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Interview Gary Florimont : « Cela fait bizarre de n’être que deux Français dans l’équipe »

Longtemps dans l’anti-chambre de l’élite, Gary Florimont (2,03m, 29 ans) est aujourd’hui l’un des deux seuls Français qui se voient accorder du temps de jeu au SLUC Nancy. Des Nancéiens à la peine avant de faire tomber le leader invaincu monégasque au cours d’un match volcanique.

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Longtemps dans l’anti-chambre de l’élite, Gary Florimont (2,03m, 29 ans) est aujourd’hui l’un des deux seuls Français qui se voient accorder du temps de jeu au SLUC Nancy. Des Nancéiens à la peine avant de faire tomber le leader invaincu monégasque au cours d’un match volcanique.

Né en Guadeloupe, comment êtes-vous venu au basket ?

J’ai grandi dans une famille où il n’y avait pas grand-chose et mes parents ont beaucoup travaillé. Le basket ce n’était pas du tout une chose qui m’intéressait à la base mais comme que je faisais beaucoup asthme, il fallait que je cherche un sport et un pédiatre a conseillé à mes parents de me mettre au basket. Au début je détestais cela. Je détestais cela parce que quand je suis arrivé la première fois et que mes parents n’avaient pas beaucoup de moyens, tous les jeunes avaient des maillots Jordan, des belles chaussures alors que moi mes parents ne pouvaient pas m’offrir ce genre de chose. Donc on va dire que j’étais complexé par le fait que c’était un sport avec beaucoup de style. En plus c’était en plein l’époque de And One. Finalement j’y ai pris goût et j’ai été recruté par le pôle espoir de la Guadeloupe.

Quelle a été la suite de votre carrière ?

J’ai passé deux ans au pôle espoir avant d’être recruté par Cholet où j’ai fait quatre belles années avec des joueurs comme Rodrigue Beaubois, Nando De Colo, Mickaël Gelabale, Jean-Michel Mipoka ou Saïd Ben Driss qui joue à Rennes aujourd’hui (NM1). J’ai aussi pu côtoyer un peu Kevin Seraphin avant qu’il parte. J’ai donc rencontré du beau monde avec qui j’ai gardé de très bons contacts. C’était quatre très belles années parce que j’ai beaucoup travaillé et à Cholet il y avait un savoir-faire avec les joueurs qui venaient des Antilles. Jean François Martin qui était, à l’époque, l’entraîneur et qui est maintenant le directeur du centre de formation nous prenait vraiment bien sous son aile, il aimait vraiment son métier et il nous transmettait l’amour du basket ainsi que l’amour du travail. Je suis resté à Cholet jusqu’à mes 19 ans avant de partir à Poitiers en Pro B où j’ai fait deux saisons. On a gagné le championnat la deuxième année avec le PB86, l’équipe est montée en Pro A mais moi je suis parti à Nantes où j’ai passé une saison.

Comment s’est passé votre adaptation ?

Je suis arrivé à 15 ans en France, et c’était très difficile parce que c’était la première fois que je venais ici. C’était très difficile au niveau du climat mais comme Cholet avait vu passer plusieurs Antillais avant moi, ils ont très bien su gérer ça. Ils connaissaient un peu la façon de réagir des jeunes qui arrivaient donc ils m’ont très bien entouré. Mickaël Gelabale et Jean-Michel Mipoka ont été des grands frères pour moi alors cela m’a facilité la transition mais c’est sûr que les premiers Noëls ou les premiers anniversaires sans la famille ce n’est pas facile. Après, je ne suis pas le premier ni le dernier à l’avoir vécu et c’est juste une période difficile. Cela permet de devenir plus fort.

Les joueurs antillais ont-ils été des exemples pour vous ?

A Cholet, il y avait Jim Bilba et c’est sûr qu’avant qu’il ne revienne pour terminer sa carrière à CB, on entendait beaucoup parler de lui, de ce qu’il avait fait aussi. C’était bien sûr un exemple. Il y avait aussi Mickaël Gelabale qui était avec les pros. C’était motivant de le voir parce que c’est un Guadeloupéen comme moi. Il a fait de grandes choses, et cela montrait que la porte était ouverte et qu’on pouvait essayer de se faufiler.

« D’entendre Laurent Sciarra raconter des histoires sur les JO, sur les entraîneurs ou sur des joueurs c’était juste terrible »

Après Cholet, c’est Charleville, Evreux, Rouen, Châlons-Reims ?

