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Le témoignage d’Eric Girard (Le Portel) sur son cancer des cordes vocales: « Il ne me restait plus que quatre mois à vivre »

En raison d’une intervention chirurgicale, Eric Girard ne sera pas sur le banc des coaches ce soir face à Nanterre. Le Portelois a été victime il y a quelques années d’un cancer des cordes vocales, le cancer du fumeur lui qui n’avait jamais fumé une clope. Il nous avait livré alors un témoignage san

En raison d’une intervention chirurgicale, Eric Girard ne sera pas sur le banc des coaches ce soir face à Nanterre. Le Portelois a été victime il y a quelques années d’un cancer des cordes vocales, le cancer du fumeur lui qui n’avait jamais fumé une clope. Il nous avait livré alors un témoignage sans tabou et émouvant, et aussi un message d’espoir.

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Eric, comment allez-vous ?

Très bien. Bien sûr, ma voix a changé, surtout au téléphone, puisque j’ai subi une laryngectomie totale (ablation du larynx), mais ma santé est bonne et mon moral est à 200%. On ne sait jamais avec ces maladies-là, aussi j’espère que c’est derrière moi. J’ai passé un examen il y a quelques jours qui a démontré que tout est nickel. Le problème, c’est la qualité de ma voix -ce qui n’est pas grave, j’ai passé l’âge des roucoulades avec les jeunes femmes !- et surtout la puissance de cette voix. C’est un peu un problème dans la vie de tous les jours et dans mon boulot.

Est-ce fatigant de parler ?

Pas du tout. Pour les entraînements, dans la salle du Portel, j’utilise un micro sans fil qui est relié à de grosses enceintes. Ma voix est amplifiée comme si je faisais une conférence devant deux cents personnes. Lorsque je suis dans une autre salle, je dispose d’un micro sans fil relié par wifi à une petite enceinte, qui est grande à peu près comme la surface d’un ordinateur. Je la trimbale partout et elle fonctionne sur batterie. Je la mets sur la table de marque et je peux parler à mes joueurs de n’importe quel endroit de la salle.

Le handicap existe au moment des matches. Ça vous demande une grande complicité avec l’assistant, Frédéric Munch ?

Tout à fait. Le seul problème, ce sont les temps-morts. Je ne peux pas les faire car il y a trop de bruit. Mon assistant, comme mes joueurs, sont capables de lire quelques mots sur mes lèvres. Il faut quand même savoir qu’il y a des matches notamment d’Euroleague où il y a tellement de bruit que les coaches ne peuvent pas parler aux temps-morts et fonctionnent avec la tablette, en mimant les gestes. Ce n’est donc pas un gros problème. Ça demande de la concentration, de la réaction à mon assistant. On fait le pré-temps-mort ensemble, je lui donne mes consignes, sur un thème défensif que l’on a mis en place ensemble, avec éventuellement une ou deux idées en attaque, et lui redonne ça aux joueurs avec mes idées, mes adaptations, et parfois, sur ce qui lui est attribué avec un ou deux principes à lui. Ça, je le faisais déjà avant avec mes autres assistants. On se leurre un peu tous sur l’efficacité réelle d’un temps-mort, nous les coaches. Je les regarde avec encore plus d’attention à la télé. On s’aperçoit qu’il y a deux mecs qui écoutent sur les cinq qui doivent jouer. En définitive, le vrai impact des temps-morts, c’est de pouvoir casser le rythme des rencontres et donner un break aux joueurs. On se donne de l’importance par rapport à ça, mais ce n’est pas décisif, sauf sur une balle de match. Je serai curieux d’avoir les statistiques pour savoir si les consignes données aux temps-morts sont vraiment appliquées. Ça doit être très faible. Le plus gros problème, c’est la communication avec les arbitres. Soit tu as des arbitres qui ont de l’expérience ou qui humainement sont de grande valeur, et ceux-là sont capables de venir à côté de moi, de tendre l’oreille, de dialoguer rapidement. Soit, et c’est le plus dur pour moi, avec des arbitres de niveau médiocre, pas sûrs d’eux, qui n’ont pas envie de faire d’efforts, et eux passent à deux mètres de moi, et comme ça, ils savent qu’ils seront tranquilles.

Quelle réaction ont eu vos joueurs, quand ils ont appris votre maladie, et à ce fonctionnement ?

Je crois qu’ils ont réagi comme n’importe quel être humain aurait réagi, avec, je pense, un peu de tristesse, et aussi un respect énorme, une grande concentration. Au début, c’était forcément un peu compliqué, le temps que je trouve mes marques et le fonctionnement avec la sono. Mais la qualité de nos entraînements et le travail accompli n’en ont jamais pâti. Les joueurs ont été d’une intelligence et d’un professionnalisme  énormes. Dès que je sifflais, les gars se taisaient, arrêtaient le ballon immédiatement, écoutaient, et retraduisaient par eux-mêmes quand je ne pouvais pas le faire. Ils se relayaient les infos. Ce n’est plus le cas maintenant car le fonctionnement aujourd’hui est, disons,  complètement normale.

