Basket Europe continue à s'intéresser aux Français(e)s évoluant à l'étranger. Entretien avec l'ailière internationale Kendra Chéry (1,88 m, 23 ans, 16 sélections) qui revient sur sa saison passée en Espagne, au Pays Basque, et sur son absence en équipe de France depuis deux ans. Pour profiter de l'intégralité de nos premiums, abonnez-vous.
« Qu'est-ce qui vous a attirée dans le projet présenté par Guernica ?
C'est juste le processus de ma vie. J'avais fait quatre ans à Basket Landes, où j'avais bien grandi et appris. J'avais le désir d'aller vers une nouvelle aventure, un nouveau challenge, et découvrir de nouvelles choses. Je dirais que le projet à Guernica était lié à mon développement individuel, il était vraiment intéressant.
Après quatre ans à Basket Landes, n'était-il pas compliqué de faire ses adieux au club ?
Si, c'est sûr qu'à ce moment-là, c'était dur de dire au revoir et de partir. C'est vrai que ça revient souvent quand j'en discute avec d'autres joueuses, mais c'est impressionnant comment on a l'habitude de changer de coéquipières, d'endroits, d'avoir des coéquipières avec lesquelles on s'entend bien un mois et demi et en fait, après, elles partent du club, donc on change. C'est une capacité que l'on a, de pouvoir s'attacher à des personnes et avoir la capacité de partir vers d'autres aventures. Ce qui donne cette capacité, c'est la vision qu'on a sur le long terme. C'est un peu comme quand j'étais petite. J'ai quitté mes parents tôt. Mais ce qui m'a permis de le faire à l'âge de 12 ans, c'était la vision que j'avais. C'est ce qui m'a permis, malgré mon attachement à Basket Landes et l'attachement que j'ai toujours, de pouvoir quitter ce club, c'est la vision que j'ai par rapport à ça.

Vous compariez, dans une autre interview, votre départ de Basket Landes à votre départ de Guadeloupe pour la métropole. La distance entre Guernica et Mont-de-Marsan est bien moins importante (~200 km). Avez-vous quand même été dépaysée à votre arrivée à Guernica ?
Dépaysée, au milieu des montagnes, oui, c'était un peu différent, mais, en fait, je trouve ça agréable. J'ai toujours aimé les nouvelles aventures, je ne parlerais pas forcément de dépaysement, je trouve que ce mot est plus négatif, mais oui c'était forcément un nouvel endroit. C'était agréable cette année par rapport au lieu. J'ai toujours voulu aller en Espagne et découvrir ce pays. C'était vraiment cool.
Avez-vous dû apprendre l'espagnol, que ça soit pour converser avec vos coéquipières ou pour la vie de tous les jours ?
Oui, parce qu'il y a des endroits où j'allais et où ils ne parlaient pas anglais, donc j'ai dû apprendre l'espagnol. Par exemple, dans mon église, ils parlaient espagnol et il y avait même des Portugais parce qu'il y avait beaucoup de personnes d'Amérique latine, donc j'ai même pu entendre un peu de portugais. Ca ressemble à l'espagnol, donc ça va. Quand j'allais faire mes courses, il fallait parler espagnol aussi, donc j'ai appris beaucoup de mots. J'avais des voisins, et des connaissances aussi qui parlaient français et espagnol, donc ça m'a permis aussi d'apprendre. Et après, j'avais ce désir d'apprendre la langue, donc c'est quelque chose qui a été fait naturellement. Et c'est vrai qu'après les départs de certaines étrangères, je parlais l'espagnol [avec mes coéquipières]. Après, au bout d'un an, je comprends couramment et je peux parler, donc ça aussi c'est cool.
« Je pense que la France, l'Espagne et la Turquie sont les meilleures ligues d'Europe »
On connaît bien la rivalité franco-espagnole sur le plan du basket. Est-ce que le fait d'être une Française et de jouer en Espagne vous a accordé un statut particulier ?
Ça dépend de la vision qu'on a des choses. Par exemple, j'ai toujours pensé que même quand les étrangères venaient en France, je les considérais comme mes coéquipières et non des étrangères. Là, quand on me pose la question, "mais tu as le statut d'étrangère ?", je trouve que non. Je n'ai jamais compris le fait d'avoir ce statut d'étrangère ou un autre parce qu'il y a des filles, elles savent faire des choses que moi, je ne sais pas faire. Et pour moi, c'est plutôt un statut de coéquipière où on a des qualités complémentaires sur le parquet.
