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[REDIFF] Interview (1) – Vincent Lavandier (coach Glasgow Rocks): « Il y a des matches en prime time sur la BBC. C’est ça le paradoxe »

Ancien assistant en Pro A, coach en Pro B et N1, Vincent Lavandier a vécu une expérience dans la Bristish Basketball League comme head coach des Radisson Red Glasgow Rocks qui étaient en tête du championnat au moment de son arrêt. Il nous fournit ainsi un éclairage pertinent sur la BBL et le basket

Ancien assistant en Pro A, coach en Pro B et N1, Vincent Lavandier a vécu une expérience dans la Bristish Basketball League comme head coach des Radisson Red Glasgow Rocks qui étaient en tête du championnat au moment de son arrêt. Il nous fournit ainsi un éclairage pertinent sur la BBL et le basket britannique qui sont pétris de paradoxes.

L’interview est en deux parties.

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Son choix de partir au Royaume Uni :

Je connais l’ancien general manager de Glasgow depuis des années. Là-bas, ils achètent les clubs, c’est comme des franchises, et en 2017 ils ont changé de propriétaire. Le GM m’a appelé, je suis allé sur place, j’ai eu un entretien avec eux. Mais le nouveau propriétaire, qui ne connaissait pas le basket, a voulu prendre un coach anglais. Je suis toujours resté en contact car j’y ai des anciens joueurs -notamment Gareth Murray qui est en équipe d’Ecosse et en GB Team- qui sont là-bas et en plus je l’avais aidé dans le recrutement avec Greg Pryor que j’ai eu à Tarbes- et l’an dernier en février, ils m’ont rappelé. J’y suis allé plus par amitié et pour dépanner. Je connais bien aussi Kieron Achara, un international écossais, qui a joué en Espagne, en Italie, en Grèce et à Glasgow. Il a pris sa retraite à la fin de la saison dernière. Comme le championnat est particulier, arrivé là-bas on a eu 15 matches en deux mois et on est passé de la 11e place à la 4e. Et au bout d’un mois, ils m’ont proposé de re-signer pour deux ans. On a discuté longuement car le pouvoir financier ce n’est pas leur force là-bas ! J’ai une double casquette, celle de head coach et directeur des opérations basket. On a droit à cinq étrangers et sinon je n’avais que des Ecossais dans l’équipe. Pas d’Anglais, c’est un peu nationaliste parfois (sourire). La fibre écossaise est très importante et je suis allé dans ce sens-là. Il n’y a pas beaucoup de bons joueurs en Ecosse mais on ressent une passion énorme. Il y a peu de coaches français qui s’exportent et c’était intéressant de vivre autre chose, de sortir de son confort. Je suis un peu atypique, j’aime bien découvrir des choses. J’ai découvert une nouvelle culture, de nouvelles structures qui peuvent être complexes. Et c’est vrai que j’ai évolué, changé.

« Actuellement, toutes les équipes sont anglaises sinon nous à Glasgow. Il n’y a pas d’équipes galloises et irlandaises car il n’y a pas d’argent »

Les subtilités des formules de la British Basketball League :

Au départ, il y avait 12 clubs mais London City a déposé le bilan en décembre. Il n’y a ni montées, ni descentes. Il peut y avoir des candidats et une nouvelle équipe anglaise va peut-être arriver. Actuellement, toutes les équipes sont anglaises sinon nous à Glasgow. Il n’y a pas d’équipes galloises et irlandaises car il n’y a pas d’argent. Cette année ils ont changé la formule mais ils vont revenir à l’ancienne à cause de la crise. L’an dernier, on pouvait jouer une équipe sept fois car il y a différentes compétitions. Il y a la Cup que l’on peut comparer avec la Leaders Cup de Pro B en France avec le groupe Nord et le Groupe Sud. Il y a 10 matches et ensuite quart, demi et finale. Ensuite, il y a le Trophée. On va dire que c’est la Coupe de France. C’est sur un match, tu gagnes, tu continues. Comme on n’est que 12 pour le Trophée, ils rajoutent des équipes qui sont invitées. Généralement c’est le champion écossais, les deux premières équipes du championnat anglais, et il y a carrément l’équipe nationale du Pays de Galles que j’ai rencontré et on a gagné de 70 points ! Les Irlandais ne veulent pas, ça leur coûte trop cher. Ensuite, il y a un titre avec une coupe pour le champion de la saison. Cette année, ils avaient décidé de ne faire qu’aller-retour donc 22 matches. D’habitude, on joue trois fois la même équipe avec une année deux matches à domicile contre une équipe et l’année d’après un match. Et après les playoffs. Ça fait donc quatre trophées.

