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[REDIFF] Rétro: Limoges CSP 2000, l’histoire d’un gâchis

Il y a 20 ans, le Limoges CSP gagnait sa troisième Coupe Korac (C3) et sa cinquième Coupe d’Europe. Un record national qui n’est pas prêt d’être battu. Après avoir laminé Unicaja Malaga à Beaublanc en finale aller (80-58), les Limougeauds assuraient l’essentiel au retour en Espagne (60-58). Les équi

Il y a 20 ans, le Limoges CSP gagnait sa troisième Coupe Korac (C3) et sa cinquième Coupe d’Europe. Un record national qui n’est pas prêt d’être battu. Après avoir laminé Unicaja Malaga à Beaublanc en finale aller (80-58), les Limougeauds assuraient l’essentiel au retour en Espagne (60-58). Les équipiers du héros Yann Bonato concluaient un triplé avec le titre de champion de France et la Coupe de France. Seulement, le club était financièrement miné de l’intérieur et allait être relégué en Pro B.

En mars 2000, nous avons publié dans Maxi-Basket un dossier sur cette aventure sportive à la fois glorieuse et stressante et les raisons qui ont amené le plus titré des clubs français à la déchéance. Le voici dans son intégralité.

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Comment le Limoges CSP, un club admiré, joyau du basket professionnel français, est devenu en quelques années un vilain petit canard aux mœurs douteuses. Tout le monde est admiratif devant l’instinct de survie des joueurs et du public, mais beaucoup, avant même de connaître le sort du club, demandaient justice pour l’exemple, pour ne plus laisser d’espaces aux dérives.

“Les joueurs sortent grandis de cette affaire. Les voir se révolter, déverser leur frustration sur le terrain, c’est très bien. Mais on ne leur a pas laissé le choix. C’était ça ou les ASSEDIC puisqu’ils ne peuvent plus jouer en France, sauf comme jokers en cas de blessure. Il vaut mieux se montrer, maintenir la forme. J’ose espérer que les joueurs des autres clubs auraient eu le même comportement dans une situation identique…”

Pierre Seillant, président de Pau, marque une pause et reprend:

“… mais ce n’est pas sûr. C’est vrai que c’est bien ce qu’ils font.”

Il n’y a donc pas que leur président, Jean-Paul De Peretti, et le public revigoré de Beaublanc à tresser des louanges aux joueurs limougeauds qui, en pleine crise financière et judiciaire, ont accepté de continuer la lutte, en réduisant leurs salaires et en acceptant des reports de paiement. Mieux encore: ils n’ont jamais été aussi bons, devenant subitement invincibles jusqu’au déplacement à Dijon, et se qualifiant pour les demi-finales de la Coupe Korac.

“Je trouve qu’ils sont épatants, et je pense au premier chef au leader de cette opération de survie, Yann Bonato, que je ne connais pas, mais qui trimballe une réputation d’égocentrique. Il se révèle être un bonhomme dans ce combat” commente Marc Lefèbvre, président de Villeurbanne.

Le public limougeaud, lui aussi s’est avéré formidable depuis qu’un jour de janvier le ciel lui est tombé sur la tête. Il s’est mobilisé pour déclarer d’un seul élan son amour à une équipe, à un club qui lui a tant donné depuis près de vingt ans: des titres, et aussi une fierté d’appartenir à une ville géographiquement isolée, peu réputée, et qui dût longtemps son prestige à l’industrie de la porcelaine aujourd’hui déclinante.

“Sincèrement, je suis touché par ce qui se passe là-bas” dit Frédéric Forté, réfugié en Alsace, après sept ans passés à Limoges, qui lui valurent notamment un titre de champion d’Europe. “Tous les joueurs passés par le CSP ont été humainement attachés par ce club. Limoges, c’est une ville de près de 200.000 habitants qui respire pour le CSP car il n’y a que ça dans la région. Les gens sont de vrais passionnés. Ce qu’ils vivent actuellement, c’est dur, comme pour les joueurs qui sont obligés de vivre sportivement pour vivre économiquement. Si demain le club commence à perdre, ils savent qu’un trait noir va être tiré et que tout ça sera fini. C’est vrai aussi pour les adversaires, qui jouent contre la mémoire du club, contre l’histoire du basket français.”

Il est indispensable, comme nos témoins, de reconnaître les vertus humaines du groupe commandé par Yann Bonato, comme le retour de flamme qui est survenu dans la capitale du Limousin avec ce qu’il faut bien appeler le “scandale du CSP”. Il est tout aussi élémentaire de condamner les pratiques de ceux qui ont eu la charge, officiellement ou non, de tenir le gouvernail depuis une dizaine d’années. Ce sont leurs folies, nées d’une passion mal maîtrisée ou de l’appât du gain, qui ont amené leur club dans le trou noir, après avoir, durant de longues années, fait tanguer tout le basket pro, en provoquant une inflation dévastatrice.

Mais là aussi, attention à l’amalgame. Un bref rappel historique est nécessaire afin de remettre en exergue le développement du club au début des années quatre-vingts, sous l’ère Popelier-Biojout. C’est à Limoges que la France doit ses premières heures de gloire dans un sport collectif. C’est aussi le CSP qui fit passer le basket français du bricolage organisé, façon Villeurbanne et Le Mans, au professionnalisme d’inspiration italo-espagnole. Le club d’alors se vantait, à juste raison, d’avoir sous le coude un matelas financier qui lui permettait de regarder droit devant sans se soucier du lendemain. Une belle machine de guerre, à qui il manquait juste un peu de sentiments, et qui se sépara de ses figures emblématiques -Ed Murphy le premier- dans la douleur.

Et puis, à un moment, tout a craqué. Les beaux principes, les budgets bien ficelés… C’est comme si le CSP avait vendu son âme à Mephisto. Difficile de dire quand exactement. Munie du rapport de la cours des comptes, la justice enquête et d’après la fumée qui s’échappe du pot aux roses, ça sent vraiment mauvais.

