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Jean-Jacques Maleval, le journaliste qui a amené la NBA en France

Le jour de Noël, délaissant très exceptionnellement le football et son PSG, L’Equipe a offert sa couverture à Stephen Curry et LeBron James pour présenter le match Golden State Warriors vs Los Angeles Lakers. Et à l’intérieur du journal, six pages supplémentaires de NBA ont été proposés aux lecteurs

Le jour de Noël, délaissant très exceptionnellement le football et son PSG, L’Equipe a offert sa couverture à Stephen Curry et LeBron James pour présenter le match Golden State Warriors vs Los Angeles Lakers. Et à l’intérieur du journal, six pages supplémentaires de NBA ont été proposés aux lecteurs.

Que les temps ont changé ! Dans les années soixante, le sigle même NBA était totalement inconnu en France. Le journaliste qui a apporté la bonne parole est Jean-Jacques Maléval qui a éclairé toute une génération de fans de basket. Voici son interview.

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Comment devient-on fan de basket américain, il y a cinquante ans, alors que personne ne s’y intéresse en France ?

J’étais en fac, à la fin des années soixante, je ne peux pas dire la date exacte. En fait, j’avais un copain en Californie, qui l’est toujours d’ailleurs. J’avais entendu parlé du basket NBA et je lui ai demandé s’il pouvait m’envoyer une K7. Il l’a fait mais comme c’était du NTSC, j’ai dû m’acheter un magnétoscope NTSC lorsqu’ensuite, je suis allé aux Etats-Unis. Et en France je me suis acheté un moniteur Sony qui était multistandards. En fait, mon copain m’envoyait deux ou trois K7 par semaine.

En 1970, des joueurs, des entraîneurs, des dirigeants, des journalistes spécialisés avaient-ils une connaissance du basket américain ?

Je n’ai rencontré personne… Sauf qu’à L’Equipe Marcel Hansenne (NDLR : ancien coureur international de demi-fond après avoir été basketteur. Il fut ensuite journaliste et auteur du livre « Le Basket » en 1963) avait fait des papiers sur le basket américain. Il a dû aller là-bas pour d’autres raisons et il en profité pour voir des matches et faire quelques articles. Il s’y connaissait un peu. C’est lui qui était rédacteur en chef à L’Equipe quand j’y étais et c’est avec lui que j’ai eu quelques problèmes*.

De quand date votre premier voyage là-bas ?

Je crois que la première fois que je suis allé aux Etats-Unis, c’est durant l’été 68. J’avais pris un pass d’un mois en bus pour 100$ et avec ça, tu pouvais te promener partout aux Etats-Unis. Et en plus du pass, j’avais un dollar par jour ! J’ai vécu avec ça, parfois c’était un peu l’horreur. Ma mémoire est un peu floue. Je sais que j’ai vu UCLA. Ensuite, j’y suis retourné pratiquement tous les ans, notamment pour le bouquin, mais en fait L’Equipe ne m’a jamais payé le voyage. Et après, j’ai continué à y aller pour mon boulot dans l’informatique. Pendant vingt, vint cinq ans… La plus grande exposition d’informatique était le Comdex à Las Vegas.

Vous avez donc assuré des chroniques et des articles dans le quotidien L’Equipe et dans le mensuel L’Equipe Basket Magazine ?

Thierry Bretagne et moi, on était tous les deux à l’Université de Paris II Assas et on jouait dans l’équipe de basket universitaire. On voulait être journalistes sportifs et plus spécialement de basket. Un jour, on passe devant L’Equipe, rue du Faubourg Montmartre, et on se dit, « on va monter, pour voir… ». On rentre dans la salle de rédaction du basket, il n’y avait personne. On frappe à la porte à côté et on tombe sur Jacques Marchand, en charge du BHV (Basket Handball, Volley) mais aussi du cyclisme et de la boxe, et on lui parle de notre envie d’être journalistes. C’est lui qui nous a mis le pied à l’étrier. Il nous a demandé ce qu’on lui proposait comme article. Un sur le basket universitaire… Il nous a répondu que, justement, il cherchait quelqu’un pour faire un article là-dessus. Voilà comment ça a commencé. En fait, on a fait un article pour L’Equipe Basket Magazine presque sur nous-mêmes puisqu’on était sur la photo. Avec Bretagne, on a été ensemble vice-champion universitaire (…) En finale en face avec Nantes, il  avait Carmine Calzonetti, meilleur marqueur de première division, pas plus grand que moi, mais qui nous a massacré. On avait des bons retours de la part des lecteurs sur le basket américain. Ce que l’on racontait, ils n’y croyaient pas ! Tout était démesuré par rapport au basket français, les gestes, le fric, l’environnement. C’était à des années-lumière. Les seuls que l’on connaissait en France, c’étaient les Harlem Globe Trotters. On n’avait ni texte, ni image.

