Aller au contenu

JO – Mexico’68 : Spencer Haywood, un prodige de 20 ans

Il n’avait que 20 ans mais dans une équipe américaine composée pour beaucoup de sous-fifres, le talent de Spencer Haywood, ailier de 2,03m, explosa à la face du monde. La suite de sa carrière fut parfois brillante, parfois chaotique. Ceci est le 3e chapitre d’une rétrospective sur les évènements, éq

Il n’avait que 20 ans mais dans une équipe américaine composée pour beaucoup de sous-fifres, le talent de Spencer Haywood, ailier de 2,03m, explosa à la face du monde. La suite de sa carrière fut parfois brillante, parfois chaotique.

Ceci est le 3e chapitre d’une rétrospective sur les évènements, équipes et joueurs qui ont marqué l’Histoire des JO. A lire aussi :

JO Berlin’36 : Le régisseur, l’inventeur et le dictateur.

Helsinki’52, Melbourne’56, Rome’60 : Interview Jean-Paul Beugnot.

[arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »]

Un documentaire sorti en 2016 raconte sa vie et il est tout simplement intitulé Full Court : The Spencer Haywood Story. Il retrace son parcours depuis son enfance pauvre dans le Mississippi jusqu’à sa carrière de basketteur-phénomène, sa dépendance à la cocaïne, son mariage avec le mannequin somalien Iman, qui épousera plus tard la pop star David Bowie, jusqu’à son intronisation tardive au Basketball Hall of Fame, en 2015. Charles Barkley, Pat Riley, Bill Bradley, Lenny Wilkens et plusieurs autres personnalités apportent leurs témoignages.

Né en 1948, Spencer Haywood était le huitième de dix frères et sœurs élevés par une mère célibataire dans une ville, Silver City, où les frontières raciales étaient clairement dessinées et où un avenir au-delà des champs de coton était difficile à imaginer. Pour faire du shopping, il fallait se rendre à sept miles de là en empruntant un bus et le petit Spencer rêvait de faire partie des passagers. « Avec mes frères et mes sœurs, nous allions nous asseoir le long de l’autoroute et regarder les voitures, regarder les gens qui montaient et descendaient de l’autoroute. C’était la plus grande chose qui me soit jamais arrivée.  Des Noirs dans un bus ?! Avec les Blancs ?! Oh mon Dieu, que se passe-t-il ? »

Pour échapper à l’atmosphère étouffante du sud rural, Spencer Haywood est allé à 15 ans à Chicago puis Detroit pour vivre avec son frère. Il s’avéra très vite un basketteur d’exception, tournant à plus de 28 points et 22 rebonds en tant que rookie au Trinidad State Junior College dans le Colorado avant de muter à l’Université de Detroit, où ses moyennes furent de 32,1 points et 21,5 rebonds… A l’été 68, il fut le moteur de l’équipe américaine qui remporta l’or aux Jeux Olympiques de Mexico.

Le prodige débuta dans le basket professionnel au sein de l’American Basketball Association avec les Denver Rockets. L’ABA, rivale de la NBA, était nouvelle et flashy avec son ballon bleu, blanc, rouge, mais elle ne bénéficiait pas d’une couverture TV. Haywood y demeura dans ses standards soit, par match, 30,0 points et 19,5 rebonds -un record de la ligue- tout en menant les Rockets au titre de la division ouest. Il réalisa le grand chelem en étant élu Rookie of the Year, MVP et MVP du All-Star Game. Il avait à peine 21 ans.  « J’ai fait une de ces années que seuls Wilt Chamberlain et moi-même avons eues en tant que rookie. C’était une année de rêve. Et je voulais vraiment montrer que les joueurs pouvaient jouer de bonne heure s’ils en avaient l’opportunité. »

Spencer Haywood vs NBA

Haywood signa un contrat de six ans avec les Rockets d’une valeur de 1,9 million de dollars. Un joli pactole à l’époque mais en l’épluchant son avocat se rendit compte qu’il ne toucherait qu’environ 400 000 dollars et que le reste serait une sorte de rente qu’il ne pourrait percevoir qu’à l’âge de 50 ans !  Il renonça à cet accord et en décembre 1970, il opta pour un contrat de six ans et de 1,5M€ avec les Seattle Supersonics de la NBA… ignorant qu’il n’était pas éligible n’ayant pas accompli un cursus de quatre ans à l’université ou n’ayant pas attendu cette durée avant d’entrer dans la ligue.