Le titre européen de 1993 ? Un authentique exploit sportif à écrire en majuscules dans le Livre d’Or du sport français. Les Limougeauds étaient des héros de la nation. Quelques mois plus tard, invités au tournoi d’avant-saison de Besançon, alors fraîchement promu en Pro B, c’est une salle comble qui les attend, et 3 000 spectateurs, devant un écran géant, dans le stade de foot qui jouxte le Palais des Sports bisontin! Malheureusement, le trophée masque une gabegie financière sans précédent. Au moment de la dissolution de la SAEMS quatre ans plus tard, les pertes cumulées atteignent 23.8 MF, soit près de douze fois le capital social et ce, malgré un immense effort continu des collectivités, municipalité en tête, sans qui rien n’aurait été possible…

A ce moment-là, Pierre Seillant parlera de “titres à crédit”. L’analyse est juste, mais venue du club historiquement rival de Limoges, elle est perçue comme une provocation.

En fait, pour faire grimper et maintenir leur club sur les cimes, les “décideurs” du CSP n’ont pas lésiné sur les moyens au cours de ces années quatre-vingt-dix. Les joueurs ont été achetés à prix d’or, même si l’argent n’était pas en banque pour les payer. C’est plus tard qu’on saura que le financement et les méthodes sont carrément frauduleuses: comptes en Suisse, prêts de joueurs et d’argent illégaux, tout y passe. L’enquête du SRPJ semble même démontrer que d’anciens dirigeants ont mis en place une caisse noire de 1,7 MF alimentée par une double billetterie.

On connaît la suite: Didier Rose, agent de joueurs et actionnaire de la SAOS -par le biais de son fils Anthony- créée à la mort de la SAEMS, sera mis en examen et écroué à la mi-janvier. Jacques Valade (ex-président) et Pierre Pastaud (ex-secrétaire général) éviteront la prison mais en versant une forte caution. Et le club se réveillera asphyxié par les dettes.

Didier Rose vs. la ligue

Deux ans plus tôt, Didier Rose faisait encore le beau. Le 12 mai 1998, il provoque une conférence de presse à l’Astroballe de Villeurbanne, alors que “son” club livre une demi-finale de playoffs contre l’ASVEL.

“Y’en a marre!”, tonne Rose. “Le CSP a reçu de la commission de contrôle de gestion un courrier réclamant un certain nombre d’éléments supplémentaires pour apprécier la situation financière du club… On veut déstabiliser les joueurs avant cette demi-finale et discréditer un club qui semble déranger.”

Paré de la blanche hermine, Rose veut faire de Limoges un opprimé, persécuté par des rivaux jaloux et aigris. La méthode populiste a déjà fait ses preuves, sous d’autres latitudes. Avec morgue, Rose, qui, comme le dirait Audiard, sait prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages, en ajoute même une louche, expliquant qu’il en veut,

“à certains présidents de clubs qui constituent au bureau de la ligue un petit groupe à tendance mafieuse!”

Directement visés: Pierre Seillant de Pau, vice-président de la LNB, et Marc Lefèbvre de Villeurbanne, secrétaire-général, tous deux, jusqu’à preuve du contraire, élus (et réélus en septembre dernier) démocratiquement par leurs pairs. Rose les invite à tirer les leçons de leur “médiocrité (sic) » et à démissionner.

“J’ai été très affecté par cette remarque parce que je me suis toujours fait un point d’honneur à être objectif et non partisan” commente aujourd’hui Marc Lefèbvre. “La sagesse, c’était le devoir de réserve. J’avais des informations sur le compte de Limoges qu’il ne m’appartenait pas de divulguer, et je n’avais pas à convoquer la presse pour dire: c’est celui qui le dit qui y est ! Mais, c’est sûr que c’était dur à vivre. A Lyon, il y a une publicité qui dit “Si c’est vrai, c’est dans Le Progrès”. Je savais que les gens pouvaient penser que si Rose l’avait dit, c’est que c’était vrai, surtout qu’on n’avait pas fait de démenti.”
“Mafieux? On peut lui retourner le compliment” rétorque Pierre Seillant. “Non, on n’avait pas digéré de se faire traiter de mafieux. On avait des doutes et on n’a pas été assez fort pour empêcher Limoges de faire une fuite en avant.”

Pendant que Didier Rose, avec le consentement, du moins tacite, du président Jean-Paul de Peretti, accusait la ligue de mettre des bâtons dans les roues de Limoges, d’autres, au contraire, estimaient que le CSP bénéficiait de coupables tolérances.

“C’est effectivement la faille du système et l’inconfort de ma position” reconnaît Marc Lefèbvre, qui veut éviter par-dessus tout d’être considéré, au sein du bureau de la ligue, comme un concurrent de Limoges. “Je prends comme postulat: j’enlève ma casquette de président de club et j’essaye d’avoir un jugement parfaitement objectif. Si je n’étais pas président de club, et donc uniquement secrétaire-général de la ligue, je serais naturellement, instantanément, plus intransigeant” dit Lefèbvre, qui balaye par ailleurs, d’un revers de manche, la rumeur qui veut qu’il souhaite épargner Limoges afin de protéger une grosse recette dans le calendrier. “On ne peut pas nous faire ce procès. La venue de Limoges, c’est 200-250.000F de recettes aux guichets. A comparer avec notre budget qui sera cette saison de 35-40 MF, suivant le stade de la compétition auquel on ira…”

Alors, trop bonne pâte la ligue vis à vis d’un club et d’un “dirigeant” qui dérape, l’un financièrement, l’autre verbalement ? Certainement. Pourtant, ce n’était sans doute pas aussi facile que ça de sanctionner. Et si la LNB a allumé plusieurs fois le feu orange, elle n’a jamais pu agiter le drapeau noir.

Printemps-été 99. Limoges ressort d’une saison sportivement proche du fiasco. Dans les colonnes de L’Equipe, Didier Rose -toujours lui- clame que le CSP tend vers les 40 millions de Francs de budget. On évoque la venue de deux gros sponsors et Rose martèle:

“depuis quelques saisons, la crédibilité sportive et financière du CSP a été mise à mal. Il faut la restaurer année après année.”

En coulisses, ce n’est pas la même chanson. Limoges est -encore- dans le collimateur de la commission de contrôle de gestion de la ligue. Cette commission est constituée de deux boîtes d’audit et de deux représentants de club, Dominique Juillot (Chalon) pour la Pro A, et Cyrille Muller (Golbey-Epinal) pour la Pro B, qui ont la charge d’apporter aux experts comptables des éclaircissements à propos des spécificités du basket.

“Les membres du bureau n’ont pas accès au détail des chiffres. On a simplement les principales données et on prend des décisions qui vont, pratiquement à chaque fois, dans le sens de la commission de contrôle” précise Marc Lefèbvre.

