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ITW Alain Béral, président de la LNB, et l’arrivée d’investisseurs étrangers : « La mixité des idées, c’est favorable pour nous »

Après l’Ukrainien Sergey Dyadechko à Monaco, la Betlic Elite a vu arriver cette saison des investisseurs américains, à Paris (Eric Schwartz et David Kahn, qui sont là depuis la création du club) et Pau (CounterPointe Sports Group), tandis que, parallèlement, le nombre de directeurs exécutifs, de coa

Après l’Ukrainien Sergey Dyadechko à Monaco, la Betlic Elite a vu arriver cette saison des investisseurs américains, à Paris (Eric Schwartz et David Kahn, qui sont là depuis la création du club) et Pau (CounterPointe Sports Group), tandis que, parallèlement, le nombre de directeurs exécutifs, de coaches et de directeurs sportifs étrangers augmente au fil des saisons. Que pense le président de la ligue, Alain Béral, de ce bouleversement inimaginable il y a peu encore ?

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Quel est votre sentiment à propos du fait que des investisseurs étrangers dont deux Américains sont présents désormais en Betclic Elite à travers l’AS Monaco, le Paris Basketball, et l’Elan Béarnais Pau. Il n’y a pas d’autres exemples dans le basket européen de clubs qui bénéficient ainsi d’investisseurs américains ?

Pour ne rien vous cacher, tous les mois on a des questions d’intérêt qui sont produites par des étrangers. Manifestement, ceux de Paris et de Pau ne se connaissaient pas, ce n’est donc pas un effet relationnel. De ce que j’entends, ils pensent tous que le basket français, étant donné les résultats qu’il a au niveau de l’équipe nationale et de la formation des joueurs, a un bel avenir devant lui. Ce sont des Américains, alors pour eux, le foot, ce n’est pas ça. On leur explique qu’en France, c’est important, mais ils n’aiment pas, ils ne considèrent pas que c’est quelque chose qu’ils peuvent faire monter plus haut, alors qu’ils estiment que le basket peut et va monter beaucoup plus haut. Comme ce sont des Américains, ils sont très basket. Ils voient jouer beaucoup de Français là-bas et ils ont découvert que la France est au milieu de l’Europe, qu’il y a 67 millions d’habitants, et que c’est à la croisée des chemins pour aller dans les Pays de l’Est, en Espagne, qui est très fermée, en Allemagne. Ils sont aussi très étonnés de la santé des clubs. Dès que l’on a communiqué là-dessus, ils sont restés un peu interdits, en disant « ce n’est pas possible : les clubs, ça ne gagne pas d’argent ! » Si ! C’est possible. Comme ce sont des Américains, ils parlent d’argent. Ils estiment que c’est un modèle unique, et qu’en terme d’investissement, c’est plutôt sécurisant.

Ont-ils compris qu’en Europe, on ne gagne pas d’argent dans le sport professionnel, et qu’a fortiori, en Euroleague, jusqu’à preuve du contraire…

On en perd beaucoup ! Justement, ils en parlent, mais ils ont fait le tour. Ceux qui sont arrivés à Pau sont allés en Turquie, en Grèce, et ils ont tout de suite dit non. « On sait qu’il va falloir faire un chèque. » David Kahn est là depuis plusieurs années, et on peut mesurer aujourd’hui que ce que l’on avait dit était faux sur le fait, « je viens, je m’en vais. » Il est là, il s’implique, il travaille bien, il est dans son club, il avance et il reste. Donc, ils ne viennent pas juste pour un caprice. J’espère évidemment qu’à Pau ce sera la même chose. On a eu beaucoup de discussions avec eux en visio. J’ai l’impression qu’ils sont vraiment intéressés et qu’ils ont le temps. Ils nous disent qu’ils viennent pour la durée.

Ils ont un projet immobilier alors qu’à Paris, il est…

Sportif. Et donc, ils ne viennent pas pour deux ou trois ans. Le cas de Monaco est le même. Le président ukrainien Sergey Dyadechko a prouvé qu’il est là pour longtemps, il a même signé un engagement ferme avec la Principauté, et il est fou de basket. C’est ça qui est important pour moi. Il faut faire attention de ne pas amener des termites, qui bouffent tout sans que l’on s’en aperçoive, et le jour où ils partent, il y a tout qui tombe. C’est ça qui s’est passé dans certains clubs de foot, y compris en France. On s’est aperçu que les gens venaient pour faire une expérience et gagner un peu de fric à la revente. Ce que j’ai en face, ce n’est pas ça.

« J’ai toujours dit que si la NBA vient, il ne faut pas être en face mais à côté »

C’est flatteur pour la ligue d’avoir trois investisseurs étrangers de ce calibre ?

