Des émigrés russes constituèrent une équipe qui parvint jusqu’en finale du championnat de France en 1939. Son joueur majeur était l’international Wladimir Fabrikant et son co-fondateur-président-capitaine, Vladimir Aleksandrovich Pozner, fut espion pour le compte de l’URSS.
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Vladimir Aleksandrovich Pozner est né en Russie au début du XXe siècle dans une famille juive non pratiquante. Sa vie fut un roman, y compris d’espionnage. La famille Pozner a fui la République socialiste de Russie après la révolution d’Octobre. « À cette époque, la guerre civile était finie et il était clair que les bolcheviks étaient là pour longtemps », écrit son fils dans un livre intitulé Adieu aux illusions. « On voyait bien aussi que la révolution n’était pas l’incarnation de tous les rêves de ceux qui l’avaient au début accueillie avec enthousiasme dont mon grand-père. Alors les Pozner, comme des centaines et des centaines de milliers d’autres, firent partie du flot des émigrants qui s’arrêtèrent à Berlin. Mon père y resta trois ans, fut témoin de la séparation de ses parents et du départ de son père pour Kaunas, en Lituanie, puis il déménagea avec sa mère et ses deux sœurs à Paris. »
C’est donc le fils, Vladimir Gérald Dimitri Pozner, qui est la principale source de renseignements sur la création du Basketball Club Russe. C’est une personnalité en Russie. Il est journaliste, présentateur de télévision, écrivain, cinéaste et l’un des organisateurs du Festival international du film de Moscou. Il est né à Paris fut baptisé à Notre Dame et sa mère, Géraldine Niboyet Dubois Lutten, native d’Arcachon, était parisienne. Il possède d’ailleurs les nationalités russe, américaine et française et se considère comme un « bâtard du monde ».
Une bande de copains émigrés
Le père était diplômé d’un lycée russe mais il a très vite travaillé pour subvenir aux besoins familiaux car sa mère était tombée gravement malade et sa soeur aînée Lyolya, peu après leur arrivée à Paris, a épousé un Américain et est partie aux Etats-Unis. Ses amis étaient, comme lui, des réfugiés de Russie qui ont étudié au lycée franco-russe de Paris. Cette amitié a été renforcée par le sport, et alors que Vladimir Pozner fut un temps un spécialiste du 800 et du 1 500m, et remporta un prix au championnat de Berlin dans sa tranche d’âge, il est devenu un fanatique de basket et avec Val Bourischine, il fondit ainsi le BBC Russe en 1929, un club qui ne compta qu’une petite trentaine de joueurs. La création du BBCR est en soi un phénomène unique.
« Vous devez comprendre qu’à cette époque, presque tout le sport était vraiment amateur. Les gens travaillaient et faisaient du sport avec leur argent », rappelle le fils. Le BBC Russe ne possédait pas son propre terrain et était en quelque sorte un club vagabond qui empruntait celui des autres. Dans son livre Une Histoire du Basket Français, Gérard Bosc indique que le club bénéficia du support technique d’un Canadien, Gaston François, et que leur jeu « moderne » se bonifia ensuite au retour de Val Bourischkine de l’université de Middleburg dans le Vermont en 1933. Le BBC Russe passa ainsi du dernier échelon des championnats jusqu’en première division.
Le capitaine de l’équipe était Vladimir Pozner (1,78m) lui-même. Chacun avait un surnom et lui c’était « Rop ». Dimitri « Lupus » Volkov -que l’on écrivait Volkoff- était le plus grand avec son 1,88m, belle taille à l’époque. Il y avait donc Val Bourischkine et encore Alexandre « Katlasha » Katlama, qui était diplômé de l’école supérieure de l’aéronautique, Georges « Jim » Tourkia, et le plus connu d’entre-tous, Wladimir « Vova » Fabrikant, qui avait son frère Michel dans l’équipe. « Ils étaient tous des gens complètement différents avec des opinions politiques différentes, mais ils étaient unis par le basket-ball, qui occupait tout le temps libre », témoigne Vladimir Gérald Dimitri Pozner, qui ajoute : « mon père a dit que dans le classement des trois équipes (première, deuxième et jeunes), les «Russes» ne sont jamais tombés en dessous de la quatrième place du championnat de France. »
C’est le 16 avril 1939 que le BBC Russe se retrouva en finale du championnat de France d’Excellence (la Jeep Elite de l’époque) après avoir éliminé le FO Pézénas en demi-finale sur un score étriqué, 14-8. Cette finale se tint au Stade Roland-Garros devant cinq milliers de spectateurs et un record de recettes, et il eut l’US Métro, un club de Paris, comme adversaire. C’est une défaillance en début de deuxième mi-temps qui coûta aux « Russes » le titre national avec une défaite de trois points, 27-30. Selon le journaliste de l’Auto, « Wladimir (Fabrikant) fut génial mais ne marqua que 6 points. » Les « Russes » avaient bien failli devoir déclarer forfait car dans un premier temps, la fédération avait estimé que Dimitri Volkov et Georges Tourkia étaient « étrangers » alors qu’ils étaient pourtant titulaires d’un livret militaire et d’un fascicule de mobilisation. De plus, Wladimir Fabrikant et Georges De Heptner devaient être consignés dans leur caserne mais heureusement l’armée, compréhensive, les libéra pour l’événement.