Spencer Haywood est allé devant les tribunaux et jusqu’à la Cour suprême pour obtenir gain de cause. Il manqua plusieurs matches pour se lancer dans la bataille judiciaire et surtout laissa de la gomme émotionnelle car au fil du temps, la liste des joueurs, fans et propriétaires qui s’opposaient à son bras de fer avec la ligue ne faisait que s’allonger. À Cincinnati, Chicago, Milwaukee, le public se mit à applaudir méchamment lorsque le speaker annonça : « Mesdames et messieurs, nous avons un joueur dans l’illégalité sur le terrain et le match ne peut pas continuer avec ce joueur dans l’illégalité sur le terrain. » Parfois, il était hué. Parfois, les joueurs adverses refusaient de lui serrer la main. Parfois, les fans jetaient des objets, forçant l’équipe de Haywood à quitter le terrain. Et pourtant, en 33 matchs disputés, Haywood obtint une moyenne 20,6 points et 12,0 rebonds.

Lorsque la Cour suprême a tranché en sa faveur en 1971, les parties ont réglé l’affaire à l’amiable, permettant à Haywood de rester avec Seattle, et la NBA a mis en œuvre une exception à sa règle pour les joueurs qui pouvaient prouver qu’ils avaient des difficultés financières. Il ouvrit ainsi la voie à ceux qui voulaient comme lui se servir du basket pour sortir de la pauvreté, mais beaucoup de gens estiment qu’il a payé son audace en étant élu tardivement au Hall of Fame.

Addict à la coke

Spencer Haywood était incroyablement rapide et il se faufilait gracieusement autour des défenseurs. La façon dont il survolait les adversaires pour arracher la balle au rebond et lever les yeux vers le terrain pour planifier son attaque était unique, comme son explosivité et son shoot extérieur.  Avec les SuperSonics, Haywood a obtenu en moyenne 24,9 points et 12,1 rebonds par match sur cinq saisons. « Un talent formidable », a déclaré le Hall of Famer Lenny Wilkens, qui était joueur-entraîneur à l’arrivée de Haywood. « Il pouvait faire des choses que beaucoup de gars ne pouvaient pas faire à cause de la façon dont il pouvait gérer le ballon, avec ses longs bras, avec des mouvements formidables vers le panier. »

Seulement Haywood est devenu accro à la coke, une habitude qu’il a prise à New York, où il a été échangé en 1975, et qu’il a continué à consommer à La Nouvelle-Orléans et à Los Angeles. Ses statistiques ont plongé et son addiction était si maléfique que le coach des Lakers Paul Westhead l’expulsa de l’équipe en 1980. Les Lakers ont battu les 76ers sans lui en finale et il a été banni de la NBA pour la saison suivante. C’est ainsi qu’il purgea sa suspension à Venise, dans un championnat italien qui commençait à s’offrir de vraies anciennes étoiles de la NBA. 34 matches la première saison. Puis cinq autres à 30,0 pts de moyenne (et 63% de réussite) la seconde avant de retourner clôturer sa trajectoire dans la Grande Ligue.

Haywood a admis plus tard dans un article pour le magazine People que l’incident des Lakers et sa consommation continue de drogue l’ont amené à recourir à un ami gangster pour concocter un plan afin d’assassiner Westhead. Lui et son comparse se sont rendus au domicile du coach, à Palos Verdes, en Californie, où ils ont endommagé sa voiture mais sans aller plus loin dans leur expédition punitive. Après avoir pris sa retraite, il est allé en cure de désintoxication pour sa dépendance et il a déclaré qu’il était sobre depuis plus de deux décennies. Il a présenté ses excuses à Paul Westhead et celui-ci lui a répondu avec ironie : « Je suis content de te voir, si tu avais mis tes menaces à exécution, nous ne pourrions pas nous voir maintenant, en fait. »

Photo: Sous le maillot de Venise.