Par rapport à ce qui se passe à l’extérieur, c’est plutôt flatteur.

Et Monaco franchit les caps à une vitesse incroyable ?

Ils ont traversé la Pro B comme un TGV, puis la Jeep Elite, sans arriver à être champion, mais en gagnant plusieurs fois la Leaders Cup, et aujourd’hui, ils sont en Euroleague. Et ils disent qu’ils veulent y rester. Je le souhaite ! Structurellement, au niveau de la salle, il va falloir faire des choses. Ce dont je me félicite, c’est que peut-être on a su les accompagner. Ce que je vois, en discutant avec eux, c’est que pour les autres ligues, ce n’est pas un problème. Tout ce qu’ils veulent c’est un calendrier, tels joueurs, tu joues, le protocole, etc. Nous, on est très accompagnant. En plus, on a un contrôle de gestion qui fait ce qu’il faut. « Vous devriez faire ci, faire ça. » On a un label. Même Monaco qui, au départ, disait « le label, c’est quoi ? » dit aujourd’hui, « je veux le label », parce que c’est une feuille de route. Je prends, ma feuille, je coche, ça j’ai fait, ça j’ai fait… Et au bout, je suis bien.

Et il y a bien qu’un seul budget. Celui pour l’Euroleague est celui présenté pour le contrôle de gestion ?

Il y en n’a qu’un ! (NDLR : 15,1M€ pour l’AS Monaco, un record pour le basket professionnel français)

C’est un choc culturel l’arrivée d’Américains dans le Béarn, après Orthez, La Moutète, le passage à Pau… ?

Oui. La concurrence sur le dossier, c’était les frères Darnauzan. Oui, c’est un choc culturel. Je leur ai dit que c’est un lieu de forte tradition. Il faut leur donner du sport, de la fierté. Les joueurs américains qui sont passés par Pau et qui ont compris ça sont devenus des héros. (Howard) Carter a été le premier et d’autres derrière. Je leur ai dit que s’ils font ça, ils seront des héros comme les autres, « et si vous ne le faites pas, ça sera compliqué pour vous. »

Outre les propriétaires, les managements sont étrangers : à Monaco, Paris, Pau, et encore en Pro B à Antibes. Ça vous plaît ou pas ?

Je pense que la mixité n’est pas négative. Quand David Kahn est arrivé, tout le monde a dit, « un Américain, gnagnagna… ». Aujourd’hui, il est écouté parce qu’il a des idées. Il a d’autres modèles en tête. De temps en temps, il faut lui dire « David, il faut faire ceci ou cela ». Il réagit, mais il le fait, en disant « finalement, ce n’est pas si mal », ou parfois il dit « bullshit » (sourire), mais il y a une discussion.

Il vient aux réunions de la ligue ?

Tout le temps. Il fait des allers-retours (NDLR : avec les Etats-Unis), mais en début de saison, il était là. Alors, que des investisseurs qui mettent de l’argent prennent des gens qu’ils connaissent, ça ne me gène pas. Je leur dis simplement : attention, l’environnement n’est pas américain. C’est comme un fond qui arrive dans une boîte, ils choisissent le directeur financier, mais le reste ce sont des locaux. Je leur dis qu’il ne faut pas que des Américains à Pau sinon ça ne passera pas.

C’est plus délicat à Pau qu’à Paris ?

Beaucoup plus. Quand cela est arrivé à Monaco, à Paris et maintenant à Pau, on leur dit « attention, vous allez rencontrer les locaux, les administrations. » La discussion avec David Kahn s’est faite par la mairie de Paris. A Pau avec Bayrou (NDLR : François Bayrou, le maire), qui était en contact avec moi. A Monaco avec le Prince. On ne peut pas passer au-dessus de ça en France, et ils le comprennent parfois difficilement. Aux Etats-Unis, on prend une franchise, on la déménage, là ce n’est pas le cas. Le président de la ligue le dit, puis un autre, puis un autre, et ils reviennent, et ils le font. C’est là que l’on s’aperçoit s’ils sont sincères ou pas.

Vous en avez eu qui sont repartis aussi vite qu’ils sont venus ?

Oui. On leur a dit que ce n’était pas la peine de rester car ça ne marcherait pas (sourire). Oui, on est très content d’avoir cet intérêt là et je le répète : la mixité des idées, c’est favorable pour nous parce qu’on sera toujours plus nombreux que les autres.

De l’extérieur, on se dit que c’est un booster pour le basket français car les Américains n’ont pas l’habitude d’investir à fonds perdus. On connaît leur sérieux dans le business, ce n’est pas comme les mécènes dans certains pays, ils sont là pour gagner de l’argent ?

Je suis d’accord. Au niveau de l’image, c’est très bon.

