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Didier Primault, économiste du sport : « Comment avoir une concurrence saine et non faussée avec des règles complètement différentes ? » (1/2)

Didier Primault est économiste du sport. Il fut le directeur du Syndicat des Joueurs (SNB) de 1989 à 1997. Il est aujourd’hui le directeur général du reconnu Centre de Droit et d’Economie du Sport (CDES) de Limoges et membre de la Commission de qualification de la Ligue Nationale de Basket. Il possè

Didier Primault est économiste du sport. Il fut le directeur du Syndicat des Joueurs (SNB) de 1989 à 1997. Il est aujourd’hui le directeur général du reconnu Centre de Droit et d’Economie du Sport (CDES) de Limoges et membre de la Commission de qualification de la Ligue Nationale de Basket. Il possède ainsi une compétence pour comparer les budgets et masses salariales de Betclic Élite avec ceux de l’étranger, analyser l’économie de l’Euroleague et de ses clubs, donner son avis sur la règle des Joueurs Formés Localement (JFL), ou encore sur les relations avec les agents. L’interview est en deux parties.

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Les budgets et les masses salariales officiels des clubs de la Ligue Nationale de Basket sont-ils tous calculés de la même façon ? Il apparaît par exemple que des clubs n’incluent pas leur directeur sportif dans la masse salariale ?
Je n’ai pas d’idée précise là-dessus, mais à mon avis ça reste à la marge. Je ne rentre pas dans le détail des contrôles de gestion, je ne fais pas partie de la commission elle-même, mais j’estime qu’en France, c’est sans doute le contrôle de gestion le plus exigeant, le plus rigoureux, plus que le foot et même le rugby et le handball. Ça tient largement à la personnalité de Cyrille Muller (NDLR : son ancien président) au départ, qui n’était pas quelqu’un à qui on pouvait dire comment faire les choses, et ils étaient vraiment indépendants. Philippe Ausseur (NDLR : son successeur) est dans le même genre. Dans d’autres sports, et dans le foot en particulier, on peut considérer qu’ils ont été un peu conciliants comme, par exemple, sur le dossier sur Lille ces dernières années. Je ne suis pas sûr qu’il y ait eu là une application stricte de toutes les règles. Le basket n’a jamais été dans ce cas-là depuis que ça a été pris en mains par Cyrille Muller en 2003. Il y a toujours des éléments d’interprétation sur la compta car effectivement le directeur sportif doit-il être dans une masse salariale sportive ou est-il directeur au-delà du sportif et donc une partie de son salaire doit-il basculer sur autre chose ? Mais, à mon sens, on ne peut pas dire que l’équité n’est pas respectée au niveau du Contrôle de gestion du basket.