Oui, une autre saison à Charleville-Mézières, deux saisons à Evreux, une saison à Rouen avec l’icône Laurent Sciarra en tant qu’entraîneur. C’était d’ailleurs une super expérience parce que beaucoup de gens le jugent sans le connaître. C’est quelqu’un de vrai. C’était exceptionnel d’avoir quelqu’un comme cela qui partage des anecdotes. Chaque déplacement c’était juste énorme. De l’entendre raconter des histoires sur les JO, sur les entraîneurs ou sur des joueurs c’était juste terrible, même si on n’a pas obtenu les résultats escomptés c’était quand même une belle année parce qu’on avait des bons gars dans l’équipe. Après cela, j’ai signé à Chalons-Reims où le coach Nikola Antic m’a recruté et cela a également été deux belles années parce que là-bas je suis tombé sur un entraîneur qui aime faire progresser les joueurs. J’étais en chambre avec Michel Morandais qui m’a beaucoup aidé à faire la transition Pro B/Pro A parce que c’est un Guadeloupéen comme moi. Le CCRB dans son ensemble est un club très bien structuré -malgré le fait qu’il arrivait de Pro B- avec des personnes très, très, motivées que ce soit au directoire ou dans le staff. J’ai passé deux bonnes années là-bas, ils m’ont proposé de rester mais j’avais envie de voir ce que je pouvais faire dans un autre environnement. Sachant que je ne suis plus tout jeune, si je voulais voir autre chose c’était maintenant. Alain Weisz m’a appelé et me voilà aujourd’hui à Nancy.

« En Pro B, tout le monde veut faire des chiffres parce que personne ne veut y rester que ce soit les Américains ou les Français. »

En jouant une grande partie de votre carrière professionnelle en Pro B, comment arrive-t-on à taper dans l’oeil de la Pro A ?

Quand tu viens de Pro B pour aller en Pro A, il faut forcément faire des chiffres et c’est cela le problème. En Pro B, tout le monde veut faire des chiffres parce que personne ne veut y rester que ce soit les Américains ou les Français. C’est un championnat qui est très dense, très physique. Etre performant ce n’est pas à la portée de tout le monde, cela dépend de ton style de jeu. Pendant longtemps j’étais dans de bonnes équipes. Je pense qu’il n’y a pas de vérité sur le chemin. Il y en a qui mettent moins de temps et personnellement j’ai mis un peu plus de temps pour passer en Pro A. J’ai eu la chance d’aller en Pro A avec Chalons-Reims parce qu’ils sont montés grâce à une Wild-Card et Nikola Antic voulait me donner ma chance après m’avoir vu évoluer en Pro B. Si lui ne m’avait pas appelé, peut-être qu’aucun coach n’aurait vu de quoi j’étais capable. C’est pour cela que j’ai passé deux bonnes saisons là-bas, j’ai eu la chance de pouvoir m’exprimer. Il m’a également aidé à progresser sur mon adaptation au jeu de la Pro A parce que c’est très différent de la Pro B. C’est un jeu un peu plus structuré et tout le monde est un peu plus dangereux en Pro A, alors qu’en Pro B on peut se permettre de faire l’impasse sur certains joueurs. La Pro B, je ne vais dire que c’est la jungle mais c’est un peu plus difficile de se montrer qu’en Pro A. Une fois que tu es en Pro A pour un joueur français, tu peux te spécialiser dans un domaine en particulier, la défense, le rebond, tu peux être efficace dans d’autres parties du jeu.

Comment vous sentez-vous en Pro A après deux saisons pleines ?

J’ai bien fini la saison dernière. Pour l’instant, cette année, je fais un début de saison catastrophique pour être honnête. Premièrement parce que mon équipe est à seulement deux victoires et deuxièmement parce que, individuellement, je n’apporte pas du tout ce que je suis censé apporter donc je travaille. Je sais que ça va revenir mais quand ton équipe perd et que toi tu n’es pas au niveau tu le vis mal. Comme on le dit, les places sont apparemment chères pour les JFL. Si en plus tu as la chance d’évoluer dans un club comme le SLUC qui est énorme, on l’a vu ce week-end avec la victoire face à Monaco, et que tu ne fais pas les chiffres ou ce que tu voudrais faire, c’est très difficile.

« En Pro B, on parlait beaucoup plus français dans le vestiaire et les entraînements c’était aussi en français. »

Seulement deux Français au SLUC

A ce propos, Benjamin Sene et vous êtes les deux seuls Français à jouer au SLUC…

Je ne vais pas cacher que cela fait bizarre, surtout pour moi, parce que j’ai beaucoup joué en Pro B et il y avait seulement trois étrangers quand j’y étais. On parlait beaucoup plus français dans le vestiaire et les entraînements c’était aussi en français. Après c’est sûr que nous on a un groupe réduit de huit joueurs et il faut s’adapter. On a deux vrais pros Français mais on a aussi un Vénézuélien et un Espagnol. C’est vrai que cela fait un peu bizarre parce qu’on parle beaucoup plus anglais que ce que j’ai pu connaître dans ma carrière mais ce sont des adaptations à faire. Ce sont des choix d’orientation, si le coach a fait son équipe comme cela, c’est qu’il avait ses raisons. Je ne suis ni pour ni contre cette histoire de « il y a pas assez de Français, il y a trop d’Américains », je suis pour le meilleur basket et les meilleures situations possibles. Si on termine la saison et qu’on est champion de France je te dirais que c’était la bonne formule. Après si c’est une équipe comme le PL, qui a plus de Français, je te dirais que c’était peut-être la bonne équation. Je ne pense pas qu’il y ait une formule qui détient la vérité, ça dépend aussi des budgets des clubs, de l’orientation du club, cela dépend du style de jeu que veut proposer l’entraîneur. Notre équipe espoirs est première du championnat avec des joueurs comme Melvyn Govindy ou Enzo Goudou-Sinha mais toute l’équipe a du potentiel et cela permet aussi à ces jeunes-là d’avoir la possibilité de venir s’entraîner avec nous. Si on était plus de Français pros, ils ne se seraient pas entraînés avec nous.