Et l’Euroleague ?

Pour eux, l’Euroleague c’est une consécration, ils veulent briller au niveau européen. Il ne faut pas se cacher les yeux : la cible de la NBA c’est l’Euroleague.

Quand on voit les sommes prévues pour le futur contrat TV de la NBA (1), vous n’avez pas peur qu’ils viennent tout vampiriser en Europe ?

Ils vont venir, ils vont venir, c’est pour ça qu’il vaut mieux être à côté d’eux. Ils sont déjà rentrés dans la Basketball Champions League, ils sont partenaires dans le Conseil d’Administration. Ce sont des investisseurs américains et autour de la table, il y a deux représentants de la NBA dont leur représentant à Londres (2). La NBA veut s’implanter en Europe et ils ont compris qu’il y a quelque chose qui existait et qui est pas mal, et que ce ne sont pas les Etats-Unis, que c’est très compliqué car l’Allemagne, ce n’est pas la France, que l’Euroleague est déjà là, et que petit à petit elle se rapproche de la FIBA car elle ne peut pas faire autrement, et j’ai toujours dit que si la NBA vient, il ne faut pas être en face mais à côté.

Photo : Nicola Alberani (SIG)
« Les meilleurs directeurs sportifs, dans dix ans, ce seront les Français »

Parallèlement, quatre clubs de Betclic Elite (Strasbourg, Limoges, Dijon, Monaco) et deux de Pro B (Chalon et Antibes) ont des coaches étrangers, alors que les entraîneurs français ne parviennent pas à s’exporter. Est-ce une défiance vis-à-vis d’eux ?

D’abord, la ligue n’empêchera pas ça. Elle régule les joueurs étrangers de plus en plus, et elle a remis un dossier sur la table pour le nombre d’Américains dans le futur (NDLR : les joueurs non JFL, non Bosman et Cotonou, donc essentiellement américains). On va étudier ça pendant trois, quatre mois et on va décider.

De les réduire d’une unité ?

Je ne sais pas, ce n’est pas encore décidé, mais ce n’est pas pour les augmenter, ce n’est pas prévu. Et pour la Pro B, on reste à un. Pour revenir à la question de base, c’est vrai et c’est pour ça que j’ai dit, sous forme de boutade, « pourquoi n’avez-vous pas fait des centres de formation de coaches en France comme pour les joueurs afin de pouvoir les exporter » ? Donc, on ne l’empêchera pas. Il y le pour et le contre. Le pour, c’est de dire que ça fait du bien aux autres, d’avoir (Zvezdan) Mitrovic, celui de Limoges sûrement (NDLR : l’Italien Massimo Cancellieri), et aussi Nikola Antic à Antibes, Neno Asceric à Evreux, deux anciens du basket français. Ce n’est pas la même façon de voir le basket. Cela fait du bien aux coaches français. Mais, on voit que la lessiveuse marche quand même. On voit à Monaco ou Boulogne-Levallois comment ça défile. Ils n’ont pas plus de succès. Limoges, on verra…

Ils en ont déjà usé pas mal de coaches étrangers.

On verra combien de temps il va rester. Est-ce que c’est parce que les clubs ne les acceptent pas ? Ou est-ce le public ? Où les joueurs n’acceptent pas ? Je ne sais pas. Par contre, le fait que les coaches ne s’exportent pas, c’est vrai. Il y a eu un moment donné Vincent Collet qui a eu semble-t-il une piste, mais ça ne s’est pas avéré. Je pense que si on continue d’élever le niveau du basket français, on viendra chercher nos coaches après. Il faut du temps pour que les clubs étrangers se disent « ils sont bons, c’est peut-être aussi parce que leurs coaches sont bons. Pourquoi on ne les prendrait pas ? » Il y a une troisième réalité, c’est qu’ils ne parlent pas américain. C’est un problème.

La profession de directeur sportif ou de directeur des opérations basket est récente en France, et on observe que là aussi, il y a de plus en plus d’étrangers (un Italien à Strasbourg, un Belge à Chalon, un Américain à Pau, un Ukrainien à Monaco). Qu’en conclure ?

Il faut en conclure que le poste de directeur sportif, il faut le créer en France. On ne l’a pas obligé, mais bien poussé. Les grands clubs l’ont compris tout de suite, et ils en tirent tellement de bénéfices qu’ils disent aux autres : « vous devriez y aller parce que ça change la vie ! » Ce n’est pas un fusible, mais un écran entre le comité directeur et le coach. C’est un mec qui ne pense qu’à ça, matin, midi et soir, il n’a pas de match à préparer. Et je pense que s’ils viennent de l’étranger c’est que là-bas, il y a une expérience de directeur sportif qu’il n’y a pas encore en France car ça date d’il y a deux ou trois ans, pas plus. Les meilleurs directeurs sportifs, dans dix ans, ce seront les Français.