Comment se fait-il que la plupart des clubs étrangers aient une masse salariale proportionnellement beaucoup plus élevées vis-à-vis de leur budget ? Un exemple : le Zalgiris Kaunas annonce un budget de seulement 10 millions d’euros, mais une masse salariale de 7,2M€. Par ailleurs, les budgets de plusieurs clubs espagnols paraissent extrêmement faibles alors qu’ils ont des joueurs référencés. Gran Canaria annonce un budget équivalent à celui de Cholet Basket
On ne connaît pas assez les systèmes pour savoir ce qui est vraiment fiable et ce qui ne l’est pas. Avec nos formations internationales, on a de plus en plus la connaissance de l’intérieur avec des gens qui bossent dans les fédérations et les clubs à l’étrangers, mais même comme ça c’est quand même difficile à contrôler véritablement. On peut toujours s’interroger sur la qualité des données qui circulent, tout le monde ne met pas tout sur la table. C’est vrai que l’Euroleague exige aujourd’hui des données financières, il est précisé que des cabinets d’audit font ça, mais je reste malgré tout circonspect sur la qualité des données et, même si on veut être totalement transparent, sur la difficulté qu’il y a à comparer après les comptabilités, les régimes fiscaux de différents pays, etc. J’ai eu la semaine dernière une intervention avec le big chef du fairplay financier à l’UEFA – que je connais bien depuis 20 ans -, et dans le foot avec les moyens humains, techniques et financiers qu’ils ont, il me dit que c’est toujours très compliqué de comparer ce qui au départ est peu comparable.
Par exemple, en football, on sait qu’en Slovaquie et en République Tchèque, les joueurs ne sont pas salariés. Ce sont des autoentrepreneurs. Avant que l’on se penche là-dessus, il y a une dizaine d’années, personne ne soupçonnait qu’en Europe, des joueurs aient des statuts comme ça. Quand vous découvrez ça, après vous n’êtes plus sûr de rien ! En Espagne, le Conseil Supérieur des Sports compile des données des clubs espagnols avec un rapport annuel sur le foot et le basket. On sait qu’en Espagne, ils ont toujours pas mal pratiqué la question des droits d’image. Ça pourrait expliquer une part moins importante de la masse salariale, mais ça ne devrait pas expliquer un budget moindre, mais une fois que tu fais du droit à l’image, qu’est-ce qui t’oblige à faire rentrer tout ça dans le club ? Si les contrôles ne sont pas très serrés sur ces montages-là, ça peut passer. Je pense qu’en France, ça serait compliqué, mais en Espagne a-t-on encore la possibilité de faire des choses comme ça ? Je dois avouer que je ne sais pas, mais ça peut être une hypothèse. Je ne vais pas faire injure à mes amis lituaniens, mais ce n’est pas le pays où les choses sont les plus carrées pour des raisons bonnes ou mauvaises. En foot, il peut y avoir de grosses différences entre les masses salariales quand on compare les Italiens et les Anglais. Celles des Anglais et encore plus des Allemands ont toujours été historiquement plus basses dans le budget. Souvent pour une raison, ils peuvent être propriétaires de leurs stades et avoir des charges supplémentaires. Des éléments comme ça font que le périmètre du club ne va pas forcément être le même, et ça va faire monter ou baisser le pourcentage des masses salariales. Je donne plusieurs pistes, mais il n’y a rien qui me paraît totalement convaincant pour répondre à la question (sourire).

Photo : Nikola Mirotic (FC Barcelone, Euroleague)
« Les déficits dont on entend parler aujourd’hui sont sûrement exagérés pour faire repartir d’une feuille plus blanche, même s’ils sont à l’évidence en difficulté à cause de la pandémie »

Cette disparité choque notre rationalité de Français…
Pour moi, c’est le bug que l’on a depuis longtemps dans le système sportif européen, même si c’est un peu moins vrai aujourd’hui pour le foot. On dit qu’il doit y avoir une concurrence saine et non faussée entre les clubs, mais comment le faire entre un club situé en France et un autre en Lituanie, avec des règles complètement différentes ? Il y a une concurrence directe en sport alors que si on est boulanger, on ne va pas être en concurrence avec le boulanger lituanien. Les dirigeants français disent toujours qu’ils n’ont pas assez d’exonérations fiscales et sociales, mais pour moi le problème n’est pas celui-ci. Pourquoi les autres clubs ne payent pas les charges, les impôts normalement dues dans leur pays ?

Sans doute parce que les gouvernements et les populations tolèrent de faire des exceptions pour les stars ?
Oui. Il y a certainement une complaisance par rapport à ça.

