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Frédéric Dusart (Villeneuve d’Ascq): « On ne peut pas être aussi cash avec les filles qu’avec les garçons »

Villeneuve d’Ascq vient de connaître une sorte d’âge d’or avec en trois ans une victoire en Eurocup, une place en finale et un titre de champion de France. Mais la roue tourne et le club du nord qui est sorti du top 4 des masses salariales des clubs de la Ligue Féminine n’a plus un… Continue reading

Villeneuve d’Ascq vient de connaître une sorte d’âge d’or avec en trois ans une victoire en Eurocup, une place en finale et un titre de champion de France. Mais la roue tourne et le club du nord qui est sorti du top 4 des masses salariales des clubs de la Ligue Féminine n’a plus un effectif aussi riche et il lui faudra batailler pour maintenir son rang élevé dans la hiérarchie. Entretien avec son coach, Frédéric Dusart, qui nous parle notamment des rapports coach/joueuses.

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Vous avez voulu recruter une star et finalement aucune n’a accepté votre offre. Cela veut-il dire que les tarifs sont en hausse en Ligue Féminine ?

Tout à fait. On a eu six ou sept refus de joueuses, ce qui n’était jamais arrivé, à des tarifs qui étaient quasiment les mêmes même si nous, on est légèrement en baisse. C’était soit pour un projet financier supérieur soit… pour un projet sportif et financier. Ces joueuses que l’on a contacté ont signé en France dans des clubs où elles vont gagner plus (sourire).

Ce qui est très spectaculaire, c’est le recrutement de Lattes-Montpellier avec notamment Helena Ciak et Endy Miyem que l’on ne pensait pas revoir en France aussi rapidement. Ça vous a surpris ?

Ça ne nous a pas surpris dans la mesure où c’était dans les tuyaux dès janvier, février. On avait contacté une des joueuses qui est actuellement en équipe de France et qui a refusé notre offre et qui a signé là-bas. On savait donc que Montpellier allait construire une grosse armada. Avec l’arrivée de Edwige Lawson (NDLR : Directrice Sportive), le fait qu’ils ont fait une saison un peu chaotique en finissant septièmes, ils étaient un peu dans l’obligation de mettre les moyens pour rebondir. Le plus étonnant c’est que leur recrutement a été très précoce alors qu’elles n’étaient pas sures d’être européennes. Avoir des noms pareils pour jouer un match par semaine… Sur l’aspect financier, je ne juge pas, c’est juste l’aspect sportif dans la mesure où la joueuse dont je parlais s’est engagée avec Montpellier quand on était européen alors que le club n’était pas sur de l’être. On voyait bien qu’au-delà de l’aspect sportif, il y avait un aspect financier sur lequel on ne pouvait pas rivaliser.

Vous êtes sorti du top 4 des masses salariales. Bourges, Lattes-Montpellier, l’ASVEL et…

Charleville. Je connais à peu près les salaires des joueuses dans chaque club et leur masse salariale. On était deuxième il y a deux ans quand on était champion de France, troisième l’année dernière, et cette année on est relégué au cinquième rang. Même à 10% près, il n’y a pas photo donc je ne me trompe pas. Après le titre de champion de France, la nôtre a évolué négativement l’année suivante et elle est approximativement la même que l’année dernière.

Les recrues Christelle Diallo ou Magali Mendy, c’est plus dans vos tarifs ?

Oui. On a l’obligation d’avoir six Françaises et même sept car je garde toujours la possibilité d’avoir une étrangère sous le coude au cas où une Française se blesse. Comme toutes les internationales sont à Bourges, Montpellier, Charleville et Lyon, on s’est rabattu sur des joueuses forcément un peu moins référencées voire quelques paris.

Magali Mendy va découvrir la Ligue Féminine à 28 ans, c’est rare une telle trajectoire. Est-ce justement un pari ?

Elle n’a jamais joué en Ligue Féminine mais elle est paradoxalement quart-de-finaliste de l’Eurocup. C’est un semi pari car je l’ai joué, il y a trois ans, quand elle était avec Chartres en Ligue 2 et elle m’avait déjà impressionné. Elle a mis 15 points contre Galatasaray au match retour, une équipe que l’on a joué l’année dernière, ce qu’elle a réussi dans cette compétition de manière régulière, fait que c’est un pari très peu risqué. Elle a un potentiel.

Comment l’avez-vous scouté ?

En regardant des matches de quarts-de-finale d’Eurocup, de la Coupe d’Espagne. Voir ce qu’elle faisait contre une équipe comme Salamanque qui jouait en Euroleague, ça m’a forcément interpellé.

Les images de matchs circulent bien au niveau des coachs ?

Le championnat espagnol est diffusé sur YouTube et il existe une plate-forme FIBA où sont à disposition tous les matches européens, garçons et filles. En plus c’est rétroactif jusqu’à quatre ou cinq ans en arrière. J’ai donc pu aussi voir ce qu’elle avait fait en Allemagne l’année d’avant.

« Il y a beaucoup de professionnalisme chez les filles et de respect du contrat jusqu’au bout »

D’une façon générale, on recrute très tôt dans le basket féminin, à la fin de l’hiver. C’est un problème pour gérer les joueuses en fin de saison régulière et en playoffs ?

