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ITW Didier Dobbels (2/2) : « Bozidar Maljkovic a révolutionné la gestion des hommes »

A y regarder de près, Didier Dobbels possède un palmarès exceptionnel. Comme joueur, il a été deux fois demi-finaliste de la Coupe d’Europe des Clubs champions avec Berck (1974 et 75) -l’équivalent du Final Four de l’Euroleague- et vainqueur de la Coupe Korac (C3) avec Limoges (1983). Comme assistan

A y regarder de près, Didier Dobbels possède un palmarès exceptionnel. Comme joueur, il a été deux fois demi-finaliste de la Coupe d’Europe des Clubs champions avec Berck (1974 et 75) -l’équivalent du Final Four de l’Euroleague- et vainqueur de la Coupe Korac (C3) avec Limoges (1983). Comme assistant coach, il a été champion d’Europe avec Limoges (1993), champion de France avec le Paris SG (1997), il a coaché Limoges et… Pau, et fut présent lors de trois Open McDonald’s avec les Los Angeles Lakers de Magic Johnson, les Phoenix Suns de Charles Barkley et les Chicago Bulls de Michael Jordan. On tourne avec lui son livre d’histoire(s).

Voici la deuxième partie de l’interview.

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Vous avez été assistant de Bozidar Maljkovic à Limoges, champion d’Europe en 1993. Considérez-vous qu’il a révolutionné le basket en France à cette époque ?

Quand il est arrivé, j’ai lu que pas mal d’entraîneurs était contre son jeu, que faire 50-49 ce n’était pas bon.

Notamment, le coach de Trévise battu en finale, Petar Skansi ?

Oui et même des entraîneurs français et parfois haut placé dont on pensait qu’ils connaissaient très bien le basket. On s’en est rendu compte après son départ, en se disant qu’avec les résultats obtenus, c’était peut-être une bonne méthode. C’est vrai qu’auparavant, il y a eu la méthode Michel Gomez où il fallait gagner 101 à 100. Boja estimait, lui, qu’il y avait plus de chances de gagner en défendant qu’en espérant mettre des paniers, sachant qu’il y a des jours avec et des jours sans. Et que si tu conserves cette même défense, tu as des chances de gagner même si tu es maladroit. Je ne pense pas qu’il ait révolutionné le jeu, mais la gestion des équipes, des hommes. Avant, c’était plutôt « les joueurs faites comme vous voulez » et là c’était plutôt l’inverse. Il a remis l’entraîneur à sa vraie place, c’est-à-dire l’homme principal d’un club.

Frédéric Forte disait qu’il n’avait pas connu des entraînements aussi durs, qu’il en sortait lessivé ?

Certainement au début. Après, peut-être que les joueurs s’y habituent (rires). C’est vrai que certains entraîneurs disent qu’il ne faut pas trop fatiguer les joueurs car il y a un match le lendemain ou le surlendemain, que le repos est nécessaire. Boja ne tenait pas trop compte de ça. Il partait toujours du principe que le mental devait passer au-dessus de tout ça, que si tu as mal aux jambes, c’est en fait que tu as mal à la tête. C’est vrai qu’au début, ça a été un peu dur pour les joueurs, et aussi pour moi. Je lui disais « Boja, arrête ! Tu vas casser les mecs de partout ! Ils ne vont jamais pouvoir jouer samedi. ». « Si, si, t’inquiètes pas. Ils seront peut-être un peu fatigués, mais ça va passer. » Parfois, le samedi matin des matches, il faisait un vrai entraînement d’une heure et demie. Attention, pas tous les samedis ! C’était avant certains matches. Ça pouvait aussi enlever de la pression. C’est vrai que Boja était très dur au début car, je pense, qu’il a voulu marquer son empreinte. Il s’était peut-être rendu compte que dans le basket français, on ne s’entraînait pas assez, que l’on n’était pas assez rigoureux dans les entraînements, que le potentiel des joueurs français était bien supérieur que ce qu’on utilisait, qu’il fallait aller plus loin. Il disait que le potentiel du basket français était peut-être supérieur à celui de la Yougoslavie, mais que celle-ci travaillait plus. On avait un joueur qui smashait arrière et il n’avait pas besoin de travailler… Pour lui, l’important c’était l’équipe et pas forcément les joueurs. Et dans notre jeu, Michael Young avait de l’importance.

On a en souvenir le fait que la balle circulait pendant 29 secondes, dans un silence de cathédrale à Beaublanc, et elle arrivait dans les mains de Michael Young qui shootait. Et c’était l’explosion dans la salle ?

