La Suède et le Portugal ont embêté la Turquie et l’Allemagne plus tôt dans la journée. Est-ce le meilleur moyen d’être méfiant pour ce huitième de finale contre la Géorgie (dimanche à 14h15) ?
Ce sont des matches très particuliers. On rentre dans une phase où, si on perd, c’est fini. Maintenant, on sait qui l'on est. On est venu ici avec un état d’esprit d’outsider. Donc on se doit d’aborder le match de la meilleure des façons.
Au-delà du changement de décor de Katowice à Riga, sentez-vous un changement d’état d’esprit ?
Non, pas chez nous. On essaie de rester sur ce qu’on a commencé à construire en préparation et lors de la phase de groupe. Mais personne n’est dupe, joueurs et staff compris. On sait que c’est un match très important, comme pour tout le monde...
En 2014, vous avez été champion d’Europe à Riga avec l’équipe de France U16. Quels souvenirs en gardez-vous ?
C’était il y a 11 ans, je m’en souviens très bien. On avait fait une très belle phase de groupe. On avait gagné contre la Lettonie au premier tour et aussi en finale, dans la salle d’entraînement d’aujourd’hui. Globalement, j’en garde un excellent souvenir, avec Frank Ntilikina, Adam Mokoka et les autres.
Au-delà de la compétition, ce qui m’a beaucoup apporté, c’est d’avoir des contacts avec des futurs grands joueurs français. Quand on les voit jouer à 16 ans, on ne sait pas ce qu’ils vont devenir. Mais on sentait déjà qu’il y avait des graines de champions là-dedans puisque plus de la moitié sont devenus pro et ont de très belles carrières.
Êtes-vous revenu à Riga depuis ?
Oui, je suis revenu une fois avec Bourg-en-Bresse pour jouer contre Prometey (NDLR : équipe ukrainienne en délocalisation d’Eurocup).
Que pouvez-vous tirer de ces expériences ici ?
C’est une autre histoire, un autre groupe. Mais, pour les superstitieux comme moi, c’est peut-être le bon endroit pour faire un exploit. Je répète, un exploit, car même si on est ambitieux, on sait qui l’on est.
“On ne parle que de la Géorgie, on ne peut pas se permettre de regarder plus loin”
Quels souvenirs gardez-vous de votre dernière campagne en Bleus, l’Euro 2005, où vous battez la Serbie en huitièmes de finale (pour aller chercher le bronze) ? Que voulez-vous leur transmettre ?
Ce que je veux leur transmettre, c’est cette prise de conscience qu’on ne s’en sort pas seul, que le groupe doit être plus fort que les individus. C’est ce qu’on essaie de faire depuis le début. Hormis les deux perf’ au scoring (NDLR : de Yabusele et Francisco, 36 et 32 points contre la Pologne et la Slovénie), je trouve qu’on est vraiment dangereux de partout. On a beaucoup de joueurs qui dépassent les 10 points à chaque match. Peut-être qu’on est durs à lire aussi pour ça. En tout cas, c’est cette prise de conscience collective qui était arrivée il y a vingt ans à ce moment-là, dans un contexte assez différent car tout un pays était contre nous, il a fallu être soudés assez vite. Mais c’est l’état d’esprit qu’on essaie de véhiculer. Aujourd’hui, on ne parle que de la Géorgie, on ne peut pas se permettre de regarder plus loin, ne serait-ce que par rapport à ce qu’on a vécu à Katowice. C’est important de se concentrer là-dessus. La force de ce groupe-là, c’est son unité, son humilité. J’espère que ça nous servira pour des matches différents.
La France part favorite contre la Géorgie…
Ça c’est vous le dites. Moi, je ne le vois pas comme ça. Je crois que ce sont surtout deux équipes qui jouent complètement différemment au basket. On connaît notre basket, basé sur de la transition et une défense assez intense. La Géorgie va proposer quelque chose de différent, avec une équipe plutôt expérimentée, qui joue beaucoup sur du demi-terrain, du post-up. Il faut qu’on continue à cultiver l’état d’esprit qui est le nôtre : une équipe d’outsiders.
Comment limiter au maximum leurs NBAers Goga Bitadze et Sandro Mamukelashvili, leurs deux meilleurs marqueurs ?
Ce sont deux joueurs très particuliers. Bitadze est dans le post-up, dans le rebond, il peut aussi écarter à trois points. Mamu est aussi un gros scoreur. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ont un rôle très différent en Géorgie de celui qu’ils occupent en NBA. On sent ces joueurs qui arrivent à se transcender, presque habités pour jouer pour leur équipe nationale. On ne les découvre pas aujourd’hui mais on les sent avec beaucoup plus de confiance que pendant la saison.
Quelles sont les faiblesses que vous avez identifiées ?
On verra ça demain (sourire).
Cela fait dix ans que vous n'avez pas rencontré la Géorgie. Qu’est-ce que cela change ?
On essaie de faire au mieux pour jouer plusieurs styles de basket. Tous les pays ont des cultures très différentes. Et c’est vrai que le style de jeu de la Géorgie, c’est encore un basket différent de ce qu’on avait l’habitude de rencontrer, physique et costaud. Il n’y a pas beaucoup de rotations, ils ont tendance à ralentir de jeu. Il va falloir s’adapter comme eux vont s’adapter à nous.
“Cette défaite (contre Israël), j’espère qu’elle est venue au bon moment”
Avez-vous le sentiment que, quand votre équipe va bien, ça va très bien, et quand ça va moins bien, ça va vraiment moins bien ?
Je trouve qu’on a fait un bon premier tour. Sincèrement, on a vu l’équipe progresser, des joueurs gagner en maturité. Lors de notre défaite (contre Israël), on a vu que quand on perd pied, on perd vraiment pied. Après, nous avions joué la veille (face à la Slovénie), on avait eu moins de temps pour le préparer. Là, on a eu plus de temps. J’ai trouvé qu’il y avait une progression individuelle énorme dans cette équipe.
Vous auriez aimé éviter la défaite contre Israël. Mais, finalement, n’était-elle pas nécessaire ?
Sur le coup, ça nous a fait mal. Mais j’espère vraiment que c’était un mal pour un bien. Vu la réaction qu’on a eu derrière, je croise les doigts pour que ça continue encore longtemps. De toute façon, c’est toujours “bon” de subir une défaite. Ça remet un peu les idées au clair de tout le monde, staff compris, ça nous fait redescendre de notre nuage. Cette défaite, j’espère qu’elle est venue au bon moment. Et qu’on saura s’en souvenir pour être prêt pour ce genre de matchs.
Vous n’étiez pas au huitième de finale contre la Turquie à l'Euro 2022, mais est-ce un match qui peut être utile de leur rappeler ?
Non, sincèrement. Quand on ne vit pas les choses de l’intérieur, on ne sait jamais ce qu’il se passe vraiment. On va leur rappeler que chaque match est difficile, ne serait-ce que les Turquie-Suède et Allemagne-Portugal… Ça suffira largement. Ce sont deux contextes très différents. On a notre propre histoire à vivre, qui commence aujourd’hui, et qui sera très longue, je l’espère.
Propos recueillis en conférence de presse à Riga (Lettonie).