Quand dans quelques olympiades, joueurs et spectateurs se souviendront d’avoir participé ou assisté à cette Coupe du Monde à Nantes, ils se diront qu’ils ont été des pionniers.
Température caniculaire au Parc des Chantiers de Nantes même si la brise océanique vient atténuer quelque peu les effets sur les organismes des 35 degrés centigrades. Et puis la chaleur de juin correspond davantage à un tournoi de 3×3 qu’à une finale de Pro A dans une étuve.
Les lunettes de soleil sont obligatoires y compris pour certains arbitres. Le débardeur est privilégié, la casquette et la crème solaire conseillées. Avec ce plafond céleste bleuté, le Magic Sky -le nom de l’arène- est superbe dans le paysage. Un grand toit blanc, disposé sur le demi-terrain en gris clair et gris foncé, fait pour protéger des intempéries retient en la circonstance les dards du soleil.
« Chacun est assis à un maximum de vingt mètres des joueurs et peut entendre les halètements, les cris et les chocs »
Une ambiance électrique
Les spectateurs entament une longue file d’attente pour obtenir gratuitement un des neuf cents sièges de l’arène répartis en quatre tribunes avec un carré VIP surplombant le terrain. C’est un privilège d’assister à une Coupe du Monde d’un sport devenu olympique surtout que chacun est assis à un maximum de vingt mètres des joueurs et peut entendre les halètements, les cris et les chocs. Un écran de bonne dimension permet de revoir les plus belles actions. Ceux qui n’ont pas pu pénétrer dans le saint des saints s’assoient devant l’écran géant du village « The Bridge » et profitent d’un rafraîchissement. La compétition est aussi retransmise sur la chaîne SFR Sport 2 et partout à travers le monde par le truchement de la chaîne Youtube de la FIBA. [arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »]
En ce jour de la fête de la musique, la sono est à fond. On entend passer San Francisco de Scott McKenzie, James Brown et Gary Glitter revus, corrigés, pas forcément améliorés, mais le DJ a de l’énergie tout comme les speakers, qui payent de leur personne, l’un en anglais, l’autre en français. L’ambiance est électrique.
« Au 3×3, les femmes sont l’égal des hommes en bénéficiant de la même exposition »
Un sport de zapping
Le 3×3 est un sport de zapping en adéquation avec son époque. Chaque rencontre dure dix minutes de jeu effectif. Le maximum de temps pour shooter est de douze secondes. Pas assez pour mettre en place de savants systèmes. Au 3×3, on est toujours dans l’urgence et Vincent Collet n’y serait pas plus à l’aise qu’un poisson rouge hors de son bocal. Un panier vaut un point comme un lancer et le double s’il est inscrit derrière l’arc. Si une équipe atteint les 21 points, elle gagne le match sans attendre le buzzer. Si on a recours à une prolongation, la première équipe qui marque deux points s’octroie le gain de la rencontre. Les temps-morts ? Un par équipe plus deux coupures publicitaires.
Avec 20 équipes masculines, autant de féminines et 26 nations représentées, les journées sont très longues. Le Day 5, hier mercredi, a débuté à 14h et s’est terminé au-delà de 22h. Il n’y a pas de break et au 3×3, les femmes sont l’égal des hommes en bénéficiant de la même exposition. Cette mixité est une vraie réussite.
Si on fait des rapprochements avec le beach volley, on peut aussi se croire dans une sorte de All-Star Game avec un match de VIP auquel participe l’ancienne internationale Emilie Gomis. Le concours de shoots à trois-points est remporté par le Français Angelo Tsagarakis, un joueur de première division grecque tout de même. La troisième est la Tchèque Michaela Uhrova.
Le concours de dunks est juste grandiose ! Les fous volants sont des joueurs qui ont participé à la Coupe du Monde mais ce sont des as qui rivalisent d’imagination et font du saute-mouton avec des quidams. Peu importe leur nombre, peu importe leur taille. Le vainqueur n’est pas américain puisque Chris Staples s’incline en finale face au Polonais Raf Lipinski qui ne paye pas de mine (1,89m pour 78 kg) mais vaut 1,27m de détente verticale.
« Ça cogne et les premières à se donner des baffes, ce sont les filles »
Des gladiateurs
L’esprit américain est omniprésent. Beaucoup de joueurs s’affublent de surnoms. Il y a le Slovène Simon « The Sphinx » Finzgar, le Roumain Bogdan « Mister hastag » Sandu, le Français Angelo « The Star » Tsagarakis, et encore le Néerlandais Bas « The Mountain » Rozendaal, le point culminant du tournoi avec ses 2,13m.
Ce sont des gladiateurs, et on confirme, on n’est pas loin du « no blood, no foul » cher aux playgrounds américains. Ça cogne et les premières à se donner des baffes, ce sont les filles. C’est surtout extrêmement intense. « Il faut avoir un super cardio », nous disait l’entraîneur des équipes de France, Richard Billant. De fait, on monte rapidement dans les tours. « Un bon joueur de 3×3 est complet, polyvalent. C’est-à-dire endurant, rapide, agile et avec une forte capacité à shooter de loin », estime Essar Gabriel, ancien président du Paris Basket et boss du tournoi.