On entendait parfois sur le banc des gens placés derrière crier, « Pourquoi ils ne shootent pas, pourquoi ils ne shootent pas ?! » (Rires). Boja, lui, ne comprenait pas. Après le match, je lui disais qu’à 25 secondes, les gens commençaient à paniquer. Parfois, ce n’était pas voulu. Boja disait souvent que 30 secondes c’est long et court à la fois, aussi il faisait un système qui devait durer normalement 20 secondes. Il disait aux joueurs « courez plus vite, amenez le ballon plus vite ! et comme ça, on shootera à 20 secondes. »

Photo : Limoges, champion d’Europe (CSP)

« Les mecs rigolaient avant et quand ils nous voyaient arriver sur le terrain, on entendait voler une mouche »

Bozidar Maljkovic vous a-t-il inspiré pour votre carrière de coach ?

Complètement. Deux entraîneurs m’ont inspiré, Jean Galle et lui. Jean avait une manière différente d’être aussi dur aux entraînements. C’était crû. Il ne parlait pas anglais, il y avait moins d’assistants. Si ça ne lui plaisait pas, au bout d’une demi-heure, il était capable d’envoyer tout le monde à la maison. « Les Américains, rentrez chez vous ! » C’était le langage de Jean (sourire). Boja, c’était la rigueur permanente. Dès l’instant où il rentrait sur le terrain, et qu’il donnait un coup de sifflet pour se retrouver au milieu du terrain, la rigolade était terminée. D’ailleurs, les mecs rigolaient avant et quand ils nous voyaient arriver sur le terrain, on entendait voler une mouche (rires).

Il avait une autorité naturelle ?

Oui, et il avait été deux fois champion d’Europe, ça marque son bonhomme.

Vous avez donc eu aussi comme coach André Buffière, qui était en fin de carrière, mais qui était une sommité du basket français ?

Bubu, c’était complètement différent. Il faisait partie de cette époque où l’entraîneur s’adaptait à ses joueurs. Alors que Boja -même si en ayant Michael Young, il fallait lui donner le ballon-, il imposait ses choses. Il fallait faire une contre-attaque comme ça, pas autrement. André Buffière, je ne l’ai connu qu’un an à Limoges. C’était un peu particulier car il s’appuyait beaucoup sur Jean-Michel Sénégal pour préparer l’adversaire, les vidéos. C’était beaucoup à l’inspiration. Si les mecs étaient fatigués, ils ne s’entraînaient pas. C’était peut-être les méthodes d’avant que je n’ai pas trop connu, peut-être son style à lui. Cela ne l’a pas empêché d’avoir des résultats pour cette époque-là. Mais c’est vrai que Boja m’a beaucoup inspiré, mais tous les clubs n’étaient pas prêts à l’accepter. Peut-être qu’à Villeurbanne, ça ne serait pas passé. Ici, à Limoges, Boja était le pilier de tout le club. J’étais à toutes les réunions avec lui, et on sentait que les dirigeants auraient tout mis en œuvre pour lui donner satisfaction. Aujourd’hui, si tu as un entraînement qui est dur dans un club, même s’il a trois dans de contrat, je ne suis pas sur qu’il serait conservé, parce qu’il n’a pas la même politique que ses dirigeants. Là, tu prenais Boja, tu prenais Boja. Si tu l’avais choisi, il ne pouvait pas être mauvais au bout d’un an ou alors tu n’avais pas fait ton casting. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, les gens aimeraient avoir le très bon coach mais qui s’adapte à eux, alors que c’est tout le club qui doit s’adapter au fonctionnement de l’entraîneur. J’ai eu du mal, dans ma carrière, à faire accepter ça à certains clubs parce qu’on a l’impression que tout le monde a peur de perdre son petit pouvoir. Ça, cela a été la force de Limoges autour de Boja.

Vous avez été champion de France avec le PSG comme co-entraîneur. C’est vous qui faisiez les entraînements et Jacky Renaud qui était le coach le jour du match. Comment été l’environnement du club à ce moment-là ?

