Aller au contenu

Le coach Romain Lhermitte raconte l’US Mondeville, club formateur de Marine Johannès, mais menacé de descente en Ligue 2

En première division depuis 1996 -c’est la doyenne après Bourges-, l’USO Mondeville est lanterne rouge de Ligue Féminine avec une seule victoire au compteur. La menace d’une descente est très présente même si les playdowns peuvent éventuellement lui servir de filet de sauvetage. Son coach Romain Lhe

En première division depuis 1996 -c’est la doyenne après Bourges-, l’USO Mondeville est lanterne rouge de Ligue Féminine avec une seule victoire au compteur. La menace d’une descente est très présente même si les playdowns peuvent éventuellement lui servir de filet de sauvetage. Son coach Romain Lhermitte tient des propos rassurants : même si son équipe disparait provisoirement de l’élite, le centre de formation qui a produit des joueuses d’excellence demeurera une priorité absolue. Il nous parle dans cette interview de ses jeunes pousses actuelles et aussi de Marine Johannès et Lisa Berkani qu’il a eu plusieurs années sous sa direction puisque cela fait dix ans qu’il est au sein du club normand. Après avoir débuté avec les minimes, Romain Lhermitte fut deux ans assistant d’Hervé Coudray et c’est sa sixième saison comme coach principal.

[arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »]

Une victoire en 17 journées, dans vos pires cauchemars, vous pensiez que c’était possible ?

Au tout début de saison, non, mais quand j’ai su que Kim Gaucher serait blessée pendant quelques mois, je savais que ce serait très dur de gagner nos premiers matches. C’est plus une surprise que l’on ait gagné contre Basket Landes !

La blessure de votre internationale canadienne et son absence ont posé un problème de confiance pour l’équipe qui est composée majoritairement de jeunes ?

On est tous des compétiteurs et en début de saison, on a tous envie de gagner le plus de matches possibles et sa blessure nous a empêchés de faire ce que l’on fait d’habitude et là où je me suis peut-être trompé au début c’est que j’ai voulu gagner des matches. On a cherché tout de suite des solutions pour le faire alors qu’il aurait fallu que l’on travaille plus que ça, que l’on aille au fond des choses comme on le fait en ce moment pour arriver le plus tôt possible avec un bon collectif. On a voulu faire comme les autres mais avec cinq joueuses pros, on ne peut pas battre n’importe quel adversaire dans le championnat qui est sans doute aujourd’hui le plus relevé de l’histoire de la Ligue Féminine.

Aucune de vos jeunes joueuses françaises n’a le statut de pro ?

Ewl Guennoc est sous convention de formation comme Louise Bussière,  Aminata Gueye, Myriam Djekoundade et Kenza Salgues. On a juste Ana Tadic, Assita Kone et les quatre étrangères -mais Courtney Hurt n’était pas là au début- qui sont pros. Ce sont des joueuses qui en fait payent le centre de formation tous les mois pour manger, dormir, comme dans tous les centres de formation. Elles ne sont pas du tout rémunérées pour jouer au basket, ce sont même elles qui donnent des sous ! Je pense que l’on a le meilleur rapport qualité-prix (rires).

Marine Fauthoux est performante à 18 ans à Tarbes mais c’est quand même très rare en Ligue Féminine alors que vous avez des joueuses qui ont 18, 17 et même 16 ans ?

Le souci que l’on a cette année c’est que nos jeunes sont un peu trop jeunes. C’est pour ça que si on ne s’en sort pas, il n’y a pas mort d’hommes car en Ligue 2 on aura une excellente génération qui monte et si on se maintient, on sait que l’année prochaine on sera d’autant plus fort car elle aura un an de plus en Ligue Féminine et on saura comment fonctionner. Même Marine Johannès au même âge que Ewl Guennoc, elle avait fait ses deux premières apparitions en Ligue Féminine et c’est tout. Alors que Ewl Guennoc est notre première meneuse à 35’ de temps de jeu. Ewl et Marine Fauthoux sont de la même année et elles ont d’ailleurs fait un beau duel à Tarbes et c’est une génération exceptionnelle en France. Sur les cinq derniers matches, Ewl n’a pas grand-chose à envier à Marine.

Ce sont des vice-championnes du monde U17…

Exactement. Je pense que Ewl est sans doute moins mature que Marine et c’est pour ça qu’elle a eu cette petite marge de progression sur les cinq dernières semaines.