Il y a des moments d’extrême émotion, public comme lorsque Hongroises et Ukrainiennes sont en attente du jugement de l’arbitrage vidéo après un tir au buzzer aussi acrobatique que chanceux mais victorieux. Les cris de joie des Hongroises résonnent encore dans le Magic Sky alors que les Ukrainiennes sont toujours en ce moment à sécher leurs larmes.
« On est tellement fatigués après ces cinq jours de compétition »
La communion des Bleus
Plus intime, derrière les tribunes, le moment de recueillement des Français enlacés après l’obtention de leur médaille de bronze. Juste se prêtent-ils à quelques photos avec le staff pour l’éternité. Le seul media qui vient à leur rencontre, le représentant de BasketEurope.com se sent comme un intrus. « On est tellement fatigués après ces cinq jours de compétition. Je suis si fier en tant que capitaine de ce que l’on a fait », nous dit alors le Vichyssois Charles-Henri Bronchard. C’est de l’authentique, pas du surjoué comme dans certaines vestiaires remplis de caméras de télévision. On sent que ces quatre gars-là, Angelo, Charles, Charly Pontens et Dominique Gentil ont vécu des moments de partage comme probablement jamais durant leur carrière de 5×5.
Les Serbes, qui ont vaincu les Bleus en demi-finale, sont de nouveau champions du monde comme en 2012 et 2016. Leur force, c’est leur collectif, ils jouent ensemble toute l’année, un collectif bonifé par Dusan Domovic Bulut aka Mr Bullutproof, le numéro 1 au ranking de la Fédération Internationale, et Dejan « The Maestro » Majstorovic, meilleur marqueur du tournoi avec 60 points -11 lors de la finale contre les Pays-Bas.
La FIBA peut être satisfaite. L’organisation a été parfaite. Un record d’un million de vues a été atteint sur sa page Facebook dédié. 40 millions de vues ont été enregistrées sur sa chaîne YouTube et 100 million sur l’ensemble des médias sociaux.
Les seuls grands perdants de la semaine, ce sont les Américains. Les six médailles en jeu sont revenues à des nations européennes. Il va falloir que l’Oncle Sam revoit son mode de sélection pour le 3×3. C’est un sport olympique désormais, guys !
Jean-Pierre Siutat
« Plus on va aller dans le temps et plus les joueurs devront être des spécialistes de 3×3 »
Juste avant de partir à Prague pour assister au quart-de-finale de l’équipe de France à l’EuroBasket féminin, le président de la FFBB était présent à cette Coupe du Monde de 3×3 et nous a fourni ses impressions sur le devenir de cette nouvelle discipline olympique.
« C’est difficile de dire qu’elle sera le rythme de croisière du 3×3 et du 5×5 dans dix ou vingt ans. Ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui la volonté de la FIBA est de permettre à des petits pays d’accéder aux Jeux Olympiques. Or le 5×5 qualifie globalement toujours les mêmes équipes. Au 3×3, tout reste à faire. Tout dépendra comment les équipes seront constituées. Qui voudra aller aux Jeux Olympiques ? Les nations dites fortes en 5×5 ou celles qui n’en ont pas la capacité ? On le voit ici, c’est un jeu très spécifique et plus on va aller dans le temps et plus les joueurs devront être des spécialistes de 3×3. Se dire que l’on pourra faire une saison de 5×5 et en quelques jours se mettre au 3×3 et faire une qualification olympique, ça me paraît difficile.
On va en discuter avec d’autres pays mais je pense que demain on sera dans un tronc commun de l’apprentissage du basket traditionnel jusqu’à un âge à déterminer et ensuite il y aura une spécialisation. Comment ? C’est une vraie question. Aujourd’hui, les joueurs qui sont forts en 5×5 resteront des joueurs de 5×5 car financièrement c’est plus intéressant.
« Demain, demandera-t-on à des joueurs de faire beaucoup de tournois pour qualifier l’équipe et ensuite les laissera-t-on de côté pour mettre, en quelques jours, les meilleurs individuellement ? »
Il y a huit équipes qui vont participer aux Jeux. Je ne connais pas les règles de qualification mais supposons que le pays organisateur (Japon) ait une place, que les champions du Monde en aient une autre, il restera six équipes qui devront se qualifier en respectant des règles continentales. Et cette notion de « meilleur » sera-t-elle liée à des critères de ranking qui existent dans le 3×3 ? Si c’est le cas, il faudra des joueurs qui jouent beaucoup pour que leurs nations aient des points pour se qualifier. Demain, demandera-t-on à des joueurs de faire beaucoup de tournois pour qualifier l’équipe et ensuite les laissera-t-on de côté pour mettre, en quelques jours, les meilleurs individuellement ? C’est une question de fond et chaque nation aura sa stratégie. Quand des joueurs comme Jorge Garbajosa (2,06m, 39 ans, ex-international devenu président de la fédération espagnole) ont fait les qualifications pour la Coupe du Monde, ils se sont fait éliminer !
Pour l’instant un joueur préfère faire du 5×5 car c’est plus lucratif. J’ai discuté avec les Serbes. Ils se débrouillent pour financer leur propre organisation (NDLR : leur sponsor est la marque Red Bull) pour aller chercher des prize money mais aujourd’hui il y a très peu de tournois qui sont financés par des prize money. Ils en vivent mais pas comme si on fait du 5×5. »
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Photo: FIBA