Basket en Ile-de-France n'est pas destiné uniquement aux franciliens mais il va ravir tout ceux qui veulent en savoir davantage sur le basket français, tout simplement.
Julien Guérineau, qui est le rédacteur en chef du magazine fédéral Basketball connaît son sujet sur le bout des doigts, et pour écrire cet ouvrage, il s'est très bien documenté s'entretenant avec quantité d'acteurs de toutes les générations. Il met en lumière des clubs, le PUC, Bagnolet, Nanterre, etc, et des joueurs et joueuses prestigieux comme Evan Fournier, George Eddy, Diandra Tchatchouang et bien sûr Victor Wembanyama. En bonus, il y a aussi une interview du président du Paris Basketball, David Kahn.
Foi de l'auteur de ces lignes, ça se dévore d'une traite.
L’US Métro, les Linnets de Saint-Maur, le PUC, le Racing, l’Alsace de Bagnolet, Nanterre, le Paris Basketball, etc, l’histoire de 90 ans du basket de l’Ile-de-France est extrêmement riche ?
C’est effectivement un fil conducteur de l’histoire du basket français. Le premier match en Europe a eu lieu à Paris, les premiers champions sont Parisiens, l’Equipe de France y jouait toutes ses rencontres. L’influence de la région était grande et elle le demeure aujourd’hui puisqu’elle « produit » un grand nombre de joueurs de haut niveau.
Vous avez choisi de mettre en lumière des joueurs comme Evan Fournier, Mous Sonko, Victor Wembanyama et encore Diandra Tchatchouang. La sélection a été difficile ?
Le projet était à la base porté uniquement par la Ligue Régionale d’Île-de-France. Elle a sollicité les éditions Amphora qui était intéressées. A partir de là le concept du livre changeait forcément. Moins institutionnel, moins chronologique mais forcément plus tournés vers des « histoires » qui pouvaient parler à un public plus large. Une proposition d’une quinzaine de chapitres a été faite. Globalement les grandes figures franciliennes chez les joueurs comme chez les clubs sortaient du lot.
Combien d’acteurs avez-vous rencontré, quel type d’archives avez-vous consulté ?
Pour les acteurs les plus récents du basket parisien, l’exercice est assez facile, j’ai déjà eu la possibilité d’écrire sur eux. Pour les plus anciens, j’ai consulté des ouvrages de référence, « La grande histoire du basket français », « Le basket français » édité en 1999 auquel j’avais contribué à l’époque où je travaillais à Basket Hebdo. Le site Basket Retro fait également un très bon travail de valorisation du patrimoine. Ensuite j’ai mené 44 entretiens différents pour écrire le livre.

Photo : Julien Guérineau (FFBB)
D’où viennent les photographies qui illustrent l’ouvrage ?
C’est une problématique importante dans l’édition. Presse Sports, l’agence photos de L’Equipe, possède des archives exceptionnelles, mais potentiellement coûteuses. Les clubs concernés ont fourni des photos, des joueuses comme Paoline Ekambi et Françoise Amiaud, des dirigeants comme Jean Donnadieu, des parents de joueur. Le Musée du Basket possède également des archives intéressantes et Hervé Bellenger a contribué à alimenter la base photos du livre.
Qu’est-ce qui a fait que le basket parisien qui a été dominant pendant trois décennies s’est mis ensuite en retrait vis-à-vis de la province ?
Il y a effectivement un trou de 30 ans entre le titre de l’Alsace Bagnolet en 1967 et celui du PSG Racing. Les histoires du PUC comme celle de l’Alsace sont celles de la fin de l’amateurisme. C’est paradoxalement l’arrivée du professionnalisme qui a mis fin à la domination parisienne. Le Stade Français et le Racing ont été très présents dans les années 80 et 90 mais sans jamais obtenir de résultats malgré la présence de grands joueurs.
Qu’est-ce qui a manqué au Racing et au Stade Français pour être le pendant du Real Madrid en Espagne ou d’Olimpia Milan en Italie ?
