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[REDIFF] Wilt Chamberlain, les Globies et la France (3ème partie): Wilt à la télé française

C’était en juin 1960. Wilt Chamberlain, le joueur le plus dominant de son temps, venait d’être élu MVP de la NBA. Il se retrouva sous le maillot des Harlem Globe Trotters à jouer à Paris, mais aussi anonymement dans la France profonde. Voici en quatre volets cette incroyable histoire.

C’était en juin 1960. Wilt Chamberlain, le joueur le plus dominant de son temps, venait d’être élu MVP de la NBA. Il se retrouva sous le maillot des Harlem Globe Trotters à jouer à Paris, mais aussi anonymement dans la France profonde. Voici en quatre volets cette incroyable histoire.

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Le 25 mars 1960, une dépêche de l’Associated Press en provenance de Philadelphie tombe sur les téléscripteurs. Elle confirme que The Stilt envisage sérieusement de quitter la National Basketball Association. Une nouvelle qui provoque l’incrédulité puisque c’est du MVP de la saison dont il s’agit. Les commentaires sont laconiques. Sa décision est, d’après l’agence, en rapport avec des problèmes raciaux, « mais pas seulement ».

En fait, le Goliath estime que la lutte sous le cercle ressemble à un combat de rue. Il en a ras-le-bol de la violence et que ses adversaires l’expulsent sans ménagement de la peinture et fassent systématiquement faute sur lui et l’envoient sur la ligne des lancers-francs ; un exercice où il est incroyablement maladroit (51.1% de réussite sur l’ensemble de sa carrière). Il n’a pas du tout apprécié que Clyde Lovellette des St. Louis Hawks lui ait cassé quatre dents du devant en lui balançant vicieusement son coude dans la mâchoire. Il se plaint aussi d’être la cible des fans : « Si je marque 50 points dans un match, ils disent que j’aurais dû en mettre 75. »

Le 1er juin, une autre dépêche informe que Wilt a rejoint les Harlem Globe Trotters à Paris, son point de départ qui doit l’emmener en Europe, dans le Proche-Orient et en Afrique du Nord. Il s’agit d’une pige mais Abe Saperstein, le propriétaire des Globies, lui a fait une belle offre de 125 000$ pour qu’il signe pour toute la saison. Wilt réfléchit.

Voici pourquoi Wilt Chamberlain, 24 ans, déjà en passe de réécrire à lui seul le Livre des Records de la NBA, se retrouve en France. Ses futurs équipiers sont en provenance de Londres où ils ont enchaîné six spectacles à Wembley. Lui a pris un vol à Los Angeles pour se retrouver au pied de la Tour Eiffel, sur les terrains de Bir-Hakeim, quai Branly. Il porte un beau costume, un chapeau, et explique à des gosses comment tenir la balle –un modèle qui rassemble étrangement à un ballon de foot- à tirer un lancer-franc –ce n’est pourtant pas sa spécialité- et d’un saut il dunke, sans que cela lui demande le moindre effort. Un quart de siècle avant que Michael Jordan et Nike suivent son exemple, Abe Saperstein a compris que l’association de son phénomène et de la Tour Eiffel est la meilleure des publicités pour sa troupe.

Wilt au Palais des sports

Dans son édition du jour, L’Equipe indique que les Globies ont trois matches à livrer au Palais des sports de la porte de Versailles, contre les US Stars, et que Chamberlain va recevoir à cette occasion le trophée du meilleur sportif américain offert par Sporting News, un superbe livre relié et un prix de 3 000$.

Le Palais des sports, qui succède au Vel’ d’Hiv, démoli un an plutôt, vient d’être inauguré. C’est la seule salle de la capitale pouvant accueillir jusqu’à 5 000 spectateurs et elle dispose d’un dôme composé de 1 100 panneaux d’aluminium qui représente une véritable prouesse technique. Le lendemain, L’Equipe fera part de sa déception quant à l’assistance : « Voilà onze ans que les Harlem reviennent périodiquement à Paris et c’est sans doute pour cela que le Palais des Sports n’a pas fait le plein hier soir », y lit-on.

