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Pour son ancien PDG, l’Euroleague est en danger

L'Espagnol Jordi Bertomeu a été pendant 22 ans (2000 à 2022) le PDG de l'Euroleague et il porte pour le Frankfurter Allgemeine un regard critique sur l'organisation.

A propos du fait que le Final Four ait lieu à Abou Dabi :
J'ai des sentiments mitigés. Je pense qu’il est important de prendre des décisions audacieuses de temps en temps, car une organisation comme l’Euroleague ne peut pas progresser sans cela. Mais je suis aussi préoccupé par le fait que l’événement le plus important de la plus grande ligue européenne de basketball se déroule soudainement hors d’Europe. C’est une décision commerciale, mais le Final Four ne devrait pas être uniquement une affaire de business.

A propos d'une existence qui pourrait être menacée et de la création d'une ligue de la NBA eu Europe :
Non, je ne dirais pas cela, même si une chose est sûre : l’Euroleague est en danger parce que les clubs manquent de vision commune. Depuis trois ans, la direction de la ligue est floue. On ne sait pas où elle va, ni comment. L’Euroleague envoie des signaux de faiblesse. Je ne dis pas qu’elle est faible, mais c’est l’impression qu’elle donne. L’impression que les clubs ne sont pas alignés, qu’ils ne vont pas dans la même direction, qu’ils ne s’accordent pas sur les priorités. Quand cela arrive, d’autres institutions en prennent forcément note et cherchent à tirer parti de la situation. C’est normal, c’est le business. La NBA cherche toujours à étendre son influence. Et si l’Euroleague donne de tels signaux, la NBA essaiera probablement de s’implanter.

"Nous voulions une implication permanente de Berlin, Monaco et de l’Étoile Rouge de Belgrade. C’étaient des jalons. Et maintenant ? Personne ne sait quel est le plan."

A propos du fait que l'ALBA Berlin quitte l'Euroleague pour la Basketball Champions League :
Si vous voulez que les plus grandes villes d’Europe participent à votre compétition, vous devez prendre soin des clubs qui s’y trouvent. C’est votre responsabilité en tant que ligue. Vous ne pouvez pas aller à l’encontre des villes — et donc des marchés — qui sont cruciaux pour votre avenir. Le cas de Berlin montre que les clubs pensent trop à court terme, à l’argent qu’ils peuvent gagner maintenant, et pas à celui qu’ils perdront à long terme. Quand j’étais PDG, la stratégie était qu’Alba Berlin devienne actionnaire de l’Euroleague d’ici 2024. C’était le plan, et tout le monde le connaissait. Nous voulions une implication permanente de Berlin, Monaco et de l’Étoile Rouge de Belgrade. C’étaient des jalons. Et maintenant ? Personne ne sait quel est le plan. On parle de faire payer un ou deux millions d’euros aux clubs non actionnaires pour jouer la saison prochaine. Ce n’est pas comme ça qu’on soutient des clubs. Je suis d’accord avec Marco (Baldi, le GM de l'Alba Berlin).

"Dites ce que vous voulez sur la NBA, mais elle a une vision — celle d’être une ligue mondiale"

A propos d'une coopération NBA-Euroleague :

La coopération doit toujours être un objectif. Mais elle n’a de sens que si elle est gagnant-gagnant. Je ne suis plus impliqué dans les discussions, mais je pense qu’au minimum, cette possibilité mérite d’être explorée. Dites ce que vous voulez sur la NBA, mais elle a une vision — celle d’être une ligue mondiale. Et elle promeut cette vision à travers des joueurs venus du monde entier. C’est une stratégie intelligente. Mais la NBA ne peut pas agir en Europe comme elle l’a fait en Afrique. Ils sont partis de zéro là-bas, créant une ligue à leur image. Mais le basketball en Europe est plus ancien qu’en NBA. Certains de nos clubs ont plus de 100 ans. Ils font partie de la culture. Je comprends que la NBA veuille poursuivre sa vision en Europe, et je suis sûr qu’elle le fera intelligemment. Comment exactement ? Personne ne le sait. Mais je soupçonne qu’elle veut en Europe ce qu’elle a voulu en Afrique : un accès aux talents pour la NBA.

A propos de l'objectif de la FIBA :
Elle veut récupérer ce qu’on lui a pris il y a 25 ans : le contrôle de la plus grande compétition de clubs européenne. C’est leur état d’esprit et il est compréhensible. Ils ont tenté en 2015. Mais à l’époque, les clubs de l’Euroleague étaient unis autour d’un intérêt commun. Cette unité manque aujourd’hui et cela m’inquiète.

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