Malgré cet effectif atypique, comment vous sentez-vous dans cette équipe du SLUC ?

Je me sens bien. Enfin oui et non parce que comme je l’ai dit, je fais un début de saison catastrophique et mon équipe ne gagne pas. Malgré tout, dans cette équipe il y a une super ambiance et même si l’on n’est que deux Français. Les gars sont super-cools, l’entraîneur fait aussi en sorte qu’il y ait une bonne ambiance et le club est très bien structuré. Humainement je me sens super bien, sportivement c’est autre chose mais j’espère que le sportif va rejoindre l’humain et à ce moment-là je serai un homme heureux.

« Il y a plein de matchs dans lesquels si tu regardes notre adresse aux lancers francs, elle est digne de Shaquille O’Neal »

L’apport du public , la défense et les lancers-francs

Le SLUC, c’est aussi un public énorme. C’est l’un des plus chauds de Pro A ?

Terrible ! Il est terrible ! Franchement, on m’en avait parlé mais quand il y a des défaites c’est toujours assez difficile d’aller chercher les gens mais on a joué Monaco ce week-end et sincèrement on gagne le match à 50% grâce aux supporters. Ils ont mis une ambiance, je n’ai jamais vu cela. C’était juste un truc de malade mental. Cela renforce le fait que quand tu ne fais pas un bon début de saison et que tu vois une salle comme cela tu te dis « merde, cette salle-là elle mérite les playoffs. Elle mérite de gagner des gros matchs parce que le public est terrible ». Ce week-end c’était « ouf », c’est le mot. Le public m’a vraiment impressionné !

A propos du début de saison raté et du départ du Président, quel est le climat au sein du club ?

Nous, on ne l’a pas vécu. Ce n’est pas une excuse, je ne vais pas te dire que le président a démissionné et que cela nous a perturbé. On ne vit pas du tout cela parce que le staff fait en sorte que l’on ne soit pas impacté. Après c’est sûr que tu le sens. Nous notre baromètre c’est le public, quand tu vois ce qu’il est capable de faire contre Monaco tu te rends compte qu’on est à des années-lumière du potentiel du club.

Est-ce qu’il y a une certaine pression sur l’équipe du fait des résultats ?

Il y a une pression parce que tout d’abord on est des salariés. A partir du moment où tu es salarié il y a une pression et c’est normal, on n’est pas là en vacances. Si tu es un sportif, même amateur, tu es là pour la victoire, on n’est plus là pour participer. Même un mec qui joue un match le dimanche il y va pour gagner. C’est sûr qu’aujourd’hui il y a une sorte de pression mais elle est tout à fait normale, ce n’est pas une pression que l’on nous a imposée. Elle est normale parce qu’on s’est mis dans une situation difficile. On est parmi les derniers du classement et ce n’est pas du tout la bonne place pour ce club.

Quand on regarde les résultats, vous avez perdu de seulement 10 points au maximum, qu’a-t-il manqué à l’équipe jusqu’à maintenant pour l’emporter ?

C’est cela qui est rageant. On est aussi renouvelé à 90% et à partir de là cela prend du temps pour se mettre en marche. Encore une fois, ce n’est pas une excuse parce qu’il y a plein de matchs dans lesquels si tu regardes notre adresse aux lancers francs, elle est digne de Shaquille O’Neal et quand tu vois que l’on perd des matchs de 4 ou 5 points à, avec à peine 60% aux lancers collectivement, tu as mis le doigt sur le problème. Ce n’est pas possible, on est des joueurs professionnels et on ne peut pas rater des brouettes de lancers francs surtout quand les matchs sont serrés.

Justement vous gagnez face à Monaco, certainement la victoire la plus inattendue, qu’est-ce qui a fait la différence dans ce match ?

Le public et la défense. On a défendu fort mais je pense que les deux vont de pair. La salle était chaude et on a défendu dur donc je pense qu’on a chauffé la salle en défendant comme cela et le public nous a suivi. Je pense qu’ici les gens savent reconnaître le beau basket et même si cela n’a pas été un match offensif, en défense cela a été une vraie bataille et je pense que les gens l’ont senti, ce qui a fait qu’ils nous ont accompagné et aidé à gagner ce match-là.

Photo : LNB

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