Comment s’y retrouver dans le labyrinthe du recrutement d’un joueur américain :

Le pire ce sont les règlements pour par exemple recruter. Si on veut recruter un Américain, il faut tout d’abord faire une demande auprès de l’England Basketball via la BBL pour avoir l’autorisation de le faire. Une autorisation qui est définie par différents critères. Il faut qu’il ait joué 70% des matches sur les deux dernières années. Ceci dit, j’ai recruté un joueur qui n’avait fait que deux matches sur les deux dernières saisons car il s’était fait les croisés en Islande mais il avait fait 100% des matches avant de se blesser. Il a fallu 15 jours de discussions pour avoir une réponse positive ! Et après il faut encore attendre 15 jours de plus pour avoir le papier officiel. C’est une astuce que tu trouves après car quand tu lis la première fois le recrutement, tu te dis que tu ne peux pas le recruter. Il faut qu’il ait un diplôme universitaire soit aux Etats-Unis soit au Canada. S’il n’est pas diplômé, je crois qu’une dérogation est possible mais il faut qu’il ait joué tant de saisons dans un championnat de premier ordre. C’est quand même marrant quand on parle de la BBL… Quand on n’a pas le papier officiel, on ne peut pas faire la demande de visa et c’est plus réglementé qu’en France. L’année prochaine, ils ne seront plus dans l’Union Européenne sachant que l’on parle en visas et non pas en nationalités ou en zones géographiques. Je leur ai demandé s’ils avaient pensé au Brexit, ils m’ont répondu que non. Donc l’année prochaine c’est cinq visas et on pourra légalement prendre cinq Ricains. Ils m’ont répondu que dans ce cas-là, ils limiteraient un peu comme au Japon en ne permettant pas de faire jouer ses 4 ou 5 Américains en même temps. Bref, une extraordinaire usine à gaz au lieu de mettre comme en Europe des Cotonou, des Bosman et des non-Européens donc des Américains.

Photo: Gareth Murray (FIBA)
« On a un budget de 500 000 livres… Celui de l’année prochaine sera de l’ordre de la moitié »

Un budget déjà faible et voué à une forte diminution :

On a un budget de 500 000 livres (NDLR : 575 000 euros). Là-dessus on a perdu 150 000 livres liés au Brexit. Tous les clubs font des community work que l’on appellerait chez nous animations. Dans tous les contrats des joueurs, il est prévu qu’ils fassent de 10 à 15 heures de community work par semaine avec le concours de la mairie. Ils font des animations dans les écoles et tous nos joueurs faisaient ça tous les après-midis. Ce ne sont pas des basketteurs professionnels en fait. Donc, le council, la mairie, nous donnait 150 000 livres en contrepartie mais il n’y en aura plus la saison prochaine car il n’y aura plus la subvention de l’Europe. En plus, malheureusement, on avait des gros matches en fin de saison -Londres, Leicester puis les playoffs puisqu’on était la seule équipe déjà qualifiée- qui rapportaient beaucoup d’argent. On perd à peu près 100 000 livres de recettes que l’on ne récupéra jamais. A cause du virus, on a perdu beaucoup de sponsors. Aussi le budget pour la saison prochaine sera de l’ordre de la moitié. Il faut savoir aussi que trois clubs ont leur propre salle : Newcastle, Leicester et Worcester. Alors que nous on paye 100 000 livres l’année pour l’arèna, pour les entraînements, les matches et les locations des bureaux. En plus l’année prochaine ils veulent faire plus de matches mais pour nous, pour qu’un match soit rentable, il faut qu’il soit sold out, complet. On peut jouer dans différentes configurations sachant que la plus classique c’est 1 700 places et on peut monter à 6-7 000 dans la grande salle où il y a de l’athlétisme indoor. Le prix de la location de la salle avec la sécurité c’est 2 500 livres et on n’a aucune recette liée à la buvette. On n’a que le ticket. Le restant des recettes c’est le sponsoring privé et universitaire. Notre plus gros sponsor est universitaire. Je crois qu’il donne 60 000 livres à l’année. Le basket -et je crois que c’est le cas pour les autres sports en Grande-Bretagne- est très proche du système américain donc universitaire. J’ai des joueurs qui sont en Master et ils ne le payent pas car c’est dans le cadre de notre partenariat. J’ai à la fois des semi-pros et des étudiants (sourire).