Les cas sont un peu différents puisqu’on parle d’un grand club omnisports d’un côté, le Real, d’un autre historiquement dominateur qui est ensuite revenu sur le devant de la scène grâce aux investissements de Giorgio Armani, l’Olimpia. Dans les deux cas de figure des investissements à perte. Donc dans un premier temps des budgets comme ceux présentés par ces clubs n’ont pas de sens économiquement et la France est un bon élève sur ce plan. Ensuite le regret est sans doute que le PSG ait privilégié le handball au basket au début des années 2000. J’étais abonné du PSG lorsque le club a disputé l’Euroleague en 1997/98 avec Bozidar Maljkovic. Il y avait un vrai potentiel à exploiter pour installer le club parmi les forces du basket européen comme l’est devenu le PSG Handball.
Croyez-vous dans la capacité du Paris Basketball de fédérer autour de lui un large public, d’être un jour à la hauteur du Real, de Milan et des autres ?
S’entretenir avec David Kahn est passionnant. Il a cette capacité très américaine à vous emmener avec lui dans ses projets. Ce qu’a réalisé le club au niveau de son image est déjà assez remarquable. Je suis Parisien et malgré leur proximité, Levallois ou Nanterre ne sont pas Paris. Le Paris Basketball a comblé ce manque et ses constructions d’équipe autour de jeunes joueurs français comme Ismaël Kamagate ou Juhann Begarin ont été pertinentes sur tous les plans. Carpentier reste cependant un obstacle majeur au développement du club mais avec l’installation dans l’Adidas Arena je pense que tout est envisageable. A condition d’être en Euroleague. Il n’y a pas d’autre alternative pour capter le public parisien. Obtenir une licence pour s’y installer de manière pérenne. J’ai souvenir des soirées Euroleague de Nanterre, à Carpentier, et le public est en attente de voir les meilleures équipes européennes, c’est une évidence.
Vous consacrez un chapitre aux playgrounds, au streetball. Est-il en développement en Ile-de-France depuis les années 90 ?
Je dirais plutôt qu’il retrouve de l’importance. Les joueurs sont de plus en plus nombreux, les terrains profitent des investissements liés au 3x3 pour être rénovés et attirent plus de monde. J’ai pu le constater directement puisque je suis Président du CBP11 (Club Basket Paris 11) et que notre gymnase est adossé à un playground qui vient d’être réhabilité. Le 3x3 et ces rénovations ne répondent absolument pas aux problématiques de créneaux qui empêchent les clubs de se développer faute de place pour accueillir de nouveaux pratiquants, mais ils favorisent la pratique libre, c’est une certitude. Et puis les playgrounds ont une dimension esthétique et sociale très intéressante au cœur du paysage urbain de l’Île-de-France.
L’Ile-de-France est-elle en train d’exploiter enfin son formidable potentiel humain ?
A la Coupe du Monde U17 l’été dernier, six des douze joueurs sélectionnés en Equipe de France venaient de l’Île-de-France. C’est colossal. L’Île-de-France c’est un bassin multiculturel de 12 millions d’habitants et le nombre fait loi. Loïc Calvez, l’entraîneur du pôle espoirs, avait mené une étude en 2020 pour constater que 25% des joueurs en première ou deuxième division masculine étaient franciliens. Le pôle double ses effectifs aujourd’hui ses effectifs, un cas unique en France, et il n’y a aucune raison de penser que la source de talents va se tarir.
Les Jeux Olympiques de Paris vont-ils participer à l’essor du basket parisien ?
Les Jeux de Paris à Lille ? Quelle tristesse déjà de constater que le basket ne disputera que la deuxième phase de la compétition à Paris. Les jeux contribueront mécaniquement à l’essor puisque la construction de la salle de la Porte de la Chapelle est liée à la compétition. Et qu’elle change la donne pour le Paris Basketball.
Editions Amphora, par Julien Guérineau, 19cm x 25cm, 194 pages, 24,95 euros.