La seule chose que je peux dire par rapport à ce qui peut changer avec le statut d'étrangère, c'est juste la différence de la vision du basket. Et je pense que quand on comprend qu'entre étrangers, on est complémentaires, c'est là qu'on est plus fort... Par exemple, j'ai compris ça et il y a certaines choses que j'ai pu apprendre par rapport à la manière dont les Espagnols fonctionnaient, voyaient le basket. J'ai pu apprendre beaucoup de choses. Je trouve qu'en France, j'ai beaucoup appris de la logique, mais en Espagne, j'ai beaucoup appris par rapport à tout ce qui est... Non, je vais garder ça secret (rires).
Mais bon, j'ai beaucoup appris par rapport à des choses différentes. Je ne parlerai pas des choses qui ne sont pas logiques, mais je dirais que c'est une manière différente de voir le basket. En fait, je ne sais pas si forcément il y a eu des choses qui étaient différentes par rapport à mon statut d'étrangère parce que je me considérais comme une joueuse de l'équipe. Après, une seule chose différente, c'est surtout au niveau du langage au début de la saison parce que, je ne comprenais pas l'espagnol. Et il y a des filles qui ne parlaient pas forcément un anglais fluide. Mais après, petit à petit, déjà quand la barrière de la langue est brisée, ça devient quelque chose de différent.
Est-ce que le basket, particulièrement le basket féminin, occupe une place plus importante en Espagne qu'en France, vous qui avez joué dans les deux pays ?
J'ai l'impression qu'en Espagne, ça se développe. Parce que parfois, on allait jouer dans des salles et je me suis dit, "mais en France, on ne jouait jamais dans des salles comme ça, avec ce genre de lignes". Je me suis carrément dit que ce ne serait pas légal dans le championnat français (rires). Cette saison, j'ai eu l'impression que ça se développait en Espagne. Il y a de plus en plus de filles qui étaient en France qui sont en Espagne aussi.

"Je pense qu'en France, on est mieux payées"
En tant que basketteuse, est-on mieux payée en France ou en Espagne ?
Je pense qu'en France, on est mieux payées. Parce qu'en plus, souvent en France, ça peut être des contrats de 12 mois. Donc on est mieux payées. Après, forcément ça dépend aussi beaucoup des contrats que l'on a. Mais en majorité, en France, le salaire est meilleur.
Quelles différences avez-vous remarquées au niveau du jeu entre les deux championnats ?
Je dirais que c'est un style de jeu qui est plus rapide. Et après, pour le reste, c'est un mystère. Je dis que c'est aux personnes d'en juger. C'est en le regardant que ça leur donnera plus envie de suivre le championnat espagnol. Mais ce qui est surtout différent, c'est la rapidité d'exécution.
Chez les garçons, le championnat espagnol est probablement le meilleur d'Europe, peut-on en dire autant pour son équivalent féminin ?
Je pense qu'il fait partie des meilleurs, oui. Je dirais qu'en France, peut-être qu'on va avoir une dimension physique plus importante. Mais en tout cas, cette saison, en Espagne, le niveau était très très proche [de celui du championnat français]. Il y a des équipes mal classées qui ont été gagner contre les premières. D'autres fois, les premières, elles ont mis 30 points aux mal classées. Mais je trouve que cette saison, le championnat était vraiment homogène. C'est ce que je peux dire par rapport à ça. Il fait partie de l'un des meilleurs d'Europe. Je pense que la France, l'Espagne et la Turquie sont les meilleures ligues d'Europe.
L'Espagne est aussi tristement connue pour des actes de racisme dans les tribunes. Est-ce quelque chose que vous avez subi cette année ?
Non, justement, je trouvais les personnes très ouvertes, très agréables, très accueillantes. Par rapport aux fans dans les salles, non. Après, en dehors, ça peut être différent. J'ai un peu remarqué que c'est un pays qui est moins développé au niveau des personnes de couleur noire. Par exemple, quand on me voyait, on me parlait directement anglais. Alors qu'en France, on a l'habitude de cette diversité. Je pense que c'est surtout la diversité qui est différente là-bas. En tout cas, par rapport aux salles de basket, non.
« Cette saison a vraiment été un challenge et une aventure »
Guernica n'a pas disputé l'Eurocup cette saison. Etait-ce prémédité ?
Au moment où j'ai signé, ils étaient en train de faire la demande. Mais malheureusement, elle a été refusée. Après, ça a été un choix de ma part de quand même rester malgré l'absence de compétition européenne.