D’ailleurs, la majorité des joueurs de l’équipe étaient français et certains ont joué à plusieurs reprises pour l’équipe de France. Voici sous quel angle Vladimir Gérald Dimitri Pozner analyse la situation : « L’équipe du BBCR s’est en quelque sorte fait « sentir » au niveau international. Lors des Championnats d’Europe de basket-ball de 1939 à Kaunas, la Lituanie (futur championne) a naturalisé le pivot de l’équipe des États-Unis aux Jeux olympiques de 1936, Frank Lubin, un Lituanien de naissance (NDLR : en fait, il était né aux Etats-Unis d’un père Lituanien). Cette équipe comptait quatre Américains et un natif d’Arkhangelsk (NDLR : une ville portuaire de Russie), Evgeny Nikolsky. Lubin (Lubinas) était le plus célèbre de la liste des « étrangers ». Phil Krause (Felixas Kryachunas) était également un basketteur assez reconnaissable aux États-Unis. De plus, Mykolas Ruzgis (NDLR : Michael aux Etats-Unis) mérite l’attention car il a entraîné l’équipe nationale française au Championnat d’Europe de 1947 et a dirigé l’équipe nationale espagnole à la Coupe du monde de 1950. Dans le même temps, deux émigrants russes étaient dans l’équipe nationale française, le juif Vladimir Fabrikant et le karaïte (NDLR : le Karaïsme est un courant du judaïsme scripturaliste) Alexandre Katlama qui représentaient le BBCR. La France a pris la quatrième place de cet Eurobasket 1939, la Pologne est parvenue à la troisième, la Lettonie à la deuxième. Les Lettons étaient indignés. Ils ont perdu de peu contre la Lituanie (36-37) dans le match clé, et Lubin a transformé le tir décisif à la dernière seconde. La Lettonie n’a pas aimé l’arbitrage qui leur a été supposément défavorable, et qui a empêché l’équipe de gagner le titre européen. Les conséquences de ce match entre Baltes ont rejailli dans tous les domaines du sport (et pas seulement) entre les deux pays. En particulier, la traditionnelle Baltic Football Cup prévue pour l’été 1939 a été annulée. Pendant cette période, le terme « guerre du basket-ball letton-lituanien» a même été inventé. Les Français se sont également déclarés mécontents du fait que la Lituanie ait attiré autant d’« étrangers ». Peut-être la France aurait-elle remporté une médaille si les Lituaniens avaient une composition ethnique exclusivement «pure». »
Espion pour la police politique soviétique
S’il y a un nom de joueur à retenir du BBC Russe, c’est celui de Wladimir Fabrikant, né le 10 avril 1917, qui compta 17 sélections en équipe de France de 1938 à 1945. De lui, Robert Busnel, futur entraîneur de l’équipe nationale, disait : « excellent technicien, spectaculaire, adroit, il utilisait parfaitement un style dépouillé. La pureté de ses gestes était citée en exemple. A ces qualités techniques, il ajoutait encore un sens profond du jeu, et ses lucides interventions étaient remarquables. »
Alors que le BBC Russe était englouti dans la deuxième guerre mondiale, Wladimir Fabrikant continua sa carrière de joueur au FC Grenoble -il y remporta deux titres de champion de France en 1943 et 44-, au Stade Français Paris et encore au JO Reims. Il co-signa en 1945 avec son frère Michel un ouvrage fondateur Le basket-ball moderne et intégra l’Amicale des entraineurs à sa création, en 1948.
Dans le civil, Vova était technicien opérateur de cinéma et dans Le Basket-Ball 1946-47, on peut lire ce commentaire amusant : « Fabrikant, sous ses dehors paisibles, cache une âme inquiète et passionnée. Ce qui ne l’empêche pas, à l’occasion, de se révéler un froid pince-sans-rire. Ce mystique s’est voué à la technique. Celle du basket et celle du cinéma. » Et cette révélation étonnante : « son délicat travail d’opérateur, en mettant un peu trop à contribution un système nerveux, brisa sa carrière sportive. »
Avec son complice Dimitri Volkov, Wladimir Fabrikant créa un complexe sportif en Italie, près de Livourne. Il en avait un autre de ce type en Corse. Georges Tourkia est devenu chauffeur de taxi. Alexandre Katlama s’est lancé avec succès dans les affaires. Mais la carrière la plus étonnante est celle de Vladimir Aleksandrovich Pozner. Grâce à un ami, le président du club trouva un emploi à la Metro Goldwyn Mayer comme ingénieur du son et éclairagiste. La deuxième guerre mondiale éclata. « Il s’était porté volontaire dans l’armée française ; il aurait pu ne pas le faire puisqu’il n’était pas (et ne voulait pas être) citoyen français. Pour beaucoup de raisons, dont ses vifs souvenirs d’enfance du Petrograd révolutionnaire, mon père était devenu un communiste convaincu et un partisan dévoué de l’Union soviétique, sans toutefois s’inscrire au Parti (il ne l’a d’ailleurs jamais fait). Mais c’était sans aucun doute un « Rouge », un fidèle disciple de Marx », indique son fils.