Donc, le 10 avril, le bureau de la LNB met en délibéré l’engagement de Limoges et demande des pièces complémentaires.

Le 10 mai, les documents sont fournis, le CSP est intégré au championnat de Pro A 1999-2000 avec encadrement de la masse salariale.

Le 28 juillet, le rapport du commissaire aux comptes de Limoges laisse apparaître un solde positif à hauteur de 1.5 MF pour l’exercice écoulé.

Parfait. Sur le papier. Car le bureau a des doutes sur la véracité de certaines pièces du dossier.

Le 20 septembre, les contrats des joueurs limougeauds ne sont homologués que pour trois semaines, et un commissaire aux comptes de la ligue est envoyé dans la Haute-Vienne pour enquêter. Il constate la bonne réalisation des provisions budgétaires. Autrement dit, le commissaire a eu confirmation que les recettes allaient bien venir… Trois mois plus tard, Jean-Paul De Peretti avoue un “trou” de 10 millions…

Pierre Seillant enrage :

“Je m’étonne que notre commissaire aux comptes ait certifié un bonus de 1.5 MF et ait validé le budget prévisionnel du CSP. Et après, on apprend qu’il manque 10 millions. Pendant ce temps là, ils ont fait signer (Yann) Bonato à prix d’or, (Thierry) Rupert moyennant un transfert à Antibes, des Américains qui sont chers. C’est ce que leur budget prévisionnel permettait, sauf que 7-8 millions de sponsoring ne sont jamais arrivés dans les caisses. Donc, on a présenté au commissaire aux comptes des pièces qui ne devaient pas être totalement justes. Il y a eu quelque part tricherie…”
“Oui, quand De Peretti a annoncé le trou de 10 millions et qu’il a dit “on arrête demain”, j’étais surpris, effaré et je me suis senti cocu!” dit Marc Lefèbvre.

L’argument béton lancé par Didier Rose à la face de ceux qui doutaient de la solvabilité du club était que Jean-Paul De Peretti et lui-même s’étaient portés cautions, qu’ils étaient donc amenés à éponger les éventuels déficits. Sauf qu’il apparaît, aujourd’hui, que les deux actionnaires principaux de la SAOS, sans doute victimes d’un malaise devant l’ampleur vertigineux des dégâts économiques, sont réticents à l’idée d’ouvrir la mallette à billets.

On peut faire confiance à Didier Rose: il se défendra bec et ongles. Libéré le 4 février après 24 jours de détention provisoire et une caution de 3 MF -un record en Limousin-, il a tenu une conférence de presse au Novotel de Limoges pour “rétablir (son) honneur et (sa) crédibilité”. Avec à ses côtés ses deux avocats et dans la salle deux représentants des Renseignements Généraux, un Rose amaigri a dégagé en touche, déniant son rôle majeur au sein du club et se qualifiant de bouc émissaire:

“Il m’est reproché d’avoir été dirigeant de fait de la SAEMS Limoges CSP de 1991 à 1997. Mais cela signifierait que les présidents Popelier, Valade, De Peretti n’ont jamais existé dans les activités du club, que ce sont des prête-noms! Et pourquoi aurait-on attendu le 12 janvier 2000 pour me reprocher des faits qui datent de 1991 ?”

Ni responsable, ni coupable, Didier Rose, si l’ont boit sans l’analyser le contenu de sa conférence de presse. Et grâce à lui, on tient les fautifs:

“je pense que le CSP est entre la vie et la mort. Les gens qui l’ont mis dans cette situation se trouvent au Sud de l’Italie et dans l’Est de la France”.

Accusés, levez-vous! Il s’agit de deux de ses anciens clients. Marc M’Bahia, dont la plainte a accéléré la procédure et aboutit à l’incarcération de Rose, et Frédéric Forté, avec lequel il est également en procès. Ça pourrait être drôle si ce n’était dramatique.

“Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire… Quand on m’a lu la dépêche, j’ai rigolé” dit Forté. “Hier soir, j’ai pris cinq minutes pour réfléchir. En quoi puis-je être mis en cause dans la mort du Limoges CSP? J’ai cherché. Je ne vois pas. Je comprends le côté émotionnel de cette affaire et que personne n’ait envie d’endosser la responsabilité de la mort du CSP, mais je ne vois pas en quoi un joueur évoluant à Strasbourg peut faire chuter un club comme Limoges. C’est me donner beaucoup d’importance. J’en suis parti en 97. J’avais encore à l’époque cinq ans de contrat, je ne vois pas pourquoi je me serai viré moi-même…”

Comme une bouteille à la mer

Un qui a pris ses distances avec Didier Rose, c’est Jean-Paul De Peretti, qui pourtant, un moment, lui maintenait mordicus sa confiance. Dans une interview choc publiée par L’Est Républicain, le président du CSP ne mâche pas ses mots.

■ Quelles étaient vos relations avec Didier Rose? demande le journaliste Pierre Labbé.

« Quand j’ai repris la présidence du CSP Limoges, j’ai hérité d’une situation. Par la force des habitudes qui avaient été prises, il a bien fallu que je cohabite. Mais ça ne pouvait plus durer. »

■ Reverra-t-on Didier Rose au CSP?

« Jamais! Pour l’instant dans le cadre de sa mise en examen, il est interdit de Palais des Sports, de siège du club et de rencontrer certains joueurs et dirigeants. Mais après, quand tout sera réglé, croyez- moi, si je suis là, il ne reviendra pas. »

■ Vous étiez pourtant liés. Vous le lâchez?

« Je suis moi aussi mis en examen, j’ai donc eu accès à certains dossiers et j’ai tout simplement découvert des choses pas loyales de sa part. »

■ Dans l’affaire M’Bahia aussi?

« Je ne peux pas en parler. Mais là aussi on m’a piégé… »

Jean-Paul De Peretti n’a peut-être véritablement pris le pouvoir au CSP que le 12 janvier. Ce n’est qu’avec le temps que l’on saura si, à partir de ce moment- là, il a su bien manœuvrer ou si, au contraire, il a paniqué devant le gouffre qui s’ouvrait à ses pieds. Son discours, en tous les cas, a manqué à l’évidence de lisibilité. De Peretti a publié des bulletins de santé de son club qui sont passés par toutes les couleurs de l’arc-en- ciel. Gris un jour. Bleu le lendemain. Noir le jour suivant. Sans que l’on sache si la météo était dûe à une situation évolutive des finances du club ou aux états d’âme perturbés de son président.