16,1 points en moyenne à Mexico

Mais revenons à 1968 et aux JO de Mexico. Bien qu’invaincus depuis 1936, les Etats-Unis ne paraissaient pas aptes à remporter un septième titre olympique. Les universitaires américains n’avaient guère été brillants lors d’une tournée européenne durant l’été, où ils avaient subi la loi de la Yougoslavie et de l’URSS, qui avaient dès lors la faveur des pronostics dans la capitale mexicaine.

Ce n’était pas la meilleure équipe d’universitaires possible. Il manquait surtout le big fella, Lew Alcindor, qui deviendra Kareem Abdul-Jabbar. Le pivot de 2,18m de UCLA boycotta la sélection olympique afin de protester contre les injustices dont étaient victimes les Afro-Américains. Nous étions en pleine période du black power, qui luttait contre la ségrégation raciale. Alcindor fut critiqué, insulté et reçut même des menaces de mort pour avoir pris cette décision.

Bill Hosket, Ken Spain, Calvin Fowler, Don Dee, James King, Glynn Saulters, Mike Silliman, Mike Barrett et John Clawson firent ensuite une carrière bien modeste quand ils ne tombèrent pas complètement dans l’obscurité. Seuls Charlie Scott -3 participations au NBA All-Star Game-, Jojo White -10 saisons comme joueur majeur aux Boston Celtics- et donc Spencer Haywood, qui tourna à 16,1 points et… 71,9% de réussite aux tirs par match durant le tournoi olympique-le nombre de rebonds n’était pas encore comptabilisé-, avaient une classe supérieure.

En demi-finale, sur le parquet du Palacio de los Deportes de Mexico rempli quotidiennement par plus de 20 000 spectateurs, les joueurs du coach Henry Iba éliminèrent le Brésil, 75-63. Tout le monde s’attendait à une cinquième finale olympique consécutive entre les USA et l’URSS, mais la formation soviétique fut battue en demi-finale par la Yougoslavie à la sirène, 63-62. En finale, c’est grâce au duo Haywood-White que Team USA passa un 17-0 aux Yougos pour se détacher à 49-29 puis allèrent tranquillement jusqu’à la victoire sur le score de 65-50, avec 21 points pour Haywood, et 14 pour White.

Sur le podium, le poing ganté

Ces Jeux de Mexico furent marqués par l’attitude protestataire des sprinters John Carlos et Tommie Smith qui, sur le podium du 200m, en chaussettes noires montantes, avec un foulard noir symbole de l’asservissement, tête baissée pendant l’hymne américain, levèrent le poing ganté. Les deux athlètes américains et aussi l’autre médaillé, l’Australien Peter Norman portaient également des insignes des droits de l’homme sur leurs vestes de survêtement. Un geste qui fit scandale mais qui réveilla salutairement les consciences planétaires alors que les Etats-Unis connaissaient une année de troubles sociaux et raciaux avec une cinquantaine de morts à la clé.

Quelques jours auparavant, sentant que l’atmosphère était révolutionnaire, le Comité Olympique Américain avait demandé à Jesse Owens de faire un petit speech apaisant à l’adresse de ses athlètes. Jesse Owens avait remporté quatre médailles d’or aux Jeux de Berlin de 1936 devant les yeux effarés d’Adolf Hitler qui voulait démontrer à travers ces JO la supériorité aryenne. Owens avait conseillé à ses frères de ne pas protester afin de trouver du travail à leur retour aux Etats-Unis mais John Carlos n’était pas en phase avec le vieux sage. Le staff de l’équipe de basket US implora ses joueurs de ne pas se laisser influencer par John Carlos. « Ils ne nous ont pas dit de rester loin de Tommie et John. Ils nous ont juste dit de faire attention. Nous savions que quelque chose allait se passer, mais nous ne savions tout simplement pas quoi. »

