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[REDIFF] Interview (2) – Mehdy Mary (coach Limoges): « j’ai un peu ce côté jusqu’au-boutiste, perfectionniste »

Le Limoges CSP a fait appel à quantité de coaches de renom, de Borislav Maljkovic à Dule Vujosevic en passant par Panayotis Yannakis mais après l’Espagnol Alfred Julbe, obligé de jeter l’éponge en raison de résultats jugés insuffisants, c’est un inconnu du grand public, Mehdy Mary, 40 ans, qui a pri

Le Limoges CSP a fait appel à quantité de coaches de renom, de Borislav Maljkovic à Dule Vujosevic en passant par Panayotis Yannakis mais après l’Espagnol Alfred Julbe, obligé de jeter l’éponge en raison de résultats jugés insuffisants, c’est un inconnu du grand public, Mehdy Mary, 40 ans, qui a pris le relais. Même si sa notoriété reste à construire, l’ancien assistant-coach qui a fait ses armes dans le championnat espoir, possède un parcours via l’Espagne qui mérite d’être mis en lumière et propose des réflexions intéressantes y compris sur la pandémie de coronavirus que nous vivons.

Voici la deuxième des trois parties de l’interview.

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Reprenons votre parcours. Vous êtes issu de Gonesse, père boucher, mère d’origine algérienne, et vous avez grandi dans un milieu de boxeurs ?

Je suis né à Gonesse mais j’ai grandi dans le 14e arrondissement à Paris, côté Porte de Vanves. Mon père, mon frère, mes oncles étaient boxeurs et personne ne faisait du basket. Mon père m’a dit un jour qu’il fallait que je fasse du sport, j’ai regardé dans les clubs sportifs autour, il y avait des clubs de basket, j’ai été voir, ça m’a plu. Et vu que j’étais compétent et que ça me plaisait, j’ai accroché. J’ai acheté tous les magazines de basket que je trouvais. Maxi-Basket, Cinq Majeur, Basket Hebdo, on avait tout ça ! Je me suis pleinement investi dans le basket.

A quel niveau avez-vous joué ?

Au départ, j’étais au Racing à Paris et on a même été une année le PSG omnisports à l’époque de Charles Biétry. Je suis allé en centre de formation, j’ai joué un peu en Pro B et globalement en N1 et N2. J’ai fait une année en Espagne à Malaga.

Vous avez déclaré dans Le Populaire que vous trouviez la vie de joueur ennuyeuse ?

J’ai toujours été quelqu’un qui avait besoin d’une variété de réflexions et d’échanges et durant mes années de joueur, ça manquait de stimuli, le côté épicurien. Je n’étais pas un hyper actif dans le sens pathologique du terme mais il me fallait aller vers des choses différentes. Ça m’a tout de suite entraîné vers le métier d’entraîneur avec le côté enseignant, pédagogue. Le côté management aussi qui est venu après. Je suis devenu fan de La Maison Process com qui est un outil qui aide au management.

C’est comme joueur que vous vous êtes retrouvé à Malaga en Espagne ?

Oui. J’étais à Challans en NM1 et j’avais envie de faire quelque chose d’autre. J’avais un ami qui vivait à Malaga et je suis allé lui rendre visite. On est allé voir les matches de pré-saison d’Unicaja Malaga et j’ai rencontré les gens du centre de formation qui m’ont dit qu’ils étaient à la recherche d’un renfort pour jouer avec l’équipe de EBA et peut-être s’entraîner avec celle de LEB. J’ai dit que ça m’intéressait, on a trouvé un accord et je suis resté une année vivre là-bas. Je jouais donc en EBA qui est l’équivalent de la NM2 et je m’entraînais avec l’équipe de LEB Silver qui est l’équivalent de la NM1. En Espagne, ils sont arrivés à un fonctionnement qui fait qu’aujourd’hui l’équipe B de Barcelone joue dans l’équivalent de notre Pro B. Quand j’étais là-bas, l’idée était pour eux d’avoir une équipe espoirs et un ou deux joueurs un peu plus âgés. J’avais 25 ans et j’ai joué ce rôle de joueur un peu plus âgé. J’ai joué avec des gamins de 19 ans qui sont devenus des joueurs pros. J’ai joué avec Victor Faverani (NDLR : intérieur brésilien qui a notamment porté ensuite les maillots du FC Barcelone et du Maccabi Tel-Aviv) qui a été drafté par les Boston Celtics. On s’entraînait ensemble tous les jours. Ils n’ont pas de championnat espoirs comme nous mais l’idée est de les faire jouer en deuxième ou troisième division.