Ce qui est certain, c’est que De Peretti a actionné toutes les manettes restant à sa disposition. Il a proposé aux joueurs de drastiques réductions de salaire (- 70% pour Bonato et Weis, -60% pour Méthelie, ou encore -30% pour Dumas et Stazic), qui ont accepté mais dans des proportions moins spectaculaires. Il a fait appel à la ferveur populaire et fait émettre 20 000 bons de souscription disponibles aux guichets des trois banques du club. Comme on jette une bouteille à la mer, il a envoyé 900 fax à des entreprises de la région, et réclamé à la mairie de payer au plus vite l’argent qu’elle devait faire parvenir au club dans la saison.

La réaction des joueurs et du public fut, incontestablement, formidable. Mais que dire de la valeur des contacts avec d’éventuels sponsors quand on a compris que McDonald’s, AXA, ou encore Nike, un moment cités, n’avaient jamais envisagé sérieusement, pour des raisons diverses, de mettre la main à la poche. Que s’est-il passé pour que JPDP annonce avant le quart-de-finale aller de Korac contre Ankara “on joue au moins à Dijon samedi et à Ankara mercredi prochain”, alors que la veille au soir, il avait déclaré aux joueurs que ce match face aux Turcs à Beaublanc serait, sauf miracle, le dernier de la saison, obligeant Le Populaire a titré: “le CSP au bord du KO”?

Etait-ce un nouveau coup de poker à l’avant-veille d’une réunion du conseil municipal? Ce qui est certain, c’est que le dit conseil votera la transformation en subvention directe et immédiate l’équivalent de 3.9 MF qui devaient être versés au CSP au cours de la saison. Une fabuleuse bouffée d’oxygène dont on ignorait encore si elle permettrait au club de vivre ou simplement de retarder l’issue fatale.

« On s’est fait couillonner! »

Les gesticulations de De Peretti et, plus généralement, les méthodes limougeaudes n’auront guère amusé la galerie.

C’est Didier Gadou qui est monté le premier au créneau: “quand on n’a plus les moyens de conduire, il faut savoir rendre les clés!” Le capitaine palois essuya une bordée d’injures sur les sites Internet dédiés au CSP. Au moins, en voilà un qui a le courage de ses opinions. Comme Philippe Hervé, coach de Chalon-sur-Saône, qui est venu à la tribune pour briser un discours du milieu très langue de bois, où il est question que “personne ne veut voir Limoges mourir”. Malgré les grimaces, Philippe Hervé nous confirme son commentaire dicté, dit-il, par ses convictions:

“Pour moi, la valeur de l’exemple, c’est quelque chose auquel je tiens. C’est valable pour ma propre équipe, comme pour tous les clubs français. A Chalon, nous sommes un club jeune et j’ai toujours cherché des références. Quand on est en haut de l’affiche, on a des droits mais encore plus de devoirs que les autres. Ma réflexion n’est pas fixée sur Limoges ou Antibes, je n’ai rien contre eux, et si demain ça se passe comme ça à Chalon, j’aurais exactement le même discours. Je pars du principe que dans la vie, on a ce qu’on mérite et que personne n’est indispensable. Ce que fait l’équipe et le public de Limoges est remarquable, mais ça ne solutionnera pas le problème limougeaud pour autant” poursuit Hervé. “Nous sommes dans une logique d’entreprise, et si sur le plan sportif c’est très bon, on doit aussi tenir en compte les résultats financiers. Quand les résultats sportifs ne sont pas là, les premiers sur la sellette sont les coaches et les joueurs. D’ailleurs, à une époque, Limoges ne s’est pas gêné pour virer des entraîneurs quand le club estimait leurs performances insuffisantes. Et quand on ne respecte pas ces engagements financiers, la règle pour un dirigeant n’est pas de faire appel au peuple, à la mendicité. Il faut prendre ses responsabilités.”

Pardon aux supporters intégristes du CSP, mais Philippe Hervé n’est pas un cas isolé. A Besançon, par exemple, on tient le même discours. Le BBC avait lorgné cet été sur Thierry Rupert, en partance d’Antibes.

“On en avait fait une priorité de recrutement” témoigne Erik Lehmann. “L’ouverture s’était faite et on a bien crû conclure, jusqu’au moment où Limoges a fait une OPA, par l’intermédiaire de Rose, qui a fait pression sur lui. C’est un peu rageant de ne pas avoir pu prendre un joueur que Limoges a engagé sans pouvoir le payer, du moins pour l’instant.” “Je me suis permis de faire une déclaration à France 3 Limoges pour dire que je ne souhaitais pas la mort de Limoges, mais qu’il y a des règles qui ne sont pas respectées” ajoute Lehmann. “C’est bien la communion avec le public, mais ça fait un peu “sauvez les crustacés en voie de disparition”. Ils nous amusent un peu. A Besançon, on a un président gestionnaire qui ne dépense pas l’argent qu’il n’a pas. A Chalon, c’est un club hypersain, qui a un budget qui progresse petit à petit. Ça fout un peu les boules. Et on peut se dire, pourquoi nous on ne ferait pas ça?”

De son côté, Philippe Hervé rappelle que son club a remplacé André Owens, blessé, par des deuxièmes couteaux qui avaient le mérite de rentrer dans l’enveloppe budgétaire. Alors que Limoges coupait sans vergogne Cari Thomas pour prendre un Marcus Brown sortant de NBA que Pau n’avait pu s’offrir. Pendant qu’Antibes cherchait à écoper le bateau, en libérant Georgy Adams notamment, Limoges, en pleine tempête, a fait de la conservation intacte de son effectif la condition sine qua non de la poursuite de son activité.

Le nœud du problème est là. Le gaspillage financier de Limoges est l’affaire de la justice et du contribuable limousin. Mais quand une équipe très compétitive est bâtie avec de l’argent virtuel, c’est du ressort de tous. L’équité sportive, quelque part est bafouée. Et c’est le sentiment d’une majorité d’observateurs, même si beaucoup ne veulent pas prendre publiquement la parole.

Posons la question crûment: sachant que le club a triché au moment de l’engagement, a-t-il le droit de concourir pour le titre et une place en Euroleague?