« J’ai envie de dire qu’être en Ligue 2 ça donnera encore plus de place pour des jeunes Françaises puisqu’on a le droit à seulement deux étrangères »

A l’inverse, vous avez souligné aussi que Kim Gaucher (bientôt 35 ans), Kristen Mann (35 ans) et Shona Thorburn (36 ans) ont dépassé la trentaine et qu’elles n’ont pas ou plus de super qualités athlétiques dans une ligue qui l’est de plus en plus ?

Nombre d’agents ont du mal à comprendre comment on fonctionne et ils nous disent qu’on pourrait avoir des joueuses plus performantes qu’une Shona Thoburn ou que Kristen Mann. Déjà, une joueuse plus performante que Kristen Mann avec notre enveloppe financière, j’attends de voir car il y a une vraie joueuse et ça se voit sur ses stats encore cette année (NDLR= 14,3 points à 50% et 4,1 rebonds). Et ce sont des joueuses qui accompagnent nos jeunes. C’est l’écosystème mondevillais. Aujourd’hui, notre préparateur physique de notre équipe s’appelle Kristen Mann. Notre entraîneur qui fait du travail individuel avec nos meneuses de jeu et nos arrières s’appelle Shona Thorburn. Celle qui fait l’entraînement individuel avec nos ailières c’est Kim Gaucher. J’ai vu Shona faire des séances vidéo avec Ana (Tadic) pour essayer de lui donner confiance. Où est-ce que l’on voit ça ? Kristen, Kim et Shona font partie intégrante du staff et c’est un plus monstrueux. C’est génial. Et elles aiment ça. Oui, on est dernier du championnat mais quand je vois que Ewl Guennoc est en train de sortir… L’année dernière, on trichait pour gagner un ou deux matches, elle ne montait pas la balle. Cette année, on ne triche pas, on la laisse se débrouiller. Elle est là pour mener le jeu et depuis cinq matches elle le fait à merveille. Pour nous c’est une victoire et c’est l’objectif de la saison, sortir encore des joueuses pour le haut niveau.

Vous vous êtes renforcés il y a quelques semaines avec Courtney Hurt dans le but de vous maintenir. Dans quel état physique avez-vous trouvé son genou ? Elle est à 3,5 points et 3,7 rebonds. Un si faible rendement était attendu même après un an d’inactivité ?

On va parler de finances et il nous fallait un passeport européen et par chance Courtney en a un (NDLR : elle est naturalisée bosnienne) et c’est une joueuse capable d’impacter un peu physiquement car c’est ce qu’il faut aujourd’hui en Ligue Féminine et c’est ce qui manque dans notre équipe. Mais elle revient des croisés sachant que c’est une joueuse qui joue avant tout sur son physique. Evidemment, c’est compliqué et on le savait. Le pari c’est de la retaper petit à petit et qu’elle soit prête samedi (NDLR : demain) contre Nantes et les playdowns. Tous les autres matches c’était pour la remettre dedans, qu’elle reprenne confiance. Aujourd’hui, elle retrouve des capacités physiques intéressantes mais on sait que l’on ne revient pas d’une blessure comme ça du jour au lendemain. De toute façon, ce qu’il faut c’est être prêt au bon moment.

Vous avez la masse salariale la plus faible de la Ligue ?

De loin.

Autant la LNB donne les budgets et les masses salariales des clubs de Jeep Elite et de Pro B, autant en LFB, ce n’est pas encore le cas ?

En fait, on n’est pas en société, on n’est pas dans une vraie ligue pro et on n’a pas à donne de chiffres. Alors qu’en LNB, comme pour n’importe quelle entreprise, on connaît le chiffre d’affaires, les bénéfices.

Mondeville était un club qui avait un certain standing, qui jouait l’Euroleague. Ça fait combien de temps que vous êtes financièrement en-deça de la moyenne ?

Depuis que j’ai pris l’équipe, il y a six ans avec le départ de Hervé Coudray (sourire). On avait un mécène, qui ramenait beaucoup de partenaires. Ils sont partis au CBC (NDLR : Caen BC, en Pro B) et ça nous a mis en difficulté. Mais en même temps ça nous a permis d’avoir de nouveaux dirigeants et de construire de nouvelles choses qui sont très encourageantes pour le futur. On commence à avoir un réseau de partenaires vraiment super qui est derrière notre projet de formation avec des valeurs mondevillaises. C’est d’ailleurs pour ça que mes dirigeants -et je les en remercie- m’ont resigné en décembre pour trois ans alors que j’avais gagné zéro match. Ils estiment que je suis la personne qui peut réaliser cet objectif de formation et j’adore ça.