L’importance du sport scolaire

Le basket est en fait le deuxième sport collectif en Grande-Bretagne car il est très pratiqué dans les collèges, les lycées et universités. Rien que sur Glasgow, il y a trois niveaux de championnats universitaires. Avant les matches de la BBL, il y a des petits tournois interscolaires, high schools ou en-dessous pendant une ou deux heures. Nous, pour un match à 19h, on n’a le terrain qu’à 18h. Tout juste. La priorité c’est de faire jouer les gamins. A Newcastle, par exemple, il y a beaucoup de basket chez les jeunes et ils jouent toute l’après-midi de tous les matches, le vendredi. Chez nous avec les community work, il y a des tournois qui sont organisés dans la semaine entre les différentes écoles et nos joueurs y vont, de fin octobre à mars. On dit souvent en France que le hand est un sport scolaire alors que là-bas c’est vraiment le basket.

La faiblesse des aides des collectivités :

Pour l’équipe nationale, c’est une galère d’avoir de l’argent. Les joueurs ne sont pas payés et parfois ils ne savent même pas comment ils vont aller en déplacement. Le Ministère des Sports donne très peu d’argent au basket. Il choisit les sports qui sont pourvoyeurs en médailles. En France c’est pareil mais moins flagrant pour nous basketteurs car notre fédération est plus forte et on ramène des médailles. C’est pour cela que l’on va à fond sur le 3×3 car en 5×5 même si nos équipes sont bonnes, on n’est pas sûr d’avoir des médailles. Ce sont les JO qui comptent, pas les championnats d’Europe et du Monde. D’autres sports peuvent avoir des craintes là-dessus. A Glasgow, ils donnaient donc 100 000 livres pour les community work, on paye la salle, alors qu’à Angers, ma ville, la municipalité donne 750 000 euros de subvention en Nationale 1 et en plus la salle est gratuite. C’est peut-être dû au fait que dans la ligue les clubs ce ne sont que des sociétés. Quand on joue à l’extérieur, c’est soit dans les propres salles des équipes, soit dans des universités, ou à Londres dans la deuxième plus grande salle après l’O2. Le coach m’a dit qu’ils payent 15 000 livres pour ouvrir la salle ; il y a donc intérêt à la remplir. Dans des équipes plus faibles comme Manchester, ils ont des accords avec les mairies mais ils jouent dans des centres de loisir de sport. Imaginez trois terrains en largeur, une petite piscine, une petite salle de gymnastique, et ils s’entraînent là-dedans. Il y a trois terrains. Quand tu t’entraînes, tu tires les rideaux comme à Aix-Maurienne. S’il y a de la gym à côté, il y a de la musique à fond. Sur un autre terrain, il y a les écoles. Et toi, en tant qu’équipe professionnelle, tu t’entraînes au milieu. Pour les matches, ils montent une tribune vite fait.

Photo: Emirates Arena
« J’ai même joué une fois à 19h30 le samedi et à 17h le dimanche entre Londres et Manchester en voyageant toute la nuit »

Le principe des back to back:

On joue beaucoup de back to back. C’est pour ça que j’ai beaucoup évolué en tant qu’entraîneur et dans mon management. Quand tu joues trois matches en sept jours et que tu es une équipe professionnelle qui fait les coupes d’Europe comme l’ASVEL, tu as 12 pros, un staff, tout ce qu’il faut, alors que moi j’étais tout seul sans assistant. Donc tu dois tout seul entrainer, scouter, préparer les matches. Ce sont donc des back to back. C’est-à-dire un match le vendredi soir à 19h30, à Plymouth, en partant le matin. On est allé à Bristol en avion et après on a pris le bus. Le lendemain, on jouait à Bristol. J’ai même joué une fois à 19h30 le samedi et à 17h le dimanche entre Londres et Manchester en voyageant toute la nuit. C’est pour ça à mon avis que la BBL n’arrive pas vraiment à passer le cap car ce n’est pas elle qui décide du programme mais ce sont les clubs. Il y a un club qui veut absolument jouer le 1er janvier chez lui, il joue le 1er janvier. Nous, en Ecosse, le 25 et le 26 décembre comme le 1er et le 2 janvier, tous les gymnases sont fermés, impossible de s’entraîner. Donc on a joué le 27 décembre avec 8 heures de bus aller. Tu peux jouer le mardi, le mercredi, le vendredi, le samedi, le dimanche ce sont les clubs qui décident en fonction de la disponibilité de leur salle. Nous, on voulait jouer le dimanche car il y a plus de monde mais impossible, l’aréna est prise, alors on joue le vendredi où il y a moins de monde car le championnat écossais joue aussi. Tout le monde fait sa popote et même en pleine saison on peut nous demander de décaler un match. Et quand il y a les quarts, demis et finale de Trophée et de Cup, plein de dates ne sont pas prévues. C’est pour ça que je me suis retrouvé l’an dernier à jouer 15 matches en deux mois.

Des matches sur la BBC :

Il y a des matches sur une plateforme et quelques-uns qui passent à la BBC en prime time. Toutes les finales passent sur la BBC et aussi pendant la saison. C’est ça le paradoxe. Je suis passé deux fois sur la BBC notamment quand on a joué dans la configuration 6 000 places. Cela arrive aussi pour Londres, Leicester. La BBC c’est une chaîne gratuite. Pour nous c’est BBC Scotland, il y a aussi BBC 1, 2, 3, Sport, News, etc. Il y a plus de matches sur une chaîne dite nationale qu’en France.

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Son choix de partir au Royaume Uni :

Je connais l’ancien general manager de Glasgow depuis des années. Là-bas, ils achètent les clubs, c’est comme des franchises, et en 2017 ils ont changé de propriétaire. Le GM m’a appelé, je suis allé sur place, j’ai eu un entretien avec eux. Mais le nouveau propriétaire, qui ne connaissait pas le basket, a voulu prendre un coach anglais. Je suis toujours resté en contact car j’y ai des anciens joueurs -notamment Gareth Murray qui est en équipe d’Ecosse et en GB Team- qui sont là-bas et en plus je l’avais aidé dans le recrutement avec Greg Pryor que j’ai eu à Tarbes- et l’an dernier en février, ils m’ont rappelé. J’y suis allé plus par amitié et pour dépanner. Je connais bien aussi Kieron Achara, un international écossais, qui a joué en Espagne, en Italie, en Grèce et à Glasgow. Il a pris sa retraite à la fin de la saison dernière. Comme le championnat est particulier, arrivé là-bas on a eu 15 matches en deux mois et on est passé de la 11e place à la 4e. Et au bout d’un mois, ils m’ont proposé de re-signer pour deux ans. On a discuté longuement car le pouvoir financier ce n’est pas leur force là-bas ! J’ai une double casquette, celle de head coach et directeur des opérations basket. On a droit à cinq étrangers et sinon je n’avais que des Ecossais dans l’équipe. Pas d’Anglais, c’est un peu nationaliste parfois (sourire). La fibre écossaise est très importante et je suis allé dans ce sens-là. Il n’y a pas beaucoup de bons joueurs en Ecosse mais on ressent une passion énorme. Il y a peu de coaches français qui s’exportent et c’était intéressant de vivre autre chose, de sortir de son confort. Je suis un peu atypique, j’aime bien découvrir des choses. J’ai découvert une nouvelle culture, de nouvelles structures qui peuvent être complexes. Et c’est vrai que j’ai évolué, changé.

« Actuellement, toutes les équipes sont anglaises sinon nous à Glasgow. Il n’y a pas d’équipes galloises et irlandaises car il n’y a pas d’argent »

Les subtilités des formules de la British Basketball League :

Au départ, il y avait 12 clubs mais London City a déposé le bilan en décembre. Il n’y a ni montées, ni descentes. Il peut y avoir des candidats et une nouvelle équipe anglaise va peut-être arriver. Actuellement, toutes les équipes sont anglaises sinon nous à Glasgow. Il n’y a pas d’équipes galloises et irlandaises car

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A suivre demain

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