“Si c’est la volonté de tout le basket français, il faut faire une pétition pour que la ligue, la fédé, disent à Limoges d’arrêter. Mais il ne faut pas attendre la fin de saison, en espérant qu’ils s’en sortent mais sans se qualifier pour l’Euroleague. S’ils gagnent leur place, ils la méritent. La demi-mesure me paraît difficile”, nous répondait Frédéric Forté, à la mi-février.
“C’est vrai que sur le plan de l’éthique, ce n’est pas normal. C’est quand même facile pour un dirigeant de prendre des engagements et de ne pas les tenir en cours de saison. Le président de l’ASVEL que je suis est plus pondéré car la situation est délicate. Je considère Limoges comme un monument du basket français et je ne veux pas paraître mesquin”, estime Marc Lefèbvre.
“Si Limoges prend la deuxième place d’Euroleague, que va dire Pau? Pau est un club qui tient son budget ou qui rembourse ses dettes quand il en a. Je suppose que Seillant doit avoir les boules”, demande Erik Lehmann.
“Au niveau de la ligue, cette affaire nous emmerde car il s’agit d’une société quasiment privée et s’ils ne déposent pas le bilan, on ne peut rien faire*. On s’est fait couillonner”, répond Seillant. Qui devient vite plus incisif: “On n’a rien contre Limoges, on ne veut pas leur mort, mais on veut simplement que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde. Il y a un certain ras le bol. Ça ne peut pas continuer comme avant. Les contrats d’images existent nulle part ailleurs. C’est interdit. Et, à un moment, la ligue n’a pas été assez forte. Il fallait dire non.”

“Non”, c’est ce qu’un jour Noël Le Graët, président de la LNF, a répondu à Marseille et Bordeaux, symboles du foot français des années quatre-vingts. Les deux clubs sont descendus en Division II. Ils ont rebondi et sont aujourd’hui les représentants français en Ligue des Champions. La LNB profitera-t-elle de cette douloureuse épreuve pour asseoir sa crédibilité?

* Un dépôt de bilan entraîne la descente automatique d’une division. Une liquidation pousse le club dans les rangs amateurs, normalement en N3. Ce fut le cas de Saint-Quentin qui en 1993 avait dû rejoindre la N4.

Yann Bonato

“Les gars avaient envie que je sois leur porte-parole”

« Yann, tu es génial ». Voilà ce qu’il est courant de lire sur les banderoles installées par les supporters limougeauds à Beaublanc. Capitaine de cette équipe, Yann Bonato a endossé son habit de guerrier pour tenter de mettre fin au naufrage. Présent sur tous les fronts, il est un des témoins capitaux de l’affaire limougeaude. Cette interview date du 14 février, quand le club était encore entre espoirs et inquiétudes…

Propos recueillis par Emmanuelle Brisse

■ La publication du rapport de la Cour des comptes remonte à cet été. L’actualité était donc prévisible, non?

Sincèrement, je ne pensais pas qu’il y aurait des conséquences dramatiques aussi rapidement. Il ne faut pas être langue de bois, d’une manière ou d’une autre, on pouvait envisager qu’il se passerait quelque chose suite à ce rapport de la Cour des comptes paru cet été. En fait, personne ne pouvait songer que ça nous tomberait dessus en plein milieu de saison. Apparemment, le facteur déclenchant, c’est l’affaire entre Didier Rose et Marc M’Bahia.

■ Quelles ont été les premières réactions des joueurs?

Ça a touché beaucoup les joueurs car la plupart d’entre eux sont en contrat avec Didier Rose… Ils sont donc forcément concernés. Fred (Weis) et moi, on était là durant un bout de cette période incriminée je dirais, mais je pense que ça concerne plutôt l’ère Maljkovic. Rapidement, De Peretti annonce sa démission pour finalement revenir le lendemain sur sa décision.

■ Qu’est ce qui, d’après toi, l’a fait changer d’avis?

Tout simplement, nous lui avons réitéré notre confiance. Il se retrouve dans une bataille énorme un petit peu esseulé… Quand il faut tout gérer dans l’urgence, c’est extrêmement difficile. C’est quelqu’un d’impulsif. Il dit la vérité, il dit ce qu’il pense être juste sans nous ménager… (hésitant)Il aurait peut- être pu parfois. En plus de notre volonté, il a été très touché par la solidarité des Limougeauds. Il a donc décidé de se battre jusqu’au bout… J’ai passé des heures au téléphone avec lui, mais ça en vaut vraiment la peine.

■ Mais comment se fait-il qu’à la mi-janvier il manque 10 millions dans les caisses du CSP?

Face à cette bombe médiatique, les sponsors ont pris peur et n’ont donc pas concrétisé leurs promesses. Ça ce sont les éléments que nous avons en main. Nous nous retrouvons alors avec un trou financier immense en plein milieu de saison. Je dirais que c’est novateur. Je ne suis pas là pour juger ce mode de fonctionnement. La situation est celle-ci, nous devons faire avec. Les sponsors salvateurs annoncés par les dirigeants tel que AXA, McDonald’s, Nike, et j’en passe, sont toujours aussi fantomatiques… Je ne comprends pas non plus.

■ Etes-vous bien informés de tous les aléas de la situation?

Nous avons été relativement informés par De Peretti. Tout simplement parce que pour faire avancer les choses, la seule carte à jouer est celle de la transparence. Le président m’informe personnellement et je sers alors de relais et parfois même de tampon vis à vis des autres joueurs. Il ne faut surtout pas les trahir, nous trahir. L’opération sauvetage, elle passe aussi par beaucoup de sacrifices, donc il faut rester cohérent dans les discours et surtout ne pas cacher la vérité aux gens. Jour après jour, match après match, la situation ne cesse de changer.

■ Comment gérez-vous le fait que chaque match puisse être le dernier?

Après notre victoire face à Kiev, tout le monde est euphorique. Lors du retour en avion, on commençait déjà à s’interroger sur le match d’Antibes, à savoir si oui ou non on ferait le déplacement…ce qui est déjà un coup de frein émotionnel. Il a donc fallu se battre pour avoir le droit de continuer à jouer. L’argument était que, grossièrement, on allait sur la côte d’Azur avec la recette public du match à suivre à domicile, c’est-à-dire contre Le Mans. Ce soir là, la réaction du public et l’engouement que nos victoires ont suscité, nous ont permis d’envisager à peu près sereinement notre déplacement à Pau.

■ Quelles ont été les conséquences de votre victoire face à Pau?