Quand on voit les déficits abyssaux du FC Barcelone, on se dit que c’est la communauté catalane qui tolère ces dérapages, qui a envie que le Barça continue sur le même chemin de la « grandeur » ?
Oui et l’Etat central aussi puisqu’on sait que dans les années quatre-vingt-dix, ils ont effacé d’un trait de plumes des ardoises fiscales et sociales pour le Real et le Barça de plusieurs centaines de millions d’euros. Il y a eu des plaintes de la Commission Européenne qui a dit qu’on n’avait pas le droit de faire ce genre d’aides d’Etat, mais à l’arrivée ça ne change pas grand-chose. Après, je pense que le cas du Barça est un peu particulier. Ils ont bien dérapé, mais ce club est tellement politique, comme le Real d’ailleurs, que lorsqu’on voit sortir des chiffres comme ça au moment du changement de présidence, on peut se dire que le nouveau a chargé un peu la barque pour ses petits camarades qui étaient là avant. Les déficits dont on entend parler aujourd’hui sont sûrement exagérés pour faire repartir d’une feuille plus blanche, même s’ils sont à l’évidence en difficulté à cause de la pandémie. Surtout que ce sont des clubs qui ont de très grands stades et qui génèrent pas mal de revenus avec ça, et ils ont été à l’arrêt complet. Ils ont aussi fait quelques conneries sur le marché des transferts.

En revanche, on peut croire la justesse des chiffres du basket où les recettes sont un peu supérieures à celles d’un très bon club de Betclic Elite et les dépenses de 36 millions d’euros ?
C’est une réalité. Il se trouve que je suis devenu très pote avec quelqu’un qui a été directeur des autres sports au Barça et qui est avec nous sur les formations internationales. Il s’occupait du basket, du hand, du futsal, etc. Et je pense que l’ordre de grandeur est là, les dépenses sont trois à quatre fois supérieures aux recettes et c’est le club omnisports qui compense.

Photos : En haut, Didier Primault. En bas, Alexey Shved (CSKA Moscou, Euroleague)
« Vous allez expliquer à quelqu’un qui a pas mal d’argent qu’il ne peut pas mettre l’argent qu’il veut dans son club de basket ? De quel droit vous voulez m’imposer ça ? »

Croyez-vous à la possibilité d’un fairplay financier, d’une limitation de l’apport des mécènes, en Euroleague ?
Je pense déjà que c’est bien vu. Si on parle du Mans ou de Strasbourg sur le marché des joueurs, ils sont complètement défavorisés par rapport à des clubs qui ont des sommes qui n’ont rien à voir avec l’économie du basket. C’est vraiment à ça qu’il faut s’attaquer… Mais je ne crois pas réellement que ce soit possible dans l’état actuel des puissances, que ce soit Euroleague ou FIBA. Quand on voit les moyens qu’a dû développer l’UEFA juridiquement pour faire admettre le truc au niveau de la Commission Européenne, et humainement et financièrement le coût du dispositif, et les contrôles, c’est faramineux ! Et même avec ces moyens-là, le foot ne peut pas être certain d’avoir véritablement l’image parfaite de ce qui se passe. Il faut tendre vers ça, mais je ne crois pas que l’on puisse y arriver à 100%. J’avais été sollicité par Jordi Bertomeu (NDLR : le PDG de l’Euroleague) en 2013 pour venir sur l’une de leurs réunions de travail à un moment où ils étaient en train de réfléchir à un contrôle de gestion, financier de façon générale. Tous les clubs d’Euroleague étaient autour de la table. Les gens parlaient assez librement. Ils parlaient de ça, de limiter la capacité des mécènes à intervenir. Il n’y avait pas de clubs français à l’époque, mais Vitoria, peut-être Tel-Aviv allaient dans ce sens-là. Et puis, à un moment donné, le directeur général du CSKA Moscou a pris la parole, en disant « je comprends parfaitement ce que vous dites, je trouve ça très cohérent, mais je sais que mon président n’entendra jamais ce discours-là. Vous allez expliquer à quelqu’un qui a pas mal d’argent qu’il ne peut pas mettre l’argent qu’il veut dans son club de basket ? De quel droit vous voulez m’imposer ça ? »

