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Dimanche à Pau : Gheorghe Muresan (2,31m), l’Everest du sport mondial

Dimanche, Gheorghe Muresan sera l’invité du classico Pau-Limoges. Avec ses 2,31m, le géant Roumain est le plus grand joueur de tous les temps, à la fois de la Pro A et de la NBA. Il fit aussi plusieurs aller-retours antre le Béarn et les Etats-Unis.

Dimanche, Gheorghe Muresan sera l’invité du classico Pau-Limoges. Avec ses 2,31m, le géant Roumain est le plus grand joueur de tous les temps, à la fois de la Pro A et de la NBA. Il fit aussi plusieurs aller-retours antre le Béarn et les Etats-Unis.

Premier coup de projecteur durant l’été 1990, au championnat d’Europe juniors disputé cette année-là aux Pays-Bas. Gheorghe Muresan profite de la blessure d’un autre géant roumain, Constantin Popa (2,20 m), pour prendre les rebonds à la louche face à l’URSS (13) et convertir 7 tirs sur 12.

La légende est en marche. On apprend que Ghita (prononcer Gidza) a quitté son bled de Triteni de Joos, en Transylvanie, à 15 ans, pour aller se faire soigner à Cluj (500 000 habitants) d’un genou qui gonflait et de dents qui lui faisaient mal. Ghita souffrait évidemment de gigantisme. Il se fit alors repérer par un dentiste, arbitre dans le championnat roumain et licencié au club local. Jusque-là, il n’avait jamais touché une balle orange.

La taille de Muresan fait bien sûr fantasmer. 2,20 m ?, 2,25 m ?, 2,28 m ? Davantage ? Pour en avoir le coeur net, l’envoyé spécial de Maxi-Basket le mesurera, quelques années plus tard, à Washington. Verdict : 2,29½ m pieds nus et 2,31 m avec des chaussures.

Qualifiée pour le Mondial, l’équipe roumaine se classe 5e à Edmonton au Canada et Muresan se fait définitivement un nom en se tricotant des stats de luxe : 23,4 pts à 54% de réussite et 11,4 rbds.

En juin 92, la Roumanie dispute le Tournoi Pré-Olympique à Murcie, en Espagne. Pierre Seillant est venu observer le pivot qu’il vient d’embaucher et qui, quelques mois plus tôt, a passé 73 points en deux matches à Pau lors d’un tour de Coupe des Coupes.

La première interview a lieu dans les salons d’un hôtel de la ville. « Je chausse du 58. A Cluj, il existe une importante fabrique de chaussures roumaines. C’est là que je les commande ».

Ghita pose sur le perron avec un drapeau roumain et rejoint sa chambre par l’ascenseur, de profil et en courbant l’échine. Terriblement impressionnant.

« Il ne savait même pas marcher… »

Messagero Roma s’était mis sur les rangs, mais demandait à Muresan de faire un apprentissage d’une saison en équipe réserve. Hors de question. Ghita rejoint donc le Béarn et devient forcément une attraction. Il fait la couverture de Maxi-Basket, à la rentrée de septembre, posant aux côtés d’une figurine en carton représentant Michael Jordan en taille réelle. Il lui mange la soupe sur la tête.

Githa a emmené avec lui un pote de Cluj qui partage le même appartement et qui lui sert d’interprète. Il est vite adopté par toute la ville qui s’amuse en voyant le géant conduire sa R25 quasiment assis sur la banquette arrière. Plus tard, Ghita avouera que sa conduite approximative a provoqué trois accidents.

A l’entraînement, le Roumain ne rigole pas. « On voulait faire courir Muresan, il ne savait même pas marcher », dira le coach Michel Gomez. « On a tout repris à zéro. Equilibre, proprioception, dextérité, on a tout recommencé… Côté muscu, il n’était même pas capable de se tracter sur ses bras. Aujourd’hui, il arrive à faire 7 – 8 pompes ».

Ce travail de fond, Ghita le fait dans la joie et la bonne humeur. Et ça paye. Gheorghe Muresan est classé 4e du référendum annuel de Maxi-Basket des « joueurs étrangers de la saison » et Pau, en playoffs, en lâche le morceau qu’en finale face à Limoges qui vient d’être sacré champion d’Europe.

Ghita est dans la ligne de mire de la NBA. Lors du match Pau-Real de Madrid, pas moins de sept scouts avaient annoncé leur venue au Palais des Sports pour voir deux géants s’affronter, Arvidas Sabonis et Gheorghe Muresan.

Pivot titulaire à Washington

L’inter-saison est soucieuse pour notre gentil géant. Il s’est avéré qu’il avait une tumeur non cancéreuse à l’hypophyse. Ghita devait signer au FC Barcelone pour trois saisons, mais le Barça recule devant la période de convalescence prévisible. C’est début juillet que Muresan se fait opérer à Bordeaux. Il devra, pendant six mois, se faire injecter des piqûres d’une hormone de synthèse pour bloquer la sécrétion des hormones de croissance.

L’AEK Athènes lui fait miroiter 450 000 dollars annuels, mais Ghita vient d’être drafté par les Washington Bullets au 2e tour (30e choix) et décide de partir à la conquête de la NBA. Il va devenir le joueur le plus grand de tous les temps.

Un rêve, oui. Mais aussi, au début, une sorte de cauchemar. « Au moins dix fois, en rentrant à la maison, j’ai dû dire à ma femme que c’était terminé, que l’on rentrait en Europe ». Le roumain constate que le job d’un super-géant, c’est parfois monotone. « En NBA, on m’apprend à répéter chaque jour les mêmes gestes et je ne m’aventure pas à tenter autre chose en matches. En attaque, je tire beaucoup de bras roulé, m’occupe du rebond offensif pour des claquettes. Et en défense, j’intimide ».