C’était un petit peu la cerise sur le gâteau. On était un petit peu sur les nerfs… Le fait de gagner à Pau, c’était une joie immense avec l’impression d’avoir renversé une première montagne. On pouvait penser aussi que battre Pau chez eux, c’était assez significatif pour attirer les sponsors, faire bouger la ville… Cette victoire à Pau était vraiment remplie d’espoir… mais bon…

■ Suite à la rencontre du 25 janvier face au Mans, un plan de sauvetage du club est lancé. Comment cela s’est déroulé, avec notamment la demande d’une forte réduction salariale pour les joueurs?

Après la réception du Mans, le mercredi, on a eu une réunion pour vraiment faire un plan ORSEC en sachant que pour s’en sortir, il fallait que les joueurs acceptent une baisse salariale en rapport avec les réalités financières du moment. Là, les réductions proposées allaient de moins 30 % à moins 70%. Les gars, clairement, n’étaient pas spécialement euphoriques parce que… c’était pas viable. On était alors légitimement inquiets sur l’avenir du club mais aussi sur notre propre avenir. Ensuite, on a travaillé en interne pour chiffrer tous les besoins personnels, c’est-à-dire les impôts, les crédits etc… Dès le vendredi matin, on a fait une contre-proposition au président, en disant : voilà, ça, c’est nos chiffres, ce qui est énorme car c’est déjà 50% de la masse salariale (soit environ 3 millions de francs) qui s’envolait. De Peretti a accepté rapidement. On pensait que cela allait être capital dans le déroulement de l’affaire… mais aujourd’hui on n’est toujours pas à l’abri d’une cessation de paiement.

■ Quelles ont été et quelles sont les réactions des deux Américains et de Stazic?

Au bout d’un moment quand on essaie de sauver le club, cela passe forcément par une solidarité franco-française en sachant très bien que tous les discours affectifs sur le maillot ne pouvaient que porter sur les Français. Les étrangers c’est différent. Ils n’ont pas la même vie, ils ne sont pas chez eux. Cependant, les deux Américains ont un comportement exemplaire. Ils se sentent très bien dans notre groupe. D’après ce que je sais, Marcus (Brown), qui n’avait pas un gros salaire, a été payé intégralement, ce qui est normal. En revanche, Harper (Williams)a accepté une baisse de salaire… c’est d’autant plus touchant que lui aussi en partant de Limoges, aurait pu gagner énormément d’argent en signant dans un autre club.

■ Ton engagement personnel est sans bornes. Tu es également le parrain de l’association de soutien du CSP.

Le basket à Limoges connaît un engouement populaire important. On ne pouvait pas prévoir l’importance que cela prendrait au cours des semaines. On savait qu’on avait besoin du public pour survivre au niveau de l’impact médiatique et politique. Les supporters ont alors décidé de se mobiliser. Ils m’ont demandé d’être le parrain de cette association de soutien, j’ai accepté sans problème.

■ Les Limougeauds ont quelles attitudes vis à vis de vous les joueurs au quotidien?

Il y a des marques de sympathie qui dépassent largement le cadre des supporters de Beaublanc. Dans la rue, les gens viennent nous serrer la main, nous félicitent, nous encouragent. C’est devenu un véritable phénomène de société au niveau de la ville et de la région parce que les gens sont tout simplement fiers de ce que l’on fait. Mais peut-être pas de ce qui a été fait à une époque, et surtout de l’argent que cela leur a coûté plus ou moins directement… Les Limougeauds ont l’intelligence de ne pas faire l’amalgame entre les différentes époques. Ils sont bien conscients que l’équipe d’aujourd’hui n’est en rien coupable de la situation car les faits sont antérieurs… Malgré tout, c’est nous qui nous battons pour essayer de sauver le club victime de ses abus passés. Je crois que les gens sont touchés par notre action.

■ Personnellement, tu dis avoir mûri, tu t’impliques au maximum dans cette bataille pour la sauvegarde du CSP… Tu as l’impression d’avoir changé ?            i

C’est plutôt la situation du moment qui m’amène à faire des choses que, peut-être, je n’aurai pas faites auparavant. Je n’étais peut-être pas assez mature et surtout c’est la première fois que j’ai envie de m’impliquer dans un club. J’ai signé quatre ans et j’ai envie d’y rester. Je fais ce que j’avais dit en début de saison: revenir à Limoges pour réussir et donc là, j’ai l’opportunité de montrer que ce n’est pas que des paroles. Etant le capitaine et un des joueurs les plus expérimentés, je pense que c’est à moi de m’impliquer plus qu’un autre joueur… D’ailleurs les gars avaient envie que je sois leur porte-parole.

■ On connaît l’importance des différents partis politiques dans cette affaire. S’il le faut, serais-tu prêt à t’engager?

Je suis apolitique par excellence… Ce n’est pas maintenant que je vais m’y mettre. Moi, ma cause, c’est le basket et pas autre chose.

■ La douche écossaise permanente que vous subissez depuis un mois n’est pas trop épuisante?

Tous les gars ont frisé la crise de nerfs. C’est épuisant nerveusement. Encore une fois, notre chance c’est une solidarité exemplaire. Sinon, ça aurait explosé de tous les côtés. Mais c’est vrai qu’au jour le jour, question nervosité on est un petit peu à la limite. Aujourd’hui on n’a pas de certitude. Très rapidement, il va falloir qu’on en ait… Cet état de doute peut devenir très nocif pour l’équipe.

■ Paradoxalement sur le plan sportif, vous n’avez jamais été aussi forts qu’actuellement…

On est passé du rang d’une bonne équipe de basket avec des hauts et des bas et le fait d’être dos au mur, devant un ravin, ça a recadré un petit peu tout. Quand on arrive dans une équipe à chasser les problèmes d’égo, on arrive à jouer pour la gagne. Sauver le club passe par des victoires…

■ Quels sont tes rêves du moment?

Trouver des sous… (rires) On a un groupe extraordinaire… Ca serait bien et presque normal de donner à ce groupe la chance de finir la saison pour voir jusqu’où on peut aller.

■ Tu envisages toujours ton avenir à Limoges?

Si je ne voyais pas mon avenir à Limoges, ça fait longtemps que je serais parti… D’ailleurs, tous les joueurs ont une envie immense de croire à l’avenir du CSP, sinon c’est clair qu’encore une fois on se serait éparpillé. Tout le monde se sent bien ici, on a un groupe génial, donc pourquoi irait-on ailleurs trouver des choses pas forcément meilleures? Ce qui nous fait le plus envie, c’est de continuer à jouer au basket ensemble.

