Détendu mais visiblement concentré, Vincent Collet est revenu hier sur l’état actuel de l’équipe de France, au mitan d’un deuxième stage qui va voir la sélection s’opposer au Monténégro (ce soir), au Brésil (demain) et à l’Argentine (samedi soir) avant le départ pour la Chine et un dernier tournoi préparatoire. Confiant, le sélectionneur n’en conserve pas moins son exigence et sa lucidité, pointant le travail qui reste à effectuer avant le début de la coupe du Monde si la France veut atteindre ses objectifs et décrocher une médaille.
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Où en est-on dans la préparation ?
Nous en sommes environ à la moitié. Nous avons prévu une préparation en trois blocs, nous venons d’entamer le deuxième. Pour le premier, la priorité était d’avoir un gros volume de travail pour apprendre notre jeu offensif qui n’est pas simple car il y a pas mal de systèmes, ce qui demande beaucoup de répétitions. En outre, il y avait aussi les principes défensifs à intégrer. On savait que ce premier stage ne serait pas suffisant mais il nous a servi à poser les bases de ces deux secteurs. Quant aux matchs, ils nous ont donné des indications sur ce qui était bien intégré et ce qui l’était beaucoup moins.
Pour ce deuxième bloc, l’objectif est de progresser sur tous les aspects, avec des matchs qui vont être plus durs, face à des équipes plus avancées dans leur préparation. Nous sommes donc dans une phase plus poussée de préparation, avant un troisième bloc et un dernier tournoi qui nous feront entrer dans la compétition.
Nicolas Batum disait que « c’est une nouvelle ère qui démarre ». Est-ce que cette nouvelle ère est compliquée ?
Pour moi, cette nouvelle ère a vraiment démarré avec la retraite de Tony Parker en 2016, puis a continué avec celles de Boris Diaw, Flo Piétrus et Mike Gelabale. Nous avons donc l’obligation de reconstruire mais c’était déjà le cas en 2017. Mais là, il faut que l’on fasse beaucoup mieux. En 2017, nous avons manqué de hiérarchie, de complémentarité dans l’équipe, d’investissement défensif. Aujourd’hui, c’est là-dessus que l’on porte le plus l’accent, la volonté de tous les instants de défendre fort. C’est l’identité de l’équipe de France lorsqu’elle a bien marché, donc nous essayons d’insister sur cet aspect. Ensuite, au niveau offensif, nous devons surtout arriver à un partage cohérent. Nous n’aurons jamais le temps idéal pour travailler tout ce que nous voudrions – il faut bien comprendre que nous n’avons eu que quatre séances avant le tournoi qui commence demain (NDLR : ce soir), donc nous devons hiérarchiser nos priorités de travail. Et c’est surtout la défense qui doit être privilégiée. En attaque, nous nous sommes concentrés sur les mises en place, c’est-à-dire comment on démarre les systèmes, comment on arrive à les dérouler malgré la défense adverse. Et nous considérons que le talent des joueurs, s’ils partagent un peu, devrait nous permettre de compenser ce manque de temps.
Vous pensez changer des choses en attaque ?
Nous avons changé quelques systèmes, mais c’est anecdotique. Ça a bien sûr de l’importance pour les joueurs, mais des systèmes, vous pouvez en faire cinquante différents et avoir malgré tout un jeu assez ressemblant. Dans le basket moderne, il y a au moins 50 % de pick’n’roll, un peu de jeu de démarquage, un peu de jeu de post-up, mais vous retrouvez un peu toujours les mêmes choses quelles que soient les équipes. Ce qui va faire la différence, c’est l’exécution des fondamentaux, comment sont posés les écrans, comment on se démarque, la justesse dans les choix. Comme nous n’avons pas beaucoup de temps, c’est là où la qualité des joueurs doit intervenir, et nous comptons là-dessus. Au-delà de ça, l’important est l’état d’esprit : quand mon partenaire est bien placé, lui donner la balle, faire bouger la balle, c’est fondamental car nous allons jouer contre des blocs défensifs qui ne vont pas changer de philosophie. On sait que contre l’équipe de France, on défend la raquette, on défend serré, on prend des risques sur les tireurs extérieurs. Même si nous elle en a plus qu’à une époque, l’équipe de France n’est pas constituée que de tireurs, donc il ne faut pas se leurrer, il y aura beaucoup d’aides défensives, beaucoup de fermetures dans la raquette. Il faudra être patients et si nous ne bougeons pas la balle, nous aurons des difficultés. D’où aussi notre intransigeance sur la volonté défensive, parce que défendre, ce n’est pas seulement empêcher les adversaires de courir, mais c’est aussi se procurer des ballons pour courir. Et dans notre attaque, l’un des axes sur lesquels nous souhaitons progresser, c’est le jeu de course. Nous considérons que nos grands courent très bien, que ce soit Gobert, Poirier ou les autres, donc ça doit être utilisé. En revanche, ils n’ont pas la même capacité à jouer dos au panier que, par exemple, les intérieurs serbes. Donc, nous devons exploiter nos qualités et cette capacité en est une.