Non. L’année du titre, avant les playoffs, on savait que l’on ne garderait que quatre joueuses. Il y a beaucoup de professionnalisme chez les filles et de respect du contrat jusqu’au bout. Pour être honnête, ce phénomène m’avait étonné mais je n’ai jamais eu à recadrer une joueuse qui partait pour une baisse d’investissement en fin de saison. Par exemple, on savait très tôt que Marielle Amant allait partir à Montpellier et ses deux meilleurs matches de fin de saison, c’est face à son nouveau club (NDLR : Lattes-Montpellier). Elle a même privé son nouveau club d’une coupe d’Europe. On aurait pu imaginer qu’elle lève le pied, eh non.

Pourquoi ce recrutement d’aussi bonne heure alors que chez les garçons, l’essentiel se fait en fin de saison ?

Les étrangères, ça attend un petit peu mais il nous faut six Françaises au minimum et le marché démarre très tôt. On a eu les premiers contacts avec une Française au mois de janvier. On est obligé de démarrer avec les Françaises pour savoir combien il nous reste d’argent pour les étrangères.

Shante Evans est une Américaine avec un passeport slovène, ça veut dire que vous pourriez prendre une joueuse étrangère supplémentaire ?

Oui. On a Mame Marie Sy-Diop qui est une Sénégalaise avec un passeport français et donc Shante Evans. Ainsi on n’a qu’une seule Américaine, Angie Bjorklund.

A propos de Mame Marie Sy-Diop, vous devez suivre ses performances à la Coupe du monde avec le Sénégal avec ravissement ?

Oui. Elle ne devait pas y aller en raison d’une blessure aux ischio-jambiers en avril, ce qui lui a causé trois mois d’inactivité. On avait de gros doutes sur l’état de forme avec lequel elle allait revenir à Villeneuve d’Ascq. Elle n’a pas été sélectionnée en équipe du Sénégal dans un premier temps. Elle est revenue avec nous et comme ça s’est bien passé -elle était de nouveau à un niveau physique très intéressant-, elle a été convoquée à la dernière minute ! Elle est partie dix jours avant la Coupe du monde rejoindre l’équipe du Sénégal à Antibes. Elle était sensée revenir à son niveau mi-octobre e on n’avait pas prévu l’intégrer tout de suite dans le collectif. Elle avait un programme spécifique à faire avec un préparateur physique. Elle a bien bossé cet été, elle a été très pro et elle a repris tout de suite avec nous comme si elle n’avait jamais rien eu.

« On avait neuf internationales il y a deux ans, quatre ou cinq l’année dernière et maintenant, il n’y en a plus qu’une, Mame Marie Sy-Diop »

Est-ce une injustice pour vous que Virginie Brémont n’ait jamais eu sa chance en équipe de France alors que Johanne Gomis s’est contentée d’un Mondial il y a huit ans ?

Je ne peux pas dire que c’est une injustice. Les choix de Valérie Garnier sont légitimes et surtout efficaces. On pourrait aussi parler de Amel Bouderra, qui ne fait pas partie de mon club mais qui a été deux fois MVP du championnat de France. Il y a des choix de coach qui sont faits par rapport à un style de jeu. C’est clair que Virginie est une très bonne joueuse, qui depuis 8-9 ans joue le top 5. Il y a peut-être aussi le renouvellement des générations en équipe de France qui explique que Johanne n’a pas été conservée. Aujourd’hui elle a 33 ans. Virginie, c’est différent. Il y avait Céline Dumerc, Edwige Lawson un peu avant, il y avait une grosse concurrence. On avait neuf internationales il y a deux ans, quatre ou cinq l’année dernière et maintenant, il n’y en a plus qu’une, Mame Marie Sy-Diop.

C’est lié là-aussi à la masse salariale ?

Oui. Encore une fois, ça n’a pas trop bougé chez nous même si on a perdu quelques sponsors mais ça a monté en flèche pour Montpellier, Lyon et Charleville.

Vous avez gagné l’Eurocup en 2015, vous avez été finaliste en 2016 et champion de France. Ca sera dur de renouveler pareille performance à court terme ?

A court terme, oui. Dans ce que je lis, dans ce que j’entends, notamment auprès des coaches qui étaient présents au tournoi de Mondeville, ceux de Mondeville, de Landerneau et de Saint-Amand, pour eux on ne sera pas dans le top 4. Pour eux dans le top 4, c’est Charleville, Bourges, Lyon et Montpellier. C’est l’une des rares fois depuis cinq ans où on ne nous voit pas dans le top 4. Je ne vais pas m’amuser à sortir que l’on va être champion de France cette année ! (sourire). Mais on a construit une équipe pour essayer de rivaliser avec ces équipes du top 4, pour rester dedans.

Autant la Jeep Elite est réputée pour ses incertitudes avec quasiment chaque année une équipe qui foire, autant la Ligue Féminine paraît justifier la hiérarchie financière et il n’y a pas beaucoup de surprises ?