On appartenait au foot. Je suis arrivé au PSG en novembre. Il venait d’écarter Chris Singleton. Jacky Renaud faisait le manager général. Comme Jean Galle et Guy Chambilly, Charles Biétry (NDLR : le chef des sports de Canal+, président du club) est venu à Limoges me rencontrer. Ce n’est pas anecdotique. Il m’a demandé de venir, en disant que l’on allait fonctionner de telle façon au début, que l’on verrait après. A l’époque, je faisais le Centre de Droit et d’Economie du Sport. C’était sur deux ans et je venais de finir ma première année. J’avais mis comme condition d’être absent à toutes les sessions, du lundi au jeudi. J’ai même manqué un déplacement, je crois en Turquie. S’il m’avait dit que ce n’était pas possible, je ne suis pas sûr que je serai allé à Paris.

Ça vous a permis de mener une sorte de double carrière par la suite, notamment à Limoges ?

J’ai été entraîneur et manager général. On était une Société Anonnyme et dans le Directoire, il y avait trois personnes, Jean-Pierre Karaquillo, le président, Alain Cloux (NDLR : Alors Directeur administratif et qui reviendra à la rentrée au CSP comme Directeur Général), et je voulais y être pour prendre des décisions par rapport au club. C’était dans les années 2000, le club avait chuté complètement. Je ne pouvais pas être au Directoire en tant qu’entraîneur. Cette formation au Centre de Droit et d’Economie du Sport, je voulais la faire quand j’étais avec Boja, mais ça n’avait pas été possible parce qu’on faisait des coupes d’Europe. C’est donc quand je me suis retrouvé sans club, avant Paris, que j’ai enclenché cette première année de formation. J’étais parti du principe que ce qui manquait à l’époque, c’était un manager général. On avait un mec plus ou moins bénévole qui faisait office, mais un manager général professionnel, c’était pour moi l’un des avenirs des clubs pour pouvoir bien fonctionner, comme on dit aujourd’hui qu’il faut une cellule de recrutement dans les clubs, parce que l’entraîneur, le manager général et le directeur administratif ne peuvent pas tout faire. Je me suis dit qu’entraîneur ça avait ses limites, et qu’à un moment je pourrai basculer general manager d’un club. Ça ne s’est pas fait vraiment comme je l’ai voulu car les clubs n’étaient pas prêts à l’époque.

Quand on voit l’évolution des structures des clubs sur 20 ans, c’est spectaculaire, et ce n’est pas encore abouti ?

C’est spectaculaire et c’est dans le bon sens. Certains clubs ne se rendent pas compte qu’il vaut mieux prendre un mec au marketing qui va coûter 25 000 euros, mais qui va en rapporter 300 000. Ils préfèrent mettre un copain qui le fera quand il aura le temps. Le chef d’entreprise ne va pas penser tout le temps à aller voir le commerçant du coin. L’évolution est lente ! Quand en 2004, Fred (Forte) a repris le club et m’a demandé de venir l’aider, en tant que manager général, la première chose que l’on a fait, c’est de prendre un responsable marketing, Vincent Bonnet, qui est aujourd’hui le grand responsable au Stade Toulousain rugby. A l’époque, il était jeune, pas du tout formé pour ça, on était en Nationale 1, on lui a dit d’aller voir les commerçants, le mec s’est donné à fond, et je ne te dis pas le pognon qu’il a ramené. Je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui, au CSP, ils aient un gars, qui a remplacé Steph (Ostrowski) et qui fasse le tour des partenaires. Il faut aller les persuader, avoir des arguments, du bagou !

Photo : Maxi-Basket

« Alain (Thinet) est inoxydable. Je le connais bien, j’ai fait l’armée avec lui. »

Vous étiez estampillé Limougeaud et vous êtes passé à Pau. C’est de la haute trahison ?

On y arrive ! (Rires). Les premiers qui me l’ont dit, ce sont mes fils. Combien de gens sont passés de Limoges à Pau !? Beaucoup plus que ceux de Pau qui sont montés à Limoges. Claude Bergeaud, qui était devenu manager général, était venu me voir lorsque j’étais à Bourg-en-Bresse. Le président était Didier Gadou. Ils étaient redescendus en Pro B, ils aimaient bien le jeu que je développais à Bourg. On a échangé pour voir si on était sur la même longueur d’ondes. A Bourg, j’avais un contrat 1+2, si bien qu’au bout de la première année, ils pouvaient décider de ne pas me garder comme moi de partir. J’étais allé voir les gens de Bourg-en-Bresse pour savoir ce que l’on allait faire, si on continuait ensemble. Je n’ai pas eu de réponse pendant deux mois, je me suis dit qu’il cherchait quelqu’un d’autre, et quand Claude est arrivé, j’ai hésité, j’ai fait abstraction du fait que je passais de Limoges à Pau, et j’ai dit à Claude « On fonce ! ». Ça s’est très bien passé à Pau, sauf la fin, la troisième année, comme toujours (sourire).