« J’aimerais que sur ce tournoi on fasse un certain nombre de steals »
L’important est donc d’imposer votre défense ?
Oui, parce que la défense est souvent synonyme de paniers faciles. Il y a les interceptions : on parle beaucoup de toucher les ballons, mais c’est encore mieux de les gagner. J’aimerais que sur ce tournoi on fasse un certain nombre de steals, parce que l’on sait que si l’on intercepte, au moins deux fois sur trois ça se termine par un panier facile. Et si l’on fait de vrais stops défensifs, avec des rebonds francs, on peut aussi avoir des rampes de lancement qui donnent des paniers faciles.
Les joueurs estiment que lors de ce deuxième bloc, l’intensité a augmenté. Est-ce aussi votre avis ?
Totalement ! Dès l’entraînement de lundi, c’était vraiment mieux, hier (NDLR : mardi) aussi, les quatre séances ont vraiment été de bonne facture. Maintenant, il faut confirmer dans la compétition. Mais il faut se méfier de cette compétition : on ne sait jamais ce que les adversaires ont fait avant, comme ça a été le cas contre la Turquie, où l’on n’avait pas ralenti la cadence avant le match alors qu’eux se préparaient depuis trois semaines ou un mois. Ce que nous ne pouvons pas faire : la présence de joueurs NBA dans l’effectif nous l’interdit, nous sommes strictement limités à 28 jours de préparation par la NBA, on ne peut absolument pas les dépasser. Toujours est-il que j’aimerais que, d’ici demain soir (NDLR : ce soir), la hausse d’intensité constatée à l’entraînement se voie sur le terrain.
Il faut que nous soyons très exigeants, car ce que nous faisons pour l’instant n’est pas suffisant pour atteindre notre objectif.
Un autre grand objectif de cette préparation, c’est de créer une alchimie de groupe. Est-ce qu’elle se matérialise ?
Par rapport à la dernière campagne, je parle de celle de 2017, il y a clairement du mieux. Mais il faut que l’on voie plus haut, que l’on montre en match notre capacité à jouer ensemble. Pour bien jouer, il faut mettre en place les systèmes, les exécuter, mais il faut aussi de la complicité, se rechercher. Cette complicité, elle vient des informations du staff technique, mais aussi du relationnel des joueurs : ils la bâtissent en discutant, en disant « je veux la balle ici, je vais jouer là »… J’attends beaucoup de ces matchs pour voir comment cela se concrétise. Pas forcément pour réaliser des performances, l’important est le 1er septembre et le premier match de la coupe du Monde. Cela ne veut pas dire qu’on veut perdre les matchs de préparation, bien entendu, mais il faut un peu de tout, victoires et défaites, et se servir de tout ça pour avancer. Par rapport à notre objectif, qui est très élevé (NDLR : la qualification directe pour les Jeux olympiques), il faut que nous soyons très exigeants, car ce que nous faisons pour l’instant n’est pas suffisant pour atteindre cet objectif. Cela ne veut pas dire que nous ne l’atteindrons pas, il reste trois semaines pour avancer, mais si l’on se satisfait de l’état actuel de l’équipe, il est sûr qu’on ne réussira pas à atteindre notre objectif. Chaque jour doit servir à avancer, mais pour avancer, il ne suffit pas de bien s’entraîner, il faut aussi construire ce relationnel. Les joueurs le savent et y travaillent. Les joueurs majeurs ont un véritable investissement, ils vont beaucoup vers leurs coéquipiers, ils construisent ces relations qui sont souvent synonymes de réussite.
La présence de Rudy Gobert change-t-elle la façon de défendre des autres joueurs ?