L’équipe de la Chorale de Roanne en 2000-01 en Pro B. Mehdy Mary porte le numéro 11.
Photo: Avec l’équipe de France U19 en 2019.
« Et puis à force de faire des demandes, j’ai eu accès aux entraînements de Scariolo »

A ce propos, est-ce plus profitable comme en Espagne de faire jouer les jeunes avec des adultes ou dans un championnat espoir spécifique comme en France ?

C’est un vaste débat ! J’ai été entraîneur espoir pendant des années et il y a de vraies vertus à avoir un championnat espoir. Ce que les gens ont du mal à comprendre c’est que jouer contre des adultes, ce n’est plus le même style. Ce n’est pas que le niveau est plus fort ou moins fort. Pour être très concret, une équipe espoir qui jouerait en NM3 ou NM2, il y aurait beaucoup d’attaques de zone, beaucoup d’attaques de pick and roll et on passe en dessous, beaucoup d’attaques de sorties d’écran, les joueurs y passent en-dessous. C’est une stratégie qui mène plus à mettre l’adversaire en difficulté en misant sur sa maladresse et son incapacité à lire une situation que des choix défensifs qui sont plus tournés vers ce qui se fait en Jeep Elite et donc la préparation à la Jeep Elite. Après, est-ce que ce serait mieux que les espoirs jouent en N2 ou N3 plutôt que dans un championnat espoir, je n’ai pas d’avis tranché. Pour moi, le cœur n’est pas là mais dans la formation des joueurs en tant que sportifs et dans le développement des individus à l’image de ce que font les Américains et là on a du retard. Quelqu’un qui sort d’un programme NCAA, il y a ce côté inspirant, le côté « coachable », « accountable » (redevable) que peuvent transmettre la plupart des universités américaines. On doit se rapprocher de ça et après que l’on joue en N2-N3 ou en espoirs, aucun des deux me choque.

Revenons à l’Espagne. Vous n’avez pas hésité à parcourir des kilomètres pour voir des matches de haut niveau ? Vous avez pu à Malaga assister aux entraînements de Sergio Scariolo et discuter régulièrement avec lui ?

Ce fut une expérience énorme d’autant qu’en même temps je passais le BE2. Il faut savoir que le centre de formation d’Unicaja Malaga c’est un immense gymnase avec trois terrains avec sur l’un l’entraînement des U16 sur un terrain, les U15 et les U18 sur les autres. Il n’y a pas un joueur qui n’a pas le short et le maillot d’entraînement d’Unicaja Malaga. Il y a cinq ou six entraîneurs salariés à temps plein, le directeur du centre de formation qui passe d’un terrain à l’autre, un coach des pros qui passe régulièrement. Tous les bureaux du club sont là et pas dans la salle où l’équipe pro joue. A l’étage, il y a la salle de muscu, en bas des deux côtés les vestiaires, les kinés sont là de 16 à 22h. Il y a deux kinés en permanence pour le centre de formation, les pros ne s’entraînent pas là. Et de l’autre côté à l’étage, il y a tous les bureaux du club, celui du directeur sportif, le secrétariat, la billetterie. Et quand vous sortez de là, vous avez une immense surface goudronnée avec une dizaine, une quinzaine de terrains de mini-basket. C’est un truc énorme, je n’ai jamais vu ça en France. J’ai vu tous les entraînements et j’ai échangé en permanence avec les entraîneurs. Et puis à force de faire des demandes, j’ai eu accès aux entraînements de Scariolo. Au départ, ce n’était pas refusé. On me disait « Mehdy, on a fait la demande, on attend ». Par contre, le jour où ils m’ont dit que c’était bon, je pouvais y aller quand je voulais.

C’est tout de suite après ce séjour en Espagne que vous avez arrêté de jouer ?