On n’arrive déjà pas à unifier les clubs au niveau de l’Union Européenne, et là on a à faire avec des clubs russes, turcs ou israéliens ?
Je pense que ça serait possible si on repartait d’une feuille blanche. Il n’était pas question d’imposer ces conditions au début des années 2000, au moment de la création de l’Euroleague, mais imaginons que ça se fasse aujourd’hui, on pourrait mettre comme condition de participation de mettre tous les chiffres sur la table, d’accepter de recevoir les auditeurs, de se conformer à tel ou tel mode de comptabilité, et d’accepter que l’investissement des mécènes soit limité par des règles strictes, quelque soit votre surface financière. C’est ce que font la NBA et la NFL, ils imposent des choses qui normalement aux Etats-Unis ne peuvent pas être imposées, mais les règles sont claires dès le départ. Et ça marche. C’est vrai que c’est un seul et même pays, même si on oublie un peu trop souvent que selon les Etats, les fiscalités et les obligations sociales sont différentes. Mais pour revenir à la question initiale, il ne faut pas trop rêver de pouvoir arriver à une efficacité de 100 %. Mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas y aller. Il faut être encore plus créatif pour trouver dans cet environnement là des règles pour accroître l’efficacité.

L’Euroleague n’arrive déjà pas à appliquer des règles plus simples. Par exemple, elle impose en théorie des jauges minimales pour les salles. Or Monaco, l’ASVEL ou Barcelone ne les respectent pas, ont des passe-droits, même si l’ASVEL a un vrai projet d’Arena ?
Oui, et on n’imagine pas en NBA les clubs remettre en cause leur staff. Ils ont donné un mandat à Adam Silver et tant qu’il coure, ils seront derrière. C’est vrai qu’en Europe, on ne fonctionne pas de la même façon, et c’est plus difficile d’imposer des règles contraignantes. Outre le fait que toute Euroleague qu’ils sont, ils vont se heurter aux mêmes problèmes que l’UEFA. A un moment donné, la Commission Européenne peut s’intéresser à ces règles-là pour savoir si c’est conforme ou non à la concurrence. Si les règles sont trop strictes et trop éloignées des standards de la libre concurrence, ils auront les mêmes problèmes que les fédérations qui ont voulu imposer ça.

Lorsque l’Union Européenne décide quelque chose, ça s’impose à un organisme comme l’Euroleague qui pourtant comprend des clubs qui n’appartiennent pas à l’Union Européenne ?
Les règles européennes s’appliquent sur toutes les règlementations qui ont des effets sur des acteurs européens… Même s’il n’y a que deux clubs qui sont membres de l’Union Européenne. C’est un peu ce qui s’est passé avec l’arrêt Bosman. La FIFA avait répondu : « nous, on ne s’occupe pas que du petit groupe de pays de l’Union Européenne. » « Oui, mais vos règles produisent des effets dans l’Union Européenne, nous, on s’y interdit. » Au départ, la libre circulation concerne un Belge qui veut aller jouer en France, et à l’arrivée, ça a imposé à l’UEFA d’appliquer pour toute l’Europe les règles de la libre circulation, qui devaient a priori s’imposer que dans l’Union Européenne. Ils ont unifié les règles sur les bases de ce qui était exigé par la Commission Européenne.

Photo : Kostas Sloukas (Olympiakos, Euroleague)
« La Commission européenne peut dire, à un moment donné, qu’une règle de l’Euroleague n’est pas conforme au droit européen, mais elle ne va pas arbitrer pour dire, « les gentils c’est la FIBA et les méchants c’est l’Euroleague »