« On avait des bons retours de la part des lecteurs sur le basket américain. Ce que l’on racontait, ils n’y croyaient pas ! »

En 1972, vous écrivez ensemble avec Thierry Bretagne « Ce Fabuleux Basket Américain », un livre mythique, le premier sur le sujet. Comment est né ce livre ?

Directeur de la rédaction de l’Equipe, Edouard Seidler dirigeait chez Calmann-Lévy une édition dans laquelle il y avait une série sur le sport. C’est lui qui nous a proposé de faire un bouquin sur le basket américain. On était très jeunes. On a été payé une misère mais de toute façon, on l’aurait même fait gratuitement. Il y a eu un petit incident au niveau du titre. Ils voulaient qu’il s’appelle « Ce Fabuleux Basket Américain » car ils faisaient « Ce Fabuleux… » dans différents sports. Nous on voulait, « Le basket est américain ». Pour la photo de couverture, on en voulait absolument une de Sports Illustrated avec Jabbar qui fait un bras roulé sur Wilt Chamberlain. Ils nous ont dit « c’est trop cher » mais finalement, ils l’ont quand même prise. Le bouquin s’est assez vite vendu mais ils ne l’ont jamais réédité. Bretagne n’était pas encore allé là-bas à cette époque, moi, oui, et j’avais énormément de documentation, des journaux, des bouquins. J’ai donné tout ça depuis à Gérard Bosc et à son musée. Les 4/5e de ce que l’on écrivait, c’était à partir de ce que l’on avait lu et pas vu. Si, j’ai fait un reportage sur le basket à Harlem et j’étais allé au Rucker Park, j’avais même fait les photos. J’y avais joué et je m’étais fait ridiculiser par des gamins qui avaient cinq ans de moins que moi. En fait, dans la salle de presse du Madison Square Garden, je m’étais retrouvé à côté d’un journaliste sportif qui commentait le match pour une chaîne new-yorkaise. Il m’a dit « vous êtes un Français, on n’en voit jamais ici », et il m’a proposé de m’interviewer à la mi-temps. Je lui ai expliqué qu’en France, on ne connaissait que les Harlem Globe Trotters et que la NBA c’était bien supérieur. A la fin, je lui ai fait part de mon désir de voir du basket dans Harlem et c’est lui qui m’a emmené dans une petite salle là-bas. On était les deux seuls Blancs et dans l’une des équipes, il y avait Nate Archibald (joueur de NBA de 1970 à 1984). Je me souviens d’une action : il a pris le ballon sous son panier, il a dribblé, il n’a jamais regardé sur le côté gauche, et en arrivant sous le panier adverse, il a fait une passe aveugle à gauche. Et il y avait un mec qui était là, qui a marqué… Sans doute l’avait-il entendu courir à ses côtés en traversant le terrain. Je n’avais jamais vu ça.

En 1972, Vous commentez un reportage sur la NBA dans les Coulisses de l’Exploit, à partir d’un match Houston Rockets – Golden Sate Warriors, l’émission sportive de référence de 1961 à 1972. Comment ça s’est fait ?

Un mec de l’émission m’avait appelé en me disant, « on a une K7 noir et blanc de NBA, on ne sait pas ce que c’est, voulez-vous la voir pour la commenter ? » C’était un vulgaire match de saison régulière (Ndlr : il datait de février de l’année précédente !) et je suis allé à la bibliothèque américaine à Paris et j’ai retrouvé trace de ce match avec les joueurs et le score, ce qui m’a permis de faire le commentaire. USA Today n’existait pas encore, c’était peut-être dans l’Herald Tribune. Il y avait aussi la possibilité d’acheter Sports Illustrated à Paris chez Brentano’s. Plus tard j’avais été voir un entraînement des Warriors avec Al Attles à Oakland et fait un papier là-dessus.

Quelle était à l’époque l’ambiance dans les salles NBA ?