Aujourd’hui, vous êtes installé à Limoges ? Vous êtes Limougeaud ?

Non, en ce moment, je suis Européen (sourire). J’ai acheté une maison aux alentours de Limoges, même si aujourd’hui elle est louée et je vis dans un appartement dans le centre-ville. J’ai 3 000m2 de terrain, je vais avoir 68 ans, alors m’occuper des jardins, tailler les arbres, non, j’ai laissé ça aux autres.

Est-ce difficile d’avoir terminé votre carrière à Orchies en 2014 sans avoir été conservé ?

Si tu gagnes un titre, est-ce que tu vas te dire « j’arrête ? » Regarde Greg Beugnot, Philippe Hervé, ils n’ont pas fini sur des titres.

Ça fini souvent en queue de poisson une carrière de coach ?

Ou tu es en fin de contrat, ça s’est mal passé et ils ne te gardent pas, ou tu es viré en cours de saison parce qu’il n’y a pas de résultats, ils te disent que ton basket ce n’est plus ça… Ils trouveront toujours une bonne raison comme ils ont trouvé une bonne raison de te recruter.

Alain Thinet de Saint-Chamond a votre âge et il va encore continuer un an ?

Alain est inoxydable. Je le connais bien, j’ai fait l’armée avec lui. Ça fait dix ans qu’il est là-bas, il a pu construire quelque chose, même s’il n’a pas eu que des moments faciles. Pour revenir à Orchies, là, ça s’est fait par téléphone avec le maire de la ville qui était le président du club. J’étais du Nord, ils ont joué un peu sur la fibre nordiste, ils avaient une salle de 5 000 places. C’est un peu une déception pour moi parce que l’aventure aurait pu continuer, mais le club n’avait pas les ambitions que la salle et l’environnement leur permettaient, car Orchies c’est Lille, il y a des autoroutes partout. Tu peux refaire un Berck là-bas, un club de basket régional. Quand je suis arrivé, ce n’était pas trop l’ambition des dirigeants, et puis on a eu des blessés. Souvent, quand tu joues les fins de tableau, que la pression est permanente, que chaque match est à la vie, à la mort, souvent les blessures arrivent. On a eu deux blessés majeurs, un pivot et un meneur de jeu, ce qui a fait que l’on n’a pas gagné le match qui aurait permis au club de rester en Pro B. Je me suis demandé si ça valait le coup de continuer l’aventure pour rentrer des projets qui ne sont pas les miens.

Suivez-vous toujours le basket ? La Betclic Elite ? L’Euroleague ? L’équipe de France ?

Moins que si j’y étais, bien sûr, mais je suis pas mal sur Internet ce qui peut être dit à droite, à gauche. Quand il y a des matches intéressants, je regarde la Betclic Elite, mais je regarde surtout l’Euroleague. Comme RMC ne diffusait plus l’Euroleague, je me suis abonné tout au début à EuroleagueTV. Tu bascules sur ta télé, c’est aussi beau. C’est bien filmé, pas comme Betclic où il y a une caméra qui se balade de droite à gauche. Les commentaires sont en anglais, mais ce n’est très grave. Ce que je n’arrive pas à comprendre c’est comment BeIN Sport peut avoir la Betclic Elite sans donner d’argent. Le championnat français est complètement dévalorisé, personne n’en veut, c’est incroyable. C’est vrai que l’on voit des matches, à Sport en France, sur La Chaîne L’Equipe, mais ça va durer longtemps comme ça cette affaire ? Je ne suis pas sûr.

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Vous avez été assistant de Bozidar Maljkovic à Limoges, champion d’Europe en 1993. Considérez-vous qu’il a révolutionné le basket en France à cette époque ?

Quand il est arrivé, j’ai lu que pas mal d’entraîneurs était contre son jeu, que faire 50-49 ce n’était pas bon.

Notamment, le coach de Trévise battu en finale, Petar Skansi ?

Oui et même des entraîneurs français et parfois haut placé dont on pensait qu’ils connaissaient très bien le basket. On s’en est rendu compte après son départ, en se disant qu’avec les résultats obtenus, c’était peut-être une bonne méthode. C’est vrai qu’auparavant, il y a eu la méthode Michel Gomez où il fallait gagner 101 à 100. Boja estimait, lui, qu’il y

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