Lorsque Tommie Smith et John Carlos levèrent le poing sur le podium, Spencer Haywood était dans le réfectoire et sa réaction fut de se dire « Ces gars sont venus ici, ils ont gagné pour ce pays et ils font ça ? »  Le coach Hank Iba n’avait qu’une peur, que les basketteurs imitent les sprinters et il hurla à Haywood : « Si tu penses ne serait-ce qu’essayer, je vais te tuer. Tu ne retourneras même pas à Detroit. Je vais te tuer ici. » Spencer Haywood n’a pas réellement compris sur le coup l’impact du geste de Tommie Smith et John Carlos, mais il se souvient que ceux-qui furent considérés comme des renégats, des traitres. Ils furent bannis des JO à vie, perdirent leur travail et furent menacés de mort. « Nous étions dans la même zone parce que nous étions des athlètes masculins. C’était tellement horrible. Ils étaient traités comme des morceaux de merde. Cela m’a rappelé lorsque j’avais 13, 14 ans dans le Mississippi. C’était la même chose… » Spencer Haywood fait référence au temps où les propriétaires blancs des champs de coton exploitaient sans ménagement sa famille. « Voir comment ils ont été traités, ça a été un coup dur pour moi. Et la façon dont Avery Brundage s’est comporté, comme un nazi. J’ai découvert plus tard qui il était. »

Président du Comité International Olympique de 1952 à 1972, chantre par ailleurs d’un amateurisme totalement dépassé, Avery Brundage s’est battu avec ardeur contre le boycott américain des Jeux Olympiques nazifiés de 1936 à Berlin et a refusé d’interrompre ceux de Munich lorsque 11 athlètes israéliens furent assassinés par des terroristes palestiniens dans le Village Olympique. Il fut accusé d’antisémitisme. Et il était tout autant raciste. « Ils ont expulsé Smith et Carlos du Village Olympique. Ensuite, ils ont été utilisés comme exemple pour le reste d’entre nous, » constate Spencer Haywood. Avery Brundage qualifia les protestations de Tommie Smith et John Carlos et aussi des coureurs du 4 fois 400m dont Lee Evans et du boxeur George Foreman de « sale manifestation contre le drapeau américain par des négros. »

x

[armelse]

Un documentaire sorti en 2016 raconte sa vie et il est tout simplement intitulé Full Court : The Spencer Haywood Story. Il retrace son parcours depuis son enfance pauvre dans le Mississippi jusqu’à sa carrière de basketteur-phénomène, sa dépendance à la cocaïne, son mariage avec le mannequin somalien Iman, qui épousera plus tard la pop star David Bowie, jusqu’à son intronisation tardive au Basketball Hall of Fame, en 2015. Charles Barkley, Pat Riley, Bill Bradley, Lenny Wilkens et plusieurs autres personnalités apportent leurs témoignages.

Né en 1948, Spencer Haywood était le huitième de dix frères et sœurs élevés par une mère célibataire dans une ville, Silver City, où les frontières raciales étaient clairement dessinées et où un avenir au-delà des champs de coton était difficile à imaginer. Pour faire du shopping, il fallait se rendre à sept miles de là en empruntant un bus et le petit Spencer rêvait de faire partie des passagers. « Avec mes frères et mes sœurs, nous allions nous asseoir le long de l’autoroute et regarder les voitures, regarder les gens qui montaient et descendaient de l’autoroute. C’était la plus grande chose qui me soit jamais arrivée.  Des Noirs dans un bus ?! Avec les Blancs ?! Oh mon Dieu, que se passe-t-il ? »

Pour échapper à l’atmosphère étouffante du sud rural, Spencer Haywood est allé à 15 ans à Chicago puis Detroit pour vivre avec son frère. Il s’avéra très vite un basketteur d’exception, tournant à plus de 28 points et 22 rebonds en tant que rookie au Trinidad State Junior College dans le Colorado avant de muter à l’Université de Detroit, où ses moyennes furent de 32,1 points et 21,5 rebonds… A l’été 68, il fut le moteur de l’équipe américaine qui remporta l’or aux

[/arm_restrict_content]
[arm_restrict_content plan= »unregistered, » type= »show »][arm_setup id= »2″ hide_title= »true »][/arm_restrict_content]

Commentaires

Fil d'actualité