Ça vous a enlevé un poids personnellement cette prolongation de contrat ? Généralement, mérité ou pas, quand un coach perd beaucoup de matches, il a la tête sur le billot ?

Ça ne m’a pas enlevé vraiment un poids car en fait à Mondeville on a une très grande confiance les uns envers les autres. C’est ma façon de manager avec les jeunes filles et aussi celle des dirigeants avec les salariés du club. Je n’ai pas douté un seul instant que j’allais resigner. Maintenant, une fois que c’est signé c’est quand même plus confortable. Et si on arrivait à se maintenir ça serait un joli cadeau et surtout un joli pied de nez à tous ces clubs qui pensent que c’est en virant un coach que ça ira mieux alors que je ne le crois pas un seul instant. C’est vrai aussi qu’à Mondeville, on a des jeunes, on a une façon de jouer qui prend du temps à assimiler. Chez les garçons, on vire un coach mais on remplace cinq joueurs derrière (sourire). Je regarde ce qui se fait dans les plus grands clubs avec les plus grands coaches. Gregg Popovitch n’a pas gagné que des titres ; il a eu aussi des années galère, il a failli ne pas se qualifier en playoffs avec une très bonne équipe qui avait été championne. A Manchester, Alex Ferguson n’a pas été finaliste de la Ligue des Champions tous les ans. Parfois, ils ne se qualifiaient pas pour la Ligue des Champions et ils le gardaient. Ce sont de vrais exemple de continuité qui aide à travailler, à construire. Mondeville a vécu de très belles années mais aussi d’autres très difficiles. Quand j’étais assistant d’Hervé Coudray, on s’est maintenu une fois à trois journées de la fin avec une masse salariale qui était cinq ou six fois plus grosse que celle d’aujourd’hui. Mais ça n’empêchait pas les dirigeants à continuer à faire confiance à Hervé et l’année suivante, ils se qualifiaient pour l’Euroleague. C’est déjà ma sixième année, ça permet de créer du lien avec les partenaires, ça aide à nous en sortir. Les gens ont besoin d’avoir un référent, quelqu’un qui se bouge pour eux et je ne suis pas sûr que ça soit bon de changer de coach chaque année.

Votre seule victoire a été obtenue à la maison face à Basket Landes et vous avez fait ensuite de très bons matches contre Bourges (-15) et à Montpellier (-4), deux cadors du championnat. Ça prouve que vous êtes sur la bonne voie ?

Quitte à descendre ce sera avec mes principes. Je me suis dit qu’il fallait arrêter de changer les choses, d’essayer de trouver des solutions qui n’existent pas. On va jouer à la mondevillaise comme il y a deux ans où tout le monde nous craignait, un vrai jeu collectif, de passes. Notre objectif n’est pas que Kristen Mann ou Kim Gaucher marquent 30 points. Il faut que tout le monde soit acteur. C’est toute une philosophie collective que l’on veut mettre en place en défense et en attaque que l’on avait un peu oublié à un moment donné en se disant, « Courtney arrive, on va essayer de jouer un peu pour elle… Kristen est en forme cette année, on va jouer un peu pour elle… » alors que notre jeu c’est de jouer à cinq, de se battre tout le temps à cinq. On a retrouvé ça et ça change un peu tout. C’est plus facile de le faire contre Bourges, Basket Landes et Montpellier. Et il y a deux ans quand on était cinquième c’était plus facile de gagner contre Bourges -et on l’avait fait- que contre Nantes ou Tarbes qui étaient dans le bas du tableau car quand on se sent dominant, on oublie le collectif. Alors que quand on joue contre Bourges on n’est pas dominant et on s’appuie sur le collectif. Et quand on s’appuie sur le collectif, on est très fort. C’est ça qui est très difficile à obtenir dans le basket aujourd’hui.

Le système des playdowns est spécial car les résultats en saison régulière comptent. Une seule équipe descendra. Avez-vous ciblé les trois équipes que vous devriez rencontrer ?