Il y avait davantage de supporters populaires. Je me souviens qu’à Chicago ou à New York, en haut de la salle, il y avait plein de jeunes Blacks. Les prix ont augmenté, c’est comme le foot en Angleterre, les mecs ne peuvent plus y aller. Et au niveau de la presse, pour moi c’était le jour et la nuit. Je prévenais avant le club que j’étais journaliste et je n’ai quasiment pas eu de problèmes pour voir les matches. La presse aux Etats-Unis est beaucoup plus respectée qu’en France. Avant les matches, tu pouvais déjà bouffer sur place. Je faisais aussi des photos et je me souviens que dans chaque salle, en fonction de l’éclairage, une pancarte te disait par exemple « vous prenez du 800 ASA au 200e à 5.6 et c’est bon ». Déjà le professionnalisme. Les joueurs étaient relativement accessibles. Ce qui m’a surpris, c’est la façon dont travaillaient les journalistes. En France, ils étaient avec le calepin alors qu’aux Etats-Unis, ils avaient tous l’enregistreur et quand ils passaient l’interview dans le journal, c’était au mot à mot ce que le joueur avait dit. Et si le mec parlait mal l’anglais, la faute de grammaire y était. Pour moi, ce fut une bonne école de voir comment ils travaillaient.

« Je n’ai jamais rencontré un Français, ni même un Européen, ça m’aurait marqué »

A cette époque, vous êtes tombé sur des confrères européens en NBA ?

Non. Ceux qui connaissaient bien le basket américain, c’était Noah Klieger, le correspondant de L’Equipe en Israël (NDLR : un temps président du Maccabi Tel-Aviv décédé récemment) et Vicente Salaner (NDLR: Correspondant de L’Equipe puis de Maxi-Basket) en Espagne. Je n’ai jamais rencontré un Français, ni même un Européen, ça m’aurait marqué. Il faut savoir qu’il fallait se battre en interne à L’Equipe pour faire passer une brève de dix lignes sur le basket américain alors que maintenant ils font des double pages ! Il est vrai qu’à l’époque, Pierre Tessier et Jean-Pierre Dusseaulx en charge du basket, ne parlaient pas anglais. Je crois aussi qu’en plus du basket américain, avec Bretagne, on a peut-être amené un certain style d’écriture.

Quel est le joueur mythique que vous avez interviewer à cette époque ?

Kareem Abdul-Jabbar (NDLR : 2, 18m. En NBA de 1969 à 1989, six fois MVP). Marcel Hansenne, le rédacteur en chef de L’Equipe me convoque dans son bureau et me dit, « Jabbar vient à Paris. Ça t’intéresse de le voir ? » Tu parles ! Je suis allé le chercher à l’aéroport, mais il avait mal à la tête. Affreux. Je suis allé avec lui à la Mosquée de Paris. On me voit d’ailleurs en photo à côté de lui. Je fais 1,86m mais je suis un nain. Je fais l’article. Le rédacteur en chef me dit, «c’est bien mais il faut citer Adidas, c’est eux qui l’ont amené. » Je dis non ! Il me propose de mettre la photo et de faire une légende en citant Adidas. Je dis non ! L’article est passé sans la mention d’Adidas et il y a eu une note à toute la rédaction le lendemain, « Maleval ne travaille plus avec nous. » J’ai été foutu à la porte de L’Equipe pour ça… Le titre que j’avais mis, c’était « Jabbar à côté de ses pompes », ce qui était vrai car il n’était pas dans son assiette (sourire). Il faut dire qu’à l’époque Adidas était le plus gros sponsor de L’Equipe, et quand les trois bandes n’étaient pas assez visibles sur les photos à la Une, quelqu’un les retouchait avec du blanc pour qu’on les voit mieux (…) Mais pour moi le meilleur joueur de NBA ou plus exactement celui qui a eu le plus d’impact sur son époque, c’est Wilt Chamberlain. Personne ne dit qu’une saison, c’était même lui le meilleur de la saison aux assists, en 1967-68, je crois (NDLR : exact !). Même s’il n’a pas eu beaucoup de titres, c’est le mec qui était le plus fort en son temps, même Jordan je le mets derrière. Je me demande même s’il n’aurait pas sa place aujourd’hui.

Vous êtes aussi à l’origine de l’arrivée des statistiques en France ?

C’était Jacques Marchand qui avait trouvé l’idée intéressante. Je m’étais beaucoup inspiré de la NBA, de la façon dont ils travaillaient. On avait contacté chaque club de Nationale 1 (NDLR : la Pro A actuelle) pour leur demander de trouver trois mecs pour prendre les statistiques. On leur avait envoyé toutes les définitions. Ils nous transmettaient les stats après chaque match au téléphone. Au début, parfois, c’était la catastrophe et quand il nous manquait un match, on prenait la moyenne générale de tout et on faisait les deux équipes avec ça (sourire). Par contre Marchand ne voulait pas que l’on note les balles perdues. Ce n’est pas positif, disait-il (rires). Et après, ça s’est fait. On a passé ça dans L’Equipe Basket Hebdo puis dans Micro Basket (NDLR : Lettre de basket publié de 1977 à 1979 par Micro Journal, l’entreprise de Jean-Jacques Maleval). En fait, je suis le premier à avoir fait un programme pour les statistiques du basket français. Ça calculait les moyennes, celui qui avait marqué le plus de points, etc. Ce programme, je l’avais fait sur cartes perforées ! (sourire).