Fuyant la France occupée par les nazis, la famille Pozner émigra aux Etats-Unis. En 1943, Vladimir Aleksandrovich dirigea la section russe du Département du film, pour le compte du Département de la Guerre des Etats-Unis et il espionna… au profit du NKVD, la police politique soviétique. Le nom de couverture de Vladimir Pozner, « Platon », fut identifié par la NSA FBI grâce au projet Vérona, réalisé par les services de renseignement américains durant la guerre froide pour tenter de casser les codes des communication des services de renseignement soviétiques. Indésirable aux Etats-Unis et tout autant en France, Vladimir Aleksandrovich Pozner et sa famille trouvèrent cette fois refuge à Berlin-Est et plus tard à Moscou au début des années 1950. Pour la première fois, il disposa d’un passeport soviétique. Il est décédé en 1975 d’une crise cardiaque lors d’un vol Paris-Moscou.
Son fils est revenu à plusieurs reprises en France à l’occasion de voyages d’affaires et sur invitations privées. « En 1978, je suis arrivé en France pour la première fois et j’ai rencontré les amis de mon père, dont le plus jeune avait déjà plus de soixante ans. Ils louaient toujours une sorte de salle de sport et jouaient au basket le dimanche. Naturellement, je suis venu à l’entraînement. Bien sûr, ils ne couraient plus vraiment et ne sautaient plus. Mais croyez-moi, je joue plutôt bien au basket-ball, et puis j’avais quarante-trois ans et j’étais en bonne forme physique. Donc, je n’ai jamais réussi à intercepter une passe ou à empêcher un tir. Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai compris les paroles de mon père, qui a déclaré un jour : « Ils jouent au basket-ball avec la tête, pas avec les pieds, d’autant plus que le ballon vole plus vite que vous ne pouvez courir. »
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Vladimir Aleksandrovich Pozner est né en Russie au début du 20e siècle dans une famille juive non pratiquante. Sa vie fut un roman y compris d’espionnage. La famille Pozner a fui la République socialiste de Russie après la Révolution d’Octobre. « À cette époque, la guerre civile était finie et il était clair que les bolcheviks étaient là pour longtemps », écrit son fils dans un livre intitulé Adieu aux illusions. « On voyait bien aussi que la révolution n’était pas l’incarnation de tous les rêves de ceux qui l’avaient au début accueillie avec enthousiasme dont mon grand-père. Alors les Pozner, comme des centaines et des centaines de milliers d’autres, firent partie du flot des émigrants qui s’arrêtèrent à Berlin. Mon père y resta trois ans, fut témoin de la séparation de ses parents et du départ de son père pour Kaunas, en Lituanie, puis il déménagea avec sa mère et ses deux sœurs à Paris. »
C’est donc le fils, Vladimir Gérald Dimitri Pozner, qui est la principale source de renseignements sur la création du Basketball Club Russe. C’est une personnalité en Russie. Il est journaliste, présentateur de télévision, écrivain, cinéaste et l’un des organisateurs du Festival international du film de Moscou. Il est né à Paris fut baptisé à Notre Dame et sa mère, Géraldine Niboyet Dubois Lutten, native d’Arcachon, était parisienne. Il possède d’ailleurs les nationalités russe, américaine et française et se considère comme un « bâtard du monde ».
Une bande de copains émigrés
Le père était diplômé d’un lycée russe mais il a très vite travaillé pour subvenir aux besoins familiaux car sa mère était tombée gravement malade et sa soeur aînée Lyolya, peu après leur arrivée à Paris, a épousé un Américain et est partie aux Etats-Unis. Ses amis étaient, comme lui, des réfugiés de Russie qui ont étudié au lycée franco-russe de Paris. Cette amitié a été renforcée par le sport, et alors que Vladimir Pozner fut un temps un spécialiste du 800 et du 1 500m, et remporta un prix au championnat de Berlin dans sa tranche d’âge, il est devenu un fanatique de basket et avec Val Bourischine, il fondit ainsi le BBC Russe en 1929, un club qui ne compta qu’une petite trentaine de joueurs. La création du BBCR est en soi un phénomène unique.
« Vous devez comprendre qu’à cette époque presque tout le sport était vraiment amateur. Les gens travaillaient et faisaient du sport avec leur argent », rappelle le fils. Le BBC Russe ne possédait pas son propre terrain et était en quelque sorte un club vagabond qui empruntait celui des autres. Dans son livre Une Histoire du Basket Français, Gérard Bosc indique que le club bénéficia du support technique d’un Canadien, Gaston François, et que leur jeu « moderne » se bonifia ensuite au retour de Val Bourischkine de l’université de Middleburg dans le Vermont en 1933. Le BBC Russe passa ainsi du dernier échelon des championnats jusqu’en première division.
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