■ Des désillusions, peut-être…?

Je n’ai pas de désillusions. On est parti sur une année où il fallait reconstruire un groupe et effacer la mauvaise saison précédente. Voir cette équipe qui a mûri de façon extraordinaire en un mois, constater que le basket n’est toujours pas mort à Limoges et, j’espère, avec un avenir, ça c’est plus que positif. Depuis un mois, on a appris des choses sur les gens et sur nous-mêmes qu’on n’aurait pas eu la chance de connaître. Je vis des choses extraordinaires… La seule chose qu’on ait perdu, c’est de l’argent mais, comparé à ce que l’on a découvert sur nous, à ce que l’on partage avec les Limougeauds, c’est tellement énorme que pour l’instant je vis des moments forts.

Le combat des supporters

“On est une soixantaine de supporters. On pouvait se demander si on était important pour le club, et là on prouve que l’on est utiles” témoigne Jean-François Pailloux, président des Yellow Boys et initiateur du comité de soutien au CSP, qui avait récolté plus de 300.000F au 15 février. “Notre créneau, c’était: si on veut que le club vive demain, il faut que tout le monde montre qu’il y est attaché et pour ça, applaudir c’est bien, mais quand on met la main à la poche, la pression est beaucoup plus importante. C’est un peu comme si le supporter devenait actionnaire. ”

Le comité de soutien, qui a réellement fonctionné une quinzaine de jours après le début de la crise, a fait fabriquer un t-shirt (“Confiance Solidarité Passion”) destiné a priori aux membres du kop. Mais très vite, il est devenu l’emblème de la rage de survivre de tout un public. Et ce sont 1.300 exemplaires qui ont été vendus en un mois. “Il coûte 20F, on le vend 50 et rapporte 30F que l’on reverse au CSP”.

L’affaire a en tous les cas réveillé des Limougeauds assoupis depuis quelques années (à l’issue de la 22e journée, selon la LNB, Limoges n’enregistrait, avec 3 348 spectateurs en moyenne que la 7e affluence de Pro A).

“Il y a eu un sevrage de grands moments et on en revit un grâce à des joueurs qui se battent, qui sont proches de nous, qui font des efforts financiers exceptionnels. C’est grâce à Bonato et au fait que l’on a sept joueurs français dans l’effectif que l’on existe encore. Avec des communautaires, on serait déjà mort. La deuxième raison de cet engouement, c’est qu’il y a une grande peur. Il faut sauver le club!”

Jean-François Pailloux n’est pas dupe des difficultés financières et humaines qui agitaient son CSP depuis plusieurs saisons.

“A partir du moment où il y a plus de joueurs qui partent en froid que contents, on peut se poser des questions. Vous avez beau être le supporter numéro 1, vous n’êtes pas forcément d’accord avec le choix d’un entraîneur ou d’un dirigeant. Mais, on ne connaissait jamais les tenants et les aboutissants, et on était donc obligés d’accepter ce qui se passait…” P.L.

Celia Weis

“Trouver le sommeil n’est pas évident”

S’il y a une femme qui est capitale et déterminante dans le déroulement de carrière de son mari, c’est Celia, la femme de Frédéric Weis. Un petit bout de chou dynamique, organisée, bref une perle qui fait souvent dire à son grand mari du haut de ses 2 mètres 18 “mais qu’est-ce que je ferai sans elle?”. A l’heure où Limoges était au bord d’un dépôt de bilan, elle avait gentiment accepté de nous dévoiler leurs réflexions et réactions de couple sur ce sujet délicat.

Propos recueillis par Emmannuelle Brisse

■ Le 10 janvier quatre dirigeants de limoges sont placés en garde à vue. Sur le moment, quelle a été votre réaction?

(Hésitante) On ne s’attendait pas du tout à une histoire comme celle-ci. On savait que quelques dirigeants allaient être interrogés, mais de là à penser que cela irait jusqu’à la garde à vue… En fait, pendant un ou deux jours, on n’a pas trop réalisé et on a essayé de ne pas trop se poser de questions. En revanche, cela nous a pas mal perturbés dans le sens ou Didier Rose est concerné. Didier, c’est l’agent de Fred mais aussi notre ami. On a surtout dans un premier temps pensé à lui, à sa famille, plutôt qu’au problème que cela pouvait engendrer.

■ Vous êtes dans quel état d’esprit?

On se pose des questions à longueur de journée. Depuis quatre semaines maintenant, nous attendons des réponses que nous n’avons toujours pas d’ailleurs… Nos sujets de conversation sont tous les soirs identiques et peuvent se prolonger tard dans la nuit. Il est vrai que trouver le sommeil en ce moment n’est pas évident. On se demande ce qu’il va se passer, si le club continue, si le club s’arrête. En fait, on se base sur de l’abstrait, on n’a rien de concret. C’est vraiment très dur à vivre…

■ Etes-vous tenus informés régulièrement des divers aléas?

Yann (Bonato) fait un boulot énorme, c’est la personne incontournable. On est en relation permanente avec lui car il voit le président très souvent. Dès qu’il apprend quoi que ce soit, il téléphone à tous les joueurs pour les tenir au courant des interminables rebondissements… (soupirs)

■ Votre départ pour les Etats-Unis était-il toujours d’actualité?

(Révoltée) Ça, c’est quelque chose que l’on a très mal pris. D’ailleurs, ce sont les médias qui nous ont informés d’un potentiel départ de Fred pour New York. Or on n’en avait jamais parlé avant… et le fait que Fred soit transformé en pure valeur marchande, dans le seul but de combler une partie du déficit du CSP, ça fait un peu mal quand même… On ne l’a pas très bien pris. La décision viendra uniquement de nous et non du club de toute façon. Ceci dit, on a été informé que les New York Knicks appelleraient peut-être Fred plus tôt que prévu, c’est à dire pour les playoffs. Nous pensions y aller la saison prochaine mais pas maintenant. En plus, Didier Rose étant incarcéré, on ne pouvait pas communiquer avec lui et lui demander ce qui fallait que l’on fasse. La seule chose évidente, c’est qu’à n’importe quels moments, je pars avec mon mari. Fred a toujours besoin qu’on soit derrière lui, il a besoin d’être entouré… nous sommes inséparables… (rires).