Savez-vous pourquoi cette demande a finalement été refusée ?
Non, je pense juste qu'il y avait déjà un certain nombre d'équipes espagnoles (Baxi Ferrol, IDK Euskotren, Spar Girona, Movistar Etudiantes, Hozono Global Jairis). Et comme elles avaient fini neuvième la saison d'avant, c'est peut-être pour ça que ça a été refusé. À cause de leur classement.

Le club était, il y a quelques années, habitué à figurer plutôt dans des places plus hautes du tableau. Qu'est-ce qui peut expliquer la méforme qu'a connue l'équipe sur les deux dernières saisons ?
Je pense que c'est plus lié au développement du championnat espagnol. Il est très homogène, c'est sans doute plus difficile qu'avant car il y a de plus en plus d'équipes concurrentes.
Sur le plan personnel, qu'avez-vous pensé de votre première saison à l'étranger ?
Cette saison a vraiment été un challenge et une aventure. Je pense qu'il n'y a pas une saison qui m'a transformée comme celle-ci. Cette saison, elle m'a permis de grandir, de comprendre certaines choses. Et ça, c'est précieux pour l'avenir. Donc, je suis satisfaite de ça.
Qu'est-ce vous avez pensé de l'ambiance dans les tribunes là-bas, que ce soit dans les salles où vous vous déplaciez ou dans la salle de Guernica ?
J'ai l'impression que, parfois, en France, les salles étaient plus remplies, enfin, surtout plus grandes, donc c'était différent. Après, les salles étaient quand même remplies, mais l'ambiance était différente. Mais sinon, au niveau de Guernica, c'était une petite salle avec une bonne ambiance. Ça, c'était cool.
Qu'est-ce qui vous a le plus manqué par rapport à votre début de carrière en France ?
Franchement, rien. Je dirais rien parce qu'en fait, je me plaisais dans ce que je découvrais, le fait de découvrir de nouvelles choses, de nouvelles équipes. Rien de m'a spécialement manqué.
Pas même la nourriture ?
Non, en Espagne, il y a de la bonne nourriture. J'aimais trop manger des tortillas, des tapas. Il y a des endroits où il y a de bons cookies. En fait, souvent, quand je voyage, je trouve des bons endroits pour manger. Et même, justement, dans les hôtels, je trouvais qu'on mangeait mieux que dans les hôtels en France. En tout cas, au niveau de la nourriture, ça va. Il y a des choses qu'ils n'avaient pas forcément en magasin, par exemple pour trouver de la crème fraîche, et j'aime bien faire les quiches. Pour ça, c'était un peu différent, mais sinon, ça va.
« L'équipe de France, ça a toujours été quelque chose qui est important pour moi. Je patiente »
Cela fait maintenant plus de deux ans que vous n'avez pas joué pour les Bleues. Le sélectionneur ou le staff vous a-t-il informé des potentielles raisons pour lesquelles vous êtes laissée de côté en équipe de France ?
Non.
De votre côté, arrivez-vous à attribuer une cause à cette absence ?
Non.
L'équipe de France reste-t-elle un objectif malgré cela ? Souhaitez-vous y faire votre retour ?
Oui, bien sûr. Vous savez, l'équipe de France, c'est quelque chose d'important pour moi. C'est une partie de ce que je suis en tant que joueuse française et représenter mon pays, ça a toujours été quelque chose qui est important pour moi. Donc, je patiente.
Allez-vous continuer en Espagne, à Guernica ou dans un autre club la saison prochaine ?
Mon avenir, c'est un mystère pour l'instant. On verra au moment voulu (sourire).
Donc il n'y a pas de retour en France prévu ?
Je garde tout secret pour l'instant.

Cette année a été très importante pour votre famille, qui est en passe de s'agrandir avec la naissance de l'enfant de votre frère (Valentin), et d'Alexia (Chery-Chartereau). La distance a-t-elle été un frein pour communiquer avec eux et avoir des nouvelles ?
Je dirais que c'est comme dans la vie normale, quand des personnes dans la famille s'envolent, on arrive à garder des liens. Non, il n'y a pas eu de changement spécial, ça a été aussi simple que si j'étais en France.
Est-ce que vous continuez de suivre les matchs de Basket Landes, votre ancien club ? Et si oui, que pensez-vous de leurs chances pour le titre de championne en cette fin de saison ?
Oui, je continue de les suivre. Après, au niveau du titre, que l'on voit ou pas Basket Landes favori, je soutiens et j'espère toujours que c'est possible pour Basket Landes ! »