A ce propos, un avocat belge remet en cause la règle des Joueurs Formés Localement (JFL), en football évidemment. La question a été posée à la Cour de Justice Européenne. Qu’en pensez-vous ?
Lorsque c’est une affaire nationale, c’est le Tribunal qui lui-même va poser la question à la Cour de Justice et ça devient une affaire de justice si la Cour de Justice s’estime compétente. Après, sur certains dossiers comme celui de la FIBA et de l’Euroleague, quand ça concerne la libre concurrence et non la libre circulation, ça peut être la commission elle-même qui tranche les cas. C’est très, très long pour rendre une décision. Je ne connais pas exactement le détail, mais je pense que pour la Commission Européenne c’est moins bien cadré que lorsqu’il s’agit d’un tribunal qui saisit la Cour de Justice des communautés européennes. C’est moins vrai aujourd’hui car le secrétaire-général, Andreas Zaklis, est un juriste et il connaît parfaitement les mécanismes, mais à une époque j’entendais dire à la FIBA, dans d’autres fédérations aussi, « on attend les décisions de la Commission européenne. Ils défendent le modèle européen, c’est sûr, ils vont condamner l’Euroleague. » Je leur disais : « vous rêvez, ça n’arrivera jamais ! » La Commission européenne peut dire, à un moment donné, qu’une règle de l’Euroleague n’est pas conforme au droit européen, mais elle ne va pas arbitrer pour dire, « les gentils c’est la FIBA et les méchants c’est l’Euroleague ». D’ailleurs, dans leur première décision, ils ont dit qu’ils n’étaient pas compétents pour traiter de cette question-là. Je pense que la solution du conflit FIBA-Euroleague ne viendra pas de là. Ils pourraient, par exemple, renvoyer la FIBA et l’Euroleague dos à dos, en disant « vous, FIBA, vous avez aussi telle ou telle règle qui n’est pas conforme au droit européen. »

Même si la FIBA a derrière elle les gouvernements ?
Oui. Le traité dit qu’il soutient le mouvement sportif européen, mais ça ne mange pas de pain. A l’arrivée, concrètement, les cas du sport doivent être étudiés exactement comme les autres cas. Jusqu’à présent, la Cour de Justice économique européenne a pris en compte quelques particularités du sport mais elle n’est pas allée très loin sur ce terrain-là.

Et pour en revenir aux JFL ?
Ce sont les mêmes avocats qui sont derrière. Maître Dupont était déjà derrière l’arrêt Bosman. Il y a déjà eu des arrêts par rapport à ça, qui ont parlé de la formation et des Joueurs Formés Localement. La ligue de rugby française avait saisi la commission car on peut soumettre des règlementations, non pas pour leur demander si c’est conforme ou pas, mais pour avoir un avis. Ils ne diront jamais, « ok, vous pouvez y aller, on valide », mais éventuellement, ils vont attirer l’attention sur certains points. Et la ligue de rugby n’a pas été découragée de mettre en place cette règle-là. On considère que ce n’est pas illégitime de mettre en place ce genre de règle pour privilégier la formation et les équipes nationales, mais la deuxième lame, c’est toujours, « mais est-ce que la règle que vous mettez en place est proportionnée avec cet objectif-là ? » Si demain on dit que sur 12 joueurs sur la feuille, on en veut 10 qui sont formés localement, vous êtes sûr de vous faire retoquer. C’est trop attentatoire à la liberté des 2 qui restent. Ça va toujours être ça le petit jeu et personne n’est vraiment capable de dire, avant qu’un jugement ne soit rendu, où ils vont mettre le curseur. C’est là où c’est extrêmement compliqué pour les instances de mettre des règles solides car on ne saura pas avant qu’il y ait une affaire qui vienne traiter exactement de ce cas-là, si votre truc tient la route ou pas. Je trouve que c’est super limite. Vous présentez une règle, elle va être attaquée, ils la prennent et ils disent « c’est bon ou ce n’est pas bon ». Ça veut dire que vous pouvez vous faire dézinguer à tout moment, ça je trouve qu’en terme de sécurité juridique, c’est lamentable.

A suivre demain.