Et aujourd’hui ?

Je n’ai pas décroché du basket. J’ai coaché quelques années une équipe de mon quartier du 18ème à Paris. J’avais choisi le nom, Périphériques All Star. On avait de superbes maillots mais peu de victoires. Depuis l’âge de dix-huit ans, je regarde au moins un match par jour. Je suis tout ce qui est NBA, NCAA, Pro A et même les femmes. Par contre, je ne mets plus les pieds à Coubertin. Je n’ai jamais supporté la clique parisienne.

* Quelques articles initiatiques sont apparus à cette époque, notamment dans la magazine Sport, qui dans son numéro 6 daté du 17 mars 1971, réalisa un dossier complet sur le basket américain avec en couverture Lew Alcindor/Kareem Abdul-Jabbar, alors à Milwaukee. Il était signé de Connie Ryan.

La NBA en clair à la TV

Avant Canal +, la télévision française a offert quelques gouttelettes de NBA à ses téléspectateurs.

D’après nos recherches, la première apparition de la NBA à la télévision française date probablement du 3 février 1958 au Journal Télévisé de 13h avec quelques brefs extraits du match Philadelphia Warriors-Boston Celtics. La RTF récidiva plusieurs fois dans les années soixante avec des commentaires en studio, notamment du chantre du football, Thierry Roland, qui a toujours apprécié la NBA.

En 1972, Jean-Jacques Maleval décortique donc avec pertinence une dizaine de minutes de Houston-Golden State. Il faut attendre encore quelques années pour suivre sur Antenne 2 des matches NBA sinon dans leur entier, du moins une mi-temps, mais en large différé, en juillet-août, dans les Jeux du Stade ou Sports Eté : Washington-San Antonio et Washington-Seattle (1979), Los Angeles Lakers-Philadelphie (1980), Boston-Philadelphie (1981). Les journalistes paraissaient peu documentés ! Plus tard, en 1991, FR3 diffusa des matches de la ligue américaine pendant une saison avec Tony Parker Sr. en consultant.

Interview paru dans BasketHebdo en 2015.

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Comment devient-on fan de basket américain, il y a cinquante ans, alors que personne ne s’y intéresse en France ?

J’étais en fac, à la fin des années soixante, je ne peux pas te dire la date exacte. En fait, j’avais un copain en Californie, qui l’est toujours d’ailleurs. J’avais entendu parlé du basket NBA et je lui ai demandé s’il pouvait m’envoyer une K7. Il l’a fait mais comme c’était du NTSC, j’ai dû m’acheter un magnétoscope NTSC lorsqu’ensuite, je suis allé aux Etats-Unis. Et en France je me suis acheté un moniteur Sony qui était multistandards. En fait, mon copain m’envoyait deux ou trois K7 par semaine.

En 1970, des joueurs, des entraîneurs, des dirigeants, des journalistes spécialisés avaient-ils une connaissance du basket américain ?

Je n’ai rencontré personne… Sauf qu’à L’Equipe Marcel Hansenne (NDLR : ancien coureur international de demi-fond après avoir été basketteur. Il fut ensuite journaliste et auteur du livre « Le Basket » en 1963) avait fait des papiers sur le basket américain. Il a dû aller là-bas pour d’autres raisons et il en profité pour voir des matches et faire quelques articles. Il s’y connaissait un peu. C’est lui qui était rédacteur en chef à L’Equipe quand j’y étais et c’est avec lui que j’ai eu quelques problèmes*.

De quand date votre premier voyage là-bas ?

Je crois que la première fois que je suis allé aux Etats-Unis, c’est durant l’été 68. J’avais pris un pass d’un mois en bus pour 100$ et avec ça, tu pouvais te promener partout aux Etats-Unis. Et en plus du pass, j’avais un dollar par jour ! J’ai vécu avec ça, parfois c’était un peu l’horreur. Ma mémoire est un peu floue. Je sais que j’ai vu UCLA. Ensuite, j’y suis retourné pratiquement tous les ans, notamment pour le bouquin, mais en fait L’Equipe ne m’a jamais payé le voyage. Et après, j’ai continué à y aller pour mon boulot dans l’informatique. Pendant vingt, vint cinq ans… La plus grande exposition d’informatique était le Comdex à Las Vegas.

Vous avez donc assuré des chroniques et des articles dans le quotidien L’Equipe et dans le mensuel L’Equipe Basket Magazine ?

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Photo: Walt Frazier (NY Knicks)

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