Pierre Tessier, trente-sept ans de rubrique basket dans le quotidien sportif, est par contre dithyrambique quand il décrit la production de Chamberlain : « monté sur des longues pattes d’échassier, il est vraiment le phénomène annoncé. Jamais nous n’avions vu un basketteur jouer et surtout smasher la balle dans le panier avec une telle efficacité. En outre, excellent aux jump shots, et bon passeur, Chamberlain a certainement fait rêver hier tous les entraîneurs français qui étaient présents au Palais des sports. » Pour mettre en perspective la taille de Chamberlain (2,15m), il faut savoir qu’en première division, les double mètres se comptent alors sur les doigts d’une main. Le lendemain, Pierre Tessier mettra une deuxième couche signant un portrait de quelques lignes avec un titre à rallonge comme on en raffolait à l’époque : « le meilleur joueur du monde est à Paris. Pour Wilt Chamberlain géant aux bras d’or, le basket est un art… bien payé. »

Ne croyez pas que la venue de ce Goliath, que d’aucuns considèrent comme sportif le plus exceptionnel de tous les temps, a mis Paris en ébullition. D’ailleurs, en ce début d’été, dans L’Equipe, le basket est noyé au milieu d’autres rubriques nettement mieux nourries. Il faut constater que cinquante-quatre ans plus tard, la présence de Wilt Chamberlain dans la capitale n’a laissé aucun impact, ou presque. Le hasard nous a permis tout de même de discuter avec un témoin de l’époque, l’international Maxime Dorigo. « J’ai vu le match ! », nous a-t-il dit. « Il avait impressionné par sa stature, sa morphologie. Il avait des épaules et des chevilles comme ça, on se demandait comment il tenait debout. C’était impressionnant tellement c’était fin. Une gazelle. » Pour l’anecdote, sachez que Max jouera lui-même plus tard contre les Harlem Globe Trotters, sans Chamberlain. « Avant leur match, ils avaient fait un quart d’heure contre la Racing, le PUC, et Bagnolet, chacun à leur tour », se remémore-t-il. « Le seul qui avait tiré son épingle du jeu, c’est mon frère Laurent, qui avait mis dix-huit points du milieu du terrain ! En dessous-ce n’était pas possible. Tu ne pouvais que tirer à mi-distance. Ils jouaient pour gagner et ils ont battu tout le monde. »

Wilt en deuxième partie de soirée

Il apparaît tout de même mystérieux que la venue dans la capitale de Wilt Chamberlain n’ait pas imprégné la mémoire collective. Car, en poursuivant notre investigation, nous avons découvert que le match du 1er juin fut retransmis par la télévision française !

En 1960, la France commence tout juste à découvrir la télévision, encore réservés à une élite urbaine. A peine trois millions de foyers sont équipés de téléviseurs. Il n’existe qu’une chaîne à la RTF, évidemment en noir et blanc. Les programmes ne sont pas toujours annoncés à l’avance. Ainsi, dans l’un deux, on peut lire que le mercredi 1er juin –en ce jour de grève générale de la SNCF-, sera diffusée à 20h35, « La Piste aux Etoiles », une émission de cirque que nombre de Français encore dépourvus de petit écran vont regarder chez le voisin. Et qu’avant « Lectures pour Tous », à 22h05, est prévu, à 21h35, un reportage d’actualité sans autre précision. Il s’agit en fait du match des Globies.

Nous nous sommes procuré le reportage sur l’INA. Trente-trois minutes d’une retransmission en direct réalisée par Pierre Mignot et commentée par Etienne Lalou. Lalou est un pionnier de la télé française, un grand reporter, et il a la particularité d’avoir joué au basket au PUC. Première impression : le Palais des sports est superbe, bien plus séduisant que ne l’est aujourd’hui le stade Pierre-de-Coubertin. Il est effectivement à moitié vide. Voici in-extenso comment Etienne Lalou présente le meilleur basketteur de son temps aux Français qui ont décidé de veiller tard : « Nous aurons la primeur d’une vedette nouvelle qui j’espère jouera pendant le temps que la télévision retransmet le match, qui est le fameux Wilt Chamberlain. Wilt Chamberlain qui est le joueur professionnel le mieux payé aux Etats-Unis, qui le mérite par sa classe, par sa forme physique et son adresse au basket-ball. Wilt Chamberlain qui mesure 2,18m et saute très facilement deux mètres en hauteur sans entraînement spécial… » Il n’est donc pas fait référence à la NBA, encore moins à son titre de MVP et aux Philadelphia Warriors. Insistons sur ce point : la National Basketball Association est alors TOTALEMENT inconnu des amateurs de basket. Alors, des profanes…