Samedi, Nantes, ça en est un, c’est sûr (sourire). Après, il y aura deux places en playdowns entre Hainaut, Tarbes, et Landerneau. La Roche est aujourd’hui en position favorable mais il faut qu’ils aillent encore chercher deux matches.

Contre Bourges, Montpellier et Basket Landes, vos joueuses ont peut-être rien à perdre alors elles sont plus sereines, tandis que ce n’est pas le cas face aux équipes que vous pourriez retrouver en playdowns ?

C’est exactement ça. Quand on a en défense de grandes joueuses, des internationales, on sait que l’on ne va pas pouvoir dominer en un-contre-un alors on s’appuie sur le jeu de passes, le collectif. Ça met du rythme dans les passes et donc ça donne de l’adresse. C’est ce qui est arrivé à Montpellier. On s’est toujours battu en mettant une grosse énergie depuis le début de la saison. Ce qu’il ne faut pas se dire face à des équipes que l’on va jouer en playdowns, c’est « je vais réussir à mettre 25 points ou 5 shoots à trois-points, et vous allez voir, les filles, on va se maintenir… » Ce n’est pas une solution et ce n’est pas ma façon de voir le basket.

On peut se mettre à la place de vos adversaires qui doivent se dire, « ce match contre Mondeville, il faut le gagner car comme ça on est sûr de notre maintien » ?

C’est sûr que Nantes sait que s’ils nous battent, ils sont quasiment maintenus en Ligue Féminine car ils auraient déjà quatre victoires en attaquant les playdowns alors que si on les bat, ils en auront peut-être que trois et nous peut-être deux. Et probablement sans le goal average puisqu’ils nous ont battus d’un point à l’aller. Après, on peut revenir très vite. Ce sont nos playoffs. Si on se maintient, on est champions de France ! Chacun son budget, sa place, si on se maintien ça sera notre titre à nous et on le fêtera avec autant sinon plus d’enthousiasme que si on était champions de France.

Si vous descendez en Ligue 2, ça ne remettra pas en cause la qualité du centre de formation ?

Non. On a une chance c’est d’avoir de très bonnes joueuses. Il faudra juste expliquer aux gens qu’être en Ligue 2 ou en Ligue Féminine ça ne change pas grand-chose. On a la chance que notre équipe de N2 puisse se maintenir sportivement et donc notre équipe de centre de formation ne peut pas descendre. Et j’ai envie de dire qu’être en Ligue 2 ça donnera encore plus de place pour des jeunes Françaises puisqu’on a le droit à seulement deux étrangères. Du coup on fonctionnerait un peu comme l’INSEP mais en se disant qu’il faut essayer de remonter dans l’élite le plus rapidement possible.

Combien de joueuses passées à Mondeville sont pros aujourd’hui ?

Je ne me suis pas amusé à calculer ça mais il est sûr qu’on est le centre de formation numéro 1 pour le nombre de joueuses qui ont après des contrats en Ligue Féminine ou en Ligue 2.

Pour le centre de formation, votre recrutement est plutôt régional ou national ?

National. On a la chance d’être proche de Paris par rapport aux autres et on a énormément de joueuses qui viennent de la région parisienne. On a bien sûr du recrutement local, Ingrid Tanqueray, Marine Johannès. Mais on n’en a pas tous les ans des comme ça (sourire). Par exemple, Louise Bussière, qui est la joueuse la plus performante de sa génération, une scoreuse incroyable avec une main gauche en or et… qui shoote à deux mains, elle vient du sud-ouest, elle était au pôle de Mont-de-Marsan.

« Quand on me demande la différence entre Marine Johannès et Lisa Berkani, c’est qu’il y en a une qui est dans la vie comme sur le terrain et l’autre qui est l’inverse dans la vie que sur le terrain »

Récemment, votre centre de formation est assimilé à Marine Johannès d’autant qu’elle est Normande, née à Lisieux et passée par Pont-l’Evêque…

Et elle n’est pas sortie de l’INSEP…

Et elle est blonde comme on s’imagine les Vikings !

On a eu la chance aussi d’avoir Nico Batum qui sort de notre région et ils viennent tous les deux de Pont-l’Evêque. Nico Batum s’est intéressé un peu à nous. Il est venu nous voir sur des matches amicaux de début de saison, ça a fait un peu de buzz.

Ils font un camp ensemble ?

Oui, c’était à Pont-l’Evêque, j’étais d’ailleurs le directeur du camp.