Sauf Tarbes l’an dernier qui en playoffs a eu le mérite de nous sortir ainsi que Charleville, même si on avait des blessées. Mais c’est clair que sur une saison régulière, sur 22 matches, il y a très peu de surprises. Il y a eu Bourges, il y a deux ou trois ans, qui a failli rater le top 4 à un match près. En playoffs, il peut y en avoir en raison des blessées éventuelles de certains gros clubs. C’est moins surprenant qu’en Jeep Elite où on ne sait pas qui va gagner et où c’est même compliqué de définir quatre favoris. Nous, il y en a quatre et on va essayer de se mêler de ça.

Le niveau de la Ligue a-t-il augmenté en raison du nombre de plus en plus élevé de joueuses françaises avec des médailles en jeune ?

Le niveau augmente chaque année mais cette saison, je dirais que c’est surtout par rapport au fait que des joueuses françaises reviennent comme (Helena) Ciak et (Endy) Miyem mais aussi des étrangères. Une joueuse comme Alisha Clark qui arrive à Montpellier, c’est quelqu’un que personne ne pouvait se payer avant à part peut-être Bourges. Clarissa Dos Santos, c’est pareil. Elle arrive à Bourges, elle se retrouve à Charleville avec un très gros salaire et là elle se retrouve à Lyon. Sami Whitcomb qui signe à Montpellier, Kaleena Mosqueda-Lewis et Haley Peters qui était à Lyon et qui est maintenant à Charleville. On retrouve pas mal d’étrangères de WNBA que l’on n’avait plus depuis quelques années car on ne pouvait plus se les payer sauf Bourges. C’est l’augmentation des budgets.

Il n’y a pas beaucoup de femmes dans le coaching en ligue féminine et vous avez Luba Drljaca comme assistante. Une femme, elle-même ancienne internationale, apporte-t-elle un plus dans ses rapports avec les joueuses ?

Je pense. On ne peut pas parler de la même façon aux femmes qu’aux hommes. J’ai pris une assistante femme pour ça. Les filles, c’est très subtil à comprendre. On ne peut pas entrer dans un vestiaire et dire les mêmes choses vulgairement comme on peut le faire avec les garçons pour les faire réagir. Ça peut à l’inverse être destructeur. Le repérage des petits soucis et le mode de communication, c’est important. Je demande toujours à mon assistante avant ou après un speech ou après une discussion individuelle avec une joueuse comment elle l’a ressenti, si je n’ai pas été trop dur ou pas assez. Entre la manière où l’on parle, nous hommes, et la manière où une femme peut le ressentir, il peut y avoir des quiproquos qui peuvent être embêtants dans la relation coach-joueuse. Le fait d’avoir une assistante me permet de détecter des problèmes sous-jacents avant qu’ils explosent et de réguler aussi ma communication avec mes joueuses… Même si parfois les vieux démons reviennent et que je lâche deux ou trois mots un peu rudes comme dans un vestiaire masculin ! (rires). On ne peut pas être aussi cash avec les filles qu’avec les garçons, il faut être plus subtil et Luba est très importante dans ce domaine-là.

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Vous avez voulu recruter une star et finalement aucune n’a accepté votre offre. Cela veut-il dire que les tarifs sont en hausse en Ligue Féminine ?

Tout à fait. On a eu six ou sept refus de joueuses, ce qui n’était jamais arrivé, à des tarifs qui étaient quasiment les mêmes même si nous, on est légèrement en baisse. C’était soit pour un projet financier supérieur soit… pour un projet sportif et financier. Ces joueuses que l’on a contacté ont signé en France dans des clubs où elles vont gagner plus (sourire).

Ce qui est très spectaculaire, c’est le recrutement de Lattes-Montpellier avec notamment Helena Ciak et Endy Miyem que l’on ne pensait pas revoir en France aussi rapidement. Ça vous a surpris ?

Ça ne nous a pas surpris dans la mesure où c’était dans les tuyaux dès janvier, février. On avait contacté une des joueuses qui est actuellement en équipe de France et qui a refusé notre offre et qui a signé là-bas. On savait donc que Montpellier allait construire une grosse armada. Avec l’arrivée de Edwige Lawson (NDLR : Directrice Sportive), le fait qu’ils ont fait une saison un peu chaotique en finissant septièmes, ils étaient un peu dans l’obligation de mettre les moyens pour rebondir. Le plus étonnant c’est que leur recrutement a été très précoce alors qu’elles n’étaient pas sures d’être européennes. Avoir des noms pareils pour jouer un match par semaine… Sur l’aspect financier, je ne juge pas, c’est juste l’aspect sportif dans la mesure où la joueuse dont je parlais s’est engagée avec Montpellier quand on était européen alors qu’elles n’étaient pas sures de l’être. On voyait bien qu’au-delà de l’aspect sportif, il y avait un aspect financier sur lequel on ne pouvait pas rivaliser.

Vous êtes sorti du top 4 des masses salariales. Bourges, Lattes-Montpellier, l’ASVEL et…

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Photos: Johanna Gomis, Virginie Brémont, Frédéric Dussart avec Luba Drljaca (FIBA)

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