Exactement. Je n’ai même pas arrêté de jouer, j’ai commencé à entraîner. Je ne me suis jamais demandé si je devais arrêter de jouer ou pas. C’est une passion qui en a poussé une autre. J’ai eu deux opportunités. Jean-Denys Choulet, que j’ai eu comme entraîneur à l’époque où j’étais à Roanne en tant que joueur du centre de formation et un peu en pro, m’a proposé de venir comme entraîneur espoir. En même temps, j’avais eu Damien Leyrolles à Toulouse au centre de formation avant d’aller à Roanne, et il m’a proposé de le rejoindre à Fribourg où il était entraîneur. Le club voulait monter une académie de basket, ils avaient acheté un immeuble. J’arrive et on me dit « on va recruter tel joueur, on le scolarise là-bas, quel programme d’entraînement ? ». Quelques années plus tard, on fait l’Euroleague junior, Fribourg, un club suisse ! La première année, on bat le Cibona Zagreb et la deuxième année le Montepasci Sienna. On était Benetton Fribourg et Benetton Trévise nous avait invité à passer une semaine là-bas. C’était David Blatt à l’époque le coach des pros. Je suis aussi allé voir le directeur du centre de formation. Il y avait à l’époque une rivalité forte entre Montepasci Sienna et Benetton Trévise et je m’en rappelle car quand on a battu Montepasci en Euroleague junior, eux se sont associés à cette victoire.

Pourquoi Benetton était-il associé à Fribourg ?

Lorsque Dusko Ivanovic était à Fribourg avant de venir à Limoges, c’était déjà Benetton. Ça a été le cas pendant 30 ou 40 ans, ça ne fait que quelques années que ce n’est plus le cas. Le patron de Benetton en Suisse, M. Marangoni, était un proche du fondateur de Benetton. Dès que j’ai été voir M. Marangoni pour voir si c’était possible d’organiser ça avec Benetton Trévise, une heure après je recevais un mail de sa secrétaire et deux semaines après on est parti à Trévise.

Photo: Dule Vujosevic (CSP)

https://www.facebook.com/mehdy.mary/videos/vb.1061438632/10217008760745496/?type=2&video_source=user_video_tab

« J’ai adoré la collaboration avec Dule. On a eu une relation forte et on l’a gardé, on s’écrit régulièrement »

Vous avez donc eu une carrière avec les jeunes, à Fribourg, à l’ASVEL et au CSP. C’était par vocation ou est-ce plus difficile de percer dans le coaching de haut niveau quand on ne s’est pas fait un nom comme joueur en Jeep Elite ?

A Fribourg, j’étais aussi assistant des pros. On avait joué l’ULEB Cup soit l’équivalent de l’Eurocup et j’étais donc déjà pleinement dans l’équipe pro. Je n’avais pas de plan de carrière à me dire, je veux coacher des jeunes pour ensuite coacher des pros. D’ailleurs, j’aurais pu coacher des jeunes sans problèmes parce que j’ai un peu ce côté jusqu’au-boutiste, perfectionniste, et je voulais vraiment maîtriser ce que je faisais. Je voulais développer jusqu’au bout des ongles le développement d’un joueur comme Amine Noua, Charles Gaillou et Digué Diawara, des gamins que j’ai eu à l’ASVEL -Amine Noua je l’ai mis dans le cinq majeur au Trophée du Futur quand il était cadet deuxième année contre Yannis Morin qui était dernière année à Cholet. Ma volonté était d’être expert dans ce domaine de la formation. Et puis, à un moment donné, après douze ans avec les jeunes de 2006 à 2018 plus deux ans auparavant des U15, je me suis dit que j’avais envie d’arrêter. Olivier Bourgain (NDLR : le directeur sportif du CSP) m’avait proposé de prolonger à Limoges mais j’ai refusé pour être entraîneur en chef des pros à Neuchâtel en Suisse. J’avais envie d’autre chose.

Vous êtes quand même revenu ensuite au CSP ?

Oui mais comme entraîneur assistant des pros pas des jeunes.

Pour vous, ce n’est pas un recul de passer de head coach à assistant ?

Non… Je pense que l’on vivra ça de plus en plus. Je discutais avec Elric Delors, qui est un ami et qui est entraîneur au Mans. Je lui disais qu’automatiquement dans nos carrières on aura des moments où ça se passera un peu moins bien et plutôt que de ne pas trouver de boulot, il faut accepter ça. Les Espagnols font ça, j’ai l’impression. Jaume Ponsarnau a été coach en ACB, est devenu assistant coach à Valence et là il en est maintenant le coach. Pareil pour Zan Tabak. Je ne vois pas ça du tout comme un recul mais comme une étape dans une vie professionnelle. C’est un moyen de découvrir autre chose, d’apprendre, de mettre ses compétences à profit.

A propos de coaches formateurs, vous considérez que l’ancien coach du CSP, Dule Vusojevic est le meilleur en Europe pour les jeunes ?

C’est ce que lui disait ! Il m’a dit une fois que la difficulté qu’il avait au CSP c’est qu’il faisait un métier différent de ce qu’il avait toujours fait. Mais moi j’ai adoré la collaboration avec Dule. On a eu une relation forte et on l’a gardé, on s’écrit régulièrement.