Il faudrait aussi un centre de formation pour les directeurs sportifs ?

Sûrement ! On y pense. On peut peut-être imaginer à Limoges un CDES Directeur Sportif.

(1) Selon des estimations, le prochain contrat TV de la NBA, qui prendra effet en 2025, pourrait atteindre une valeur de 70 milliards de dollars sur 9 ans, soit trois fois plus que le deal actuel.

(2) En janvier 2020, la FIBA a annoncé un accord avec GCBH LP autour d’un partenariat stratégique. GCBH LP est une entité américaine soutenue par un groupe d’investisseurs expérimenté dans le domaine des sports et des médias. L’objectif avoué est d’amener la Basketball Champions League (BCL) au niveau supérieur et de modifier le paysage des compétitions de clubs, en Europe et sur d’autres continents.

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Quel est votre sentiment à propos du fait que des investisseurs étrangers dont deux Américains sont présents désormais en Betclic Elite à travers l’AS Monaco, le Paris Basketball, et l’Elan Béarnais Pau. Il n’y a pas d’autres exemples dans le basket européen de clubs qui bénéficient ainsi d’investisseurs américains ?

Pour ne rien vous cacher, tous les mois on a des questions d’intérêt qui sont produites par des étrangers. Manifestement, ceux de Paris et de Pau ne se connaissaient pas, ce n’est donc pas un effet relationnel. De ce que j’entends, ils pensent tous que le basket français, étant donné les résultats qu’il a au niveau de l’équipe nationale et de la formation des joueurs, a un bel avenir devant lui. Ce sont des Américains, alors pour eux, le foot, ce n’est pas ça. On leur explique qu’en France, c’est important, mais ils n’aiment pas, ils ne considèrent pas que c’est quelque chose qu’ils peuvent faire monter plus haut, alors qu’ils estiment que le basket peut et va monter beaucoup plus haut. Comme ce sont des Américains, ils sont très basket. Ils voient jouer beaucoup de Français là-bas et ils ont découvert que la France est au milieu de l’Europe, qu’il y a 67 millions d’habitants, et que c’est à la croisée des chemins pour aller dans les Pays de l’Est, en Espagne, qui est très fermée, en Allemagne. Ils sont aussi très étonnés de la santé des clubs. Dès que l’on a communiqué là-dessus, ils sont restés un peu interdits, en disant « ce n’est pas possible : les clubs, ça ne gagne pas d’argent ! » Si ! C’est possible. Comme ce sont des Américains, ils parlent d’argent. Ils estiment que c’est un modèle unique, et qu’en terme d’investissement, c’est plutôt sécurisant.

Ont-ils compris qu’en Europe, on ne gagne pas d’argent dans le sport professionnel, et qu’a fortiori, en Euroleague, jusqu’à preuve du contraire…

On en perd beaucoup ! Justement, ils en parlent, mais ils ont fait le tour. Ceux qui sont arrivés à Pau sont allés en Turquie, en Grèce, et ils ont tout de suite dit non. « On sait qu’il va falloir faire un chèque. » David Kahn est là depuis plusieurs années, et on peut mesurer aujourd’hui que ce que l’on avait dit était faux sur le fait, « je viens, je m’en vais. » Il est là, il s’implique, il travaille bien, il est dans son club, il avance et il reste. Donc, ils ne viennent pas juste pour un caprice. J’espère évidemment qu’à Pau ce sera la même chose. On a eu beaucoup de discussions avec eux en visio. J’ai l’impression qu’ils sont vraiment intéressés et qu’ils ont le temps. Ils nous disent qu’ils viennent pour la durée.

Ils ont un projet immobilier alors qu’à Paris, il est…

Sportif. Et donc, ils ne viennent pas pour deux ou trois ans. Le cas de Monaco est le même. Le président ukrainien Sergey Dyadechko a prouvé qu’il est là pour longtemps, il a même signé un engagement ferme avec la Principauté, et il est fou de basket. C’est ça qui est important pour moi. Il faut faire attention de ne pas amener des termites, qui bouffent tout sans que l’on s’en aperçoive, et le jour où ils partent, il y a tout qui tombe. C’est ça qui s’est passé dans certains clubs de foot, y compris en France. On s’est aperçu que les gens venaient pour faire une expérience et gagner un peu de fric à la revente. Ce que j’ai en face, ce n’est pas ça.

« J’ai toujours dit que si la NBA vient, il ne faut pas être en face mais à côté »

C’est flatteur pour la ligue d’avoir trois investisseurs étrangers de ce calibre ?

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Photo d’ouverture : Juhann Begarin (Paris Basketball)

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