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Les budgets et les masses salariales officiels des clubs de la Ligue Nationale de Basket sont-ils tous calculés de la même façon ? Il apparaît par exemple que des clubs n’incluent pas leur directeur sportif dans la masse salariale ?
Je n’ai pas d’idée précise là-dessus, mais à mon avis ça reste à la marge. Je ne rentre pas dans le détail des contrôles de gestion, je ne fais pas partie de la commission elle-même, mais j’estime qu’en France, c’est sans doute le contrôle de gestion le plus exigeant, le plus rigoureux, plus que le foot et même le rugby et le handball. Ça tient largement à la personnalité de Cyrille Muller (NDLR : son ancien président) au départ, qui n’était pas quelqu’un à qui on pouvait dire comment faire les choses, et ils étaient vraiment indépendants. Philippe Ausseur (NDLR : son successeur) est dans le même genre. Dans d’autres sports, et dans le foot en particulier, on peut considérer qu’ils ont été un peu conciliants comme, par exemple, sur le dossier sur Lille ces dernières années. Je ne suis pas sûr qu’il y ait eu là une application stricte de toutes les règles. Le basket n’a jamais été dans ce cas-là depuis que ça a été pris en mains par Cyrille Muller en 2003. Il y a toujours des éléments d’interprétation sur la compta car effectivement le directeur sportif doit-il être dans une masse salariale sportive ou est-il directeur au-delà du sportif et donc une partie de son salaire doit-il basculer sur autre chose ? Mais, à mon sens, on ne peut pas dire que l’équité n’est pas respectée au niveau du Contrôle de gestion du basket.

Photo : Nikola Mirotic (FC Barcelone, Euroleague)

Comment se fait-il que la plupart des clubs étrangers aient une masse salariale proportionnellement beaucoup plus élevées vis-à-vis de leur budget ? Un exemple : le Zalgiris Kaunas annonce un budget de seulement 10 millions d’euros, mais une masse salariale de 7,2M€. Par ailleurs, les budgets de plusieurs clubs espagnols paraissent extrêmement faibles alors qu’ils ont des joueurs référencés. Gran Canaria annonce un budget équivalent à celui de Cholet Basket
On ne connaît pas assez les systèmes pour savoir ce qui est vraiment fiable et ce qui ne l’est pas. Avec nos formations internationales, on a de plus en plus la connaissance de l’intérieur avec des gens qui bossent dans les fédérations et les clubs à l’étrangers, mais même comme ça c’est quand même difficile à contrôler véritablement. On peut toujours s’interroger sur la qualité des données qui circulent, tout le monde ne met pas tout sur la table. C’est vrai que l’Euroleague exige aujourd’hui des données financières, il est précisé que des cabinets d’audit font ça, mais je reste malgré tout circonspect sur la qualité des données et, même si on veut être totalement transparent, sur la difficulté qu’il y a à comparer après les comptabilités, les régimes fiscaux de différents pays, etc. J’ai eu la semaine dernière une intervention avec le big chef du fairplay financier à l’UEFA – que je connais bien depuis 20 ans -, et dans le foot avec les moyens humains, techniques et financiers qu’ils ont, il me dit que c’est toujours très compliqué de comparer ce qui au départ est peu comparable. Par exemple, en football, on sait qu’en Slovaquie et en République Tchèque, les joueurs ne sont pas salariés. Ce sont des autoentrepreneurs. Avant que l’on se penche là-dessus, il y a une dizaine d’années, personne ne soupçonnait qu’en Europe, des joueurs aient des statuts comme ça. Quand vous découvrez ça, après vous n’êtes plus sûr de rien ! En Espagne, le Conseil Supérieur des Sports compile des données des clubs espagnols avec un rapport annuel sur le foot et le basket. On sait qu’en Espagne, ils ont toujours pas mal pratiqué la question des droits d’image. Ça pourrait expliquer une part moins importante de la masse salariale, mais ça ne devrait pas expliquer un budget moindre, mais une fois que tu fais du droit à l’image, qu’est-ce qui t’oblige à faire rentrer tout ça dans le club ? Si les contrôles ne sont pas très serrés sur ces montages-là, ça peut passer. Je pense qu’en France, ça serait compliqué, mais en Espagne a-t-on encore la possibilité de faire des choses comme ça ? Je dois avouer…

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Photo d’ouverture : Shane Larkin (Anadolu Efes) et Chris Jones (ASVEL), Euroleague

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