Avec Alfred Julbe, vous avez eu aussi un coach formateur ?

Dule Vujosevic a eu la possibilité de former les tout meilleurs, que ce soit des Français, des Serbes ou autres et il les a amenés au plus haut niveau. Il a fait ça en Euroleague et pendant une décennie. Ce parcours-là n’a aucun équivalent en Europe.

A suivre

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Reprenons votre parcours. Vous êtes issu de Gonesse, père boucher, mère d’origine algérienne, et vous avez grandi dans un milieu de boxeurs ?

Je suis né à Gonesse mais j’ai grandi dans le 14e arrondissement à Paris, côté Porte de Vanves. Mon père, mon frère, mes oncles étaient boxeurs et personne ne faisait du basket. Mon père m’a dit un jour qu’il fallait que je fasse du sport, j’ai regardé dans les clubs sportifs autour, il y avait des clubs de basket, j’ai été voir, ça m’a plu. Et vu que j’étais compétent et que ça me plaisait, j’ai accroché. J’ai acheté tous les magazines de basket que je trouvais. Maxi-Basket, Cinq Majeur, Basket Hebdo, on avait tout ça ! Je me suis pleinement investi dans le basket.

A quel niveau avez-vous joué ?

Au départ, j’étais au Racing à Paris et on a même été une année le PSG omnisports à l’époque de Charles Biétry. Je suis allé en centre de formation, j’ai joué un peu en Pro B et globalement en N1 et N2. J’ai fait une année en Espagne à Malaga.

Vous avez déclaré dans Le Populaire que vous trouviez la vie de joueur ennuyeuse ?

J’ai toujours été quelqu’un qui avait besoin d’une variété de réflexions et d’échanges et durant mes années de joueur, ça manquait de stimuli, le côté épicurien. Je n’étais pas un hyper actif dans le sens pathologique du terme mais il me fallait aller vers des choses différentes. Ça m’a tout de suite entraîné vers le métier d’entraîneur avec le côté enseignant, pédagogue. Le côté management aussi qui est venu après. Je suis devenu fan de La Maison Process com qui est un outil qui aide au management.

C’est comme joueur que vous vous êtes retrouvé à Malaga en Espagne ?

Oui. J’étais à Challans en NM1 et j’avais envie de faire quelque chose d’autre. J’avais un ami qui vivait à Malaga et je suis allé lui rendre visite. On est allé voir les matches de pré-saison d’Unicaja Malaga et j’ai rencontré les gens du centre de formation qui m’ont dit qu’ils étaient à la recherche d’un renfort pour jouer avec l’équipe de EBA et peut-être s’entraîner avec celle de LEB. J’ai dit que ça m’intéressait, on a trouvé un accord et je suis resté une année vivre là-bas. Je jouais donc en EBA qui est l’équivalent de la NM2 et je m’entraînais avec l’équipe de LEB Silver qui est l’équivalent de la NM1. En Espagne, ils sont arrivés à un fonctionnement qui fait qu’aujourd’hui l’équipe B de Barcelone joue dans l’équivalent de notre Pro B. Quand j’étais là-bas, l’idée était pour eux d’avoir une équipe espoirs et un ou deux joueurs un peu plus âgés. J’avais 25 ans et j’ai joué ce rôle de joueur un peu plus âgé. J’ai joué avec des gamins de 19 ans qui sont devenus des joueurs pros. J’ai joué avec Victor Faverani (NDLR : intérieur brésilien qui a notamment porté ensuite les maillots du FC Barcelone et du Maccabi Tel-Aviv) qui a été drafté par les Boston Celtics. On s’entraînait ensemble tous les jours. Ils n’ont pas de championnat espoirs comme nous mais l’idée est de les faire jouer en deuxième ou troisième division.

L’équipe de la Chorale de Roanne en 2000-01 en Pro B. Mehdy Mary porte le numéro 11.
Photo: Avec l’équipe de France U19 en 2019.
« Et puis à force de faire des demandes, j’ai eu accès aux entraînements de Scariolo »

A ce propos, est-ce plus profitable comme en Espagne de faire jouer les jeunes avec des adultes ou dans un championnat espoir spécifique comme en France ?

C’est un vaste débat !

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Photo d’ouverture: Avec Romain Chenaud et Frédéric Crapez à la Coupe du Monde 2019 U19. Mehdy Mary a servi comme assistant-coach de l’équipe de France qui a conquis la médaille de bronze (FIBA).

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