Et là encore, les progrès sont spectaculaires. Il gagne en force, en agilité, en temps de réaction. Il décroche, à la fois un contrat de 5,4 millions de dollars sur 4 ans et le titre de « joueur ayant le plus progressé » en 1996. Il aura tourné à 14,5 pts, 58,4% de réussite et 9,6 rbds.

Juste avant le démarrage de cette saison de luxe, Ghita est revenu faire un tour à Pau. La NBA est victime du lockout, et, désoeuvré, le Roumain en a profité pour faire une pige amicale avec l’Elan Béarnais. Il participe à 4 matches de championnat et aide Antoine Rigaudeau and Co à assurer leur qualification à la poule finale du championnat d’Europe des clubs. Hués par les 4 000 supporters de Ljubljana, Muresan se fend d’un « coast to coast » ponctué d’un dunk fracassant !

Un reporter du célèbre hebdo américain Sports Illustrated vient à Pau l’interviewer. Muresan évoque son enfance sous la dictature de Ceausescu : « Il n’y avait pas de chauffage, pas d’eau chaude, pas d’électricité. Chacun avait chaque jour un demi-pain pour vivre et un kilo de viande pour la semaine. Il y avait des légumes en été, mais pas en hiver. Jamais de bananes, d’oranges. Du poisson ? Le vendredi ».

Quelques mois plus tard, le président Seillant, son fidèle bras droit Gérard Bouscarel, et l’agent Kenny Grant basé à Orthez, vont à Washington rendre visite à leur ami Ghita.

Blessures à répétition

Les blessures sont le lot de chaque athlète, mais plus spécialement pour quelqu’un de 2,31 m et 137 kg, dont les articulations doivent supporter une pression énorme.

Depuis trois ans, Ghita cumule les pépins. Pendant le tournage de My Giant, il est hors d’état de jouer à cause d’une blessure au tendon d’Achille. Il va souffrir de la cheville, du dos et du genou. Il en perd l’espoir de prolonger son contrat avec Washington (on parlait un moment de 50 millions de dollars sur 7 ans). Il ne participe en fait qu’à un seul match en deux saisons (97-99), sous les couleurs des New Jersey Nets où il a signé comme free agent. La saison dernière, il tient bon 30 matches et aligne 3,5 pts, 45,6% et 2,3 rbds. On est loin de ses scores passés et les Nets lui indiquent la porte de sortie.

Ghita revient à Pau. Pour retrouver la forme, au milieu de gens qu’il aime et qui ont su prendre soin de lui quand il n’était qu’un gosse de Roumanie. Il s’entraîne avec l’Elan. Il donne, le 19 novembre, le coup d’envoi du match Pau-Cholet. On rêve d’un nouveau retour. C’est la réalité : le lundi 27 novembre, un communiqué du club annonce qu’il signe pour l’Elan Béarnais pour le reste de la saison, avec une clause lui permettant à tout moment de repartir en NBA. Et le 3 décembre, pour sa rentrée face à Gravelines, Ghita bat une sorte de record : 12 points en… 6 minutes.

Clic-clac. Ghita fait pour la troisième fois la couverture de Maxi, aux côtés de Shawnta Rogers. 70 centimètres séparent les deux géants du basket !

Seulement le Roumain n’est plus très en forme. Il ne joue que 14 minutes par match et au bout de 15 sorties, à 30 ans, il rend définitivement son tablier.

Quand Requin a joué dans My Giant

Ghita, à l’aise dans son corps surdimensionné, est devenu une véritable figure de la capitale fédérale américaine. Il possède son propre fan’s club, le « Big Gheorghe Fan Club », géré par le staff des Bullets. Un poster grandeur nature a été imprimé. Il nous confie alors : « Là-bas, quand je sors au restaurant avec ma femme, et que des enfants me demandent des autographes, je leur demande à chaque fois pourquoi. Et à chaque fois, ils me répondent que c’est parce qu’ils supposent que je suis un basketteur ou c’est parce qu’ils savent que je joue aux Bullets. En Europe, je suis d’abord un géant. Les gens ne me respectent pas, se retournent sur mon passage, parlent à voix basse ».

Le Roumain profite de sa popularité et de son indéniable sens de l’humour. Ses affaires sont entre les mains de Bill Sweek, ancien coach du CUC, du Mans, de Monaco et de Limoges, et désormais basé à Washington, Muresan tourne tout d’abord deux spots de pub pour la chaîne de sport ESPN, puis un autre pour la barre de chocolat Snikers.

Gheorghe Muresan que l’on surnomme parfois « Jaws », en référence à « Requin », le géant aux mâchoires d’acier, rôle tenu par Richard Kiel dans deux James Bond, est ensuite le héros d’un long métrage, My Giant.

C’est l’acteur Billy Crystal, fan de Los Angeles Clippers, qui est à l’origine du projet. Crystal avait remarqué le Roumain lors de la cérémonie de la draft et avait souri en le voyant prononcer, à la télé, la seule phrase en anglais qu’il connaissait, le slogan de la NBA, « I love this game ! ». Il lui propose de tenir le rôle d’un croque-mort roumain qui se plaît à citer Shakespeare, qui est découvert par un agent hollywoodien (Crystal), lequel le persuade de venir en Californie pour y chercher gloire, fortune et un amour perdu. Le film est tourné en République Tchèque, à Los Angeles, New York et Las Vegas et sort en salles en 1998. On attend depuis la suite de la carrière d’acteur de Ghita… Quoiqu’il a prévenu : « Je préfère jouer au basket 24 heures sur 24. Le basket est très important pour moi. C’est ce que j’aime ».

Article paru dans Maxi-Basket en 2000

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