Pas forcément. Cela change la qualité individuelle sur le poste – et Vincent Poirier est aussi très actif – mais on ne peut pas se contenter de ça. C’est un élément important de la progression défensive de l’équipe mais, par rapport à 2017, s’il n’y avait que cela, ce ne serait pas encore suffisant, même si c’est mieux. Évidemment, si vous mettez cinq forts défenseurs côte à côte, vous avez de meilleures chances d’avoir une bonne défense que si vous mettez cinq gars qui ne défendent pas. Mais l’effort doit être collectif. D’où l’importance de l’état d’esprit, de la volonté de faire des stops. En 2017, très souvent, lorsqu’on prenait un panier, on était très pressés d’aller marquer de l’autre côté, on avait le sentiment qu’on allait marquer plus de paniers que les autres et que même si quelque part on en abandonnait quelques-uns ce n’était pas très grave. Ce que nous voulons construire aujourd’hui, c’est de refuser ça. Certes, nous prendrons des paniers, nous ne sommes pas au foot, mais on ne doit rien donner. Nous avons franchi un cap par rapport à il y a deux ans, mais ce n’est pas suffisant, il faut aller encore plus loin et que ça soit partagé à tous les niveaux.
Les Américains restent les grands favoris.
Qui sont les favoris de la coupe du Monde, pour vous ?
Jusqu’à preuve du contraire, et même avec les absences, les Américains restent les grands favoris. Tant qu’ils n’auront pas été battus, ils restent l’équipe numéro 1, car ils n’ont pas besoin du talent offensif de leurs joueurs : lorsqu’ils gagnent la finale des dernières compétitions qu’ils ont joué (coupe du Monde 2014 et Jeux olympiques 2016), ils écrasent la Serbie, pas par leur attaque mais par leur défense. Les Serbes ne pouvaient pas jouer. Ils sont réputés pour avoir l’un des meilleurs passing game du monde, mais ils n’arrivaient pas à se faire trois passes de suite. C’est dire la valeur défensive des Américains. Même avec des joueurs de moindre renommée, ils seront peut-être capables de faire la même chose. Un coach comme Popovich est capable de préparer une armée qui va empêcher tout le monde de jouer. Nous allons essayer de nous approcher de ce niveau défensif, mais je ne suis pas sûr qu’on en soit capable. Eux vont le faire à coup sûr et restent les numéro 1. Ensuite, les Serbes sont clairement numéro 2 et l’Australie numéro 3. C’est une équipe expérimentée qui joue très bien ensemble et qui est très dure par rapport à nous – je trouve que l’on manque de dureté, que l’on n’a pas beaucoup de joueurs comme ça aujourd’hui. Avant, nous avions des joueurs qui savaient mettre les « bouffes » quand il le fallait, et on sait que ça compte dans les grandes compétitions, mais là, nous n’en avons pas beaucoup pour distribuer les « pains » alors que l’Australie et la Serbie ont ça en magasin.
Et où situez-vous la France ?
Nous sommes en construction. Les joueurs déclarent ce qu’ils veulent mais moi, je pense que c’est de mon devoir de garder du recul. Ce qui importe, c’est ce que l’on va réussir à construire, dans quel état d’esprit on va aborder la compétition. Pour le moment, nous sommes très loin de là où il faut que nous soyons pour avoir des chances. Mais l’important, c’est à partir du 1er septembre.
Avant cela, il va falloir faire une dernière sélection. Quand pensez-vous la faire ?
Nous pensons faire la sélection finale à la fin du tournoi de Villeurbanne. Nous partirons sans doute à 13 joueurs, voire à 14, nous y réfléchissons encore.
Photo : FFBB
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Où en est-on dans la préparation ?
Nous en sommes environ à la moitié. Nous avons prévu une préparation en trois blocs, nous venons d’entamer le deuxième. Pour le premier, la priorité était d’avoir un gros volume de travail pour apprendre notre jeu offrensif qui n’est pas simple car il y a pas mal de systèmes, ce qui demande beaucoup de répétitions. En outre, il y avait aussi les principes défensifs à intégrer. On savait que ce premier stage ne serait pas suffisant mais il nous a servi à poser les bases de ces deux secteurs. Quant aux matchs, ils nous ont donné des indications sur ce qui était bien intégré et ce qui l’était beaucoup moins.
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