■ Votre mari, et bien sûr avec votre accord, a accepté une réduction salariale très importante. Or les joueurs au 14 février n’ont toujours pas été payés…

A ce jour, c’est vrai, nous n’avons toujours pas été payés. Ce n’est pas évident à gérer. Moi, je fais rire tout le monde quand je dis que trois ou quatre fois par semaine je vais au guichet pour consulter mon solde… (éclats de rire). Que ce soit Yann et Lise (Bonato)ou nous, on a accepté de faire de grosses concessions. On ne regrette absolument pas.

■ Originaire de Limoges, vous voyez votre avenir dans votre ville natale?

Franchement non. C’est vrai que nous sommes très attachés à la région et Fred plus particulièrement au CSP, mais il y a un moment ou il faut partir et nous c’est décidé, on ne sera plus là la saison prochaine.

■ Pour Frédéric, vous restez son principal soutien psychologique?

C’est quelqu’un qui est très sensible. Le voir en larmes après Evreux n’a rien d’étonnant… Si les choses ne changent pas rapidement, si on reste dans une situation toujours aléatoire, pour Fred, nerveusement cela va être difficile.

Même Pau est atteint

Les déficits cumulés des clubs professionnels ont été réduits des deux tiers en trois ans. Grâce à une baisse spectaculaire des masses salariales. Pourtant, c’est un nouveau clignotant rouge qui s’est allumé depuis quelques mois. Cet été, les Spacer’s de Toulouse rendaient leurs tabliers. Puis Canal + annonçait son désengagement prochain au PSG. Des bruits alarmistes courraient sur Châlons-en-Champagne (“le club de Pro A devrait d’urgence trouver un million de Francs”, écrivait Marne-Hebdo dans son édition du 3 février). Et Antibes avait été à la limite du point de rupture avant que Solly Azar lâche la présidence, au profit de Françoise Bécot, une comptable, assistée de l’avocat Charly Badache, ancien président de Caen, chargé de dénicher des sponsors. La mairie a alors accepté d’apporter un capital vital à la survie de l’OIympique.

C’était déjà beaucoup de mauvais signes… avant qu’éclate le scandale qui a touché de plein fouet Limoges et… la divulgation des petits soucis de Pau. Les comptes de l’Elan Béarnais montrent un déficit de 4.4 millions de Francs pour l’exercice allant du 31 mai 1998 au 31 mai 1999. On est loin des malversations du CSP. Le déficit est notamment dû à une provision inscrite à l’issue d’un contrôle fiscal contesté et à une dette fiscale et sociale payée depuis.

“Rien de grave”, dit Seillant. Il reste que le basket pro est toujours en surchauffe, non pas à cause de coûts immodérés, comme à une époque, mais plutôt en raisons de ressources insuffisantes. “On a tout eu en trois ans: cours des comptes, contrôle des impôts, de l’URSSAF. On est le club français qui doit payer le plus de charges sociales: 10MF d’URSSAF, d’ASSEDIC, de retraites. On ne pourra pas continuer comme ça, on laissera partir de gros salaires, on prendra des jeunes, des Européens qui ont la flamme…”  P.L.

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Comment le Limoges CSP, un club admiré, joyau du basket professionnel français, est devenu en quelques années un vilain petit canard aux mœurs douteuses. Tout le monde est admiratif devant l’instinct de survie des joueurs et du public, mais beaucoup, avant même de connaître le sort du club, demandaient justice pour l’exemple, pour ne plus laisser d’espaces aux dérives.

“Les joueurs sortent grandis de cette affaire. Les voir se révolter, déverser leur frustration sur le terrain, c’est très bien. Mais on ne leur a pas laissé le choix. C’était ça ou les ASSEDIC puisqu’ils ne peuvent plus jouer en France, sauf comme jokers en cas de blessure. Il vaut mieux se montrer, maintenir la forme. J’ose espérer que les joueurs des autres clubs auraient eu le même comportement dans une situation identique…”

Pierre Seillant, président de Pau, marque une pause et reprend:

“… mais ce n’est pas sûr. C’est vrai que c’est bien ce qu’ils font.”

Il n’y a donc pas que leur président, Jean-Paul De Peretti, et le public revigoré de Beaublanc à tresser des louanges aux joueurs limougeauds qui, en pleine crise financière et judiciaire, ont accepté de continuer la lutte, en réduisant leurs salaires et en acceptant des reports de paiement. Mieux encore: ils n’ont jamais été aussi bons, devenant subitement invincibles jusqu’au déplacement à Dijon, et se qualifiant pour les demi-finales de la Coupe Korac.

“Je trouve qu’ils sont épatants, et je pense au premier chef au leader de cette opération de survie, Yann Bonato, que je ne connais pas, mais qui trimballe une réputation d’égocentrique. Il se révèle être un bonhomme dans ce combat” commente Marc Lefèbvre, président de Villeurbanne.

Le public limougeaud, lui aussi s’est avéré formidable depuis qu’un jour de janvier le ciel lui est tombé sur la tête. Il s’est mobilisé pour déclarer d’un seul élan son amour à une équipe, à un club qui lui a tant donné depuis près de vingt ans: des titres, et aussi une fierté d’appartenir à une ville géographiquement isolée, peu réputée, et qui dût longtemps son prestige à l’industrie de la porcelaine aujourd’hui déclinante.

“Sincèrement, je suis touché par ce qui se passe là-bas” dit Frédéric Forté, réfugié en Alsace, après sept ans passés à Limoges, qui lui valurent notamment un titre de champion d’Europe. “Tous les joueurs passés par le CSP ont été humainement attachés par ce club. Limoges, c’est une ville de près de 200.000 habitants qui respire pour le CSP car il n’y a que ça dans la région. Les gens sont de vrais passionnés. Ce qu’ils vivent actuellement, c’est dur, comme pour les joueurs qui sont obligés de vivre sportivement pour vivre économiquement. Si demain le club commence à perdre, ils savent qu’un trait noir va être tiré et que tout ça sera fini. C’est vrai aussi pour les adversaires, qui jouent contre la mémoire du club, contre l’histoire du basket français.”

Il est indispensable, comme nos témoins, de reconnaître les vertus humaines du groupe commandé par Yann Bonato, comme le retour de flamme qui est survenu dans la capitale du Limousin avec ce qu’il faut bien appeler le “scandale du CSP”. Il est tout aussi élémentaire de condamner les pratiques de ceux qui ont eu la charge, officiellement ou non, de tenir le gouvernail depuis

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Photos: Maxi-Basket

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