Très bonne nouvelle, Wilt Chamberlain est dans le cinq de départ. « La couleur de la peau permet d’identifier des deux équipes », lâche Etienne Lalou. Pas faux. Wilt porte le numéro 13 et effectivement, il joue deuxième arrière. C’est juste hallucinant, car s’il descend de l’avion, est sur la réserve, l’Echassier fait preuve d’une mobilité, d’une agilité qui peut inspirer les big men du XXIe siècle. Sur la première action, il fait un « passe et va » à Meadowlark Lemon qui est au piquet –le terme employé alors pour le post-, la reçoit en retour et va dunker après avoir monté la balle haut dans les airs. Deuxième action, il contre. « Lorsque les Harlem veulent jouer, on ne voit pas une équipe qui peut valablement leur être opposé », estime Etienne Lalou qui rit des pitreries de Meadowlark Lemon, lequel cache la balle sous son maillot. C’est le clown du show, celui qui a succédé à Goose Tatum. Chamberlain, lui, fait le job, tranquille, se prêtant aux interminables « huit » (lorsque les arrières se passent latéralement la balle de la main à la main, en tête de raquette, à six-huit mètres). Il prend des rebonds et fait des passes avec des gestes amples « à la Harlem ». Il se prête aussi aux clowneries en juchant la balle au sommet de son bras afin d’empêcher l’arbitre de la récupérer. Rien à voir avec la férocité que nous renvoient ses highlights de NBA de l’époque.

Après un quart d’heure de jeu, un jongleur vient faire un long intermède avec des assiettes qui tournent sur elles-mêmes au bout d’une perche. C’est de l’entertainment, un mélange de sport et de divertissement. La NBA n’a rien inventé. Le tout parait longuet, mais en fait,  le public dans la salle est ravi. Une évidence, tout de même : les téléspectateurs français n’ont qu’une vision très imparfaite de qui est vraiment Norman Wilton Chamberlain.

Dernier épisode :

Courgeoust, 479 habitants

Article paru dans Basket Hebdo en 2014

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Le 25 mars 1960, une dépêche de l’Associated Press en provenance de Philadelphie tombe sur les téléscripteurs. Elle confirme que The Stilt envisage sérieusement de quitter la National Basketball Association. Une nouvelle qui provoque l’incrédulité puisque c’est du MVP de la saison dont il s’agit. Les commentaires sont laconiques. Sa décision est, d’après l’agence, en rapport avec des problèmes raciaux, « mais pas seulement ».

En fait, le Goliath estime que la lutte sous le cercle ressemble à un combat de rue. Il en a ras-le-bol de la violence et que ses adversaires l’expulsent sans ménagement de la peinture et fassent systématiquement faute sur lui et l’envoient sur la ligne des lancers-francs ; un exercice où il est incroyablement maladroit (51.1% de réussite sur l’ensemble de sa carrière). Il n’a pas du tout apprécié que Clyde Lovellette des St. Louis Hawks lui ait cassé quatre dents du devant en lui balançant vicieusement son coude dans la mâchoire. Il se plaint aussi d’être la cible des fans : « Si je marque 50 points dans un match, ils disent que j’aurais dû en mettre 75. »

Le 1er juin, une autre dépêche informe que Wilt a rejoint les Harlem Globe Trotters à Paris, son point de départ qui doit l’emmener en Europe, dans le Proche-Orient et en Afrique du Nord. Il s’agit d’une pige mais Abe Saperstein, le propriétaire des Globies, lui a fait une belle offre de 125 000$ pour qu’il signe pour toute la saison. Wilt réfléchit.

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