Avez-vous des exemples d’autres coaches qui se sont retrouvés dans une situation analogue ?

J’ai eu des échos de coaches, en foot comme dans d’autres disciplines, qui ont des cancers, et qui ont dû s’adapter. Mais jamais de coaches qui ont eu les mêmes problèmes que moi. Aussi, tous les ajustements, je les ai fait par moi-même en fonction de mes besoins et grâce bien sûr à des idées apportées par certaines personnes de mon entourage. Mon amie a été à la recherche de tout ce qui pouvait m’aider. Il y a bien sûr des demandes à faire, des documents à remplir…

« J’ai toujours une grande gueule. Je poussais de temps en temps de vraies gueulantes après mes joueurs, les arbitres, les journalistes, et depuis un an, je m’aperçois que l’on peut coacher à un très bon niveau sans avoir besoin de gueuler. Et ça c’est une belle leçon ! »

Pouvez-vous nous rappeler quand vous avez eu vos premiers symptômes ?

J’étais très fatigué. J’ai appris que j’avais le cancer et j’ai fait des rayons. Ni ma mère, ni ma fille n’étaient au courant, car ça devait passer comme ça. Seuls deux trois proches, mon frère,  mon amie bien sûr, le savaient. A la fin de ma période à Limoges, je n’ai pas retrouvé de travail tout de suite car j’ai dû repousser des appels sans dire que je ne pouvais pas car j’étais malade. Je ne voulais pas que ça constitue un handicap. J’avais déjà repoussé Le Portel une fois sans donc leur dire pourquoi. Un mois après, ils sont revenus à la charge, je leur ai répondu que j’avais des affaires administratives à régler et que je ne serai disponible qu’un mois plus tard. Ils sont encore revenus et avant de signer mon contrat, je leur ai dit pourquoi je n’avais pas pu venir plus tôt.  Je leur ai posé la question : « on fait ou on ne fait pas ? » Ils m’ont répondu : « ce n’est pas un problème pour nous, on y va. » A la fin de la saison, ils m’ont proposé de prolonger. L’année dernière, j’ai eu de nouveau des problèmes de voix et en refaisant des examens, on s’est aperçu trop tard que j’avais récidivé et que c’était bien plus grave que la première fois. Le professeur m’a dit qu’il fallait opérer ou qu’il ne me restait plus que quatre mois à vivre. J’ai compris ce que ça voulait dire « être proche de tomber dans les pommes ». J’ai senti le sol s’ouvrir entre mes jambes et tomber dans un trou. J’ai été opéré le jour de la Saint-Valentin, il y a à peu près un an… J’ai connu des moments pas très agréables, humainement, à Limoges avec mon dernier employeur. Là, ce qu’a fait le président du Portel (Yann Rivoal), les gens du directoire, c’est énorme. J’ai demandé à voir le président, le docteur, l’ancien président et le manager, Pascal Jullien, et je leur ai expliqué la situation. Je leur ai dit que je ne savais pas ce que je pourrai faire après. Il me restait un an de contrat. On pouvait tout arrêter… Et tout de suite le président m’a regardé et m’a dit « Eric, on sait ce que tu fais, on connait ton mental, je te redonne deux ans. »

Cette confiance vous a aidé mentalement à surmonter cette épreuve ?

Ah ! Oui. Sans prétention, ça pouvait faire bizarre avec le CV que j’ai d’aller coacher en Pro B, mais j’ai une chance fabuleuse d’aller travailler avec ces gens. Je leur serai redevable à vie de la confiance dont ils m’ont témoigné.

Le public a également confectionné une banderole quand il a su que vous alliez vous faire opérer. On dit que les gens du Nord sont très hospitaliers. Vous l’avez ressenti ?

Bien sûr. Durant ma carrière de petit joueur et de coach, j’ai fait le sud, l’est et bien sûr l’ouest et jamais encore le nord. On peut vraiment dire que les gens ici sont très spéciaux avec un sens de l’accueil formidable. Mais je dois dire que lorsque j’ai communiqué ma maladie, la deuxième fois, j’ai reçu des messages de soutien de partout. Ma fille a créé une page facebook pour me permettre deux ou trois fois de donner des nouvelles, et elle m’a communiqué les messages des gens. Je ne pourrai jamais rendre tout ce que les gens du club ont fait pour moi, de me faire immédiatement confiance, sans savoir si je pourrai coacher de nouveau normalement. Le président est un homme exceptionnel.