Avez-vous toujours des relations soutenues avec Marine Johannès ?

Enormément. Je lui ai encore envoyé un message hier soir (NDLR : l’interview s’est déroulé mercredi). J’ai même été un peu ironique sur le fait d’avoir fait la passe plutôt que de prendre le tir (rires). J’ai aussi encore beaucoup de relation avec Lisa Berkani et KB Sharp qui est beaucoup plus vieille. C’est une vraie famille à Mondeville et en plus avec Marine on s’est connu, elle avait 13 ans, elle était avec moi en minimes France quand je suis arrivé. On s’entend très bien et dès que l’on peut se voir, on le fait, même avec ses parents.

On savait que c’était une artiste, extraordinairement esthétique avec des gestes fabuleux, mais là elle a passé une dimension supérieure dans la régularité, la rigueur, même si elle a un peu loupé son championnat du monde ?

Elle a plus de régularité… Hier, on ne voit pas la première mi-temps car on était à l’entraînement, c’était le milieu du troisième quart-temps. Et au bout de deux actions, je dis « Ou là… Marine a marqué combien de points ? » 19. Elle n’avait pas encore tiré que je l’ai vu: on a vu une Marine agressive avec la tête levée, la Marine des grands jours que je connais bien. Malheureusement, elle a encore un manque de confiance en elle qui fait que parfois elle n’arrive pas à flasher comme elle devrait le faire tout le temps mais le jour où elle le fera ce sera la meilleure joueuse du monde ! (sourire) Mais aujourd’hui elle arrive déjà à performer très fort, elle met quasiment 15 points à tous les matches. Elle le faisait déjà à Mondeville mais c’était avec 40 minutes de temps de jeu. Là, c’est à Bourges avec moins de temps de jeu et avec plus d’exigence, même en Euroleague où c’est l’une des meilleures scoreuses… Sauf à Mondeville où elle n’a pas trop performé. J’ai l’impression qu’elle n’a pas trop envie de nous humilier alors elle va doucement (rires).

Il y a peu d’exemples de joueuses ou de joueurs aussi timides dans la vie de tous les jours et aussi efficaces sur un terrain où elle n’a pas froid aux yeux ?

Quand on me demande la différence entre Marine Johannès et Lisa Berkani, je réponds qu’il y en a une qui est dans la vie comme sur le terrain et l’autre qui est l’inverse dans la vie et sur le terrain. Quand Marine rentre dans le rectangle, elle est transfigurée. Et quand on la voit comme hier où elle monte tout de suite en température, on se dit « whaou !, ça va être costaud. »

Certaines comédiennes sont comme ça, différentes sur les planches que dans la vie de tous les jours ?

Exactement. Des boxeurs aussi. Parfois, on ne s’imagine pas notre prof de maths faire une grosse soirée en famille ou avec des amis alors qu’il est très sérieux à l’école.

Pour finir, que pensez-vous du fait que votre ancienne joueuse, Lisa Berkani, ait quitté Bourges en pleine saison pour rebondir à Villeneuve d’Ascq ?

