’insiste : on a la chance d’être dans un pays où ces manques à gagner-là ont été grandement accompagnés par l’Etat. Je l’ai redit cette semaine à nos joueuses, on est dans un pays qui nous offre une vraie sécurité. L’ensemble des salariés est au chômage partiel depuis le 16 mars. Les collectivités ont fait le boulot pour accompagner les phases d’atterrissage. L’inquiétude -qui n’est pas que la mienne – porte plus sur l’impact, si je suis optimise, sur la saison prochaine, et si je suis plus prudente, sur les deux ou trois prochaines saisons. Il faudra que l’on mesure à court terme, sur la saison prochaine, les risques liés à l’évolution de la situation sanitaire, sur le remplissage de nos salles, et à moyen terme, sur les deux saisons suivantes, sur la capacité de notre économie à se relever et à reprendre tout ou partie de l’accompagnement qui se faisait autour de nos clubs sportifs. Cela dépasse le basket féminin et le basket tout court. C’est tout l’univers du sport professionnel, voire de la culture, qui est mis en danger par la crise économique qui nous guette.

Avez-vous déjà envisagé de ne mettre un spectateur qu’un siège sur deux ?

Je suis très farouche sur le sujet pour différentes raisons. Bien sûr, si les conditions sanitaires nous l’imposent de le faire, je ne m’imagine pas m’affranchir de la protection de nos supporters mais je suis très attachée au fondement d’un projet sportif dans un territoire. On ne développe pas un modèle où c’est la compétition pour la compétition et le résultat pour le résultat. Aujourd’hui, le modèle de Basket Landes considère que le club sportif de haut niveau est un lieu de lien social, un lieu d’activation sociale et économique autour du terrain derrière la qualité des performances de son équipe. Je l’ai redit cette semaine, pour des raisons à la fois sociales, philosophiques et économiques, je n’imagine pas jouer avec un spectateur sur deux et évidemment pas à huis clos. A l’exception des injonctions qui pourraient nous être faites sur le sujet. Mais je me bats contre cette idée et je veux espérer que les conditions nous permettront d’espérer reporter le début de championnat pour reprendre une vie la plus normale possible dans nos salles, aussitôt qu’il sera possible de le faire. Quand je vois le désarroi de nos bénévoles, de nos supporters – on a 850 abonnés particuliers et plus de 400 entreprises partenaires -… Aujourd’hui on a des gens qui sont avides de se rapprocher socialement de notre sport. Je serais très frustrée d’interdire l’accès à la salle. Les joueuses que j’ai eu cette semaine au téléphone m’ont dit que plutôt que de jouer dans une salle vide ou à moitié vide, autant s’entraîner. Ce n’est pas notre projet. Nous sommes aussi des producteurs de spectacle sportif et de cohésion sociale autour de nos événements. Je suis plutôt inquiète pour tous ces aspects-là dans cette perspective.

Vous préféreriez rejouer par exemple en novembre-décembre avec du public plutôt qu’à huis-clos en octobre ?

Je ne sais pas quelle serait la bonne date mais si on cherche à théoriser, l’idéal serait de commencer dans une configuration la plus normale possible quitte à attendre novembre si ça s’avérait nécessaire. Pour l’instant on parle un peu à vide mais je ne fais certainement pas l’unanimité dans l’environnement car heureusement d’autres peuvent avoir des avis différents mais ma vision est extrêmement claire et tranchée sur le sujet.

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C’est une fierté que Céline Dumerc ait signé chez vous en 2016, que chaque année elle prolonge sa carrière d’un an et qu’elle devienne manager générale de l’équipe de France féminine ?

C’est un moment hyper important dans l’histoire du club. On parlait de l’arrivée à Mont-de-Marsan qui s’est faite plutôt en douceur. Céline arrive après notre première année d’installation et elle a complètement entériné la légitimité de notre club. A l’échelle nationale, elle a démontré que l’on est capable d’attirer une joueuse avec ce palmarès-là, ça positionnait le sérieux de la maison. Elle le dirait mieux que moi : elle n’est pas venue là pour une dernière année et finir sa carrière près de chez elle, la preuve elle est encore là cinq ans plus tard. Elle nous a donné beaucoup de crédit dans notre évolution. Elle a entériné ça dans une période qui était de mutation pour le club et c’est évidemment une fierté qu’elle nous ait fait le bonheur de venir et qu’elle soit si fidèle année après année. Au-delà de son amour du jeu et de sa forme éternelle, c’est formidable qu’elle continue chez nous avec le sens du partage et autant de crédit donné à notre modèle dans ce qu’il est sportivement et aussi son petit supplément d’âme. Elle restera évidemment une joueuse inscrite au Panthéon du club pour très longtemps.

On suppose que vous avez été consulté pour qu’elle soit manager générale des Bleues ?

Bien sûr. Les choses risquent d’être un peu instables mais il y a deux fenêtres en novembre et février pour les qualifications à l’Euro 2021. L’équipe de France est déjà qualifiée mais a prévu de faire des matches amicaux et de stage. Depuis le premier jour de l’arrivée de Céline et même avant, on s’était engagé à accompagner sa reconversion autant que possible. La saison prochaine, Céline est bien déterminée à être encore joueuse et c’est constant chez elle depuis le début de réflexion sur la suite. Déjà quand on l’a rencontrée pour lui proposer de nous rejoindre, on avait beaucoup parlé de reconversion et elle nous avait un moment coupé en nous disant :


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A suivre demain.

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