La ministre déléguée à la famille Dominique Bertinotti a révélé son cancer, brisant une sorte de tabou. C’est un peu le sens de votre démarche ?

Complètement. Si ça peut aider les gens à comprendre qu’en se battant, on peut faire les mêmes choses qu’avant. Qui pouvait penser qu’après une telle opération, je pourrais coacher quasiment normalement ? Je n’ai pas de tabou, je n’ai pas honte, vous pouvez poser les questions que vous voulez. Et demain, je suis prêt à repartir en Pro A, en coupe d’Europe, comme je l’ai quasiment toujours fait durant ma carrière.

Quelles sont les perspectives données par le professeur qui vous suit ?

Au début, je ne pouvais même pas compter jusqu’à cinq. Je suis allé deux, trois par semaine chez l’orthophoniste. J’ai tout repris à zéro et je m’entraînais seul à la maison. Avec la volonté, le désir de ne pas arrêter de coacher, j’ai parlé très rapidement. Donc, je pense que ma voix va progresser en terme d’intensité, de constance. Là, j’ai un autocollant sur lequel j’appuie en même temps que je parle. Je ne sais pas pourquoi, au téléphone, c’est beaucoup plus dur et moins net. En direct et avec la sono, c’est quasiment normal. Je fais le briefing d’avant-match, de mi-temps et d’après-match tout seul, sans haut-parleur, sans crier. Je suis comme tous les coaches, plus que d’autres encore, j’ai toujours une grande gueule. Je poussais de temps en temps de vraies gueulantes après mes joueurs, les arbitres, les journalistes, et depuis un an, je m’aperçois que l’on peut coacher à un très bon niveau sans avoir besoin de gueuler. Et ça c’est une belle leçon !

Vous êtes moins dans le conflit, davantage dans le respect de l’autre ?

Tout à fait. C’est vrai que les mots peuvent être plus aiguisés, et souvent en match, quand je suis frustré, c’est la gestuelle qui parle à la place du son de ma voix. Mais je suis fier aujourd’hui de faire mon job avec la même efficacité qu’avant, sans crier, avec la même écoute de mes joueurs, sans problème de discipline.

Quelques mois après cette interview, Eric Girard avait écrit un livre en collaboration avec le journaliste Pierre Ballester, « Je n’ai qu’une parole » afin de raconter son histoire.

Le message écrit cette semaine par Eric Girard à destination des supporters de l’ESSM Le Portel.

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Eric, comment allez-vous ?

Très bien. Bien sûr, ma voix a changé, surtout au téléphone, puisque j’ai subi une laryngectomie totale (ablation du larynx), mais ma santé est bonne et mon moral est à 200%. On ne sait jamais avec ces maladies-là, aussi j’espère que c’est derrière moi. J’ai passé un examen il y a quelques jours qui a démontré que tout est nickel. Le problème, c’est la qualité de ma voix -ce qui n’est pas grave, j’ai passé l’âge des roucoulades avec les jeunes femmes !- et surtout la puissance de cette voix. C’est un peu un problème dans la vie de tous les jours et dans mon boulot.

Est-ce fatigant de parler ?

Pas du tout. Pour les entraînements, dans la salle du Portel, j’utilise un micro sans fil qui est relié à de grosses enceintes. Ma voix est amplifiée comme si je faisais une conférence devant deux cents personnes. Lorsque je suis dans une autre salle, je dispose d’un micro sans fil relié par wifi à une petite enceinte, qui est grande à peu près comme la surface d’un ordinateur. Je la trimbale partout et elle fonctionne sur batterie. Je la mets sur la table de marque et je peux parler à mes joueurs de n’importe quel endroit de la salle.

Le handicap existe au moment des matches. Ça vous demande une grande complicité avec l’assistant, Frédéric Munch ?

Tout à fait. Le seul problème, ce sont les temps-morts. Je ne peux pas les faire car il y a trop de bruit. Mon assistant, comme mes joueurs, sont capables de lire quelques mots sur mes lèvres. Il faut quand même savoir qu’il y a des matches notamment d’Euroleague où il y a tellement de bruit que les coaches ne peuvent pas parler aux temps-morts et fonctionnent avec la tablette, en mimant les gestes. Ce n’est donc pas un gros problème. Ça demande de la concentration, de la réaction à mon assistant. On fait le pré-temps-mort ensemble, je lui donne mes consignes, sur un thème défensif que l’on a mis en place ensemble, avec éventuellement une ou deux idées en attaque, et lui redonne ça aux joueurs avec mes idées, mes adaptations, et parfois, sur ce qui lui est attribué avec un ou deux principes à lui. Ça, je le faisais déjà avant avec mes autres assistants. On se leurre un peu tous sur l’efficacité réelle d’un temps-mort, nous les coaches.

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Photos: FIBA

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