Je pense que parfois les agents, les joueuses ne devraient pas griller les étapes trop vite. Oui, il y a des Luka Doncic, des Sandrine Gruda, mais pas à tous les coins de rue. Et ce n’est pas parce que l’on est très fort à 18 ans comme Luka Doncic qu’on le sera à 28 ans, on n’en sait rien. Souvent les meilleurs joueurs ont galéré avant et n’ont pas été tout de suite mis sur le devant de la scène. Je pense que parfois, il faut faire un an, deux ans de plus et quelque part je me dis que Lisa aurait dû faire encore un an à Mondeville. Comme Marième Badiane. Pour Marième, il y avait le projet Parker, je comprends, mais il lui manque aussi un an. Aujourd’hui c’est une bonne joueuse (NDLR : à Lyon) mais -c’est peut-être prétentieux de ma part de dire ça-, en restant un peu à Mondeville, ça lui aurait permis de performer encore plus. Les meilleurs joueurs ont besoin d’engranger de la confiance pour arriver dans un club avec un vrai statut. C’est « ils ont réussi à faire ça à Mondeville, on va la mettre là en espérant qu’elle fasse pareil ». Non, Lisa n’est pas encore prête. Chez nous, elle l’a fait uniquement sur certains matches et pas la deuxième année où ça a été très compliqué, uniquement la première. Prenons Ewl Guennoc. Des clubs lui proposent aujourd’hui un contrat pro. Très bien… Mais si elle part, je pense que c’est deux, trois ans trop tôt. Elle n’est pas encore prête. Nous, on fait aussi attention au contenu de ses études -elle est en Terminale. Tout est fait pour nos étudiantes. On peut entraîner dix heures à la salle avec mon assistant car on fait de l’adaptation à tout le monde. Le mardi, Ewl arrive une heure et demie avant l’entraînement et on fait de l’entraînement individuel juste avec elle. Le lundi, elle reste après l’entraînement et on fait de la musculation avec elle. C’est pareil avec Myriam Djekoundade mais pas les mêmes jours. Parfois nos plages d’entraînement, c’est quatre heures et demi sur une soirée, à deux, et on adore ça ! Il faut qu’elles sortent d’ici aguerries et si elles doivent gagner de l’argent, pas de soucis, elles le gagneront. C’est un peu de notre faute aussi. Par exemple, quand Bourges a demandé Lisa, je me suis dit « c’est génial, on met encore un joueuse à Bourges. » Et en fait, je ne pense pas que ce soit un échec à Bourges, c’est qu’elle est partie un an trop tôt. Ce qui lui manque à Lisa Berkani, c’est de la maturité, énormément.

[armelse]

Une victoire en 17 journées, dans vos pires cauchemars, vous pensiez que c’était possible ?

Au tout début de saison, non, mais quand j’ai su que Kim Gaucher serait blessée pendant quelques mois, je savais que ce serait très dur de gagner nos premiers matches. C’est plus une surprise que l’on ait gagné contre Basket Landes !

La blessure de votre internationale canadienne et son absence ont posé un problème de confiance pour l’équipe qui est composée majoritairement de jeunes ?

On est tous des compétiteurs et en début de saison, on a tous envie de gagner le plus de matches possibles et sa blessure nous a empêchés de faire ce que l’on fait d’habitude et là où je me suis peut-être trompé au début c’est que j’ai voulu gagner des matches. On a cherché tout de suite des solutions pour le faire alors qu’il aurait fallu que l’on travaille plus que ça, que l’on aille au fond des choses comme on le fait en ce moment pour arriver le plus tôt possible avec un bon collectif. On a voulu faire comme les autres mais avec cinq joueuses pros, on ne peut pas battre n’importe quel adversaire dans le championnat qui est sans doute aujourd’hui le plus relevé de l’histoire de la Ligue Féminine.

Aucune de vos jeunes joueuses françaises n’a le statut de pro ?

Ewl Guennoc est sous convention de formation comme Louise Bussière,  Aminata Gueye, Myriam Djekoundade et Kenza Salgues. On a juste Ana Tadic, Assita Kone et les quatre étrangères -mais Courtney Hurt n’était pas là au début- qui sont pros. Ce sont des joueuses qui en fait payent le centre de formation tous les mois pour manger, dormir, comme dans tous les centres de formation. Elles ne sont pas du tout rémunérées pour jouer au basket, ce sont même elles qui donnent des sous ! Je pense que l’on a le meilleur rapport qualité-prix (rires).

Marine Fauthoux est performante à 18 ans à Tarbes mais c’est quand même très rare en Ligue Féminine alors que vous avez des joueuses qui ont 18, 17 et même 16 ans ?

Le souci que l’on a cette année c’est que nos jeunes sont un peu trop jeunes. C’est pour ça que si on ne s’en sort pas, il n’y a pas mort d’hommes car en Ligue 2 on aura une excellente génération qui monte et si on se maintient, on sait que l’année prochaine on sera d’autant plus fort car elle aura un an de plus en Ligue Féminine et on saura comment fonctionner. Même Marine Johannès au même âge que Ewl Guennoc, elle avait fait ses deux premières apparitions en Ligue Féminine et c’est tout. Alors que Ewl Guennoc est notre première meneuse à 35’ de temps de jeu.

[/arm_restrict_content]

[arm_restrict_content plan= »unregistered, » type= »show »][arm_setup id= »2″ hide_title= »true »][/arm_restrict_content]

Photos: Shona Thoburn (FFBB/Hervé Bellenger), Ewl Guennoc (FIBA), Romain Lhermitte (FFBB/Hervé Bellenger)

Commentaires

Fil d'actualité